c) Un objectif irréaliste, voire inopportun : une liaison à 2 Mégabits par seconde pour tous en 2005

Alors que le nombre des orientations innovantes de moyen terme est faible, un objectif était fixé, dans la première version du projet de schéma avec une précision surprenante : « L'accès à 2 Mégabits par seconde à un coût abordable et équivalent pour tout usager doit être résolument considéré comme le service de base à l'échéance 2005 ».

Cet objectif fait référence à une logique « d'offre » pure, déconnectée des besoins, qui s'expriment en services (vision d'images animées, par exemple) et non en « mégabits par seconde ».

L'avis de différents spécialistes, d'opérateurs et du régulateur, consultés par votre rapporteur, est unanime : cet objectif est techniquement totalement irréaliste , en tous cas tel qu'il semblait envisagé, c'est-à-dire en technologie filaire (de type ADSL) : (il demanderait la pose en quelques mois de 30.000 km de fibres, soit un investissement de 10 à 20 milliards de francs).

Il est également permis de remettre en cause sa pertinence .

Derrière cet objectif, perce la bonne volonté des rédacteurs du projet : il s'agit de boucher les « trous » d'accès aux liaisons à haut débit, qu'on évalue (à grand peine) à environ 30 % de la population en 2003, une fois déployées les technologies ADSL et de boucle locale radio en cours de développement.

Mais n'est-il pas totalement déconnecté des réalités économiques ? En effet, les élus locaux le savent bien, les besoins en haut débit sont très différents suivant qu'il s'agit d'une entreprise, quelle que soit sa taille, ou du grand public. Pour une entreprise, cet accès est une nécessité absolue. C'est une condition de son maintien sur un territoire. Sans haut débit, le risque de délocalisation d'activité est élevé.

En revanche, pour un particulier , la demande, même aux endroits où des technologies à haut débit sont déjà disponibles (câble, ADSL) s'exprime encore peu.

Aujourd'hui, d'après l'ART, seuls 6,8 % des foyers Français sont raccordés à haut débit, alors que plus de 8 millions de Français sont raccordés au câble et que d'après France Télécom un tiers de la population peut avoir accès à l'ADSL (chiffre qui devrait être porté à 57 % fin 2001 et à 70 % en 2003).

L'ART estime à ce sujet que : « le marché ne se développe ni dans l'offre ni dans la demande selon un calendrier prédéterminé par les pouvoirs publics ». Sans sous-estimer les potentialités offertes par des connexions à haut débit, l'honnêteté commande de reconnaître que les particuliers expriment encore peu (à part une population de cadres plutôt urbaine et aisée) leur demande. D'ailleurs, l'enjeu n'est-il pas plutôt la généralisation de l'usage d'Internet, accessible partout via le réseau téléphonique ? La mise en place d'un forfait de connexion illimité , par exemple, auquel il est fort peu fait référence, n'est-il pas un meilleur outil de lutte contre la fracture sociale numérique ?

La Délégation à l'aménagement du territoire s'oppose donc à l'inscription en l'état de cet objectif dans le projet de schéma, souhaitant que si un objectif d'accès au haut débit est fixé :

- il concerne en priorité les entreprises ;

- il s'appuie sur des services et non sur un chiffrage aléatoire de capacité ;

- il soit assorti d'un mode opératoire réaliste en termes de calendrier de déploiement et de répartition des financements.

A cet égard, la « correction » opérée par la deuxième version du texte n'est pas pleinement satisfaisante. Il est désormais indiqué que « l'accès à 2 Mégabits/s à un coût abordable et équivalent, en mettant en oeuvre les technologies les plus appropriées (...) devra constituer une offre disponible pour tout usager à l'échéance de 5 ans ». Tout au plus peut-on estimer que la neutralité technologique est mieux respectée.

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