3. Comparaisons internationales : « la France dans une mauvaise moyenne »

Le risque lié à l'amiante a été sous-estimé davantage dans certains pays que dans d'autres.

Le professeur Got, de ce point de vue, tend à relativiser l'attitude de la France : « On n'a pas été les pires ; on n'a pas été les meilleurs. Je pense que l'on se situe plutôt dans une mauvaise moyenne. L'Angleterre, les États-Unis, l'Allemagne, l'Autriche, la Hollande ont mieux géré le risque amiante que nous, mais la majorité des pays dans le monde utilisent encore l'amiante ».

Il convient en effet de rappeler qu'à ce jour, dans le monde, seuls 40 pays, soit 15 en dehors de l'Union européenne, ont interdit l'utilisation de l'amiante. Au cours d'une récente conférence de l'Organisation internationale du travail, une campagne de sensibilisation aux dangers de l'amiante a été engagée et l'OIT a demandé à tous les gouvernements d'interdire l'utilisation de ce matériau.

Au niveau communautaire, la directive 1999/77/CE du 26 juillet 1999 interdit l'amiante dans l'ensemble des Etats membres à compter du 1 er janvier 2005. Toutefois, le Portugal n'a toujours pas transposé cette directive, et entreprendrait des démarches à Bruxelles pour obtenir une dérogation à l'interdiction sur son territoire.

En 1998, le Canada, deuxième producteur mondial d'amiante, a engagé un recours contre la décision française d'interdire l'amiante devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour violation des règles de la liberté du commerce. Au cours de son audition, M. Jacques Barrot a d'ailleurs évoqué ses souvenirs sur le différend franco-canadien occasionné par ce dossier, estimant que « le lobbying le plus important est venu des autorités canadiennes et c'est là que j'ai failli avoir des difficultés ».

La France a finalement obtenu gain de cause, après une procédure qui a duré près de trois ans. Cette mesure nationale a été reconnue comme nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes, les instances juridictionnelles de l'OMC confirmant les conclusions d'un groupe spécial qui avait mis en évidence le caractère cancérogène du chrysotile, l'absence d'un seuil d'innocuité, l'importance des populations à risques, l'inefficacité de l'utilisation contrôlée et la moindre nocivité des produits de substitution.

Le Canada demeure en effet un gros producteur d'amiante et il est très attentif à son image sur ce dossier. M. Henri Pézerat, toxicologue, directeur de recherche honoraire au CNRS, a ainsi rappelé que, suite à la diffusion d'un reportage télévisé sur l'amiante au Canada, le gouvernement avait réagi officiellement, et d'une manière, selon lui, peu crédible : « Le ministre des ressources naturelles du gouvernement québécois a tenu des propos mensongers sur les propriétés de l'amiante canadien. Selon lui, un an après avoir respiré de l'amiante, il est parfaitement possible, pour tout citoyen de respirer normalement dans la mesure où plus aucune trace d'amiante ne se trouverait dans ses poumons. Selon le ministre, aucun risque de séquelles n'est alors identifiable. Il est inutile de vous dire que les déclarations du ministre de ce gouvernement sont proprement mensongères. Nous assistons, de la part du gouvernement du Canada, incité en sous-main par les producteurs canadiens, à une attitude totalement irresponsable, d'autant que ce pays ne consomme pas l'amiante qu'il produit. La quasi-totalité de la production de l'amiante est, en effet, envoyée dans les pays du tiers-monde. Inutile de vous dire que la situation y est encore plus préoccupante ».

Il apparaît en outre que la production mondiale d'amiante a tendance, depuis quelques années, à augmenter. L'assemblée générale de l'Association internationale des sécurités sociales constate que la production mondiale d'amiante est à nouveau en hausse depuis quatre ans. Cette production est principalement originaire de la Russie, de la Chine, du Canada, du Brésil et du Kazakhstan.

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