2. Une crainte d'isolement et de pertes commerciales après l'élargissement de l'Union européenne

Des propos tenus par ses interlocuteurs, la délégation a retiré le sentiment que l'élargissement de l'Union européenne suscitait en Russie deux types de préoccupations. Elle a tout d'abord perçu une crainte d'isolement croissant , face à l'émergence d'une puissance de 450 millions d'habitants, et de reconstitution sur le continent de nouvelles lignes de fracture. La nécessité, pour les citoyens russes, d'obtenir des visas pour se rendre dans les nouveaux Etats membres est constamment présentée comme le signe de cette nouvelle barrière. La délégation a également ressenti une réelle inquiétude face aux pertes économiques et commerciales qu'engendrerait l'intégration des nouveaux pays membres, avec lesquels la Russie entretenait des relations privilégiées.

Durant les premiers mois de l'année 2004, alors que se rapprochait l'échéance du 1 er mai et de l'élargissement, les relations entre la Russie et l'Union européenne se sont tendues, à tel point que Moscou menaçait de ne pas appliquer aux dix nouveaux pays membres l'accord de partenariat et de coopération russo-européen. La Russie a remis à la Commission européenne, au début de l'année, une liste de 14 préoccupations qui rend bien compte de la variété des inquiétudes suscitées par l'élargissement.

Pour l'essentiel, ces préoccupations sont de nature économique et commerciale . Elles portent sur les pertes de parts de marché russes qui pourraient survenir dans les pays d'Europe centrale et orientale , ou les pays baltes, à la suite de leur intégration dans le marché intérieur européen et de l'application à ces pays de la politique commerciale extérieure européenne. Les autorités russes estimaient par exemple qu'en entrant dans l'Union européenne, certains nouveaux pays membres augmenteraient leurs tarifs douaniers sur les importations en provenance de Russie, pour les aligner sur le tarif extérieur commun. Elles craignaient des restrictions sur les quotas d'exportation d'acier russe ainsi qu'une pénalisation de certains de leurs secteurs bénéficiant des tarifs réglementés de l'énergie, du fait de l'application des mesures anti-dumping. Un souci du même type concernait les exportations céréalières, soumises à des quotas, et les exportations de viande, subordonnées à un accord vétérinaire avec l'Union européenne, alors qu'à l'inverse, certains nouveaux membres risqueraient de bénéficier de subventions à leurs exportations agricoles vers la Russie. Les autorités russes souhaitaient également pouvoir continuer à exporter du combustible nucléaire dans les nouveaux Etats membres.

Parmi les 14 points figuraient aussi des préoccupations plus spécifiques comme le transit des personnes et des marchandises vers l'enclave de Kaliningrad, via la Lituanie, l'imposition de visas aux citoyens russes se rendant dans les nouveaux Etats membres et le sort des minorités russophones dans les pays baltes, évoqué ci-dessus.

Un terrain d'entente a finalement été trouvé sur la plupart de ces 14 préoccupations. Le protocole permettant la pleine extension de l'accord de partenariat et de coopération aux nouveaux Etats membres a été signé entre les deux partenaires le 27 avril 2004 . Une déclaration conjointe sur l'élargissement de l'Union européenne et ses relations avec la Russie, adoptée le même jour, établit une sorte de relevé des points d'accord.

Cette déclaration constate que d'une manière générale, les droits appliqués à l'importation de marchandises d'origine russe dans les nouveaux Etats membres diminueront, passant de 9% en moyenne à 4% environ, ce qui améliorera les conditions d'échange. Elle mentionne un accord de principe pour adapter l'accord Russie - Union européenne sur le commerce de certains produits sidérurgiques afin de tenir compte des exportations traditionnelles de la Russie vers les pays adhérents, ce qui entraînera une augmentation globale des contingents. Des dispositions transitoires seront mise en place pour l'application des règles anti-dumping, afin de ne pas influer brutalement sur les courants d'échanges traditionnels de la Russie. Pour les exportations russes de combustible nucléaire, l'Union européenne accepte le maintien en vigueur des contrats existants. La déclaration valide également les arrangements conclus pour simplifier les procédures administratives et douanières relatives au transit des marchandises vers Kaliningrad. S'agissant des visas, elle confirme les régimes de délivrance facilitée en vigueur au 1 er mai 2004 entre la Russie et les Etats adhérents et envisage l'extension d'un tel régime aux autres pays de l'Union européenne, sous réserve de réciprocité. Elle évoque également la poursuite de la négociation d'un accord de réadmission auquel l'Union européenne tient particulièrement compte tenu des difficultés créées par l'immigration irrégulière en provenance de Russie.

On peut considérer que l'accord intervenu a très largement donné satisfaction aux préoccupations exprimées par la partie russe en début d'année.

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