D. L'OPPRESSION QUOTIDIENNE20 ( * )

1. Les mineurs, premiers responsables du sentiment d'insécurité et d'exaspération de la population

La part des mineurs dans le total des personnes mises en cause représente 21,18 % en 2001. A contrario , cela signifie que les majeurs représentent près de 80 % des personnes mises en cause. Pourtant, c'est la délinquance des mineurs qui monopolise le débat public et provoque à la fois un sentiment d'insécurité et l'exaspération de la population.

L'analyse des caractéristiques de la délinquance des mineurs réalisée précédemment permet d'expliquer ce paradoxe. En effet, la délinquance des mineurs est plus visible que celle des majeurs : les incivilités, les dégradations de biens, les vols violents contre des particuliers sur la voie publique ou encore les bagarres sont le fait principalement des mineurs et ce sont ces types d'actes qui constituent l'essentiel de la délinquance et ont vu leur nombre exploser. Or, chacun de ces actes cache une victime.

Ainsi naît le sentiment d'insécurité. Comme a résumé très justement le père Guy Gilbert : « Nous avons peur de nos jeunes maintenant. C'est un séisme fort, diffus, que tout le monde ressent ».

Lors de son audition par la commission, M. Eric Debarbieux a évoqué les enquêtes de victimation et de climat scolaire qu'il mène régulièrement et qui s'intéressent à la fois aux faits, mais également à leur représentation et au sentiment d'insécurité. Il a constaté que lors des enquêtes de 1995-1996, 7 % des enseignants d'un même type d'établissement pensaient qu'il y avait une forte agressivité de leurs élèves tournées contre eux. En 1998, ils étaient 49 %, soit sept fois plus.

Il convient cependant de distinguer entre le sentiment d'insécurité et les risques réels courus par chaque citoyen. Or, le développement de la délinquance expressive et des violences a modifié le profil des victimes. Lorsque la délinquance était principalement une délinquance d'acquisition, elle se concentrait là où il y avait des richesses. Désormais, le développement des violences et d'une délinquance liée à une sociologie de l'exclusion fait que les premières victimes de la violence sont les « pauvres ».

Dans son ouvrage, Hugues Lagrange 21 ( * ) précise : « si les violences collectives, comme la délinquance des mineurs, ont nettement augmenté au cours des années 1990, c'est moins par une extension du périmètre des zones touchées que par une intensification de la délinquance et des violences collectives dans les zones qui ont été depuis plus de quinze ans singularisées dans les politiques de la ville ».

Comme l'a fait remarquer M. Alain Bauer lors de son audition, il résulte de ce constat que « nier cette violence-là revient à construire une injustice sociale organisée, parce que les riches auront toujours les moyens de se défendre et de se protéger ».

* 20 Rapport LARSEF, sous la direction d'Eric Debarbieux, « L'oppression quotidienne - Recherches sur une délinquance des mineurs », janvier 2002.

* 21 De l'affrontement à l'esquive, Syros, 2001.

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