II. PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME DES RETRAITES

La délégation a, dès le début de l'année 2003, procédé à des auditions utiles à l'approfondissement de sa réflexion sur l'égalité des chances en matière de retraites 1 ( * ) . Elle a été saisie le 18 juin 2003 par la commission des Affaires sociales du projet de loi n° 885 (2002-2003) portant réforme des retraites, et examiné ce texte le 3 juillet 2003.

En raison d'un partage des voix, le rapport d'information et les recommandations du rapporteur, M. Marcel-Pierre Cléach, retranscrites au bulletin des commissions n° 34 du 5 juillet 2003, pages 5439 à 5459, n'ont pas été adoptés.

III. PROJET DE LOI SUR LE DIVORCE

La délégation, qui avait été saisie le 15 octobre 2003 par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale du projet de loi n° 389 (2002-2003) relatif au divorce, a examiné ce texte le 18 novembre 2003.

Sur le rapport de Mme Janine Rozier (117, 2003-2004), elle a adopté les recommandations suivantes :

1. La délégation constate à travers la diversité des droits en vigueur, notamment dans les Etats européens, un phénomène général de montée du nombre de divorces depuis les années 1960. Elle observe cependant, en France, depuis les années 1990, un plafonnement (à environ 120 000 par an) et même une légère diminution de ce nombre qui s'accompagne d'une reprise de l'augmentation des mariages, alors même que se sont élargies les possibilités de vie en couple sous d'autres formes. Elle en déduit que le mariage est, plus que jamais, pour nos concitoyens, et comme en témoigne l'augmentation de l'âge du premier mariage, un choix réfléchi qui justifie l'aménagement de procédures de divorce à la fois plus libres et plus responsables.

2. Elle souhaite cependant que le législateur puisse se prononcer, sur des données de droit ou de procédure civile, en gardant à l'esprit les facteurs fondamentaux qui déterminent les ressources des conjoints, avec notamment des inégalités de revenus entre hommes et femmes qui restent de l'ordre de 25 % aujourd'hui pour les salaires et de plus de 40 % pour les retraites.

3. La délégation attire également l'attention sur l'existence d'une situation asymétrique qui appelle des mesures de rééquilibrage juridiques et sociales : l'initiative principalement féminine des demandes de divorce montre que les femmes ont à subir plus que les hommes, au quotidien, les dysfonctionnements du mariage et à assumer dans plus de 90 % des cas la garde des enfants après les séparations.

4. La délégation approuve le principe de la réforme qui vise à apaiser le divorce et à assurer un équilibre entre les époux en les incitant à concentrer davantage leur attention sur les conséquences prévisibles de leur séparation plutôt que sur ses causes, leur préoccupation majeure devant rester l'avenir de leurs enfants.

5. Consciente de la diversité des attentes des couples, la délégation approuve les mesures de simplification du divorce par consentement mutuel. Elle forme le voeu que cette simplification permette aux magistrats de consacrer plus de temps à la détection d'éventuelles violences ou pressions conjugales et de conseiller utilement les époux dans la préparation et la gestion de l'après divorce.

6. Elle attire l'attention sur la fragilité de la situation d'un certain nombre de femmes qui, pour élever leurs enfants et se consacrer exclusivement à leur famille, ont abandonné leur emploi ou n'ont jamais exercé d'activité professionnelle. Elle estime à ce titre que la simplification et l'accélération des procédures de divorce appellent, en contrepartie, un examen particulièrement attentif des garanties de ressources accordées notamment à des femmes qui ne pourront prétendre à aucune pension de retraite.

7. Elle constate la suppression, dans le projet de loi, de la clause d'exceptionnelle dureté. Justifiable du point de vue pratique, cette suppression marque, en même temps, la disparition de tout lien entre le code civil et l'indissolubilité du mariage dont la symbolique continue néanmoins d'imprégner fortement un certain nombre d'unions.

8. Elle approuve pleinement le dispositif permettant à l'époux victime de violences de saisir le juge, avant même toute requête en divorce, pour organiser la résidence séparée du couple en bénéficiant d'une priorité à son maintien dans le domicile conjugal . Elle souligne, à ce titre, que l'auteur des violences ne doit pas pouvoir se soustraire à ses obligations relatives au financement du logement . Elle appelle à réfléchir à un dispositif similaire pour les concubins et les « pacsés » vivant avec des enfants.

9. Tout en souscrivant à l'objectif d'apaisement du divorce, elle recommande, à l'article 242 du code civil, de maintenir, comme caractérisation de la faute, la violation non seulement grave mais aussi « renouvelée » des devoirs et obligations du mariage : cette précision utile est aujourd'hui fondée sur une analyse approfondie des modalités parfois insidieuses des violences conjugales et vise notamment la répétition des attitudes de dénigrement ou de mépris et, a fortiori, le cas des femmes contraintes par leur conjoint à des pratiques ou des rapports sexuels forcés.

10. La délégation manifeste sa vive préoccupation à l'égard des femmes divorcées qui, après s'être consacrées à leur famille, risquent de se retrouver en âge de retraite, affaiblies, isolées et sans ressources.

Elle souligne la nécessité de prendre en considération ces situations difficiles au moment de la fixation des modalités de versement de la prestation compensatoire.

En particulier, elle souhaite que soit facilité le « panachage » entre capital et rente viagère , et s'inquiète du durcissement des critères d'attribution d'une rente viagère .

Elle estime nécessaire de veiller à ce que le décret fixant le barème de conversion d'une rente en capital définisse des modalités de conversion équitables et d'écarter cette possibilité lorsque l'époux créancier a par dessus tout besoin de moyens de subsistance réguliers.

La délégation souligne également que la prestation compensatoire doit être complétée par une palette d'outils de rééquilibrage qui vont du contrat d'assurance vie en faveur du conjoint jusqu'à l'aménagement des conditions permettant à un parent isolé de concilier sa vie professionnelle avec sa vie familiale.

11. Sans aller jusqu'à préconiser une franchise fiscale en cas de séparation, elle estime nécessaire d'adapter la fiscalité du divorce et de la prestation compensatoire pour empêcher celle-ci d'être pénalisante et favoriser la bonne exécution des accords conclus entre époux ou des décisions du juge, sans imposition excessive.

12. Elle souligne enfin la nécessité d'appliquer sur le terrain les dispositions législatives qui visent à éteindre progressivement et irréversiblement certaines pratiques du statut personnel en vigueur à Mayotte comme la polygamie et la répudiation unilatérale.

13. La demande en divorce étant la première et la principale occasion pour le citoyen d'être confronté à la Justice ainsi qu'à la terminologie judiciaire, la délégation recommande de perfectionner l'information du justiciable, trop souvent désorienté, en mettant à sa disposition des lexiques et des schémas simples.

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* 1 La Délégation a auditionné les personnes suivantes :

MERCREDI 29 JANVIER 2003 : Mme Dominique Arviset, présidente, et Mme Andrée Mengin, secrétaire générale de la Fédération des associations de conjoints survivants (FAVEC) ;

MERCREDI 26 MARS 2003 : M. Robert Buguet, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA) et M. Éric Pardineille, directeur général de la Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans (CANCAVA) ;

MERCREDI 9 AVRIL 2003 : M. Bernard Caron, directeur de la protection sociale du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

MERCREDI 30 AVRIL 2003 : Mme Annie Guilberteau, directrice générale du Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDFF), accompagnée de Mme Marie-Josèphe Lamar, présidente de l'Union départementale des centres d'information sur les droits des femmes des Hauts-de-Seine, et de Mme Isabelle Fau, vice-présidente du centre d'information sur les droits des femmes de Lyon (union régionale Rhône-Alpes).

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