C. UN PHÉNOMÈNE CANICULAIRE QUI N'A PAS EPARGNÉ LES AUTRES PAYS

La France n'a pas été le seul pays touché en Europe par la vague de chaleur caniculaire d'août 2003. Notre pays s'est néanmoins singularisé par le niveau exceptionnel atteint par les températures, notamment la nuit, qui était largement supérieur à celui constaté chez nos voisins. Lors de son déplacement à Bruxelles, la mission a eu de nombreux entretiens avec des interlocuteurs belges qui ont confirmé cette singularité.

De même, l'InVS constate dans son rapport précité que si les températures maximales dans les pays voisins avoisinaient les températures françaises, les températures minimales en revanche, étaient plus faibles, comme par exemple à Madrid où les 11 et 12 août, ces dernières étaient inférieures de 6 degrés à celles de Paris.

L'autre particularité de la situation française réside dans le fait que, par son climat tempéré, notre pays avait le sentiment d'être épargné par ce type d'aléa climatique. Ce sentiment de sécurité, et l'absence de sensibilisation qui en découle, étaient au demeurant trompeurs, dans la mesure où les travaux de MM. Hémon et Jougla ont mis rétrospectivement en évidence une surmortalité de 6 000 personnes attribuable à la « sécheresse » de l'été 1976. L'expérience des phénomènes caniculaires était par ailleurs plus importante à l'étranger.

1. Les précédents sanitaires à l'étranger

L'expérience, sur le plan sanitaire, des deux vagues de chaleur de 1976, dans la plus grande partie du pays, et de 1983, à Marseille, était restée totalement ou largement ignorée en France, à l'exception des travaux des professeurs San-Marco et Besancenot.

De tels phénomènes climatiques, comme en témoigne le tableau présenté ci-après, s'étaient toutefois produits dans de nombreux pays où ils étaient beaucoup mieux appréhendés. Le Professeur Jean-Pierre Besancenot a ainsi recensé, dans les pays occidentaux, une soixantaine de crises caniculaires au cours des trente dernières années. En Grèce, en Espagne, aux Etats-Unis, en Belgique et en Allemagne, une élévation brutale de la température suivie, de façon extrêmement rapprochée dans le temps, par une élévation brutale de la mortalité, principalement chez les plus âgés, avait déjà été constatée.

EXEMPLES DE VAGUES DE CHALEUR EN EUROPE ET AUX ETATS-UNIS

L'analyse des diverses situations montre qu'à conditions météorologiques identiques, les chiffres de mortalité sont différents.

Lors de son audition, le Professeur Jean-Pierre Besancenot a souligné la diversité de ces situations de crise en formulant les observations suivantes : « A Bruxelles, il a été montré que l'ozone avait contribué de façon non négligeable (mais sans être réellement quantifiée) à la surmortalité pendant l'été 1994. La deuxième étude beaucoup plus approfondie vient de Londres dans le cadre des années 1995 et 1999. La contribution de la pollution atmosphérique à la surmortalité avait été évaluée à environ 7 %. Il s'agissait d'études précises sur l'agglomération londonienne. Il faut faire attention à ne pas les transposer à d'autres grandes villes. Les taux d'ozone à Londres en particulier restent nettement inférieurs à ceux de l'agglomération parisienne ou de villes méridionales. »

Outre le cas aujourd'hui connu de la ville de Chicago, il a exposé l'expérience de la ville d'Athènes, en soulignant que, comme la grande métropole américaine, la capitale grecque a su faire face en 1988 à une vague de chaleur caniculaire. Mais ce succès de la riposte sanitaire n'a été possible qu'après le douloureux apprentissage de l'année précédente : « Le cas d'Athènes n'est pas non plus transposable au cas français, sachant qu'Athènes est la deuxième ville la plus polluée au monde après Mexico. En 1987, une période caniculaire a fait un peu plus de 2 000 décès surnuméraires. L'année suivante a connu une nouvelle vague de chaleur de même intensité avec quelques dixièmes de degrés supplémentaires. Mais, cette fois-ci, les enseignements de 1987 ont été tirés et des dispositions avaient été prises pour réduire la pollution atmosphérique. Il était prévu d'interdire la circulation automobile, à l'exception des services d'urgence, et de réduire fortement l'activité industrielle. Ainsi, Athènes avait eu un ciel bleu comme jamais. Au final, il y a eu une vingtaine de décès surnuméraires au lieu de 2 000 l'année précédente. D'autres dispositions avaient été prises comme la mobilisation 24 heures sur 24 des services de protection civile et la diffusion des messages dans les médias invitant notamment les personnes âgées et fragiles à se rendre dans les bâtiments publics climatisés et ouverts 24 heures sur 24. Dans ces conditions, il est difficile de dire quelle a été la mesure la plus efficace et le poids de la diminution de la pollution atmosphérique. »

En août 2003, comme Athènes en 1987 et Chicago en 1991, la France a donc été prise au dépourvu par une crise sanitaire d'un nouveau type, dont les enseignements doivent être tirés pour éviter qu'un tel bilan tragique ne se renouvelle.

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