LA GESTION BUDGETAIRE, FINANCIERE ET COMPTABLE PAR LE CNASEA

La direction générale de la comptabilité publique ayant refusé de confier à son réseau la charge d'assurer le paiement du SPE, celle-ci a été confiée au CNASEA qui, en vertu de l'article 313-3 du code rural, dans sa rédaction résultant de la loi du 26 décembre 1996, gère le fonds par lequel transitent les ressources qui financent le SPE.

Un décret du 30 octobre 1997 fixe les modalités de gestion de ce fonds, qui retrace également les crédits attribués à l'élimination des farines animales (dotés d'une comptabilité distincte en ce qui concerne spécifiquement le FODREFA jusqu'en 2001).

À partir de 2001, le produit de la taxe sur les achats de viande étant affecté au budget général, le CNASEA enregistre en comptabilité générale les crédits qui lui sont délégués sur le budget du ministère de l'agriculture au titre du SPE et des coproduits, et assure un suivi extra comptable des dépenses de l'établissement public, jusqu'en 2003 inclus.

Enfin, depuis la mise en oeuvre de l'article 28 de la loi de finances pour 2004 créant la taxe due par les abattoirs, le produit de cette taxe est affecté au CNASEA et géré par l'établissement public dans le cadre d'un fonds à comptabilité distincte. Le produit de la taxe et les opérations du SPE sont rattachés à ce fonds.

Par lettre du 30 janvier 2004, le directeur général de la comptabilité publique a autorisé l'agent comptable du CNASEA à créer ce fonds, sous la forme d'un « service à comptabilité distincte » (SACD) et approuvé une nomenclature comptable spécifique. Le SACD n'a cependant pu être créé par le CNASEA qu'au mois d'octobre 2004.

Entre-temps, les opérations ont été suivies en comptabilité générale, selon les pratiques jusqu'alors en vigueur, mais sur des comptes dédiés basculés dans le fonds lors de sa création. Les opérations subventionnées par l'Etat, de même que les réserves propres au SPE (11 832 904,61 €), jusqu'alors traitées en comptabilité générale, ont été reprises pour leur solde net dans le fonds, ainsi que le solde de l'avance de trésorerie consentie à l'établissement par l'Etat (47 M€).

A - UNE GESTION BUDGÉTAIRE DIFFICILE ET COÛTEUSE

La Cour relève l'existence d'un décalage de trésorerie permanent d'origine administrative entre les besoins et les ressources depuis la création de la taxe d'abattage par la loi de finances du 31 décembre 2003.

Le décret fixant les modalités de calcul de la taxe a été pris tardivement le 23 avril 2004 et les premiers encaissements ne sont parvenus au CNASEA qu'au mois de juin suivant.

Afin d'assurer la continuité des paiements, une subvention de 54 M€ inscrite en LFI a été consentie par l'Etat au CNASEA en début d'exercice 2004. Celle-ci s'étant révélée insuffisante, le CNASEA a, en plus, bénéficié d'une avance du Trésor dans la limite de 70 M€ par décision du ministre de l'économie et des finances du 29 avril 2004 notifiée au CNASEA par lettre interministérielle du 10 mai. Seulement 57 M€ remboursables au 31 décembre et assortis d'intérêts ont été effectivement versés.

Deux nouvelles décisions du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture en date du 26 novembre 2004 et du 20 décembre 2004 ont autorisé le CNASEA à reporter le remboursement au 28 février 2005 « à partir des subventions qui lui seront versées en gestion 2005 sur le chapitre 44-71 du budget de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité en loi de finances initiale pour 2005 et en loi de finances rectificative pour 2004 ». Cette subvention a permis d'apurer le résultat négatif de l'exercice 2004. À nouveau, une lettre du ministre de l'agriculture et du ministre du budget du 7 mars 2005 a autorisé le report jusqu'au 31 octobre 2005 du remboursement du montant restant de 47 M€ assorti des intérêts. Un remboursement de 13,1 M€ a été effectué le 31 août 2005 sur instruction du ministre du budget qui a demandé, le 8 août, au CNASEA d'affecter au remboursement de l'avance les sommes qu'il avait indûment reçues au titre de la taxe sur les achats de viande 47 ( * ) . Le reliquat d'avance (33,9 M€ plus 1,4 M€ au titre des frais financiers) a été intégralement remboursé le 18 novembre 2005.

B. - UN COÛT D'INTERVENTION NON NÉGLIGEABLE

Le CNASEA a estimé que la charge qu'il supporte au titre du SPE est lourde. Toutefois, le nombre de factures à traiter, certes variable, a atteint un maximum de 13 000 en 2002 y compris pour les co-produits alors que 17 agents étaient affectés à ce traitement la même année.

En 2001, lors de la modification du circuit de financement du service public de l'équarrissage reposant sur l'affectation au budget de l'Etat du produit de la taxe d'équarrissage et sur des subventions au CNASEA, ce dernier a considéré qu'une partie de la dotation du ministère de l'agriculture était affectée au financement de ces frais de gestion. Ce niveau de financement n'aurait permis de couvrir, selon le CNASEA, que 50 % des dépenses de fonctionnement annuelles du secteur. Ces frais de gestion ont cependant représenté 484 400 € en 2001, 479 604 € en 2002 et 465 008 € en 2003.

L'article 1-IV du décret du 23 avril 2004 relatif à la taxe d'abattage a toutefois prévu que « la part du produit de cette taxe destinée à financer la gestion des opérations imputées sur le fonds auquel est rattaché le produit de ladite taxe est fixée à 1,5 % ».

Ces frais de gestion viennent en réduction des recettes brutes de la taxe d'abattage reçues par le CNASEA et seuls les montants nets sont enregistrés en recettes dans la comptabilité du SPE. Ce mode de comptabilisation par compensation n'est ni transparent ni régulier. Le montant de ces frais, supérieur à celui que l'établissement a exposé de 2001 à 2003, s'est élevé à 1 632 319 € en 2004 et à 1 342 965 € au 31 août 2005. Néanmoins, sur la période 1998-2005, le fonctionnement supporté par le CNASEA pour la gestion du service public de l'équarrissage serait déficitaire de 1,8 M€.

C. - LES DÉLAIS DE PAIEMENT DES DÉPENSES DU SPE

Les paiements, à partir de la réception des dossiers dans les délégations régionales du CNASEA, s'effectuent dans un délai de 2 à 3 mois auquel il convient d'ajouter le temps nécessaire aux vérifications réalisées par les DDSV. La succession des vérifications par les DDSV, les délégations régionales du CNASEA, les services centraux du CNASEA et, enfin, l'agent comptable de cet établissement ne garantit cependant pas un contrôle rigoureux du service fait.

Ces délais, loin d'être toujours imputables à l'administration, peuvent être le fait des bénéficiaires eux-mêmes, en raison de la fourniture de dossiers insuffisamment justifiés. Il n'en reste pas moins que la longueur des procédures de paiement se comprend mal, s'agissant d'un organisme censé échapper aux contraintes de la comptabilité publique. Elle a aussi des conséquences financières.

Les intérêts de retard dus par le CNASEA ne sont pas payés systématiquement et spontanément, mais seulement sur réclamation, et demeurent exceptionnels. Ils ne figurent pas dans la comptabilité du fonds SPE du CNASEA. Seul un suivi extra comptable a permis de constater que leur montant a atteint la somme élevée de 205 629,38 € en 2003.

???

La substitution de l'office chargé de l'élevage, des viandes et de l'aviculture au CNASEA devrait mettre un terme à l'incohérence née de la dissociation, critiquée par la Cour en 2004, de la fonction d'ordonnateur, le directeur général de l'établissement chargé de la gestion du SPE étant également personne responsable du marché (PRM) lancé le 28 novembre 2005. Les actes de réquisition éventuellement nécessaires restent cependant de la compétence des préfets à titre exceptionnel.

CONCLUSION

L'enquête de la Cour met en évidence l'écart entre les dispositions législatives et réglementaires arrêtées au cours des dix dernières années et les modalités de gestion du service public de l'équarrissage : absence de concurrence ; faiblesse des contrôles ; difficultés de financement.

En relevant que les aléas de cette politique ont néanmoins contribué à la modernisation des installations d'équarrissage, la Cour croit utile de souligner que la réforme du SPE, dont les principes sont en cours d'adoption et qui connaît un début de mise en oeuvre, laisse subsister un certain nombre d'incertitudes qui nécessitent une vigilance soutenue des pouvoirs publics.

1° L'Etat encourt le risque de voir les contentieux administratifs suscités par son refus de rembourser les assujettis à la taxe sur les achats de viande pour la période 2001-2003, dont le produit est de 1,7 Md€, tourner en sa défaveur. Dans cette hypothèse, la charge financière de l'Etat serait alourdie en proportion des contentieux perdus.

2° La capacité de l'Etat à assurer, dans le cadre d'un marché national dont le périmètre d'exécution reste le département, un regain de concurrence dans le secteur de l'équarrissage - toujours marqué par un niveau élevé de concentration et par l'exercice de monopoles géographiques - et à obtenir des baisses de prix sur les prestations d'équarrissage, à l'instar de ce qu'ont obtenu les abattoirs dans le nouveau cadre contractuel qui est le leur, reste incertaine.

3° L'évaluation de la charge budgétaire future du SPE (44 M€ sur un coût total de 136 M€ en 2006) est soumise à des aléas. En effet, d'une part le coût du service ne sera connu qu'au vu des résultats de l'appel d'offres national lancé le 29 novembre 2005, d'autre part la participation attendue des éleveurs - au demeurant plafonnée à 8 M€ - dépend de leur consentement individuel aux engagements pris par les interprofessions concernées, enfin le financement d'une aide aux artisans bouchers, pour un an seulement dans les hypothèses actuelles, reste à confirmer.

4° Dans le cadre d'un cahier des charges non encore précisé, l'Etat aura à s'assurer, non seulement des performances de gestion attendues d'un nouvel opérateur, l'OFIVAL, mais aussi de l'aptitude de cet organisme, appelé à devenir PRM, à maîtriser une information pertinente sur la situation et les coûts des entreprises d'équarrissage ainsi que de sa capacité à réaliser, dans de meilleures conditions qu'antérieurement, les contrôles de l'exécution du service exigés de l'ordonnateur et du comptable.

* 47 La fin de l'affectation au CNASEA de la taxe sur les achats de viande a nécessité des mesures correctrices: les modifications informatiques mises en place par la DGI permettant le rattachement du produit de la taxe n'ont été opérationnelles qu'à compter du 1er septembre 2001 et le CNASEA a continué à percevoir jusqu'à cette date le produit de la taxe sur les achats de viande comme si elle avait continué à être affectée à cet établissement public, alors qu'une partie seulement lui revenait (la taxe dont le fait générateur est antérieur au 31/12/2000, mais dont le versement n'est intervenu qu'au début 2001). Cette part a été estimée forfaitairement à 24,7 M€ et un reversement de 215,9 M€ a été effectué fin 2001, conformément à une décision de la ministre du Budget le 17 octobre 2001.

Toutefois des versements de taxe sur les achats de viande ont continué à parvenir au CNASEA bien après le 1 er septembre 2001. Au 20 mai 2005, l'agent comptable du CNASEA, qui détenait 12 601 146,45 € au titre de la taxe sur les achats de viande et 421 750 € au titre de la taxe additionnelle, a demandé des instructions au ministre du Budget concernant ces fonds.

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