3. La « loi Fauchon » : obstacle à la reconnaissance de la responsabilité pénale des employeurs ?

a) La question de la modification éventuelle de la « loi Fauchon »

Il convient avant tout de noter que M. Pierre Fauchon ne s'est pas du tout montré hostile, par principe, à une modification de la loi du 10 juillet 2000 s'il était démontré qu'elle constituait un obstacle dans le règlement de l'affaire de l'amiante : « Il est tout à fait certain que, si la loi s'avère mal faite, il faut la corriger. Je serais le premier à proposer de le faire ».

La chancellerie n'envisage toutefois pas, pour l'instant, de modifier la loi du 10 juillet 2000. Ainsi, M. Alain Saffar a estimé que « la loi trouve elle-même un équilibre entre la volonté, d'un côté, de ne pas pénaliser à l'excès la vie sociale, d'une manière générale, qu'elle soit publique ou privée, et tous les comportements et, de l'autre, de faire en sorte que les gens qui sont dans des postes à responsabilités puissent les exercer : ils ont des pouvoirs particuliers pour cela et ils doivent assumer ces responsabilités. La loi trouve un équilibre entre ces deux écueils et il n'est pas envisagé d'en changer pour l'instant ». Au cours de son audition, le garde des Sceaux a réaffirmé cette position.

La loi du 10 juillet 2000 a-t-elle de toute façon besoin d'être modifiée pour permettre l'engagement de la responsabilité des chefs d'entreprise et le déroulement d'un « procès de l'amiante » ? La mission s'interroge.

Me Jean-Paul Teissonnière lui-même, évoquant la décision de la cour d'appel de Douai, qui a fondé le rejet de la plainte sur les dispositions du code pénal issues de la « loi Fauchon », a indiqué : « Je ne pense pas que la « loi Fauchon » interdise les condamnations des responsables dans l'affaire de l'amiante. Elle les rend simplement plus problématiques ». Sur ce point, les avocats des parties sont donc d'accord , Me Philippe Plichon ayant estimé que « affirmer que la « loi Fauchon » interdit de condamner les employeurs est absolument faux ». Il a même ajouté : « Je défends depuis des années des cadres délégataires en matière d'hygiène et de sécurité et je peux vous assurer qu'ils sont toujours aussi souvent condamnés. Depuis le vote de cette loi, aucun arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation n'est favorable à un employeur ».

Me Jean-Paul Teissonnière s'est cependant interrogé sur la possibilité d'appliquer, le cas échéant, la loi du 10 juillet 2000 à l'affaire de l'amiante, soulignant un problème de non rétroactivité de la loi pénale : « Bien entendu, on peut toujours se dire que, pour toutes les victimes actuelles, d'ores et déjà déclarées, on ferait application du texte de la « loi Fauchon », qui peut être considérée comme une loi pénale plus douce, et que, pour les victimes à venir après la réforme de la « loi Fauchon », on pourrait appliquer la nouvelle loi, plus sévère, mais je n'en suis même pas sûr. En effet, si la Cour européenne des droits de l'Homme était saisie, comme le fait fautif est antérieur à la modification de la loi [...] je ne suis pas sûr que, quand bien même les juridictions françaises appliqueraient la nouvelle loi, la Cour européenne nous interdirait de faire une application rétroactive dans une certaine mesure, compte tenu de l'ancienneté des faits ».

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