B. RECOMMANDATIONS À L'ÉTAT

1. Faire entrer la chaleur dans le débat public et le cadre juridique

La chaleur est au coeur d'un curieux paradoxe : considérable et omniprésente dans le bilan énergétique français 37 ( * ) et européen, elle est néanmoins la grande absente des débats publics comme du cadre juridique. Cette situation résulte, pour une large part, des difficultés à appréhender avec précision la notion de chaleur, qui est un usage et non une source d'énergie, à la différence, par exemple, du gaz ou du fioul. Il est donc essentiel de faire apparaître la chaleur en tant que telle plutôt que les sources d'énergie qui la produisent 38 ( * ) . En outre, l'énergie thermique est une énergie par nature locale, décentralisée, à la différence de l'énergie électrique, qui se transporte aisément dans un réseau.

A ces considérations générales, s'ajoute en France l'assimilation électricité-énergie qui s'explique sans doute par le succès du nucléaire et la croyance, largement répandue, que l'atome a permis à la France de résoudre l'ensemble de ses problèmes énergétiques.

a) Introduire fortement dans la sphère publique la notion de chaleur en général, et de chaleur d'origine renouvelable en particulier

A la différence du gaz et de l'électricité, la chaleur ne paraît pas imprégner l'organisation administrative de l'Etat. Ainsi n'existe-t-il, au sein des ministères chargés des transports, du logement ou de l'industrie, aucun service administratif en charge spécifiquement des questions de chauffage et de chaleur . De même, la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie ne traite que du gaz et de l'électricité, tandis que la Commission de régulation de l'énergie ne concerne que les opérateurs des secteurs du gaz et de l'électricité et non les producteurs, fournisseurs, distributeurs ou consommateurs de la chaleur. De la même façon, le Conseil supérieur du gaz et d'électricité vient seulement, en application de la loi d'orientation sur l'énergie de 2005, d'être rebaptisé Conseil supérieur de l'énergie, et les réseaux de chaleur n'y sont pas représentés. En outre, le Fonds de solidarité énergie (FSE) ne couvre que les factures impayées d'électricité, ce qui conduit du reste vos rapporteurs à recommander d' élargir l'assiette de ce fonds afin que les abonnés aux réseaux de chaleur puissent également bénéficier de cet outil de solidarité énergétique . Enfin, la nomenclature du code des marchés publics ne prévoit pas la fourniture de chaleur, contrairement à la fourniture de gaz, d'électricité ou encore de fioul.

Ce manque de reconnaissance de la chaleur en général se traduit par une insuffisante prise en compte de la chaleur d'origine renouvelable en particulier . Ainsi, par exemple, a-t-il fallu attendre neuf ans après le vote de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie pour que paraisse le décret prévoyant l' obligation de munir d'un conduit de fumée les logements neufs . Pendant longtemps, cette absence d'obligation a handicapé l'énergie-bois par rapport au gaz et à l'électricité. De même, il est assez étonnant qu'au cours des crises énergétiques qu'a traversées l'Europe au premier semestre 2006 (crise gazière russo-ukrainienne, crise pétrolière iranienne), très peu de voix se soient élevées pour souligner l'enjeu des énergies renouvelables à usage thermique et leur capacité à se substituer progressivement au fioul ou gaz.

* 37 On rappellera qu'avec 35 % de la consommation finale d'énergie, la chaleur constitue le premier poste énergétique en France, loin devant l'électricité spécifique (11 % environ).

* 38 La chaleur peut être produite par tous types d'énergie (gaz, fioul, électricité, biomasse, géothermie...).

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