Questionnaire : Réponse sous forme de note de synthèse de
M. Dominique BUR,
Directeur général des collectivités locales

Une réforme de la fiscalité locale ne peut s'inscrire que dans le prolongement du projet de réforme constitutionnelle et en particulier de son article 6 qui consacre la faculté pour les collectivités territoriales de recevoir le produit des impositions de toute nature et d'en fixer elles-mêmes, dans les limites fixées par la loi, le taux et l'assiette ainsi que sur le 3ème alinéa, qui pose le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales et confère à la péréquation une valeur constitutionnelle.

A cet égard il faut rappeler que les dotations de l'Etat et les critères de répartition permettaient de diminuer de 30 % les écarts de richesse entre collectivités.

La présente note après avoir rappelé la situation actuelle des ressources fiscales affectées aux collectivités locales (I), présentera les perspectives d'évolution en terme d'assiette et d'impôts (II).

I - RESSOURCES FISCALES ET GESTION LOCALE ; UTILISATION DES MARGES DE MANOEUVRE.

Le principe de responsabilité notamment fiscale des exécutifs locaux est au coeur de la réflexion qui est menée actuellement sur la fiscalité locale et au coeur des réflexions sur la réforme constitutionnelle : garantie et libre disposition des ressources, faculté pour les collectivités locales de recevoir le produit d'imposition et d'en fixer, dans les limites définies par le législateur, le taux et l'assiette.

L'effectivité de cette responsabilité n'est avérée que lorsque les recettes fiscales , les autres ressources propres et les dotations d'autres collectivités représentent une part déterminante de l'ensemble des ressources. Elle suppose aussi la compensation des transferts de compétences par l'attribution de ressources pérennes.

L'autonomie financière est donc une composante importante de la gestion locale et de la responsabilité des élus locaux devant le citoyen.

I - A - La part des recettes fiscales au sein des budgets locaux est cependant très variable selon les collectivités territoriales.

Les taux d'autonomie fiscale n'ont cessé de diminuer depuis 1999, en particulier sous l'effet d'une série d'allègements fiscaux qui transforment la fiscalité locale en dotations sur lesquelles les élus n'ont plus aucune marge de manoeuvre (suppression de la part salaires des bases de taxes professionnelles, réforme de la fiscalité applicable aux droits de mutations , suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, suppression de la vignette automobile). Pour autant, la situation des collectivités locales, même marquée par cette tendance reste contrastée. Si les départements, voire même les communes, tirent la moitié de leurs recettes hors emprunts de la fiscalité hors compensation, le niveau atteint par les régions n'est que légèrement supérieur au tiers.

La recherche d'autonomie financière pour les collectivités territoriales nécessite de réfléchir sur une réforme de la fiscalité locale plaçant les élus locaux au coeur du dispositif et de dégager de réelles marges de manoeuvre afin qu'ils puissent mener à bien les missions qui leurs sont dévolues au moyen d'une politique fiscale adaptée.

Pour autant, il est difficile de faire le lien entre les services rendus et le niveau de la pression fiscale qui doit, pour avoir une réelle signification être rapproché des bases d'imposition.

Cette condition est le préalable pour qu'une réforme soit acceptée et a fortiori mise en oeuvre par les collectivités locales. Néanmoins, les effets d'une réforme fiscale doivent être étudiés avec précision pour éviter les transferts de charges trop brutaux entre contribuables et de recettes entre collectivités.

Il ne peut être en conséquence demandé au gouvernement de faire en 6 mois une réforme différée depuis 20 ans.

Pour réussir, cette réforme doit être concertée avec les élus locaux et doit s'inscrire dans la perspective de ne pas accroître les prélèvements obligatoires.

Il convient en effet de rappeler qu'en l'état actuel, une réforme de l'assiette des impôts directs locaux peut avoir des incidences notables sur le budget de l'Etat dans le cadre notamment du dégrèvement consécutif au plafonnement des cotisations de taxe d'habitation en fonction du revenu.

Une augmentation des valeurs locatives et par voie de conséquence des cotisations de taxe d'habitation pourrait conduire à ce que l'Etat prenne en charge une part plus importante de cette cotisation au travers de ce mécanisme.

Pour ce qui concerne le vote des taux, le projet de loi de finances pour 2003 comporte une mesure de nature à accroître les marges de manoeuvre des collectivités locales en la matière puisqu'elle permet de faire varier le taux de taxe professionnelle dans une proportion plus importante que la seule variation du taux de taxe d'habitation ou du taux moyen pondéré des impôts ménages.

Pour autant, cette mesure, si elle constitue une première étape, ne consacre pas totalement le principe de responsabilité fiscale des élus.

Taux d'autonomie fiscale* des collectivités territoriales

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

 
 
 
 
 
 
 

Communes

49,3%

49,9%

48,5%

46,1%

42,5%

nd

 
 
 
 
 
 
 

Départements

58,0%

59,6%

56,5%

55,9%

52,3%

51,3%(1)

 
 
 
 
 
 
 

Régions

57,8%

57,6%

48,7%

50,2%

41,7%

37,3%(1)

 
 
 
 
 
 
 

Collectivités territoriales

52,8%

53,7%

51,0%

49,5%

45,4%

nd

nd : non disponible

(1) : estimation à partir des budgets primitifs

* : Le "taux d'autonomie fiscale est calculé comme la part des recettes fiscales

(hors compensations) dans les recettes totales hors emprunts.

I - A - 1 -Une part néanmoins substantielle au sein des budgets locaux

En France, la fiscalité locale représente la moitié environ des budgets locaux, contre moins de 30 % en moyenne dans les Etats européens. Les marges de manoeuvre fiscales apparaissent de ce point de vue singulièrement plus élevées en France que dans la moyenne des autres Etats de l'Union, marqués par une part plus élevée des ressources fiscales provenant d'impôts d'Etat.

Cette situation est quasi-unique en Europe. Le poids de la fiscalité dans l'ensemble des ressources (hors emprunt) des collectivités locales françaises figure parmi les plus élevés (autour de 50 % actuellement), la Suède présentant un taux de 60 % et, à l'autre extrême, les Pays-Bas un taux de 12 %.

Toutefois, le critère du poids de la fiscalité dans l'ensemble des ressources des collectivités locales doit être nuancé :

- toute la fiscalité n'est pas nécessairement locale. Plusieurs pays européens (certains pays fédéraux en particulier) se distinguent par la répartition d'une fraction d'impôts nationaux aux différents niveaux de collectivités, la fiscalité propre ne constituant qu'une faible part des recettes fiscales des collectivités. Tel est le cas de l'Allemagne, de l'Autriche et du Portugal. Plusieurs états de l'Union Européenne transfèrent aux collectivités locales une partie, parfois substantielle , du produit d'impôts d'Etat (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Espagne, Belgique notamment). Ainsi, aux Pays -Bas, entre 85 et 90% des ressources des collectivités locales proviennent de ces reversements. En Belgique, les impôts dont le produit est totalement ou partiellement transféré par l'Etat aux communautés linguistiques et aux régions constituent la source principale de leurs ressources.

- l'origine fiscale des ressources des collectivités n'est pas nécessairement synonyme d'autonomie fiscale dès lors que les collectivités n'en décident pas l'évolution. Si l'Allemagne accorde à ses collectivités régionales et locales une certaine liberté, celle-ci s'applique sur une faible part de leurs recettes fiscales (17 % environ). En Allemagne, l'attribution aux länder d'une part importante (environ 50%) des grands impôts nationaux n'a pas conduit à leur attribuer un pouvoir décisionnel sur le taux de ces impôts. De même , les Lander ne peuvent agir sur les taux de la plupart des impôts régionaux. Ils conservent toutefois le pouvoir de fixer les taux maximum de la taxe professionnelle (impôt communal). Par ailleurs, au Royaume uni, le Parlement national vote les taux régionaux de l'impôt foncier dû par les entreprises tandis que le vote des taux du même impôt dû par les ménages demeure de la compétence des collectivités locales.

Les réformes les plus récentes intervenues chez nos partenaires montrent que la modernisation des impôts locaux s'accompagne souvent d'une stricte limitation du pouvoir d'en fixer le taux. Tel a été le cas en Italie lors de l'introduction de l'impôt régional sur les activités productives (qui correspond à une taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée) et l'impôt local sur le revenu. Tel a été également le cas au Danemark et au Royaume-Uni (Uniform business tax) lors de la rénovation de l'impôt foncier local dont le taux est fixé dans les deux cas par le Parlement.


I - A- 2 -Recettes fiscales et autonomie des collectivités locales dans l'Union Européenne

La part de recettes fiscales locales dans le total des recettes locales ne reflète que partiellement le degré d'autonomie conférée aux collectivités locales en raison de l'existence de nombreux mécanismes d'encadrement des compétences fiscales des collectivités locales.

Les dépenses locales en France sont relativement faibles en comparaison européenne.

En France, les dépenses locales ont représenté en 2000 une moyenne de 1 905 € par an et par habitant, soit un poids des dépenses locales dans le PIB de 9,2 %. Ce poids est sensiblement plus faible que la moyenne des pays de l'Union européenne (13,9 % du PIB, soit 2 607 € par habitant). On peut distinguer à cet égard trois groupes de pays : les pays où les dépenses locales sont très importantes (Danemark, Suède, Finlande et Pays-Bas), les pays où les dépenses locales sont dans la moyenne européenne (Luxembourg, Autriche, Allemagne) et les pays où les dépenses locales sont très faibles (Grèce, Portugal, Irlande).

La marge de manoeuvre fiscale locale est en revanche assez forte en France

La marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales porte sur environ la moitié des recettes en France contre 28,7 % en moyenne dans les pays de l'Union Européenne.

Cette marge de manoeuvre plus importante s'explique en France :

- par la part plus importante des recettes fiscales locales en France que dans les pays de l'Union Européenne. Les recettes fiscales fournissent près de la moitié des recettes locales contre un tiers des recettes locales en moyenne dans les pays de l'Union Européenne. La France fait ainsi partie des rares pays dans lesquels les recettes fiscales sont supérieures aux dotations de transferts (Autriche, Danemark, Finlande, Suède).

- par la part plus faible des ressources de transfert provenant de parts d'impôts d'Etat. Ce type de ressources représente en moyenne 41% des recettes totales des collectivités locales dans l'Union Européenne 17( * ) (environ 30% en France). Or ces recettes, lorsqu'elles ont un caractère fiscal, n'entraînent pas automatiquement une autonomie fiscale accrue pour les collectivités locales, les gouvernements centraux conservant souvent la maîtrise de la définition des parts transférées aux collectivités locales. De plus, les impôts locaux sont souvent harmonisés entre les différentes collectivités afin d'éviter une concurrence fiscale excessive, que ce soit par plafonnement des taux ou par la mise en place d'une fourchette de taux impérative.

L'encadrement des recettes fiscales des collectivités locales s'avère parfois très rigoureux. Ainsi, le Royaume-Uni a mis en place un système de contrôle préalable des taux d'imposition des collectivités locales (Rate Capping).

I - B - Utilisation actuelle des marges de manoeuvre

1 - B - 1 - En 2002, le produit des quatre taxes directes locales est passé de 48,6 à 49,3 milliards d'euros, soit une augmentation de + 1,4 % par rapport à 2001.


Cette progression de l'ensemble des ressources des collectivités est d'autant plus remarquable que le produit perçu de taxe professionnelle continue de baisser (- 2,9 % en 2002 contre - 2,0 % en 2001) du fait de la poursuite de la réforme de la part salaire pour la quatrième année consécutive.

Les régions et les communes voient leur produit total diminuer tandis que celui des départements et des groupements augmente fortement. En effet, le produit des régions est d'autant plus affecté par l'impact de la réforme que près des deux tiers de celui-ci proviennent exclusivement de la taxe professionnelle.

Plus largement, l'assouplissement des règles de lien entre les taux des impôts directs locaux prévu dans le projet de loi de finances pour 2003 constitue de ce point de vue un des éléments de nature à renforcer le pouvoir des exécutifs locaux et d'accroître la responsabilité fiscale des collectivités locales.

Les règles de lien actuelles entre les taux visent à répartir la pression fiscale de manière équilibrée entre les particuliers et les entreprises, en évitant en particulier une augmentation trop importante des taux de taxe professionnelle.

Ces dispositions ont permis jusqu'à présent une évolution maîtrisée des taux, mais leur mise en oeuvre complexe conduit la grande majorité des élus locaux à opter pour une variation uniforme des taux d'une année sur l'autre.

Si la suppression des règles de liens ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2003, le dispositif prévu permet d'ores et déjà aux collectivités territoriales et aux EPCI d'augmenter le taux de taxe professionnelle dans la limite d'une fois et demie l'augmentation du taux de taxe d'habitation.

I - B- 2 -Les produits votes des quatre taxes directes locales en 2002

Le tableau d'ensemble de la fiscalité locale en 2002 permet de resituer les masses en jeux et leur répartition entre les différents niveaux de collectivités.

Les « produits fiscaux » sont les produits votés sur les contribuables dans le cadre de leur budget. Les évolutions des « produits + compensations » de taxe professionnelle (« évolutions à législation constante ») représentent les évolutions des produits effectivement perçus par les collectivités « à champ de recettes constant » (1) . Les produits sont exprimés en millions d'euros, les taux en pourcentage.


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