INTRODUCTION

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, désormais communément appelée « LOLF », est, à plusieurs titres, un texte fondamental.

En premier lieu, c'est un texte d'initiative parlementaire qui a réformé l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, l'un des symboles du « parlementarisme rationalisé » et en matière budgétaire, la principale bride du Parlement. Cette loi organique a été votée après trente-six tentatives de réforme, et, qui plus est, à la quasi-unanimité dans les deux Assemblées. Les travaux préparatoires de la LOLF ont par ailleurs été marqués par une concertation permanente entre, notamment, les commissions des deux Assemblées chargées des finances et les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Le gouvernement avait souhaité que ses points de vue soient pris en compte sans être jamais conduit à amender le texte, conservant ainsi un caractère « purement parlementaire » à l'initiative de la réforme.

Le contraste flagrant entre les modalités d'adoption de la LOLF et celles de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 souligne un changement d'époque, puisque cette dernière n'avait fait, compte tenu du contexte de la mise en place de nouvelles institutions, l'objet d'aucune consultation des Assemblées ou du Conseil constitutionnel.

L'adoption de la LOLF témoigne donc d'une volonté partagée entre l'exécutif et le législatif à la fois de revaloriser le rôle du Parlement, de rendre plus transparentes les finances publiques et de doter la France des outils nécessaires à sa réforme.

Le Parlement s'est fortement impliqué dans la conception et la rédaction de la LOLF. Certes, sa mise en oeuvre relève pour l'essentiel de l'exécutif, mais le Parlement ne saurait considérer que l'essentiel de son apport appartient au passé : la LOLF fournit au Parlement des outils pour enrichir son information et mieux exercer sa mission de contrôle . Il doit désormais s'approprier ces outils, s'assurer que la mise en oeuvre de la LOLF ne dénature pas son intention initiale, et jouer le rôle d'« aiguillon » de la réforme de l'Etat qui lui revient dans le nouveau cadre budgétaire.

Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin de la mise en oeuvre de la réforme, dont l'entrée en vigueur complète et définitive interviendra au 1 er janvier 2006 . Le chemin qui reste à parcourir est important, et essentiel : après avoir élaboré les concepts et les outils qui permettront de concilier le respect de la loi organique et les problématiques complexes liées à l'organisation de l'Etat, arrive maintenant le temps des choix politiques . Le choix des programmes et des missions, qui devrait être présenté et validé d'ici à la fin de l'année au niveau interministériel, constituera à cet égard l'aboutissement de réflexions engagées depuis de nombreux mois sur le périmètre, l'organisation de les priorités de l'action des ministères. Le Parlement, qui sera naturellement associé à la définition de la nomenclature budgétaire, devra être présent à ce rendez-vous essentiel, et faire part de son jugement sur la pertinence des choix opérés ainsi que de ses attentes.

La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances doit permettre de « mettre de la lumière dans toutes les pièces de la maison Etat », mais cela n'a de sens que si une volonté partagée existe d'y « faire le ménage ». Elle appelle à une véritable « révolution culturelle », tant au sein de l'administration que du Parlement lui-même . Cette révolution culturelle est rendue d'autant plus indispensable que la réforme de l'Etat, thématique largement invoquée depuis de nombreuses années, apparaît aujourd'hui, compte tenu de la dégradation de la situation des finances de publique, comme une impérieuse nécessité.

Pour les parlementaires, la réforme implique de rompre avec la tentation de considérer de manière systématique « Bercy » comme la source de tous les maux, en étant portés à défendre le point de vue des ministères qu'ils ont la charge de contrôler. Pour l'administration, cette « révolution culturelle » implique de rompre avec une culture du secret 3( * ) et parfois, de défiance vis-à-vis du Parlement, et de responsabiliser les acteurs qui bénéficieront d'une autonomie de gestion nouvelle. Cette révolution culturelle rend nécessaire une sensibilisation approfondie des futurs acteurs de la réforme. Elle ne saurait toutefois s'enraciner sans une ambition politique forte et exemplaire, également partagée par l'ensemble du gouvernement . A cet égard, votre commission relève le constat effectué par la Cour des comptes, qu'elle a également pu faire à l'occasion de certaines de ses auditions : « Dans de nombreux ministères, la mise en oeuvre de la réforme a souffert en 2002 d'un cadrage politique insuffisant. Dans la moitié des ministères étudiés cette année par la Cour, les équipes en charge de la LOLF ne disposent pas d'une lettre de mission ou d'un document d'orientation émanant du ministre. (...) Malgré l'unanimité qui s'était exprimée au Parlement lors de l'adoption de la LOLF, une période d'adaptation a été observée en 2002 avant de relancer la réforme. La nouvelle impulsion politique et le nouveau dispositif de pilotage mis en place à partir de décembre 2002 doivent à présent permettre de rattraper le temps perdu sur les différents chantiers ouverts » 4( * ) .

Le président de la République, M. Jacques Chirac, écrivait dans son livre « La France pour tous » : « Le changement est d'abord un état d'esprit ». C'est cet état d'esprit nouveau qu'appelle la mise en oeuvre de la LOLF et qui doit être animé par une volonté politique ferme et durable.

A la condition d'être assumée par une volonté politique sans faille, au delà des clivages partisans, la LOLF deviendra ainsi le levier des réformes structurelles, l'instrument gouvernemental des prises de décisions, la clef du renforcement du rôle du Parlement. L'enjeu fondamental est bien de mettre un terme à l'opacité des sphères publiques. Le temps est enfin venu de passer de l'ombre à la lumière.

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