C. UNE QUESTION CENTRALE : L'HÉBERGEMENT

1. L'éloignement du conjoint violent du domicile conjugal

L'article 22 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, entrée en vigueur le 1 er janvier dernier, a notamment modifié le 3 ème alinéa de l'article 220-1 du code civil , qui prévoit désormais une disposition permettant d'évincer du domicile conjugal l'époux violent , alors que, paradoxalement, la victime devait, dans la très grande majorité des cas, quitter le domicile conjugal pour sa sécurité et celle de ses enfants, se retrouvant ainsi en situation de précarité.

Eviction du conjoint violent du domicile conjugal : l'article 220-1 du code civil

Si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts.

Il peut notamment interdire à cet époux de faire, sans le consentement de l'autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles. Il peut aussi interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l'usage personnel à l'un ou à l'autre des conjoints.

Lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée.

La durée des autres mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans.

Cette disposition législative, introduite à la demande du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle, outre qu'elle permet d'éloigner l'agresseur de sa victime, souligne la responsabilité de l'auteur des violences.

Votre délégation considère que cette mesure d'urgence constitue une très grande avancée et estime, comme elle l'avait déjà indiqué dans son rapport d'information sur le projet de loi relatif au divorce, que cette disposition doit être appliquée de façon satisfaisante 37 ( * ) . Le conjoint doit notamment continuer à payer le loyer et à financer les charges du logement. De même faudrait-il sans doute réfléchir à l'instauration d'un dispositif similaire pour les concubins, au moins lorsque le couple a des enfants.

D'une manière générale, et comme le soulignait notre collègue Patrice Gélard, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des lois, « la réussite de cette mesure dépendra des mesures concrètes mises en oeuvre afin d'expulser l'époux violent récalcitrant ou de l'empêcher de revenir », faute de quoi, elle risquerait de demeurer « un voeu pieux » 38 ( * ) . Selon les huissiers de justice alors entendus par notre collègue, « il est plus prudent de quitter le domicile, puis de revenir après l'intervention de la force publique et le changement des serrures ».

En outre, il convient sans doute d'éloigner rapidement l'agresseur du domicile conjugal dès lors que les faits de violences sont établis, un mari violent sur la défensive pouvant être encore plus brutal. Or, il peut s'écouler de longs mois entre la commission des faits et la décision du juge.

Votre délégation partage le sentiment de M. Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice, qui, au cours de son audition, a souligné qu'un renforcement de la législation restait envisageable en matière de contrôle judiciaire, concernant la possibilité, pour un juge, de décider l'incarcération d'un conjoint violent qui reviendrait au domicile conjugal en dépit de l'interdiction qui lui a été notifiée.

2. Les dispositifs d'hébergement

Les femmes victimes de violences au sein de leur couple, lorsqu'elles décident de quitter le domicile conjugal, doivent pouvoir trouver un hébergement

Or, comme l'a noté Mme Josèphe Mercier, présidente de la Fédération nationale Solidarités Femmes, lors de son audition, la médiatisation des violences conjugales entraîne, pour les associations, une augmentation du nombre de cas à prendre en charge, qu'elle a jugé délicate compte tenu de la faiblesse des moyens mobilisables face à des sollicitations croissantes.

Elle s'est également inquiétée de ce que la nouvelle disposition prévue à l'article 220-1 du code civil n'entraîne, par contrecoup, une diminution du nombre d'hébergements d'urgence, qui serait d'autant plus préjudiciable que l'allongement de la durée moyenne d'hébergement traduit, selon elle, une pénurie de logements sociaux. Il convient de rappeler, à cet égard, que des accords collectifs destinés à accorder une priorité aux victimes de violences ont été conclus mais qu'ils semblent n'être pas toujours appliqués.

* 37 Rapport n° 117 (2003-2004) de Mme Janine Rozier.

* 38 Rapport n° 120 (2003-2004).

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