C. LES CONSÉQUENCES SUR D'AUTRES SECTEURS ÉCONOMIQUES

L'absence de bilan des conséquences de la canicule sur les secteurs économiques autres que l'agriculture et l'énergie tient sans doute au fait que leur vulnérabilité à des variations climatiques exceptionnelles était moindre, mais aussi que leur activité durant la première quinzaine d'août était largement réduite.

Un certain nombre de contraintes inhabituelles, voire d'incidents, ont toutefois été relevés, confirmant l'inadaptation générale de notre modèle économique à des situations climatiques autres que celles d'un pays tempéré.

1. Le secteur industriel

D'une façon générale, la vague de chaleur a pris de court nombre d'entreprises industrielles, rendant nécessaires des aménagements qui ont pu freiner la production. Les hommes et les machines ont été éprouvés par les températures exceptionnellement élevées, notamment dans les sites, encore majoritaires dans le secteur secondaire, ne bénéficiant pas de moyens de rafraîchissement ou de climatisation.

L'industrie lourde, pourtant familière de conditions de travail pénibles dans des espaces surchauffés, a enregistré une baisse de rendement des moteurs, voire des pannes dues à l'impossibilité de les refroidir, les climatiseurs industriels n'ayant pas résisté au-delà d'un certain seuil de température.

Les usines fortement équipées en matériel électronique et informatique ont été confrontées à des pannes de circuits, très sensibles aux variations de température, ayant désorganisé et freiné la production.

La dégradation des conditions de travail dans certains secteurs particulièrement exposés, comme les bâtiments et les travaux publics, a contraint les entreprises à des aménagements. Les services déconcentrés du ministère du travail ont indiqué avoir été fréquemment sollicités par des employeurs soucieux de connaître la législation en ce domaine. Chez Bouygues, les horaires ont été aménagés et les pauses répétées.

La construction automobile a également été touchée par la canicule. Peugeot a ainsi accordé à chacun de ses salariés une pause supplémentaire de dix minutes par jour lorsque la température dépassait le seuil de 33 degrés, ce qui a représenté une perte de production de dix voitures par jour.

2. Les transports : la régularité de la SNCF affectée

Aucune information n'a été communiquée à la mission concernant le transport routier, aérien ou maritime.

En revanche, le transport ferroviaire a significativement pâti de l'épisode de canicule. Outre la gêne causée aux voyageurs dans des compartiments surchauffés dont les fenêtres ne peuvent pas systématiquement être ouvertes, les rails des voies de chemin de fer se sont dilatés au-dessus d'une certaine température, provoquant de fréquents et importants retards.

La SNCF a ainsi enregistré une perte de régularité d'environ dix points sur les réseaux des grandes lignes au cours de la première quinzaine d'août, le pourcentage de trains arrivant à l'heure étant tombé à 77 %, contre 85 et 87 % pour les mêmes périodes d'août 2001 et 2002. Selon l'entreprise, il pourrait lui en coûter de 1 à 3 millions d'euros de plus en dédommagements sur les 15 millions que lui coûte chaque année l'engagement « horaire garanti » en période normale.

3. Le commerce et la distribution

L'épisode de canicule a bien évidemment bénéficié aux activités de commerce dont la variation du chiffre d'affaires est liée positivement au niveau des températures.

Tel est le cas en tout premier lieu de la climatisation, dont les appareils, mobiles comme fixes, ont été particulièrement recherchés par les entreprises, qui ont accéléré des programmes d'équipement dont l'échéance n'était pas prioritaire : Climsure, la fédération des installateurs de climatisation, a ainsi vu ses appels augmenter de plus de 50 % durant l'été.

Les particuliers ont également pris d'assaut les magasins commercialisant ce type d'appareils, à tel point qu'une pénurie a été constatée dès le début du mois d'août. Les professionnels du secteur voient d'ailleurs dans cette clientèle leur principal potentiel de croissance : moins de 5 % des Français sont en effet équipés actuellement, contre 65 % des Américains et 85 % des Japonais.

D'une façon plus générale, tous les appareils et accessoires susceptibles de rafraîchir le corps ou de protéger du soleil ont été littéralement pris d'assaut, au point de connaître pour certains des ruptures de stock.

Les Français ont également consommé en très grandes quantités des eaux minérales, jus de fruit, boissons gazeuses et glaces. Pour le seul mois de juillet, les ventes d'eau en bouteille ont augmenté de 18 % par rapport à la même période de l'année précédente, celles de jus de fruit et de sodas de 13 % et celles de glaces de 14 %. Le chiffre d'affaires « boissons » de Danone a logiquement explosé, gagnant 15,3 % au cours du troisième trimestre 2003.

En revanche, le secteur du textile-habillement a enregistré un fort recul de son activité dont la canicule serait largement responsable. Ainsi, et malgré l'équipement fréquent des magasins en climatisation, les ventes du mois d'août ont été en recul de 8,9 % par rapport à la même période de l'année précédente. La sortie des collections automne-hiver durant le mois d'août n'a évidemment pas contribué à inverser la tendance.

Enfin, les grossistes et la grande distribution ont vu leurs produits alimentaires touchés par de fréquentes ruptures de la chaîne du froid. En effet, les groupes de production du froid, armoires frigorifiques et chambres froides n'ont souvent pas résisté aux fortes chaleurs : les infractions en ce domaine ont atteint au mois d'août 29,2 % dans les hypermarchés, 20,7 % dans les supermarchés et 27,7 % dans les marchés alimentaires.

4. L'hébergement et la restauration

Concernant l'hébergement, ont particulièrement profité des conditions climatiques l'hôtellerie de plein air et les locations meublées vendues à la semaine, notamment sur le littoral maritime au nord de la Loire, pour des raisons climatiques et météorologiques évidentes.

La forte demande en climatisation a conduit les professionnels de l'hébergement, mais aussi de la restauration, à s'interroger sur la nécessité de considérer désormais celle-ci comme un nouveau standard en matière d'équipement.

Les restaurants ont vu leur activité réduite, la clientèle recherchant une nourriture plus légère. En revanche, l'activité des vendeurs ambulants de produits de consommation rapide et de boissons fraîches a augmenté. Comme pour la grande distribution, la restauration a fréquemment connu des ruptures de la chaîne du froid dans l'approvisionnement en denrées alimentaires. Selon les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des infractions ont été relevées dans 17,3 % des contrôles effectués dans les restaurants.

5. Le tourisme

S'il n'est pas aisé de dresser un bilan des effets de la canicule sur le secteur touristique, du fait que d'autres facteurs ont pu jouer un rôle important (incendies dans le sud, inondations, parité euro/dollar, guerre en Irak, épidémie de SRAS en Asie ...), certaines tendances ont toutefois été relevées par le secrétariat d'Etat chargé du tourisme 21 ( * ) , concernant les comportements tant des Français que des étrangers.

a) Un impact sur les modes de réservation, les destinations et les services

La soudaineté de la canicule a amplifié le caractère de plus en plus imprévisible des comportements des clientèles françaises et étrangères : les réservations et ventes « de dernière minute » se sont multipliées, ce qui n'a toutefois pas posé de problème particulier, les institutionnels du tourisme (offices de tourisme et syndicats d'initiative) sachant gérer des surfréquentations imprévues, en réorientant les touristes vers les hébergements les plus proches offrant des disponibilités.

Les choix de destinations se sont naturellement concentrés sur les lieux de fraîcheur tels que le littoral maritime, les espaces lacustres, les espaces ruraux équipés de lieux de baignade ou encore la montagne. S'agissant de la répartition géographique :

- la Normandie, bénéficiant de sa réputation de fraîcheur, a accueilli lors de nombreux courts séjours une clientèle de passage, avec une forte présence de clients en provenance du sud et des régions limitrophes ;

- la Picardie a connu l'afflux d'une clientèle française et étrangère ayant réservé tardivement et habituellement peu représentée dans cette région ;

- la Lorraine et le massif vosgien ont connu une fréquentation exceptionnelle de l'hôtellerie de plein air, des gîtes et les stations thermales ;

- Midi-Pyrénées a vu ses vacanciers attirés par la fraîcheur de la montagne, des bases de loisirs, des espaces nautiques, des grottes et des gouffres, au détriment des visites de sites ;

- en Rhône-Alpes et PACA, les zones montagneuses ont connu un regain d'intérêt, tandis que les zones méridionales étaient délaissées ;

- à Paris, la canicule n'a pas eu d'effet sur les réservations touristiques, mais sur les lieux de visites (ceux climatisés ayant été largement privilégiés) et les déplacements internes (qui ont été réduits).

S'agissant des services, l'impact de la canicule a été largement positif pour les loueurs de bateaux, les visites de grottes, les centres de thalassothérapie et les stations thermales situées en moyenne montagne, mais ils ont été négatifs pour les lieux de visites en plein air, a fortiori situés dans des espaces urbains. Doit être ici soulignée la pénibilité du travail des personnels du tourisme, tout spécialement dans les parcs à thèmes ou les lieux de restauration.

b) Des leçons à tirer d'ici la prochaine saison touristique

Si aucun problème sanitaire ou de santé grave ayant affecté des touristes n'a été enregistré, il serait sans doute utile de reproduire sur tout le territoire le dispositif mis en place par la préfecture de police de Paris dans chacun des sites accueillant de nombreux touristes, constitué d'équipes de secours comportant chacune un véhicule climatisé et médicalisé, ainsi que des personnels pouvant intervenir aussi bien pour de petits malaises que pour des crises cardiaques.

Il serait également utile de diffuser aux offices de tourisme, aux syndicats d'initiative et aux professionnels du secteur, de façon anticipée, une information sur les « bonnes pratiques » à mettre en oeuvre à l'avenir dans des situations similaires, passant notamment par des conseils à l'adresse des enfants en bas âge et des personnes les plus âgées.

* 21 Le secrétaire d'Etat chargé du tourisme, M. Léon Bertrand, a fait parvenir à la mission un document établissant un tel bilan et dont sont tirés les développements ci-après.

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