Rapport d'information n° 17 (2006-2007) de MM. Jean ARTHUIS , Philippe MARINI , Denis BADRÉ , Aymeri de MONTESQUIOU , Yann GAILLARD , Philippe ADNOT , Michel MOREIGNE et François MARC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2006

Disponible au format Acrobat (683 Koctets)

N° 17

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 octobre 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le déplacement effectué du 16 au 23 avril 2006 en Corée et au Japon ,

Par MM. Jean ARTHUIS, Philippe MARINI, Denis BADRÉ, Aymeri de MONTESQUIOU, Yann GAILLARD, Philippe ADNOT, Michel MOREIGNE et François MARC,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Asie du sud-est

AVANT-PROPOS

Une délégation du bureau de votre commission des finances s'est rendue en Corée et au Japon du 16 au 23 avril 2006, afin d'étudier l'économie de ces deux pays, et plus particulièrement les relations entre la sphère financière et l'économie réelle.

Présidée par le président de votre commission des finances, la délégation comprenait, outre votre rapporteur général, nos collègues Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Michel Moreigne et François Marc.

Les rencontres, particulièrement fructueuses, ont été de haut niveau.

Ainsi, la délégation a pu rencontrer au cours de son séjour en Corée, les 17 et 18 avril 2006 :

- un ministre et un vice-ministre : MM. Byeon Yang-kyoon 1 ( * ) , ministre de la planification et du budget, et Kwaon Tae-shin, vice-ministre de l'économie et des finances ;

- des parlementaires : en particulier, M. Park Jong-keun, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale ;

- le président de l'autorité de régulation financière coréenne ;

- le vice-président de l'organisation représentant le patronat ;

- des représentants des milieux d'affaires français.

De même, la délégation a pu rencontrer au cours de son séjour au Japon, du 19 au 22 avril 2006 :

- deux ministres : MM. Tanigaki Sadakazu, ministre des finances, et Yosano Kaoru, ministre des services financiers et de la politique économique ;

- le gouverneur de la Banque du Japon, M. Fukui Toshihiko ;

- le président de l'autorité de régulation financière japonaise ;

- des personnalités politiques de premier rang : M. Nakagawa Hidenao, alors président du Comité de recherche politique du Parti libéral-démocrate, et « n° 3 » de ce parti 2 ( * ) ;

- des parlementaires (Chambre Haute de la Diète japonaise) ;

- des économistes ;

- des spécialistes des relations avec la Chine ;

- des personnalités du monde académique : M. Yoshikawa Hiroshi, professeur d'économie à l'université de Tokyo, membre du Conseil de politique économique et budgétaire ;

- des personnalités françaises et japonaises des secteurs financier et industriel.

Le président de votre commission des finances souhaite remercier, à cet égard, MM. Philippe Thiébaud, ambassadeur de France en Corée, et Gildas Le Lidec, ambassadeur de France au Japon, ainsi que les diplomates et membres des missions économiques des ambassades de France en Corée et au Japon, qui ont permis à ce déplacement de se dérouler dans d'aussi bonnes conditions.

INTRODUCTION :
MIEUX APPRÉHENDER LES EFFETS DE LA MONDIALISATION DE L'ÉCONOMIE

Le déplacement d'une délégation du bureau de votre commission des finances en Corée et au Japon se situe dans le cadre des travaux menés par cette dernière, depuis déjà longtemps, sur la mondialisation de l'économie.

Ainsi, du 16 au 23 avril 2006, la délégation est allée faire des « travaux pratiques », pour étudier deux « success stories » du développement économique : le Japon et la Corée. Comme chacun sait, le Japon et la Corée, dont le développement économique a véritablement commencé respectivement dans les années 1960 et dans les années 1970, ont aujourd'hui un niveau de vie identique à celui respectivement de l'Europe occidentale et d'un pays comme le Portugal.

Il s'agissait en outre de voir comment ces deux Etats étaient parvenus à surmonter de graves crises économiques, voire « sociétales », qui avaient pu conduire à s'interroger sur la solidité de leur développement économique.

I. DES ÉCONOMIES DÉJÀ « VIEILLES » ?

Les économies du Japon et de la Corée connaissent aujourd'hui des difficultés comparables à celles des pays occidentaux.

L'économie japonaise a stagné dans les années 1990, en raison notamment d'une incapacité des pouvoirs publics à réformer le système bancaire, une telle réforme n'ayant été mise en oeuvre qu'à compter de 1998. En Corée, le manque de transparence des chaebols , c'est-à-dire des grands groupes économiques, a été une cause essentielle de la grave crise économique traversée par le pays en 1998.

Le Japon est le pays dont la dette publique brute 3 ( * ) , de l'ordre de 160 % du PIB, est la plus élevée de l'OCDE. Comme dans certains pays occidentaux, le gouvernement affirme pouvoir réduire le déficit public par la seule maîtrise de la dépense, ce que certains observateurs jugent irréaliste, en particulier du fait du vieillissement de la population, qui pousse les dépenses à la hausse.

Par ailleurs, si le quasi-plein emploi que l'on peut observer dans ces pays, avec un taux de chômage de 4,4 % au Japon et 3,7 % en Corée en 2005, provient en partie d'une logique de « partage du travail » - avec, dans le cas du Japon, une forte flexibilité à la baisse des horaires et des rémunérations -, il s'explique également par le fait que Japonais et Coréens sont souvent contraints d'accepter des emplois qui trouveraient difficilement preneur en France.

La croissance structurelle des deux économies tend à ralentir. La croissance structurelle de l'économie japonaise semble désormais de l'ordre de 1,5-2 %. Si la croissance structurelle de l'économie coréenne est encore de 5 % environ, celle-ci devrait se trouver, d'ici une quinzaine d'années, dans une situation analogue à celle de l'économie japonaise aujourd'hui, avec une population vieillissante - la Corée avait un taux de fécondité de 1,17 enfant par femme en 2002, ce qui était le taux le plus bas de l'OCDE, avec celui de la République tchèque - et une croissance relativement modeste. Par ailleurs, une éventuelle réunification des deux Corée, dont les niveaux de vie présentent un écart de l'ordre de 1 à 10 - la Corée du Nord étant l'un des Etats les plus pauvres du monde -, pourrait avoir de graves conséquences sur l'économie de la Corée du Sud.

II. DES PAYS QUI COMMENCENT À CONNAÎTRE CERTAINES CONSÉQUENCES NÉGATIVES DE LA MONDIALISATION

Le président de votre commission des finances s'attache, en particulier depuis un rapport d'information publié en 1993 4 ( * ) , à faire oeuvre de pédagogie au sujet de la mondialisation, et à combattre la tendance contemporaine à « diaboliser » cette dernière. Il n'en demeure pas moins que la mondialisation, si elle est, incontestablement, une bonne chose, peut avoir des conséquences dommageables sur l'emploi dans les pays développés. Tout d'abord, le progrès technique, qu'elle favorise, nuit à l'emploi des personnes les moins qualifiées. Ensuite, la délocalisation de certaines activités - évaluées, dans le cas de la France, à 200.000 emplois dans les seuls services au cours des 5 prochaines années 5 ( * ) - est également un facteur de chômage.

Ainsi, comme la délégation a pu le constater, le Japon et la Corée commencent à connaître certaines des conséquences négatives de la mondialisation.

L'emploi précaire se développe dans les deux pays. Au Japon, la quasi-totalité des créations nettes d'emplois depuis 1990 ont consisté en des emplois dits « irréguliers ». Il est symptomatique que le débat français sur le contrat première embauche (CPE) ait été contemporain d'un débat analogue en Corée, relatif à deux projets de loi, considérés par une partie de l'opinion publique comme la manifestation d'une volonté de développer l'emploi précaire.

Si le Japon est parvenu à se spécialiser dans les produits à fort contenu technologique, tel est moins le cas de la Corée, ce qui la soumet à une concurrence croissante de la part de la Chine. C'est peut-être en raison de la meilleure spécialisation du Japon que les responsables japonais que la délégation a pu rencontrer ne perçoivent pas le développement économique de la Chine comme une menace pour l'emploi dans leur pays.

Pourtant, contrairement à ce qui est souvent affirmé, la théorie économique reconnaît que le développement de la Chine pourrait être défavorable à l'emploi dans les pays développés. Ainsi, M. Paul Samuelson, prix Nobel d'économie, considère que le développement de la Chine pourrait remettre en cause certains aspects de la théorie « classique » du commerce international. Cette dernière suppose que les pays se spécialisent dans les produits pour lesquels leur avantage par rapport aux autres pays (leur « avantage comparé ») est le plus grand, ce qui permet aux autres pays de continuer à fabriquer d'autres produits, et à l'ensemble des pays de tirer profit du commerce international. Concrètement, cela signifie que les pays émergents tendent à se spécialiser dans les industries de main-d'oeuvre, et les pays développés dans les productions à fort contenu technologique. Mais selon M. Paul Samuelson, il ne serait pas impossible que la Chine connaisse, dans les produits technologiques, une augmentation de la productivité telle qu'elle n'aurait plus de raison de se spécialiser dans un type d'industrie plutôt que dans un autre, et qu'elle se mette donc à produire dans tous les domaines. Du coup, les pays développés actuels n'auraient plus intérêt à commercer avec elle, et verraient leur revenu significativement réduit.

Certes, nous n'en sommes pas là, mais il convient de ne pas faire preuve d'angélisme, et de rester vigilant. En définitive, le présent rapport d'information, issu de « choses vues sur le terrain », a pour seule ambition d'aider notre pays à bien s'insérer dans une « globalisation mieux assumée ».

Les déplacements de délégations du bureau de votre commission des finances destinées à mieux appréhender la mondialisation

Au cours des années récentes, des délégations du bureau de votre commission des finances se sont rendues, pour mieux appréhender la mondialisation :

- du 25 septembre au 3 octobre 1996, en Chine ;

- du 31 août au 8 septembre 1998, à Hong Kong et au Japon ;

- du 24 mars au 30 mars 2002, au Brésil ;

- du 12 au 18 avril 2003, en Argentine ;

- du 18 au 26 avril 2004, à nouveau en Chine ;

- du 17 au 24 avril 2005, en Inde ;

- du 16 au 23 avril 2006, en Corée et au Japon, ce déplacement faisant l'objet du présent rapport d'information.

Par ailleurs, une délégation du groupe de travail sur la régulation financière et monétaire internationale, dont votre rapporteur général était le rapporteur, a effectué six déplacements à l'étranger, de mai à novembre 1999, dont un déplacement aux Etats-Unis (Washington et New York), un déplacement à Francfort, et un déplacement à Tokyo, ce dernier du 3 au 6 octobre 1999.

Ces déplacements ont donné lieu à plusieurs communications devant votre commission des finances 6 ( * ) , ainsi qu'à plusieurs rapports d'information. On peut citer, en particulier :

- le rapport d'information du groupe de travail sur La régulation financière et monétaire internationale , du 22 mars 2000, fait par notre collègue Philippe Marini, rapporteur général 7 ( * ) ;

- le rapport d'information du président de votre commission des finances sur La globalisation de l'économie et les délocalisations d'activité et d'emplois , du 22 juin 2005 8 ( * ) ;

- le présent rapport d'information.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE : LES CRISES FINANCIÈRES JAPONAISE ET CORÉENNE SEMBLENT SURMONTÉES

A. UN SUCCÈS ÉCONOMIQUE ET HUMAIN

1. Un succès économique

Le Japon et la Corée ont connu au cours des dernières décennies un important développement économique, qui a véritablement commencé dans les années 1960 dans le cas du Japon et dans les années 1970 dans celui de la Corée. Le Japon et la Corée sont membres de l'OCDE depuis respectivement 1964 et 1996.

En parité de pouvoir d'achat, le niveau de vie de la Corée (environ 70 % de la moyenne de l'OCDE) est équivalent à celui de la Grèce et du Portugal, alors que celui du Japon (légèrement supérieur à la moyenne de l'OCDE) est analogue à celui de l'Union européenne à 15, comme l'indique le graphique ci-après.

Le PIB par habitant du Japon et de la Corée en 2002

(en parité de pouvoir d'achat) (1)

(OCDE = 100)

* Pays membre de l'UE mais pas de l'OCDE

(1) L'approche en parité de pouvoir d'achat permet de mesurer le niveau de vie réel, quel que soit le niveau du taux de change.

Source : OCDE

Son niveau de vie étant nettement inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE, la Corée a connu un taux de croissance du PIB structurellement supérieur de 4 points à celui du Japon. Il s'agit d'un phénomène normal, dit de « rattrapage », qui vient du fait qu'un pays qui se développe tend à imiter les modes d'utilisation du travail et du capital des pays déjà développés. Ainsi, le Japon et la Corée ont connu un taux de croissance de l'ordre de respectivement 4 % et 8 % dans les années 1980, et 1,5 % et 5,5 % dans les années 1990.

2. Un succès humain

Le développement du Japon et de la Corée est un succès non seulement économique, mais aussi humain.

En particulier, le Japon est l'un des pays dont l'indice de développement humain (IDH) 9 ( * ) est le plus élevé, comme l'indique le graphique ci-après.

L'indice de développement humain des 53 pays pour lesquels cet indice est le plus élevé (2000)

(maximum = 1)

Source : programme des Nations Unies pour le développement

Les difficultés économiques traversées par le Japon dans les années 1990 et par la Corée lors de la crise financière asiatique de 1997-1998 ont pu conduire à s'interroger sur la solidité du développement économique de ces deux pays. Les évolutions récentes semblent heureusement indiquer que les principales difficultés ont été surmontées.

B. UNE CROISSANCE AFFECTÉE PAR L'IMPACT DE PLUSIEURS CRISES FINANCIÈRES

1. Une croissance affectée par des crises financières dans les années 1990

La croissance du PIB du Japon et de la Corée a été marquée par de graves crises financières dans les années 1990, comme l'indique le graphique ci-après.

Croissance du PIB du Japon et de la Corée

(en %)

Source : OCDE

C'est le Japon qui a été le plus touché. A la suite de l'éclatement de la bulle financière en janvier 1990, l'économie japonaise a connu une décennie de faible croissance. Ainsi, de 1990 à 2002, la croissance du PIB a été de l'ordre de 1,5 % en moyenne, alors qu'elle avait été de l'ordre de 4 % au cours de la décennie précédente.

Par ailleurs, les deux pays ont connu une croissance négative en 1998, année de la crise financière asiatique. Cependant, cela ne doit pas dissimuler le caractère essentiellement conjoncturel de cette crise, qui a été suivie d'une rapide reprise de la croissance 10 ( * ) . La crise financière asiatique de 1998 a donc été nettement moins grave que la crise financière japonaise des années 1990.

2. Des crises financières de nature différente

a) Le Japon : une crise déclenchée par un krach boursier et immobilier, et entretenue par une longue absence de restructuration du secteur bancaire

Dans le cas du Japon, la crise bancaire a été déclenchée par l'éclatement de la bulle financière du début des années 1990.

De nombreux autres pays se sont alors trouvés confrontés à une situation analogue, sans que la crise soit durable. Le fait que des crises financières aient éclaté au même moment dans de nombreux pays vient du fait que ces pays avaient « déréglementé » leur système financier à peu près en même temps, au début des années 1980, et que les taux d'intérêt avaient augmenté au début des années 1990 partout dans le monde.

A l'exception du Japon, au milieu des années 1990,  tous les Etats développés qui avaient connu une crise bancaire au début des années 1990 en étaient sortis, après avoir pris les mesures appropriées, c'est-à-dire la « socialisation des pertes » et des restructurations imposées par l'Etat. Les montants mobilisés ont été importants : plus de 10 % du PIB en Finlande, 8 % aux Etats-Unis, 5 % en France 11 ( * ) et en Suède.

Le coût des crises bancaires pour les finances publiques

(en points de PIB)

Source : Honoban P. et Klingebiel D., « Controlling the Fiscal Cost of Banking Crises », Policy Research Working Paper, n° 2441, Banque mondiale, 2000, cité dans Robert Boyer, Mario Dehove, Dominique Plihon, « Les crises financières », rapport du Conseil d'analyse économique, 2004

Le fait que la crise financière ait été durable au Japon provient d'un double phénomène.

Tout d'abord, la crise y est née d'un krach boursier et immobilier plus important que dans les autres pays. La bulle boursière et sa correction sont clairement mises en évidence par le graphique ci-après.

Evolution des indices boursiers

(1980=100)

Source : Morgan Stanley Capital International Inc.

Ensuite, contrairement aux autres pays, le Japon a longtemps différé la restructuration du système bancaire, qui n'a été réalisée, sous l'impulsion de l'Etat, qu'à partir de 1998.

b) La Corée : une crise bancaire déclenchée par une brusque défiance des investisseurs étrangers, et plus rapidement surmontée

Dans le cas de la Corée - comme des autres pays touchés par la crise financière asiatique de 1997-1998 -, la crise bancaire a été déclenchée par une brusque défiance des investisseurs étrangers.

De nombreuses monnaies de la zone 12 ( * ) s'étaient fortement appréciées fin 1997, comme l'indique le graphique ci-après.

Taux de change de diverses monnaies d'Asie orientale par rapport au dollar

(janvier 1997 = 100 ; fin de mois)

Sources nationales

Cette appréciation n'était pas soutenable. C'est notamment pour cela que l'effondrement du baht thaïlandais en juillet 1997, après une politique irréaliste du gouvernement, consistant à essayer de maintenir le taux de change jusqu'à épuisement des réserves, a déclenché une crise de changes pour la plupart des monnaies de la région, qui ont perdu environ 50 % de leur valeur.

Dans le cas de la Corée, le won, d'une valeur de 100 en janvier 1997, s'est brutalement apprécié jusqu'à 190 en février 1998, avant de se déprécier jusqu'à 140 fin 1998. Comme dans le cas de la Thaïlande, le gouvernement avait tenté de maintenir le taux de change à ce niveau élevé, malgré des réserves insuffisantes.

Cependant, il serait erroné de voir dans la crise financière asiatique une simple crise de change. Le problème essentiel est que les investisseurs étrangers ont subitement réalisé que leurs débiteurs étaient souvent peu solvables, et ont donc décidé de retirer leurs capitaux. La crise de change découle largement d'une crise de liquidité bancaire.

Le caractère tardif de cette prise de conscience des investisseurs peut sembler étonnant. Ainsi, dans son rapport 13 ( * ) pour le Conseil d'analyse économique relatif à la crise financière asiatique, M. Olivier Davanne écrit : « En dépit de leur confiance dans la poursuite du « miracle asiatique » et de l'importance des liquidités dont ils disposaient, on continue cependant d'être étonné par la facilité avec laquelle les banquiers internationaux acceptaient de prêter dans cette région du monde, surtout si l'on compare leur comportement là-bas avec la grande prudence dont ils faisaient preuve en matière de prêts domestiques en dépit, là aussi, de taux d'intérêt bas. Compte tenu des sommes colossales en jeu, il reste surprenant qu'ils n'aient généralement pas pris la peine de dépasser le stade de l'analyse un peu superficielle des « fondamentaux économiques », pour examiner de façon véritablement approfondie la solvabilité de leurs débiteurs ». Selon M. Olivier Davanne, « les raisons de cette défaillance sont multiples : excès d'optimisme sur les perspectives économiques après de nombreuses années de croissance exceptionnelle, relations trop étroites entre banquiers, hommes politiques et entrepreneurs (problème de « gouvernement d'entreprise »), confiance assez générale quant à l'existence de garanties publiques au plan national et international (problème des « aléas de moralité ») ».

Dans le cas de la Corée, la situation d'endettement des grands groupes, les chaebols, était largement publique. On savait que les ratios dette sur fonds propres était supérieure à 500 % à la fin de 1996.

Les pays victimes de ce retrait des capitaux étrangers ont connu une croissance négative en 1998 : - 0,6 % pour les Philippines, - 6,9 % pour la Corée, - 7,4 % pour la Malaisie, - 10,5 % pour la Thaïlande, - 13,1 % pour l'Indonésie.

La croissance du PIB de diverses économies d'Asie orientale

(en %)

Source : OCDE

Cette crise financière s'est alors transformée en crise bancaire dans les pays concernés. Tel a en particulier été le cas en Corée.

3. Dans le cas du Japon, une inflation négative et une politique monétaire accommodante depuis 1999

a) La politique de taux zéro

De 1999 à 2005, le Japon a connu chaque année une inflation négative. En conséquence, la Banque du Japon a pratiqué de février 1999 à juillet 2006 une politique de taux d'intérêt nuls ou quasi nuls, dite « politique de taux zéro », ou ZIRP ( Zero Interest Rate Policy ), interrompue seulement brièvement entre août 2000 et mars 2001.

Inflation et taux d'intérêt

(en %)

Sources : OCDE, Banque du Japon

La Banque du Japon a été très critiquée, sa baisse des taux ayant été jugée trop lente par certains.

Au sens strict, le Japon n'a pas connu de déflation, définie comme une inflation négative s'accompagnant d'un recul du PIB (le PIB du Japon n'a baissé qu'en 1998). En revanche, si on définit la déflation comme une inflation négative s'accompagnant d'une croissance faible, le Japon a bien été en déflation de 1999 à 2002 (la croissance ayant repris en 2003).

La Banque du Japon a mis un terme, en juillet 2006, à sa politique de taux zéro, l'inflation devant redevenir légèrement positive en 2006. Elle a ainsi augmenté son taux directeur d'un quart de point, le portant à 0,25 %.

b) Une politique monétaire originale, dite «  quantitative »

Parallèlement à cette politique de taux zéro, la Banque du Japon a mené, d'avril 2001 à mars 2006, une politique dite « quantitative », ou « d'assouplissement quantitatif », consistant en l'injection massive de liquidités.

Cette politique, souvent qualifiée d' « ultra accommodante » ou de « non orthodoxe », n'avait pas été pratiquée par d'autres banques centrales avant la Banque du Japon.

Elle a été abandonnée le 9 mars 2006, la Banque du Japon jugeant le risque de déflation écarté.

C. L'ASSAINISSEMENT DE L'ÉCONOMIE JAPONAISE

Au Japon, l'aggravation de la crise financière dans la seconde moitié des années 1990 a joué le rôle d'électrochoc :

- faillite des jusen (banques spécialisées dans le crédit immobilier) en 1995 ;

- crise asiatique de 1997-1998, entraînant la faillite d'établissements financiers prestigieux (parmi les principales banques : Hokkaido-Takushoku en 1997, Long Term Credit Bank et Japan Credit Bank en 1998) et suscitant un recul du PIB de 1,8 % en 1998.

La restructuration du système bancaire, permise par diverses réformes institutionnelles réalisées principalement en juin 1998 par M. Hashimoto Ryutaro, alors Premier ministre 14 ( * ) , a été effectuée par ses successeurs, notamment M. Obuchi Keizo 15 ( * ) et M. Koizumi Junichiro. Elle a principalement consisté :

- à injecter, essentiellement en 1998-1999, environ 100 trillions 16 ( * ) de yens de fonds publics, soit 20 % du PIB, majoritairement sous forme d'augmentation du capital des banques 17 ( * ) ;

- à réduire les créances douteuses de 30 trillions de yens, les ramenant d'environ 45 trillions de yens (9 % du PIB) à 15 trillions de yens (3 % du PIB) fin 2005 ;

- à réduire d'un tiers le nombre de banques, et à diviser par trois le nombre des principales banques ;

- à libéraliser le secteur bancaire, par des mesures de déréglementation et par la privatisation de la poste japonaise, qui doit être réalisée d'ici le 1 er octobre 2017.

1. Les réformes institutionnelles du secteur financier

a) Un dispositif de régulation désormais directement dépendant du Premier ministre : la Financial Services Agency (FSA)

En juin 1998, à la suite des difficultés rencontrées par le système bancaire japonais et la révélation de liens étroits entre fonctionnaires du ministère des finances et monde bancaire, a été mis en place un nouveau dispositif chargé de la régulation du système financier.

La régulation du système financier, jusqu'alors assurée par le ministère des finances, dépend désormais directement du Premier ministre, et est assurée par deux organismes :

- dans le cas des marchés financiers, la Securities and Exchange Surveillance Commission (SESC) 18 ( * ) , qui existait déjà mais dépendait alors du ministère des finances ;

- dans le cas des institutions financières, l'Agence de supervision financière, ou FSA ( Financial Supervisory Agency, devenue Agence des services financiers, Financial Services Agency , en juillet 2000), qui a été créé en juin 1998, et dont les fonctions étaient auparavant assurées par le ministère des finances.

La FSA est compétente pour l'ensemble des institutions financières : banques, compagnies d'assurances, sociétés d'investissement 19 ( * ) , conseils en investissement 20 ( * ) , professionnels de l'audit et de la comptabilité. La SESC étant placée sous l'autorité de la FSA, la régulation financière du Japon - comme celle de la Corée - correspond donc au modèle britannique, un organisme unique étant chargé de l'ensemble de la régulation financière.

La FSA est également en charge de l'élaboration de la législation et de la réglementation relative aux services financiers.

La régulation financière dans quelques pays

Banques

Assurances

Marchés financiers

Etats-Unis

Réserve Fédérale

Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC)

Office of the Controller of the Currency (OCC)

Office of Thrift Supervision (OTS)

Compétence des Etats

Securities and Exchange Commission (SEC)

Commodities Future Trading Commission (CTFC)

France

Organismes rattachés à la Banque de France :

Commission bancaire

Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI)

Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) (1)

Autorité des marchés financiers (AMF)

Royaume-Uni

Financial Services Authority (FSA)

Allemagne

Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BAFin)

Japon

Financial Services Agency (FSA)

Corée

Financial Supervisory Commission (FSC)

(1) La Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance a changé de nom en vertu de l'article 14 de la loi du 15 décembre 2005 n°2005-1564 et est devenue l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM).

Sources nationales

Le ministère des finances n'est plus chargé, depuis juin 1998, que d'un rôle de planification.

b) Les organismes compétents pour la restructuration du système bancaire
(1) La Financial Reconstruction Commission (FRC)

En décembre 1998, a été mis en place un organisme administratif spécifiquement chargé de la restructuration du système bancaire : la Commission de reconstruction financière ( Financial Reconstruction Commission, ou FRC).

La FSA a été placée sous l'autorité de la FRC, puis, en juillet 2000, devenue la Financial Services Agency , elle est devenue compétente pour la planification dans le domaine bancaire (fonction relevant jusqu'alors de la compétence du ministère des finances) et a été intégrée à la FRC. En janvier 2001, la FRC a été intégrée à la FSA, à nouveau rattachée au Premier ministre.

Depuis la loi de revitalisation financière ( Financial Revitalization Law ) d'octobre 1998, si la FRC décide qu'une institution financière est en faillite, un « superintendant financier » ( financial superintendent ) nommé par la FRC peut gérer les biens de cette institution, et chercher un repreneur. Par ailleurs, si la faillite d'une institution pourrait avoir un effet grave sur les marchés domestiques ou étrangers, celle-ci peut être nationalisée 21 ( * ) .

Pour l'essentiel de ces activités, la FRC passe par l'intermédiaire de la Deposit Insurance Corporation (DICJ), présentée ci-après.

(2) La Deposit Insurance Corporation (DICJ)

L'Etablissement d'assurance des dépôts ( Deposit Insurance Corporation , DICJ), créée par la loi d'assurance des dépôts ( Deposit Insurance Law ) en 1971, était, comme son nom l'indique, initialement chargée d'assurer les dépôts bancaires.

Ses dirigeants sont nommés par le Premier ministre, après accord des deux chambres de la Diète. Son capital, de 450 milliards de yens 22 ( * ) , est également réparti entre l'Etat, la Banque du Japon, et les institutions financières.

La DICJ remplit toujours aujourd'hui sa fonction d'assurance des dépôts, mais elle a progressivement été chargée de deux autres fonctions :

- à partir de 1986, la restructuration du système bancaire, notamment par le biais d'injections de capital (un fonds spécifique de 5 milliards de yens ayant été créé en 1995 pour la recapitalisation des jusen) ;

- depuis 1996, la prise en charge des créances non performantes (initialement dans le seul cas des jusen et des coopératives de crédit).

Le rôle de la DICJ a été considérablement accru en 1998 :

- la loi de revitalisation financière ( Financial Revitalization Law ) a étendu sa compétence à l'ensemble des banques ;

- ses moyens financiers ont été portés à 60 trillions de yens ;

- elle peut désormais acquérir des titres d'institutions financières, saines dans le cas de la loi de reconstruction de la fonction financière ( Financial Function Reconstruction Law ), en difficulté dans celui de la loi de renforcement précoce ( Early Strengthening Law ).

En conséquence de l'extension de ses compétences, ses effectifs sont passés de 15 personnes en 1995 à 373 personnes en 2006.

2. Une injection de fonds publics à hauteur de 20 % du PIB

Au total, les fonds publics dépensés pour résoudre la crise bancaire ont été de l'ordre de 100 trillions de yens, soit 20 % du PIB 23 ( * ) .

Cette somme a été à plusieurs reprises revue à la hausse, du fait de la nécessité de réaliser des injections de capital supplémentaires. Ainsi, alors que le gouvernement avait annoncé en décembre 1997 que les sommes mises à la disposition de la DIC seraient de 30 trillions de yens au total, ce montant a été porté à 60 trillions de yens en octobre 1998, puis à 70 trillions de yens en mai 2000 24 ( * ) .

Ces fonds consistent en des prêts de la Banque du Japon, garantis par l'Etat, à la DIC. Ainsi, les pouvoirs publics doivent récupérer les fonds injectés.

Dans le cas du plan d'octobre 1998, cette somme correspondait :

- pour 30 %, au renforcement du mécanisme d'assurance des dépôts par la DIC ;

- pour 40 %, à des injections de capital dans les banques en difficulté ;

- pour 30 %, à des injections de capital dans les banques temporairement nationalisées.

Les fonds publics injectés dans le système bancaire japonais (plan d'octobre 1998)

(en % du montant total)

Source : Masahiro Kawai, « Reform of the Japanese Banking System », 21 octobre 2004

Les injections de capital ont été de l'ordre de 50 trillions de yens au total.

3. La politique de taux zéro de la Banque du Japon

La Banque du Japon est devenue indépendante en 1998.

En mars 1999, elle s'est engagée à mener une politique de taux zéro, permettant au secteur bancaire de se procurer des ressources à faible coût. Comme cela a été indiqué ci-avant, cette politique venait en partie du fait que de 1999 à 2005, le Japon a connu chaque année une inflation négative. Une conséquence de l'inflation négative est en effet que les taux d'intérêt réels sont supérieurs aux taux d'intérêt nominaux.

Comme cela a été indiqué ci-avant, la Banque du Japon a mis un terme, en juillet 2006, à sa politique de taux zéro, l'inflation devant redevenir légèrement positive en 2006. Elle a augmenté son taux directeur d'un quart de point, le portant à 0,25 %.

Inflation et taux d'intérêt

(en %)

Sources : OCDE, Banque du Japon

4. L'apurement des bilans des banques

Les banques ont été obligées d'apurer leurs bilans.

Les créances douteuses, initialement évaluées à environ 30 trillions de yens, ont été réévaluées à 43,2 trillions de yens (soit environ 9 % du PIB) en mars 2002, à la suite d'audits réalisés par la FSA.

Depuis 2002, les créances douteuses ont été réduites d'environ 30 trillions de yens, ce qui correspond à une division par trois, avec un montant de l'ordre de 15 trillions de yens (soit environ 3 % du PIB) en septembre 2005, comme l'indique le graphique ci-après.

Les créances douteuses (1) des banques japonaises

(en trillions de yens)

(1) Créances non performantes, selon les critères de la Financial Reconstruction Law.

L'augmentation observée en 2002 résulte d'une réévaluation consécutive à des audits de la FSA.

Source : Financial Services Agency (document remis à votre commission des finances)

5. La restructuration du système bancaire

Le secteur bancaire s'est restructuré.

De 1991 à 2006, le nombre total des banques est passé de 605 à 411, et celui des principales banques de 22 à 8, comme l'indique le graphique ci-après.

Le nombre de banques au Japon

(1) Principales banques en 1991 :

- « City Banks » : DKB, Fuji, Sumitomo, Mitsui Taiyo-Kobe, Mitsubishi, Tokyo, Sanwa, Tokai, Kyowa, Saitama, Daiwa, Hokkaido-Takushoku ;

- « Trust banks » : Mitsui-trust, Mitsubishi-trust, Yasuda-trust, Toyo-trust, Chuo-trust, Nihon-trust, Sumitomo-trust ;

- banques de crédit à long terme : IBJ, LTCB, JCB.

Principales banques en 2006 : Mitsuho FG, SMFG, MUFG, Resona HD, Mitsui Trust HD, Sumitomo-Trust, Shinsei, Aozora.

Source : Banque du Japon (document remis à votre commission des finances)

L'organisation du système bancaire japonais : présentation succincte

Les dépôts des banques japonaises sont de l'ordre de 1.000 trillions de yens, soit presque le double du PIB annuel.

Le système bancaire japonais repose essentiellement sur quatre types d'organismes de crédit :

- les principales banques ;

- les banques régionales ;

- la banque postale ;

- les banques « shinkin » (coopératives).

Le graphique ci-après indique l'importance respective de ces différentes catégories d'organismes.

Part des dépôts bancaires fin 2005

(en %)

Source : Banque du Japon (document remis à votre commission des finances)

Comme cela a été indiqué, parmi les principales banques, trois ont fait faillite : Hokkaido-Takushoku en 1997, LTCB ( Long Term Credit Bank ) en 1998, et JCB ( Japan Credit Bank ) en 1998. La première fait désormais partie de Mitsui Trust HD, et les deux autres ont été temporairement nationalisées, et sont désormais dénommées Shinsei et Aozora.

Les fusions ont été nombreuses.

Tout d'abord, le 1 er octobre 2005 a été constitué Mitsubihi UFJ FG 25 ( * ) (MUFG) , qui, avec environ 200 milliards de dollars d'actifs, est l'une des quatre premières banques mondiales 26 ( * ) :

- dans un premier temps, Mitsubishi et Tokyo ont fusionné, avant d'être rejointes par Nihon-Trust au sein de Mitsubishi Tokyo FG (MTFG) ;

- parallèlement, Sanwa, Tokai et Toyo-Trust ont fusionné au sein d'UFJ ;

- puis ces deux dernières nouvelles entités, MTFG et UFJ, ont à leur tour fusionné au sein de Mitsubihi UFJ FG (MUFG).

Le Japon s'est également doté de deux banques ayant chacune environ 100 milliards de dollars d'actifs (ce qui les place autour du dixième rang mondial, comme BNP Paribas) :

- le groupe financier Mizuho FG , issu de la fusion de DKB, Fuji, Yasuda-Trust et IBJ ;

- le groupe financier Sumitomo Mitsui FG (SMFG), issu de la fusion de Sumitomo et Mitsui Taiyo-Kobe.

Par ailleurs, Kyowa, Saitama et Daiwa ont fusionné au sein de Resona HD 27 ( * ) . Mitsui-Trust 28 ( * ) , Chuo-Trust et Hokkaido-Takushoku, qui a fait faillite, sont désormais réunies au sein de Mitsui Trust HD 29 ( * ) .

Les seules grandes banques à ne pas avoir été impliquées dans un processus de fusion sont Sumitomo-Trust 30 ( * ) , et les deux banques qui ont été temporairement nationalisées après une faillite : LTCB (devenue Shinsei) et JCB (devenue Aozora).

6. La libéralisation du secteur bancaire

Parallèlement à cette restructuration, le secteur bancaire a été libéralisé.

a) La déréglementation

Tout d'abord, diverses mesures de déréglementation ont été adoptées 31 ( * ) :

- possibilité pour les banques d'avoir une activité d'organisme de gestion de titres, et pour ces derniers d'avoir une activité bancaire, par la création de filiales (1993) ;

- possibilité pour les compagnies d'assurance-vie d'exercer une activité d'organisme d'assurance-dommage, et pour ces derniers d'avoir une activité d'assurance-vie, par la création de filiales (1996) ;

- instauration de holdings financiers ( Financial Holding Companies ) ; possibilité pour les organismes de gestion de titres d'avoir une activité de compagnie d'assurance, et inversement, par la création de filiales ; vente de fonds d'investissement par les banques et les compagnies d'assurance (1998) ;

- libéralisation des commissions de courtage de titres (1999) ;

- entrée des banques dans le secteur des assurances par l'intermédiaire de filiales (2000) ;

- établissement de filiales communes par les banques et les organismes de gestion de titres ; élargissement du champ des produits d'assurance vendus par les banques (2002) ;

- entrée des banques dans les activités de courtage de titres (2004) ;

- nouvel élargissement du champ des produits d'assurance vendus par les banques (2005).

b) La réforme de la poste japonaise

La poste japonaise ( Japan Post ), qui concentre plus de 20 % des dépôts bancaires, est actuellement en cours de réforme. La problématique générale est proche de celle de la « banque postale » en France, si ce n'est que cette dernière est filialisée, et non privatisée.

Le processus de privatisation, qui se déroulera en plusieurs étapes, doit commencer le 1 er octobre 2007. L'ensemble des activités de Japan Post vont être apportées à quatre sociétés par action, chacune étant chargée d'une activité particulière : banque postale, assurance postale, service postal et activités de bureau de poste. Les titres de ces sociétés seront, dans un premier temps, intégralement détenus par une société holding créée en janvier 2006, la Postal Privatization Planning Firm , et dont le capital est contrôlé à 100 % par l'Etat.

A l'expiration d'une période transitoire de 10 ans (d'octobre 2007 à septembre 2017), les deux premières sociétés - banque postale et assurance postale - seront totalement privatisées, les deux autres - service postal et activités de bureau de poste - resteront sous le contrôle de l'Etat (à hauteur d'une participation de 33,3 %).

Comme l'ont souligné plusieurs représentants des banques japonaises rencontrés par la délégation, il s'agit d'un défi pour la poste japonaise, qui va devoir effectuer une véritable « révolution culturelle ».

7. Une réforme à poursuivre

La réforme du système bancaire n'est pas terminée.

Ainsi, selon la mission économique de l'ambassade de France au Japon, « le caractère massif des fusions n'a pas encore conduit à la constitution de groupes bancaires homogènes et un chemin important reste à accomplir, comme par exemple au sein de l'ensemble MUFJ qui résulte de la fusion de quatre banques en quelques années » 32 ( * ) .

Par ailleurs, la mission économique de l'ambassade de France au Japon indique que « de l'avis de certains experts, les provisions imposées par la FSA ont été trop importantes et la rentabilité des établissements bancaires n'est pas encore suffisante même si la diversification vers des produits à plus forte valeur ajoutée et la remontée possible des taux permettent d'envisager de meilleures marges ».

Enfin, les fonds publics injectés n'ont pas encore été complètement remboursés par les banques.

Les pouvoirs publics vont-ils totalement récupérer les fonds injectés ?

« Le principal problème auquel sont confrontées les grandes banques japonaises reste le remboursement des fonds publics qui leur ont été injectés de 1998 à 2003. A l'exception de Resona , qui se trouve dans une situation atypique eu égard à l'importance des sommes en cause et à l'incertitude relative à la possibilité de les rembourser à court terme, les grands groupes se sont engagés activement dans un processus d'apurement prioritaire de cette dette , afin de se dégager de la tutelle spéciale de la FSA établie en contrepartie de l'aide publique. L'accroissement rapide et notable de leur rentabilité, y compris par des produits non récurrents (reprises de provisions sur créances douteuses, réévaluations et cessions d'actifs), constitue donc un impératif pour ces banques, objectif par ailleurs soutenu officiellement par la FSA dans le cadre de son programme stratégique lancé fin 2004. Les trois grands groupes internationalisés ont d'ores et déjà remboursé l'essentiel des prêts subordonnés assortis d'un taux d'intérêt élevé, ce qui n'a pas pesé significativement sur leurs ratios de solvabilité. Mizuho et MUFG, qui doivent encore respectivement 600 et 820 milliards de yens, ont annoncé leur intention d'apurer leur dette dès le 1 er semestre de l'année budgétaire 2006. SMFG, qui doit 1.100 milliards de yens, prévoit un remboursement complet au cours de l'année budgétaire 2007, mais s'emploie dès à présent à collecter les ressources nécessaires et procède actuellement à une émission de capital qui devrait lui rapporter environ 600 milliards de yens. »

Source : mission économique de l'ambassade de France au Japon, « Les banques japonaises confirment le redressement de leur situation financière », 26 janvier 2006

8. La modernisation de la Bourse de Tokyo

La Bourse de Tokyo a été modernisée.

Cette modernisation n'a pas empêché certains incidents récents, le système informatique se révélant incapable de reconnaître certaines erreurs. Ainsi, lors de l'introduction en bourse de la petite société JCom le 8 décembre 2005, la maison de courtage Mizuho Securities a placé 610.000 titres à 1 yen au lieu de vendre une action à 610.000 yens. Cette erreur grossière a coûté 300 millions d'euros à Mizuho Securities, a provoqué la chute des titres des maisons de courtage, et a suscité la démission des principaux dirigeants de la Bourse de Tokyo.

M. Nishimuro Taizo, président de la Bourse de Tokyo, a indiqué à la délégation que le système informatique avait fait l'objet de diverses améliorations - obligation pour les opérateurs de vérifier leurs ordres et fixation d'un montant maximal par opération, en particulier -, un nouveau système informatique devant entrer en service dans deux ans.

Il a en outre indiqué que la cotation de la Bourse de Tokyo sur son propre marché avait été retardée par les récents problèmes informatiques.

La part de la capitalisation boursière globale détenue par des acteurs étrangers est actuellement de l'ordre de 20 % en stock, mais de 50 % en flux, et est donc en augmentation tendancielle.

9. L'amélioration de la gouvernance des entreprises

L'assainissement de l'économie japonaise passe également par une amélioration de la gouvernance des entreprises.

Ainsi, la nouvelle loi sur les entreprises ( Corporate Law ) est entrée en vigueur le 1 er mai 2006.

D'inspiration libérale, elle facilite la création d'entreprise, et fixe certaines obligations en matière de transparence :

- obligation, pour toutes les entreprises, de publier des comptes annuels ;

- obligation, pour les plus grandes entreprises, de se doter d'un commissariat aux comptes et d'un conseil de surveillance constitué de personnalités externes, au lieu d'administrateurs issus des rangs de leurs propres employés.

D. L'ASSAINISSEMENT DE L'ÉCONOMIE CORÉENNE

1. Une injection de fonds publics à hauteur de 30 % du PIB

Dans le cas de la Corée, les fonds publics injectés en part du PIB ont été encore supérieurs à ceux du Japon, puisque des économistes les évaluent à environ 30 % du PIB (contre 20 % pour le Japon) 33 ( * ) . M. Kwon Tae-shin, vice-ministre de l'économie et des finances, a confirmé cet ordre de grandeur, indiquant à la délégation que le montant précis des fonds publics utilisés avait été de 158 trillions de wons.

Comme au Japon, certaines banques en difficulté ont été nationalisées. Certaines le sont encore, et doivent être prochainement privatisées.

2. La mise en place d'un régulateur unique

En 1998, un régulateur unique a été mis en place pour l'ensemble du secteur financier coréen : la Financial Supervisory Commission (FSC). La régulation financière de la Corée - comme celle du Japon - correspond donc au modèle britannique, un organisme unique étant chargé de l'ensemble de la régulation financière.

3. L'amélioration de la gouvernance des entreprises

La Corée s'est également efforcée d'améliorer la gouvernance de ses entreprises.

a) L'assainissement des chaebols

Les chaebols ont été contraints à se restructurer, à se désendetter, et à faire preuve de davantage de transparence 34 ( * ) .

Les chaebols sont de grands conglomérats, généralement issus de petites entreprises familiales, qui se sont développés sur le modèle des zaibatsus japonais, avec l'appui des pouvoirs publics. Les 30 premiers chaebols représentent environ 15 % du PIB, 30 % du PIB manufacturier, 80 % des exportations et 700.000 emplois. Les cinq principaux chaebols, ou « big five », étaient Hyundai, Samsung, SK, LG et Daewoo, ce dernier ayant fait faillite en 1999.

La crise de liquidité qui a touché la Corée à la fin de 1997 et au début de 1998 a privé les banques locales et, par contrecoup, les conglomérats, des capitaux nécessaires à la poursuite de leur expansion. L'endettement excessif de la plupart des grands groupes et leur incapacité à honorer leur dette ont poussé à la faillite une grande partie du secteur financier coréen.

La crise de 1997-1998 a servi de révélateur à la nécessité d'adaptation des chaebols. Cette restructuration a été très largement imposée par M. Kim Dae-jung, alors président de la République, sous l'impulsion du FMI et de l'OCDE.

Un cadre législatif dérogatoire au droit commun a été imposé aux 30 premiers groupes en termes d'actifs. Les principales mesures ont concerné :

- le désendettement des grands groupes : les autorités coréennes ont imposé aux 30 premiers conglomérats un objectif de ratio dette / capital inférieur à 200 %, alors que le ratio moyen s'établissait à 519 % à la fin de 1997 ;

- l'interdiction des garanties croisées entre filiales d'un même groupe ;

- le recentrage sur quelques métiers de base, par une pression à la baisse sur le nombre total de filiales et par l'interdiction faite aux chaebols de consacrer plus de 25 % de leur capital à de nouvelles prises de participation ;

- la soumission des trente premiers chaebols à une obligation de publication annuelle de leurs comptes consolidés (pour la première fois en juillet 2000) et à un renforcement du contrôle des petits actionnaires sur les résultats financiers des groupes ;

- l'interdiction d'investir dans des filiales financières.

Le groupe Daewoo a fait faillite en 1999.

Plusieurs chaebols ont été démantelés. Tel a en particulier été le cas de Daewoo (après sa faillite) et de Hyundai :

- Daewoo a été scindé en plusieurs entreprises, et sa branche automobile vendue à General Motors 35 ( * ) ;

- Hyundai a été scindé en deux pôles, relatifs respectivement à l'automobile d'une part, à l'industrie et aux services d'autre part 36 ( * ) .

Ce mouvement n'est pas encore achevé.

Par ailleurs, la « moralisation » des chaebols a donné lieu à la condamnation des dirigeants de certains chaebols, dont SK, Hyundai Motor et Daewoo.

M. Cho Kun-ho, président de la Federation of Korean Industries , a estimé devant la délégation que la collusion entre les milieux économique et politique, importante jusqu'en 1997, avait désormais disparu.

b) L'appel croissant aux capitaux étrangers

Parallèlement aux dispositions visant spécifiquement les chaebols, diverses mesures de libéralisation tendent à améliorer la gouvernance des entreprises coréennes par un recours accru aux capitaux étrangers.

Il s'agit d'un aspect essentiel de la « moralisation » de la gestion des chaebols. En effet, comme l'ont souligné les représentants des banques françaises, les marchés financiers internationaux tendent, par nature, à promouvoir un « management éthique », caractérisé, notamment, par une certaine transparence.

Ainsi, la moitié du capital coté au Korea Stock Exchange est désormais détenu par des investisseurs étrangers.

L'attitude du gouvernement coréen demeure cependant marquée par une certaine ambiguïté :

- d'une part, un projet de loi tendant à simplifier le marché des capitaux est prévu pour la fin de l'année 2006. M. Kwon Tae-shin, vice-ministre de l'économie et des finances, a indiqué à la délégation que l'objectif était de ramener le nombre de règlements de 300 à 100, et de décloisonner les différents marchés d'actifs, la loi devant désormais se limiter, pour l'essentiel, à indiquer des interdictions ;

- d'autre part, le gouvernement doit prochainement adopter des dispositions destinées à contrer les « OPA hostiles » menées par des groupes étrangers.

E. LA REPRISE DE LA CROISSANCE

1. Une reprise immédiate dans le cas de la Corée

Dans le cas de la Corée, la croissance a repris immédiatement après la crise financière, comme l'indique le graphique ci-après.

Croissance du PIB de la Corée

(en %)

Source : OCDE

Le taux de croissance a cependant été inférieur à celui observé avant la crise (6 % en moyenne, contre 8,5 % les dix années ayant précédé la crise).

Les économistes y voient, moins qu'une conséquence de la crise elle-même, une manifestation de la tendance à la diminution de la croissance structurelle de l'économie coréenne, la crise asiatique ayant seulement servi de facteur déclenchant d'une évolution qui se serait produite de toute façon.

La crise de 1997-1998 a suscité une restructuration du tissu industriel. Cependant, de nombreuses PME n'ont pas su se restructurer, et demeurent peu compétitives.

2. Une reprise depuis 2003 dans le cas du Japon

Dans le cas du Japon, la « vraie » reprise ne semble avoir eu lieu qu'en 2003, soit 13 ans après le début de la crise, comme l'indique le graphique ci-après.

Croissance du PIB du Japon

(en %)

Source : OCDE

La durée particulièrement longue de la période de faible croissance s'explique, comme ceci a été indiqué ci-avant, par un double phénomène :

- tout d'abord, la correction financière du début des années 1990 a été particulièrement marquée au Japon ;

- ensuite, le gouvernement a attendu 1998 pour prendre en charge la restructuration du système bancaire, alors que les autres Etats de l'OCDE placés dans une situation analogue l'avaient fait dans les années suivant la crise. Ainsi, les reprises de 1995-1997 et 1999-2000, qui reposaient uniquement sur les exportations et une stimulation budgétaire, ont été de courte durée.

Du fait notamment de l'amélioration de la situation financière des banques et des entreprises, la reprise s'est amorcée en 2003. Ainsi, la croissance du PIB a été de 1,8 % en 2003, 2,3 % en 2004 et 2,8 % en 2005, ce qui fait du Japon la grande économie la plus dynamique depuis 2003 après celle des Etats-Unis .

La phase d'expansion commencée en 2003 sera en novembre la plus longue depuis la Seconde Guerre Mondiale.

F. LA CROISSANCE DES DEUX PAYS TEND À RALENTIR POUR DES RAISONS PLUS STRUCTURELLES

L'importance des crises financières traversées par le Japon et la Corée ne doit pas conduire à sous-estimer la tendance structurelle au ralentissement de la croissance de ces deux pays.

1. Contrairement à ce qui a pu être affirmé, le progrès technique a joué un rôle important dans le développement des deux pays

Dans un article 37 ( * ) polémique publié en 1994, qui a connu un large écho, l'économiste américain Paul Krugman affirme que le développement des économies d'Asie orientale s'est moins fait par « inspiration » que par « transpiration ». Il veut dire par là que le développement économique y aurait consisté presque exclusivement en l'augmentation des facteurs de production, quasiment sans progrès technique. Autrement dit, ces pays se seraient contentés de mettre de plus en plus de gens au travail, et d'utiliser de plus en plus de machines, sans améliorer l'efficacité avec lesquelles ces personnes et ces machines étaient utilisées. Un tel mode de croissance n'est pas soutenable, parce qu'il n'est pas possible d'augmenter sans cesse le nombre de personnes au travail, et que, dès lors que la main-d'oeuvre n'augmente plus, il est de moins en moins rentable d'installer une nouvelle machine 38 ( * ) . Pour que la croissance soit durable, il faut un troisième élément : le progrès technique. Les économistes appellent « progrès technique », ou « productivité globale des facteurs », la part de la croissance qui ne résulte pas de la seule augmentation des facteurs de production, mais provient de l'efficacité avec lesquelles ces derniers sont utilisés. Selon M. Paul Krugman, les économies d'Asie orientale se seraient développées quasiment sans progrès technique, comme dans le cas des pays de l'ancien « bloc de l'est ». M. Paul Krugman précise cependant que ce modèle s'appliquerait surtout à Singapour, et moins aux autres Etats de la région.

La thèse de M. Paul Krugman ne semble pas vérifiée par les faits, en particulier dans le cas de la Corée et du Japon. En effet, de nombreuses études réalisées ultérieurement indiquent que le développement de ces deux pays a reposé, notamment, sur un progrès technique qui n'avait rien à envier à celui observé, par exemple, aux Etats-Unis , comme l'illustre le graphique ci-après.

L'importance du progrès technique dans la croissance potentielle (1978-1995)

(contribution à la croissance annuelle du PIB,
en points de PIB)

Source : Angang Hu, « The Chinese Economy in Prospect», in Shuxun Chen, Charles Wolf, Jr, « China, the United States and the Global Economy », Rand Corporation, 2001

2. La croissance structurelle de l'économie japonaise semble aujourd'hui de l'ordre de 1,5-2 %

Il n'en demeure pas moins que la croissance économique du Japon et de la Corée tend à ralentir, pour des raisons tenant aux évolutions démographiques et à la fin du phénomène de « rattrapage ».

Bien que l'éclatement de la bulle financière ait joué un rôle important dans le ralentissement de la croissance de l'économie japonaise, les économistes considèrent que celui-ci est essentiellement structurel. Ainsi, la croissance potentielle, ou structurelle, du Japon, c'est-à-dire sa croissance soutenable sur longue période, évaluée à environ 4 % par an dans les années 1980, l'est désormais à environ 1,5-2 % par an.

Schématiquement, la croissance annuelle de la main-d'oeuvre, qui jusqu'alors oscillait autour de 0 %, est désormais de l'ordre de - 0,5 %. Par ailleurs, la contribution de l'augmentation du capital à la croissance n'est plus que de 2 % par an, et le progrès technique est quasiment nul, comme l'indique le graphique ci-après.

Même si l'on suppose une reprise du progrès technique - vraisemblable, le faible apport du progrès technique dans les années 1990 s'expliquant en partie par de faibles investissements -, il semble peu probable que la croissance potentielle du Japon dépasse 2 % par an dans les prochaines années.

Les déterminants de la croissance du Japon

(contribution à la croissance annuelle du PIB,
en points de PIB)

Source : METI (1998), cité par M. Hiroshi Yoshikawa, professeur d'économie à l'université de Tokyo, dans un document remis à votre commission des finances

Certes, lors de son entretien avec la délégation, M. Yoshikawa Hiroshi, professeur d'économie à l'université de Tokyo, a souligné, à juste titre, que la croissance du PIB avait été nettement supérieure, dans les années 1960, à celle de la main-d'oeuvre. Il y a vu un facteur d'optimisme, considérant que cela montrait que, malgré la diminution de sa population active, l'économie japonaise n'était pas condamnée à une faible croissance. Il a en particulier considéré que le vieillissement de la population pouvait être un facteur de progrès technologique, grâce aux innovations rendues nécessaires pour assurer une bonne qualité de vie aux personnes âgées.

Ce point de vue peut néanmoins sembler optimiste. Selon l'OCDE, le taux de croissance potentielle du Japon serait de 1,4 % en moyenne de 2000 à 2010, contre 1,6 % de 2000 à 2004.

L'augmentation de la croissance potentielle pourrait impliquer des changements sociaux considérables. Ainsi, M. Robert Dujarric, chercheur invité au Japan Institute of International Affairs , a indiqué à la délégation que, selon lui, la place accordée aux femmes dans la société japonaise privait l'économie japonaise d'un potentiel de main-d'oeuvre important, que ce soit directement, ou indirectement, en contribuant au faible taux de natalité.

3. La croissance structurelle de l'économie coréenne, qui n'est plus que de 5 % environ, tend à diminuer

De même, bien qu'elle demeure élevée, la croissance structurelle de l'économie coréenne tend à diminuer.

Ainsi, les économistes considèrent généralement qu'elle serait passée d'un taux compris entre 8 % et 10 % jusqu'en 1995 à un taux de l'ordre de 4 % ou 5 % depuis. Ce ralentissement se répartit de manière à peu près égale entre le ralentissement de la croissance de la main-d'oeuvre, de moindres investissements et un progrès technique moins élevé, comme l'indique le graphique ci-après.

Les déterminants de la croissance de la Corée

(contribution à la croissance annuelle du PIB,
en points de PIB)

Source : d'après Kim Chul-ju, directeur de la division de l'analyse économique du ministère coréen des finances et de l'économie, « Recent Economic Developments and Prospects in Korea », document remis à votre commission des finances, 18 avril 2006

Le fait que l'investissement et le progrès technique aient nettement ralenti depuis la crise financière asiatique de 1997-1998 est la conséquence de celui que les entreprises coréennes avaient jusqu'alors eu tendance à surinvestir. Le ralentissement de l'investissement est donc vraisemblablement structurel.

Par ailleurs, le progrès technique devrait progressivement s'aligner sur la norme des pays développés, et la main-d'oeuvre diminuer à compter de 2020. En effet, la Corée avait un taux de fécondité de 1,17 enfant par femme en 2002, ce qui était le taux le plus bas de l'OCDE, avec celui de la République tchèque. L'économie coréenne devrait donc se trouver, d'ici une quinzaine d'années, avec une population vieillissante et une croissance nettement plus modeste qu'aujourd'hui.

4. Quelles conséquences d'une réunification des deux Corée ?

Par ailleurs, si l'écart de revenu par habitant se maintenait, la réunification des deux Corée pourrait avoir de très graves conséquences pour l'économie de la Corée du Sud.

La Corée du Sud et la Corée du Nord ont une population de l'ordre de respectivement 50 millions d'habitants et 20 millions d'habitants 39 ( * ) , pour un PIB par habitant de l'ordre, en parité de pouvoir d'achat, de respectivement 21.000 dollars 40 ( * ) et 1.800 dollars 41 ( * ) en 2005. Ainsi, alors que le niveau de vie de la Corée du Sud est analogue à celui du Portugal, celui de la Corée du Nord serait inférieur à celui de l'Afrique subsaharienne (environ 3.000 dollars par habitant en moyenne), les seuls Etats aussi peu développés étant, outre le Yemen (environ 1.000 dollars par habitant), le Népal et Haïti (environ 1.500 dollars par habitant), certains pays d'Afrique - le Togo et le Sénégal ont à peu près le même PIB par habitant - et les Etats les plus pauvres issus de l'ex-URSS - Tadjikistan (1.200 dollars par habitant), Moldavie, Ouzbékistan (1.800 dollars par habitant).

L'écart entre les PIB par habitant des deux Corée correspond donc à un rapport de 1 à 10 environ. A titre de comparaison, l'écart entre les PIB par habitant de l'ancienne Allemagne de l'Ouest et celui des Länder issus de l'ex-RDA correspondait à un rapport de 1 à 3.

Ainsi, un responsable coréen a estimé, devant la délégation, que la réunification devrait se faire de manière progressive, le cas échéant en maintenant transitoirement deux Etats.

II. UNE INSERTION DANS LE COMMERCE INTERNATIONAL PLUTÔT RÉUSSIE

A. UNE SPÉCIALISATION MIEUX RÉUSSIE DANS LE CAS DU JAPON QUE DANS CELUI DE LA CORÉE

1. Des excédents commerciaux de nature différente

Si la balance commerciale du Japon est structurellement excédentaire depuis le début des années 1980 (+ 2,1 % du PIB en moyenne), dans le cas de la Corée cet excédent remonte seulement à la crise asiatique de 1998 (+ 4,1 % du PIB en moyenne), comme l'indique le graphique ci-après.

Balance commerciale

(en points de PIB)

Source : OCDE

Ces excédents sont de nature différente :

- dans le cas du Japon, cet excédent est structurel depuis 1985 ;

- dans le cas de la Corée, il s'agit d'un excédent conjoncturel, qui provient de la dépréciation du won en 1998, et auquel la tendance actuelle à l'appréciation du won devrait mettre un terme.

a) Dans le cas du Japon, l'excédent commercial est structurel depuis 1985

Le Japon connaît depuis 1985 un excédent structurel de sa balance commerciale, comme l'indique le graphique ci-après.

Importations et exportations du Japon

(en points de PIB)

Source : OCDE

Avec les accords du Plaza en 1985, cet excédent structurel a contribué à une appréciation du yen, comme l'indique le graphique ci-après.

Balance commerciale et taux de change

(en points de PIB et en dollars)

Sources : OCDE, ministère japonais des finances

Ainsi, la valeur de 1.000 yens est passée d'environ 4 dollars de 1970 à 1985 (soit environ 250 yens pour 1 dollar) à environ 8 dollars depuis (soit environ 125 yens pour 1 dollar).

b) Dans le cas de la Corée, l'excédent commercial provient d'un plus grand dynamisme des exportations depuis 1998, consécutif à la dépréciation du won

L'excédent commercial coréen, bien que provenant également d'exportations dynamiques, est de nature différente . En effet, il n'est apparu qu'en 1998, comme l'indique le graphique ci-après.

Importations et exportations de la Corée

(en points de PIB)

Source : OCDE

Cette forte augmentation des exportations à partir de 1998 provient elle-même de la dépréciation du won, consécutive à la crise de changes traversée en 1998 par les pays de la région, comme l'indique le graphique ci-après.

Le taux de change du won

(taux de change en fin de période)

Source : Banque centrale européenne

L'excédent commercial de la Corée n'est donc pas structurel comme celui du Japon. En particulier, la tendance à l'appréciation du yen observée depuis le milieu de l'année 2004 pourrait y mettre un terme.

2. La spécialisation internationale est bonne dans le cas du Japon, plus moyenne dans celui de la Corée

Le Japon a mieux su que la Corée tirer profit de la spécialisation internationale du travail.

En effet, il s'est spécialisé dans les produits de moyenne-haute technologie, et importe massivement les produits faiblement technologiques. Il a donc une spécialisation analogue à celle de l'Allemagne, en plus marquée.

La Corée ne présente quant à elle pas de spécialisation industrielle forte. Sa situation est donc plus proche de celle de la France. En 1999, elle demeurait cependant exportatrice nette de produits faiblement technologiques, ce qui n'était pas le cas de la France.

Le graphique ci-après permet de mettre en évidence ce contraste entre le Japon et la Corée, s'agissant de la spécialisation de leur économie.

Contribution au solde manufacturier par niveau de technologie, 1999

(en %)

Source : OCDE, 2001 (citée par Mme Michèle Debonneuil et M. Lionel Fontagné, dans le rapport « Compétitivité » du Conseil d'analyse économique, 2003)

Il faut cependant garder à l'esprit que cette situation évolue rapidement, la Corée se spécialisant dans des produits de plus en plus technologiques.

B. UN PROTECTIONNISME DE FAIT EN CORÉE ET AU JAPON

Le Japon et la Corée sont incontestablement protectionnistes. Il convient cependant de souligner le contraste entre ce protectionnisme tel qu'il apparaît dans les données de l'OMC, et tel qu'il est perçu par les entreprises étrangères.

Selon les critères utilisés par l'OMC, seule la Corée est un Etat protectionniste, le Japon semblant même un peu moins protectionniste que l'Union européenne et les Etats-Unis.

1. Seule la Corée a des droits de douane importants

Si la Corée a des droits de douane importants, selon ce critère le Japon semble légèrement moins protectionniste que l'Union européenne et les Etats-Unis, comme l'indique le graphique ci-après.

Les droits de douane (plus récente année connue)

(en %)

(1) Un taux NPF (nation la plus favorisée) est un taux imposé à l'ensemble des partenaires, sauf dans le cas de systèmes préférentiels (SGP, AMF...) et d'exemptions (union douanière, zone de libre-échange...).

(2) Un taux consolidé est le taux maximum appliqué à un produit en vertu des accords du GATT ou de l'OMC. Les négociations commerciales multilatérales portent sur les taux consolidés.

Source : OMC, 2006

Un premier critère est celui de la proportion de produits « visés par la consolidation » , c'est-à-dire dont le droit de douane fait l'objet d'un taux maximum en vertu des accords de l'OMC. La notion est importante, puisqu'un Etat peut relever comme il le souhaite les droits sur un produit non visé par la consolidation. Seule la Corée se distingue sur ce plan de l'UE et des Etats-Unis : alors que la proportion de produits visés par la consolidation est de 100 % pour ces trois entités (99,5 % pour le Japon dans le cas des produits non agricoles), dans le cas de la Corée il est de seulement 99,1 % pour les produits agricoles et 93,7 % pour les produits non agricoles.

Dans le cas des produits admis en franchise , le Japon est, de loin, l'Etat le moins protectionniste, puisque 45,2 % des produits importés ne sont soumis à aucun droit de douane. Inversement, la Corée est plus protectionniste que l'Union européenne et les Etats-Unis selon ce critère, puisque seulement 4,9 % des produits importés sont admis en franchise, contre 18,3 % dans les deux autres cas.

En ce qui concerne les droits de douane , la Corée est encore l'Etat le plus protectionniste, avec un taux moyen de 7,5 % pour les produits non agricoles et de 45,5 % pour les produits agricoles, alors que l'Union européenne et les Etats-Unis ont un taux moyen de 4,2 % pour les produits non agricoles et 5,9 % pour les produits agricoles. Si le Japon est un peu plus protectionniste que ces derniers dans le cas des produits agricoles, avec un taux de 7,1 %, pour les produits non agricoles il est en revanche moins protectionniste, avec un taux de seulement 2,7 %.

2. Les barrières non tarifaires du Japon sont peu importantes, selon l'OMC et l'OCDE

L'évaluation des barrières non tarifaires (BNT) est plus délicate.

L'OCDE a publié divers travaux à ce sujet. Ceux-ci se limitent à deux catégories de barrières non tarifaires :

- les restrictions quantitatives ;

- le contrôle des prix (prix administrés, mesures antidumping, mesures compensatoires...).

Ainsi, les estimations de l'OCDE ne prennent pas en compte les réglementations sanitaires, techniques, etc., susceptibles de constituer des barrières non tarifaires, et qui constituent un enjeu particulièrement important dans le cas du Japon, comme on le verra ci-après.

A titre d'illustration, le graphique ci-après indique la proportion des importations faisant l'objet de barrières non tarifaires, selon cette définition restrictive de l'OCDE.

Les barrières non tarifaires selon l'OCDE (1) : indice de couverture (1996)

(part des importations concernées,
en %)

(1) Ces estimations ne prennent pas en compte les réglementations sanitaires, techniques, etc., susceptibles de constituer des barrières non tarifaires.

Source : OCDE, dans CEPII, « La mesure des protections commerciales nationales », 2000

Selon l'OCDE, toutes barrières non tarifaires confondues 42 ( * ) , l'Etat le plus protectionniste est les Etats-Unis, puisque 7,7 % de ses importations sont concernées, alors que le Japon et l'Union européenne sont à peu près à égalité, ce taux étant de respectivement 7 % et 6,7 % des importations.

Les Etats-Unis seraient l'entité qui recourt le plus au contrôle des prix (5,2 % des importations), l'Union européenne celle qui recourt le plus aux restrictions quantitatives (3,8 % des importations). Dans le cas du Japon, M. Richard Colasse, président de l'EBC ( European Business Council in Japan ), organisme représentant les entreprises européennes au Japon, a évoqué comme exemple de contrôle des prix celui du secteur de l'aéronautique.

Cette analyse est confirmée par le secrétariat de l'OMC dans ses rapports relatifs à l'examen des politiques commerciales du Japon et de la Corée.

3. Mais le Japon recourt à un protectionnisme déguisé, sous la forme de réglementations techniques

Les considérations ci-avant peuvent conduire à s'interroger : le Japon est-il réellement un Etat protectionniste ?

S'il ne semble pas exister de données comparatives fiables en ce domaine, il semble cependant que le Japon soit l'un des Etats développés dont la réglementation est la moins favorable aux importations.

Tel est le point de vue de l'EBC ( European Business Council in Japan ), organisme représentant les entreprises européennes au Japon, dont la délégation a rencontré le président. Ses principales doléances sont exprimées dans un document d'une centaine de pages, couvrant les principaux secteurs de l'économie 43 ( * ) .

M. Richard Colasse, président de l'EBC, a évoqué plusieurs exemples devant la délégation. Il a ainsi indiqué que l'Union européenne ne pouvait, de fait, exporter des fleurs vers le Japon, compte tenu de l'obligation de les soumettre à un traitement chimique afin de les débarrasser de trois variétés d'insectes nuisibles, également présents au Japon. Le Japon n'autoriserait qu'un faible nombre d'additifs alimentaires. Dans le secteur médical et pharmaceutique, les normes seraient particulièrement restrictives dans le cas des cathéters et des dispositifs d'aide cardiaque. Ainsi, l'EBC considère que la loi sur le secteur pharmaceutique ( Pharmaceutical Affairs Law , ou PAL) d'avril 2005 a eu pour objet, sous couvert de régulation, de rendre plus difficile l'accès des entreprises étrangères au marché japonais.

4. Au Japon, le rôle protectionniste du système de distribution

Par ailleurs, au Japon le système de distribution joue un rôle protectionniste.

Ce point a été souligné par M. Guy de Place, président de Digital Electronics Corporation, filiale de la société française Schneider Electric, dont la délégation a visité les locaux le 21 avril 2006. M. Guy de Place a indiqué que si les concurrents japonais de Digital Electronics Corporation possédaient leur propre réseau de distribution, sa société était obligée de recourir à des distributeurs indépendants. Il a considéré que cette caractéristique du marché japonais rendait difficile pour les entreprises, en particulier étrangères, d'entrer sur un marché.

Cette situation est à l'opposée de celle que l'on peut observer en France. En France en effet, l'équilibre des rapports entre producteurs et distributeurs constitue un facteur aggravant, la grande distribution agissant en partenaire de la délocalisation. Lorsque le prix est de façon caricaturale le déterminant de l'achat, l'arbitrage des grandes surfaces en faveur de produits délocalisés a fatalement tendance à s'accroître.

5. Une évolution récente : la multiplication des accords de libre-échange

Les accords de libre-échange sont autorisés par l'OMC, sous la dénomination d'accords régionaux de commerce ( Regional Trade Agreements ). Dans le cas des accords de libre échange entre pays développés, la base juridique est l'article XXIV du GATT, qui fixe les conditions auxquelles doivent satisfaire de tels accords.

Le Japon et la Corée n'ont pas une tradition d'accords de libre-échange. Cependant, la conclusion, en 2002, d'un accord de libre-échange à l'horizon 2010 entre la Chine et l'ANASE 44 ( * ) , les a conduits à infléchir cette politique.

a) Dans le cas du Japon, la conclusion d'accords de libre échange à partir de 2002

Le Japon a conclu plusieurs accords de libre-échange :

- en janvier 2002, il a signé l' « accord entre le Japon et la République de Singapour pour un nouveau partenariat économique » (JSEPA), qui est entré en vigueur en novembre 2002 ;

- le 17 septembre 2004, il a signé un « accord sur le renforcement du partenariat économique » avec le Mexique ;

- puis il a conclu des accords avec trois Etats de l'ANASE : la Thaïlande, les Philippines et la Malaisie.

Il est en train de négocier des accords avec la Corée, l'Indonésie (qui fait partie de l'ANASE), le Chili, et l'ANASE elle-même, avec laquelle il constitue déjà un forum commercial régional, au sein de l'ANASE+3 (ANASE, Japon, Corée, Chine).

Les négociations nippo-coréennes semblent dans l'impasse, non seulement à cause des produits agricoles (côté japonais), mais également sur certains dossiers industriels (côté coréen). Dans le cas de l'ANASE, l'objectif est d'obtenir un accord d'ici mars 2007.

Le Japon prévoit en outre de lancer prochainement des discussions avec l'Australie, l'Inde, la Suisse, le Vietnam, l'Afrique du Sud et les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG).

Un accord avec la Chine n'est pas officiellement envisagé, bien que certains y soient favorables 45 ( * ) .

En avril 2006, le ministre japonais de l'Economie a annoncé que le Japon allait prochainement proposer à quinze pays partenaires d'Asie et du Pacifique de lancer à partir de 2008 des pourparlers visant à mettre en place une zone de libre échange (ZLE). L'établissement de cette ZLE constituerait la première étape de la création de la Communauté économique d'Asie de l'Est. La volonté de régionalisme s'inscrit dans le cadre de la « nouvelle stratégie économique mondiale » du Japon. L'initiative japonaise a notamment pour but de contrecarrer l'influence de la Chine dans la région et de renforcer le leadership régional de Tokyo. Elle s'appuie également sur une demande de plus en plus pressante des milieux d'affaires japonais, industriels notamment, favorables à la signature d'accords de libre échange avec les principaux pays partenaires.

Le Japon souhaite toutefois que les produits agricoles fassent l'objet d'un traitement spécial, afin de protéger ses agriculteurs.

A titre d'illustration, le graphique ci-après indique l'impact qu'auraient différents accords de libre échange, selon un économiste japonais. Comme cela est généralement le cas pour de tels accords, l'impact sur le PIB serait modeste. Ainsi, un accord avec la Chine n'augmenterait le PIB japonais que de 0,5 point au total, « une fois pour toutes ».

Impact potentiel de divers accords de libre-échange sur le PIB réel du Japon

(en points de PIB)

Source : Kawasaki Kenichi, « The Sectoral and Regional Implications of Trade Liberalization », novembre 2004

b) Dans le cas de la Corée, la conclusion d'accords de libre-échange à partir de 2004

La Corée a conclu un premier accord de libre-échange, avec le Chili, entré en vigueur le 1 er avril 2004. Elle en a conclu deux autres, avec 9 des 10 membres de l'ANASE 46 ( * ) et avec l'AELE 47 ( * ) .

Des négociations sont en cours avec le Canada 48 ( * ) , les Etats-Unis, Singapour et le Japon.

c) L'absence de l'Union européenne

Si les Etats-Unis ont conclu un accord avec Singapour, l'Union européenne est totalement absente de la région.

Des négociations avec la Corée pourraient cependant s'engager prochainement. La volonté de la France de renforcer les liens commerciaux entre la France et la Corée s'est traduite, notamment, par la visite dans ce pays de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, les 24 et 25 mai 2006.

M. Cho Kun-Ho, vice-chairman et CEO de la Federation of Korean Industries , a indiqué à la délégation qu'il était très favorable à un tel accord.

6. Les investissements étrangers se heurtent à de nombreux obstacles dans les deux pays

Le protectionnisme du Japon et de la Corée se manifeste également dans les obstacles auxquels se heurte l'investissement étranger dans ces deux pays.

a) Un problème réel, essentiellement dans le cas du Japon

Comme dans de nombreux pays - à commencer par la France -, cette volonté de conserver sur place le contrôle des entreprises s'explique en grande partie par le souci d'éviter que le pays ne perde ses sièges sociaux pour ne devenir qu'un lieu de production à faible valeur ajoutée.

La réalisation, par une entreprise étrangère, d'investissements au Japon - et dans une moindre mesure en Corée - semble peu aisée, si l'on en juge par la faible ampleur des investissements étrangers dans ces deux pays, comme l'indique le graphique ci-après.

Stocks d'IDE en provenance de l'étranger dans les pays de l'OCDE, années 80 et 90

(en points de PIB)

Source: OCDE, « L'investissement direct étranger dans les pays de l'OCDE », 2003

Ainsi, dans les années 1980 et 1990, l'investissement direct étranger a été négligeable au Japon, malgré un fort accroissement dans les années 1990 (+ 410%) qui se poursuit depuis 2000 (+ 92%). En revanche, la Corée s'est légèrement ouverte dans les années 1990, qui ont correspondu à un stock d'investissements directs étrangers de l'ordre de 8 % du PIB, analogue à celui observé dans de nombreux pays occidentaux, dont la France, l'Allemagne et les Etats-Unis.

Selon l'OCDE, la modestie des investissements étrangers au Japon et en Corée s'explique notamment par le fait que ces deux Etats font partie de ceux qui restreignent le plus l'investissement direct étranger (IDE), comme l'indique le graphique ci-après.

Restrictions à l'IDE dans les pays de l'OCDE, 1998/2000: répartition selon diverses restrictions

L'échelle de l'indicateur varie de 0 (le moins restrictif) à 1 (le plus restrictif).

Source: OCDE, « L'investissement direct étranger dans les pays de l'OCDE », 2003

Dans le cas de la Corée cette limitation des investissements étrangers proviendrait essentiellement de la limitation de la participation étrangère, alors que le Japon recourrait essentiellement à des restrictions visant le personnel étranger et la liberté d'exploitation.

Dans le cas particulier des OPA hostiles, la situation est rigoureusement inverse. Alors que la Corée n'a pas de dispositions en la matière - bien qu'elle doive s'en doter prochainement -, le Japon interdit les opérations « triangulaires », c'est-à-dire l'échange d'actions entre une entreprise japonaise et une filiale locale d'une entreprise étrangère. Ce point a été déploré par plusieurs représentants de la communauté d'affaires française à Tokyo, ainsi que par l'EBC ( European Business Council in Japan ), organisme représentant les entreprises européennes au Japon. Bien que la nouvelle loi sur les entreprises ( Corporate Law ), entrée en vigueur le 1 er mai 2006 , prévoie la suppression de cette restriction, cette disposition ne doit entrer en vigueur qu'au 1 er mai 2007.

L'impact de la nouvelle loi sur les sociétés sur les fusions-acquisitions transfrontalières

« La nouvelle loi sur les sociétés (« Corporate Law ») approuvée par le conseil des ministres le 18 mars 2005, puis adoptée le 26 juillet, est entrée en vigueur le 1 er mai 2006, à l'exception des mesures visant à faciliter les fusions-acquisitions, qui seront effectives un an plus tard.

« (...)

« La révision de la loi prévoyait initialement d'étendre les opérations de fusion-acquisition par échange d'actions aux entreprises étrangères, dans la limite cependant de la formule de «fusion en triangle » qui consiste, pour une entreprise étrangère, à conclure une fusion-acquisition par échange d'actions avec une entreprise japonaise, mais uniquement par le biais de sa propre filiale implantée au Japon. Les actifs étrangers acquis en échange de ses propres actions par l'entreprise cible japonaise sont dans ce schéma imposables au titre de la plus-value.

« Le calendrier de la réforme de la loi, qui a coïncidé avec les débats concernant les prises de contrôle, a conduit le gouvernement à retarder d'un an (2007) l'entrée en vigueur du dispositif. Il pourrait l'être encore davantage suite du scandale Livedoor (janvier 2006), durant laquelle les pratiques jugées peu scrupuleuses de la société auraient été mises à jour et qui a conduit à l'arrestation de son PDG.

« La loi permet en outre l'émission de « golden shares » (actions bénéficiant de droits spécifiques, tels que le droit de veto sur certaines décisions stratégiques), mais les recommandations publiées en mai 2005 par le METI et le ministère de la justice ne seraient pas favorables à leur utilisation systématique. Le but affiché est de gagner du temps afin de permettre aux entreprises japonaises de s'organiser en conséquence.

« Concrètement, les sociétés japonaises ne semblent pas toutes s'être empressées d'adopter des dispositifs anti-OPA faisant appel à des techniques de type « poison pills ». Les points de vue de leurs dirigeants quant aux systèmes de protection possibles sont assez diversifiés, en fonction notamment de la qualité de la situation financière des entreprises et/ou de leur exposition au risque de prise de contrôle (sous-valorisation d'actifs immobiliers, sur-capitalisation, trésorerie surabondante, structure sous-optimisée des filiales du groupe, etc.). On peut notamment citer :

« - l'augmentation de la capitalisation boursière (par le renforcement de la rentabilité au moyen de la poursuite des rationalisations et du développement du chiffre d'affaires), stratégie a priori la plus saine ;

« - l'augmentation des dividendes (l'exercice clôturé le 31 mars 2005 a été marqué par une attention inédite à l'égard des actionnaires, sous la forme d'une meilleure rémunération des actions) ;

« - l'adoption de dispositifs ou de mesures ad hoc anti-OPA. Les cas ne semblent pas très nombreux et restent encore pour beaucoup au stade des intentions. Certains ont été contestés devant les tribunaux au motif de la rupture d'égalité des actionnaires.

« La meilleure défense des sociétés japonaises tiendrait aussi à la fidélité traditionnelle de l'actionnariat non flottant, qui n'a pas disparu malgré une certaine réduction des participations croisées, et aux difficultés concrètes que rencontrerait un "raider" étranger pour gérer son acquisition sur le marché japonais.

*

* *

« Le report d'un an de l'assouplissement des règles relatives aux fusions et acquisitions par échanges d'action est significatif des tensions qui traversent actuellement les milieux politiques et économiques au Japon : évolution indispensable pour favoriser une ouverture plus grande aux investissements directs étrangers, qui restent à un faible niveau au Japon, cette mesure est aussi source d'instabilité pour le contrôle des entreprises.

« Il faut garder à l'esprit que, même une fois adopté, cet assouplissement du Code de commerce demeurera insuffisant pour encourager les fusions et acquisition transfrontières tant que le traitement fiscal des ces opérations n'aura pas été amélioré. La nécessité d'une fiscalité plus souple des F&A a été rappelée par l'Union européenne dans ses propositions de réforme réglementaire présentées au Japon en octobre 2005, dans le cadre du dialogue sur les barrières à l'accès aux marchés des deux partenaires. »

Source : mission économique de l'ambassade de France au Japon, note du 14 avril 2006

Paradoxalement, l'OCDE considère que le protectionnisme en matière d'investissements correspond, dans le cas du Japon, à un phénomène récent : le Japon aurait figuré en 1980 parmi les Etats ayant le moins de restrictions aux IDE, mais il n'aurait pas évolué depuis, alors que les autres Etats - comme la France, alors classée parmi les Etats les Etats les plus restrictifs - devenaient de moins en moins restrictifs.

b) Une situation à relativiser

Il faut cependant se garder de tomber dans la caricature.

Le « protectionnisme » perçu par les investisseurs consiste bien souvent dans les difficultés qu'ils rencontrent pour pénétrer des marchés présentant de fortes spécificités, notamment culturelles et juridiques, par rapport à ceux auxquels ils sont plus habitués. Ainsi, les représentants des banques françaises présentes en Corée ont indiqué à la délégation que l'insécurité juridique à laquelle ils étaient confrontés résultait non d'une politique délibérée de la part du gouvernement coréen, mais d'un manque de clarté de la législation.

Par ailleurs, le Japon mène une politique d'incitation aux investissements étrangers. Ainsi, l'organisme gouvernemental chargé de promouvoir le commerce extérieur japonais, la JETRO ( Japan External Trade Organization ), cherche à inciter les investisseurs étrangers à s'implanter au Japon. M. Koizumi Junichiro, alors Premier ministre, a par ailleurs réaffirmé, lors d'une déclaration de politique générale de janvier 2006, son intention de quadrupler les investissements étrangers au Japon avant la fin de 2011, par rapport à leur niveau de 2001. En conséquence notamment de cette politique, les investissements étrangers au Japon ont fortement progressé ces dernières années, passant de moins de 10 milliards de dollars (moins de 0,25 point de PIB) par an en 1997 à près de 40 milliards de dollars (près de 1 point de PIB) en 2004, comme l'indique le graphique ci-après.

Les investissements directs étrangers au Japon

(en milliards de dollars)

Source : Japan External Trade Organization

Ainsi, les entreprises françaises sont de plus en plus présentes au Japon. Alors qu'il y avait 200 filiales d'entreprises françaises implantées au Japon en 1992, elles sont aujourd'hui 420. La chambre de commerce et d'industrie française au Japon est désormais la deuxième chambre étrangère en nombre d'adhérents après celle des Etats-Unis. Le stock d'investissement français au Japon a été multiplié par 13 entre 1998 et 2000 et les entreprises françaises ont été les premiers investisseurs étrangers au Japon en 1999 et 2000. Elles possèdent désormais le troisième stock d'investissement direct étranger au Japon derrière les Etats-Unis, quasiment à égalité avec les Pays-Bas 49 ( * ) .

Ce mouvement a bénéficié de l'appui des autorités françaises et japonaises qui, à travers deux campagnes « le Japon, c'est possible » (1992-2000) et « France Japon, l'esprit partenaire », lancée en 2001, se sont mobilisées pour faciliter l'implantation des entreprises françaises au Japon.

Ainsi, certaines entreprises françaises ont réalisé au Japon et en Corée des investissements emblématiques, qui montrent que le protectionnisme de ces deux pays en matière d'investissement doit être relativisé :

- au Japon, Renault est entré en 1999 dans le capital de Nissan, à hauteur de 44,4 % ;

- en Corée, la même entreprise a acheté Samsung Motors en 2000.

Par ailleurs, Carrefour a disposé jusqu'à récemment en Corée de 32 magasins, qu'il a revendus à E-land le 28 avril 2006.

C. DES MONNAIES SOUS-ÉVALUÉES ?

Les taux de change du yen et du won ont connu des fluctuations importantes ces dernières années, comme l'indique le graphique ci-après.

Le taux de change du yen et du won

(en dollars, valeurs en fin de mois)

Source : Banque centrale européenne

Il convient de distinguer deux périodes :

- au cours de la décennie précédant la crise financière asiatique de 1997-1998, le yen s'est apprécié alors que le won se dépréciait, jusqu'à ce que la valeur de 10.000 wons devienne analogue à celle de 1.000 yens ;

- la crise financière asiatique a constitué une cassure, avec une dépréciation significative des deux monnaies, en particulier du won, qui a perdu 40 % de sa valeur, alors que le yen en perdait 15 % ;

- depuis 1998, les deux monnaies ont un taux de change stable, fluctuant entre 8 dollars et 10 dollars pour 10.000 wons ou 1.000 yens.

Quel que soit le critère retenu, le yen et le won semblent plutôt sous-évalués .

1. Selon une approche en termes de parité de pouvoir d'achat, le yen et le won pourraient être sous-évalués de respectivement 30 % et 15 % par rapport au dollar

On peut tout d'abord considérer que le « bon » taux de change est un taux de change « juste », c'est-à-dire un taux de change qui permet de faire en sorte que la conversion d'une monnaie à l'autre ne se traduit par aucun changement du pouvoir d'achat : c'est ce qu'on appelle l'approche en termes de « parité de pouvoir d'achat ». Par exemple, selon l'OCDE 50 ( * ) , pour qu'un Européen ne perde pas de pouvoir d'achat en convertissant des euros en dollars et en dépensant ceux-ci aux Etats-Unis, il fallait en 2002 qu'en échange d'un euro, on lui donne 1,14 dollar.

L'idée sous-tendant cette approche est que ce taux de change permet une concurrence équitable , tout en étant celui vers lequel tend le marché des changes, les prix mondiaux tendant à s'égaliser.

On peut à cet égard se référer à l'indice « Big Mac », mis en place par l'hebdomadaire The Economist , et définissant le taux de change « juste » comme celui permettant d'égaliser le prix d'un Big Mac 51 ( * ) . Selon ce critère, en mai 2006 le yen et le won auraient été sous-évalués de respectivement 28 % et 15 % par rapport au dollar.

Cependant, la thèse d'une surévaluation du yen et du won ne fait pas l'unanimité :

- selon BNP Paribas 52 ( * ) , en parité de pouvoir d'achat 1.000 yens valaient en 2005 environ 7,7 dollars, alors que le taux de change observé est actuellement de 8,5 dollars, ce qui correspond à une surévaluation du yen de 10 % ;

- comme le souligne la mission économique de l'ambassade de France en Corée, le taux de change effectif global du won s'est apprécié de 20 % environ au cours de l'année 2005, au point où certains évoquent même une surévaluation du won.

2. Selon une approche par le « taux de change d'équilibre fondamental », les deux monnaies auraient été sous-évaluées en 2003 d'environ 35 % par rapport au dollar

L'approche par la parité de pouvoir d'achat indiquée ci-avant est critiquée par certains économistes, qui lui préfèrent une approche en termes de « taux de change d'équilibre fondamental ». Dans le cas du yen et du won, cette approche conduit à une nette sous-évaluation.

Selon cette approche, qui cherche à déterminer non le taux de change « juste », mais le taux de change souhaitable pour le pays considéré , le « bon » taux de change est celui permettant d'atteindre une certaine cible de compte courant, que l'on considère optimale pour le pays concerné, compte tenu des caractéristiques de son économie et de sa démographie.

Schématiquement, cette approche consiste à considérer que la Corée n'a pas besoin d'avoir un excédent commercial pour financer son économie, et que si le Japon a besoin d'un excédent commercial pour assurer le financement de ses retraites, c'est dans une proportion bien moindre que l'excédent actuellement constaté. En conséquence, les monnaies de ces deux pays seraient sous-évaluées.

Selon cette approche, la sous-évaluation du taux de change effectif réel (c'est-à-dire par rapport à l'ensemble des monnaies) aurait été en 2003 de l'ordre de 20 % pour le yen et pour le won, de même que pour le renminbi. La sous-évaluation par rapport au dollar aurait quant à elle été de 35 % dans les deux cas.

Le taux de change d'équilibre fondamental de différentes monnaies : écart par rapport au taux de change observé (2003)

(en %)

Source : Virginie Coudert, Cécile Couharde, « Real Equilibrium Exchange Rate in China », CEPII, document de travail 2005-01, janvier 2005

III. UN FAIBLE TAUX DE CHÔMAGE

A. LA MONDIALISATION N'IMPLIQUE PAS UN TAUX DE CHÔMAGE ÉLEVÉ, MAIS SEMBLE CONSTITUER UN FACTEUR DE PRÉCARITÉ

Au pire des ralentissements économiques récents, le taux de chômage de la Corée et du Japon, normalement de l'ordre de 3-4 %, n'a été que de 6,9 % en 1998 pour la Corée et 5,4 % en 2002 pour le Japon , comme l'indique le graphique ci-après.

Le taux de chômage

(en % de la population active)

Source : OCDE

Dans les deux pays, le taux de chômage présente une double caractéristique :

- il est structurellement bas ;

- il fluctue relativement peu.

Autrement dit, dans ces deux pays, pour expliquer le faible taux de chômage il faut expliquer le faible niveau des deux composantes du chômage :

- le chômage conjoncturel, ou keynésien, c'est-à-dire celui qui provient d'une insuffisance de l'activité économique ;

- le chômage structurel, c'est-à-dire celui qui subsisterait quel que soit le niveau de l'activité économique.

La décomposition du taux de chômage entre ces deux composantes peut conduire à des résultats très différents selon la méthodologie utilisée. En particulier, celle utilisée par l'OCDE conduit à attribuer plus de 80 % du chômage au chômage structurel pour la quasi-totalité des pays (90 % dans le cas du Japon 53 ( * ) ). Compte tenu de la signification incertaine de ces chiffres 54 ( * ) , on se gardera d'en déduire que les Etats de l'OCDE sont à peu près « à égalité » pour le chômage conjoncturel, et que la bonne performance du Japon et de la Corée en matière de taux de chômage devrait être expliquée exclusivement en termes structurels.

On examinera donc ci-après les facteurs pouvant expliquer un faible niveau des chômages conjoncturel et structurel dans les deux pays.

1. Un faible chômage conjoncturel grâce à une logique de « partage du travail »

a) Dans le cas du Japon, une production par travailleur plus faible que dans l'Union européenne

Le faible chômage conjoncturel du Japon peut s'expliquer par une production par travailleur relativement modeste. Autrement dit, l'activité économique de ce pays est « riche en emplois ».

Ainsi, alors qu'un travailleur moyen des Etats-Unis ou de l'Union européenne produit respectivement 80.000 dollars ou 60.000 dollars de PIB (70.000 dollars dans le cas de la France), ce chiffre n'est que de 55.000 dollars dans le cas du Japon, comme l'indique le graphique ci-après.

Production par travailleur (2002)

(en dollars ; conversion faite sur la base de
la parité de pouvoir d'achat)

Source : d'après l'OCDE

Ainsi, le travailleur japonais moyen produit 10 % de moins que le travailleur européen moyen. Cette donnée montre un faible niveau relatif de la productivité du travail, dans la mesure où la durée moyenne du travail est de l'ordre de 1.900 heures par an au Japon (et aux Etats-Unis), contre environ 1.500 heures dans les principaux pays européens, dont la France.

Ce phénomène ne peut en revanche être constaté dans le cas de la Corée, dont la production par travailleur est analogue à ce qu'elle est dans des pays européens de développement comparable, comme le Portugal ou la Grèce.

b) Dans le cas de la Corée, une faible productivité dans certains secteurs

En Corée la production par travailleur est faible dans les services. En particulier, la production par travailleur est plus faible dans le commerce, l'hôtellerie et la restauration que dans le reste de l'économie.

Contrairement à ce qui a parfois pu être affirmé, un tel phénomène ne semble pas pouvoir être constaté dans le cas du Japon. En particulier, selon les données de l'OCDE, dans ce pays, la production par travailleur dans le commerce, l'hôtellerie et la restauration n'est pas plus faible que dans le reste de l'économie, et la proportion des emplois de ces secteurs est analogue à ce qu'elle est en France.

Au Japon, la ligne de fracture, en ce qui concerne la productivité du travail, ne se situe donc pas entre l'industrie et les services, mais entre les industries exportatrices et le reste de l'économie.

La production par travailleur dans les différents secteurs économiques
du Japon et de la Corée

1. La production par travailleur n'est plus faible dans les services que dans l'ensemble de l'économie que dans le cas de la Corée

Si au Japon, la production par travailleur n'est pas plus faible dans le secteur des services que dans l'ensemble de l'économie, tel est en revanche le cas en Corée, puisque dans ce pays il faut 1,19 travailleur dans les services pour produire la même valeur ajoutée qu'un travailleur moyen. La Corée est l'un des Etats de l'OCDE pour lesquels ce phénomène est le plus marqué, avec le Canada, l'Irlande et la Norvège, comme l'indique le tableau ci-après.

Part de l'emploi/part de la valeur ajoutée (2002)

Services

Industrie

Agriculture

Pologne

0,79

0,95

5,94

Mexique

0,84

0,94

4,18

Japon

0,98

0,94

3,54

Portugal

0,81

1,13

3,34

Turquie

0,75

0,75

2,83

Autriche

0,99

0,93

2,33

Grèce

0,88

0,96

2,26

Norvège

1,24

0,57

2,18

Corée

1,19

0,65

2,15

Allemagne

0,95

1,07

2,08

Irlande

1,20

0,66

1,94

Luxembourg

0,98

1,06

1,86

Italie

0,91

1,14

1,81

Belgique

1,03

0,89

1,69

Espagne

0,95

1,04

1,68

Hongrie

0,93

1,09

1,45

Finlande

1,06

0,83

1,42

France

1,01

0,92

1,38

Australie

1,05

0,82

1,38

Rép. slovaque

0,88

1,21

1,29

Danemark

1,02

0,91

1,24

Canada

1,17

0,66

1,22

Royaume-Uni

1,04

0,87

1,20

Rép. tchèque

0,98

1,00

1,18

Nlle-Zélande

1,03

0,88

1,17

Pays-Bas

1,07

0,79

1,15

Suède

1,07

0,80

1,11

États-Unis

1,04

0,88

1,06

Islande

1,13

0,81

0,74

Lecture : en 2002, au Japon dans le secteur agricole il fallait 3,54 travailleurs pour produire autant qu'un travailleur moyen.

Source : d'après l'OCDE

Bien entendu, la France n'a pas de « déficit en emplois » absolu dans les services par rapport à la Corée. En effet, les services y correspondent à seulement 63,6 % de l'emploi total, contre 73 % dans le cas de la France.

Part des services dans l'emploi total (2002)

Source : OCDE

Le tableau ci-avant montre également que le Japon et la Corée ont en commun de figurer parmi les Etats dont la productivité du secteur agricole, comparée à celle de l'ensemble de l'économie, est la plus faible. Ainsi, dans ces deux pays, dans le secteur agricole la production par travailleur est respectivement 3,5 et 2 fois plus faible que dans l'ensemble de l'économie. Compte tenu de la faible part de l'emploi agricole dans l'emploi total, l'impact de ce phénomène est cependant modeste.

2. Le commerce et l'hôtellerie-restauration

a) Ces secteurs n'emploient une plus forte proportion de travailleurs que dans le cas de la Corée

Parmi les causes du fort taux de chômage de la France, on évoque fréquemment, à juste titre, l'insuffisance des emplois dans l'hôtellerie-restauration. Ainsi, la France présente dans ce secteur un déficit en emplois par rapport aux pays anglo-saxons (Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni).

La France a un déficit en emplois analogue par rapport à la Corée. En effet, en Corée comme aux Etats-Unis, ce secteur représente environ 25 % des emplois, contre moins de 20 % en France.

Cependant, la France ne présente pas de déficit en emplois significatif par rapport au Japon, comme l'indique le graphique ci-après.

Commerce de gros et de détail, restaurants, hôtels : part dans l'emploi total (2002)

(en %)

Source : OCDE

b) C'est seulement en Corée que la production par travailleur est plus faible dans ces secteurs que dans le reste de l'économie

Le fait que le commerce et l'hôtellerie-restauration représentent davantage d'emplois en Corée et aux Etats-Unis qu'au Japon et en France s'explique en partie par le fait que, dans ces deux pays, la la production par travailleur y est nettement plus faible que dans l'ensemble de l'économie. Ce phénomène est cependant plus net dans le cas de la Corée que dans celui des Etats-Unis. Ainsi, en Corée il faut plus de 2 travailleurs pour produire autant dans ces secteurs qu'un travailleur moyen, alors qu'au Japon et en France il en faut seulement 1,3, comme l'indique le graphique ci-après.

Commerce de gros et de détail, restaurants, hôtels :
part de l'emploi/part de la valeur ajoutée (2002)

Lecture : en 2002, au Japon dans le secteur « commerce de gros et de détail, restaurants, hôtels », il fallait 1,29 travailleur pour produire autant qu'un travailleur moyen.

Source : d'après l'OCDE

c) Au Japon, la faible production par travailleur provient d'une diminution de 10 % de la durée du travail depuis 1990

La faible production par travailleur observée au Japon provient très largement de la flexibilité de la durée du travail. En effet, lorsque l'activité économique ralentit, les entreprises japonaises et coréennes réduisent le nombre d'heures de travail au lieu de licencier, comme l'indique le graphique ci-après.

Durée mensuelle du travail

(1993=100)

Source : OCDE

Ainsi, dans le cas du Japon, avant le ralentissement économique des années 1990, la durée du travail était supérieure d'environ 10 % à ce qu'elle est aujourd'hui. Concrètement, elle est passée de 2.000 heures à 1.800 heures.

Cette flexibilité à la baisse de la durée du travail constitue l'élément essentiel de la flexibilité du travail japonais, le licenciement, exceptionnel, ayant correspondu à un vide juridique jusqu'en juin 2003, comme l'indique l'encadré ci-après.

Une flexibilité du travail qui ne passe traditionnellement pas par le licenciement

« Compte tenu des pratiques de gestion nippones très hostiles au licenciement, jusqu'au début des années 2000 aucune règle de licenciement n'était précisée par la loi. Plutôt que de licencier durant les périodes de crise, les entreprises utilisaient la flexibilité de la rémunération non contractuelle (baisse des heures supplémentaires, compression des bonus), la solution du détachement d'effectifs dans les filiales, voire même la baisse des salaires. Si bien que les licenciements, les demandes de démission volontaire, et même les retraites anticipées étaient exceptionnelles. Mais ce type de mesures a progressé à la fin de la décennie quatre-vingt-dix. Le vide législatif a été comblé en juin 2003 grâce à l'article 18-2 qui stipule qu'« une entreprise ne peut licencier un salarié sans objectif précis et motif circonstancié » et que « si ce motif est reconnu comme inacceptable selon les normes sociales et les pratiques en vigueur, l'entreprise sera considérée comme ayant abusé du droit de licenciement et le licenciement sera invalidé ».

Source : Evelyne Dourille-Feer, « Chômage et réformes du marché du travail au Japon », CEPII, décembre 2005

Ce phénomène est cependant moins marqué dans le cas de la Corée, dont la durée du travail a diminué de seulement 3 % en 1998.

d) Au Japon, les salaires réels ont diminué de 6 % de 1997 à 2003

Dans la même logique tendant à éviter les licenciements, après avoir réduit la durée du travail de 1990 à 1994, les entreprises japonaises ont significativement réduit les salaires réels à partir de 1997.

Ainsi, selon l'OCDE, la rémunération totale aurait commencé à diminuer à partir de 1997, pour atteindre en 2003 un niveau inférieur de 6 %, en termes réels 55 ( * ) . Cette évolution vient du fait que si les salaires « réguliers » réels ont stagné, les primes et allocations spéciales, qui représentent environ 25 % de la rémunération totale, ont en revanche fortement diminué.

La stagnation des salaires « réguliers » réels à partir de 1996 provient en particulier des négociations salariales annuelles «  shunto » 56 ( * ) de 1996. A l'occasion de ces négociations, les dirigeants de l'industrie lourde et de la construction navale sont parvenus à imposer des accords par entreprise, liés aux structures particulières des profits. Depuis, la tendance à la décentralisation des négociations s'est accentuée, ce qui est un facteur de modération salariale.

e) Le Japon fait partie des trois Etats dans lesquels le travail à temps partiel est le plus développé

Un autre facteur de faiblesse du chômage conjoncturel est que le Japon est l'un des pays dans lesquels le travail à temps partiel est le plus développé, comme l'indique le graphique ci-après.

Le travail à temps partiel (2003)

(en % des actifs employés)

Source : OCDE

Ainsi, au Japon plus d'un quart des travailleurs sont employés à temps partiel, contre environ 15 % pour la moyenne de l'OCDE. Les seuls Etats recourant davantage au travail à temps partiel sont les Pays-Bas et l'Australie.

En revanche, la Corée est l'un des Etats qui recourent le moins au temps partiel, qui concerne moins de 10 % des travailleurs.

Comme ailleurs, le travail à temps partiel est essentiellement féminin dans ces pays. Cependant, ce phénomène n'est pas plus marqué au Japon que dans le reste de l'OCDE, les femmes y correspondant à environ 60 % des emplois à temps partiel. Ce taux est plus élevé dans le cas de la Corée (70 %), mais on a vu que ce pays recourait peu au travail à temps partiel.

f) Le taux d'activité des femmes, analogue au Japon à ce qu'il est en France, ne peut constituer une explication

On explique parfois la faiblesse du taux de chômage du Japon par un faible taux d'activité supposé des femmes. Telle est en particulier l'explication avancée par le Bureau des statistiques du travail des Etats-Unis 57 ( * ) .

Cette explication doit être relativisée, le taux d'activité des femmes étant au Japon analogue à la moyenne de l'OCDE, et au taux observé dans de nombreux pays, dont la France, comme l'indique le graphique ci-après.

Taux d'activité des femmes (2003)

(en %)

Source : OCDE

2. Un faible chômage structurel en raison de facteurs difficilement transposables en France

On l'a vu, la faiblesse du taux de chômage du Japon et de la Corée provient non seulement d'un faible taux de chômage conjoncturel, mais aussi d'un faible taux de chômage structurel.

Le chômage structurel est celui qui ne disparaîtrait pas du fait d'une activité économique plus importante. Schématiquement, on peut le répartir en deux composantes :

- le chômage « frictionnel », correspondant au temps incompressible que les personnes mettent à trouver un emploi ;

- le chômage « classique », correspondant aux personnes qui sont structurellement inemployables aux salaires en vigueur ou qui ne veulent pas trouver un emploi.

a) Le coût du travail est faible en Corée, mais élevé au Japon

Si le coût horaire du travail est faible en Corée, il est analogue au Japon à ce qu'il est en France, comme l'indique le graphique ci-après.

Coût horaire du travail dans le secteur manufacturier

(Etats-Unis = 100)

Source : U.S. Bureau of labor statistics, février 2006

Par ailleurs, la part des salaires dans la valeur ajoutée est élevée au Japon, comme l'indique le graphique ci-après.

Part des salaires dans la valeur ajoutée

(en %)

Source : OCDE

La faiblesse du taux de chômage structurel du Japon ne peut donc provenir du niveau des salaires.

b) Le Japon a l'un des meilleurs niveaux d'éducation du monde

Un facteur qui contribue certainement au faible taux de chômage structurel du Japon, c'est que ce pays fait partie de ceux qui ont le meilleur niveau d'éducation.

Bien que de tels résultats doivent être utilisés avec précaution 58 ( * ) , la proportion de personnes peu éduquées semble corrélée au taux de chômage structurel, comme l'indique le graphique ci-après.

Proportion de personnes peu éduquées et taux de chômage structurel (2005)

(en %)

Hors Portugal.

La source utilisée (Perspectives économiques de l'OCDE) n'indique pas d'évaluation du taux de chômage structurel dans le cas de la Corée. Dans le cas de la Corée, la proportion de personnes ayant un niveau de formation inférieur au deuxième cycle de l'enseignement secondaire est de 29 %.

Source : OCDE

Ainsi, plus un pays a une forte proportion de personnes ayant un très faible niveau d'éducation, plus son taux de chômage structurel tend à être élevé.

On peut supposer que ce phénomène tend à réduire le taux de chômage structurel du Japon, dont la proportion de personnes ayant un niveau de formation inférieur au deuxième cycle de l'éducation secondaire est de seulement 16 % 59 ( * ) , contre 33 % en moyenne dans l'OCDE. Si un faible niveau d'éducation n'est pas facteur de chômage dans les économies peu ou moyennement développées, il rend en revanche plus difficile l'obtention d'un emploi dans celles - comme le Japon - où l'économie de la connaissance joue un rôle important.

c) Le chômage « volontaire » est probablement très faible au Japon et en Corée

Un autre facteur explicatif du faible taux de chômage structurel du Japon et de la Corée est que le niveau du chômage « volontaire » y est vraisemblablement très faible.

Les facteurs culturels semblent jouer un rôle important à cet égard.

Par ailleurs, plus de la moitié des chômeurs japonais ne perçoivent aucun revenu, comme l'indique le graphique ci-après.

Revenus des chômeurs (2002)

(en %)

Source : Ministry of Internal Affairs and Communication (ancien MPHPT), « Ad Hoc Survey on Employment and Unemployment Conditions», 2003, cité dans Evelyne Dourille-Feer, « Chômage et réformes du marché du travail au Japon », CEPII, décembre 2005

De même, la durée de versement des indemnités chômage au Japon se situe dans la fourchette basse des pays industrialisés.

La faible générosité du système d'indemnisation du chômage au Japon incite, par la force des choses, les travailleurs à conserver ou à retrouver un emploi.

3. La multiplication des emplois précaires

a) L'augmentation de la précarité au Japon

Comme on a eu l'occasion de l'indiquer, bien qu'il demeure faible, le taux de chômage du Japon s'est considérablement accru depuis le début des années 1990, passant de 2,1 % en 1990 à 5,4 % en 2002 et 4,4 % en 2005, comme l'indique le graphique ci-après.

Le taux de chômage du Japon

(en % de la population active)

Source : OCDE

En conséquence de cette augmentation du chômage, le licenciement, qui, comme ceci a été indiqué ci-avant, avait jusqu'alors correspondu à un vide juridique, a vu son régime défini par la loi en juin 2003.

Cette augmentation du taux de chômage est d'autant plus préoccupante qu'elle a coïncidé avec le début du déclin de la population active.

La population active du Japon

(en personnes)

Source : OCDE

Par ailleurs, l'emploi est de plus en plus précaire, comme l'indique le graphique ci-après.

Les différents types d'emploi au Japon

(en millions)

Source : OCDE

De 1990 à 2003, 6,5 millions d'emplois ont été créés au Japon. La quasi-totalité de ces créations d'emplois ont consisté en des emplois dits « irréguliers », alors que les emplois « réguliers », si l'on en excluait ceux des cadres, diminuaient. Ainsi, 2,4 millions d'emplois « non réguliers » à temps plein ont été créés, de même que 3,8 millions d'emplois « non réguliers » à temps partiel.

Au total, la proportion des emplois « non réguliers » est passée de 20 % en 1990 à 30 % en 2003.

Le système de l'emploi au Japon semble donc se diriger vers une certaine remise en cause du système d' « emploi à vie », alors qu'augmente la proportion des « freeters » 60 ( * ) , forme d'emploi temporaire légal se caractérisant par une précarisation très grande et une réduction considérable des charges sociales. Selon les termes utilisés par un des économistes rencontrés, « les japonais font massivement du CPE sans le dire ».

Ces évolutions réduisent fortement l'originalité du marché du travail japonais.

b) L'augmentation de la précarité en Corée

La précarité du travail augmente également en Corée.

Ainsi, la délégation a pu constater que le débat français sur le contrat première embauche (CPE), instauré par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, et immédiatement supprimé par la loi n° 2006-457 du 21 avril 2006 sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise, avait rencontré un certain écho en Corée.

En effet, le 11 septembre 2004, le gouvernement coréen a déposé deux projets de loi, tendant respectivement à instaurer une loi relative à la protection des travailleurs à contrat à durée déterminée et à contrat à court terme (« Act on Protection etc. of Fixed-term and Short-term Workers »), et à réformer la loi sur la protection des travailleurs (« Act on Protection etc. of Dispatched Workers »). Ces projets de loi, qui tendent à assurer une certaine protection aux travailleurs précaires - en particulier, un emploi précaire serait automatiquement transformé en contrat à durée indéterminé au bout de deux ans -, sont considérés par une partie de l'opinion publique comme la manifestation d'une volonté de légitimer l'emploi précaire.

Bien que le droit de grève ne soit pas reconnu en Corée, des grèves ont eu lieu, organisées en particulier par le second syndicat coréen, la KCTU ( Korean Confederation of Trade Unions ), retardant l'examen des projets de loi par le Parlement.

B. AU JAPON LE DÉVELOPPEMENT DE LA CHINE EST CONSIDÉRÉ COMME UNE OPPORTUNITÉ, ET NON COMME UN RISQUE ÉCONOMIQUE

Le fait que le taux de chômage demeure relativement faible au Japon et en Corée contribue à expliquer que ces pays aient une vision dépassionnée des conséquences du développement économique d'autres pays, de la Chine en particulier.

1. Les délocalisations en Chine ont essentiellement pour objet d'utiliser le faible coût de la main-d'oeuvre chinoise pour réexporter

Les délocalisations d'activités en Chine ont principalement pour objet de bénéficier du faible coût de main-d'oeuvre de ce pays, afin de réexporter. Ainsi, ce sont les entreprises étrangères, notamment japonaises, qui expliquent l'essentiel des importations et des exportations de la Chine. Ce phénomène est de plus en plus marqué, la part des entreprises étrangères dans les importations et les exportations chinoises étant passée de respectivement 30 % et 20 % en 1991 à 60 % en 2004.

Dans le cas du Japon, les investissements des entreprises ont été favorisés par l'appréciation du yen depuis 1985, qui les a incitées à délocaliser les productions les moins rentables, tout en maintenant sur le territoire japonais leurs activités à forte valeur ajoutée.

a) Un phénomène qui inquiète peu les dirigeants japonais

Comme l'ont souligné plusieurs représentants de la communauté d'affaires française au Japon, les Japonais n'ont pas, sur le développement économique de la Chine, le discours inquiet que l'on entend souvent en France.

Ce point est confirmé par une note de la mission économique de l'ambassade de France, indiquant que « la question des délocalisations ne fait pas l'objet d'un débat au Japon ».

Ainsi, M. Kwan C. H., membre de l'Institut Nomura de recherche sur les marchés de capitaux, que la délégation a rencontré le 20 avril 2006 lors d'un petit-déjeuner consacré aux relations économiques entre le Japon et la Chine, relativise les craintes d' « évidement » (« hollowing-out ») 61 ( * ) de l'économie japonaise, selon lesquelles les délocalisations d'activités susciteraient une diminution nette du nombre d'emplois au Japon.

Il considère que, l'économie chinoise ayant atteint un niveau de développement comparable à celui du Japon en 1960, « les structures économiques du Japon et de la Chine sont complémentaires, plutôt que concurrentes », de sorte que leurs relations sont un jeu « gagnant-gagnant, plutôt qu'à somme nulle ». De même que, dans les pays occidentaux, le développement de pays pauvres n'a supprimé une forte proportion d'emplois que dans un petit nombre se secteurs faiblement technologique - comme le textile, l'habillement, ou l'industrie de la chaussure -, le développement de la Chine ne remet pas en cause la structure de l'emploi japonais : la Chine est spécialisée dans des produits faiblement technologiques, comme l'industrie de la chaussure, alors que le Japon l'est dans des produits fortement technologiques, comme les semi-conducteurs, de sorte que les deux pays ne sont en concurrence que pour une faible proportion de produits, comme les téléviseurs.

M. Kwan C. H. recommande une « attitude positive », consistant à « accélérer les réformes » et à « relocaliser les industries en déclin à l'étranger d'une part », et à « promouvoir de nouvelles industries d'autre part, pour effectuer une montée en gamme industrielle sans évidement ». Il rejette une « attitude négative », tendant à « utiliser la Chine comme un bouc émissaire pour dissimuler les erreurs » et à « faire pression pour obtenir la protection du gouvernement ».

M. Kwan C. H. considère que seules sont néfastes les délocalisations d'activités en Chine provenant de la nécessité de contourner les barrières douanières de ce pays. En conséquence, loin de préconiser le recours au protectionnisme, il est favorable à un accord de libre-échange entre le les deux pays.

b) Un phénomène qui inquiète davantage les dirigeants coréens

La concurrence des salaires chinois semble davantage inquiéter les dirigeants coréens.

Comme cela a été indiqué ci-avant, si l'économie japonaise, de même que les économies allemande et américaine, bénéficie d'une spécialisation internationale du travail favorable, tel n'est pas le cas de celle de la Corée, qui produit encore beaucoup de biens à faible contenu technologique.

Ainsi, M. Kwon Tae-shin, vice-ministre coréen de l'économie et des finances, a indiqué à la délégation que la forte croissance économique de la Chine pourrait susciter, pour la Corée, des « difficultés très graves ». Il a souligné qu'en conséquence, le gouvernement menait une politique de développement des secteurs technologiques à fort potentiel de croissance, en particulier dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, dix secteurs-clés ayant été identifiés.

2. L'étonnant optimisme des dirigeants et chefs d'entreprise japonais sur les conséquences du développement économique de la Chine

Ce qui est étonnant, c'est qu'au Japon le développement de la Chine semble exclusivement perçu comme une opportunité.

Le recours croissant aux délocalisations, par les entreprises japonaises et coréennes, pour pénétrer le marché chinois, va pourtant avoir pour conséquence des transferts de technologie. Si ce sujet a été souligné par M. Cho Kun-ho, président de la Federation of Korean Industries , il ne semble pas préoccuper les dirigeants japonais. Des sociétés comme Toyota ont développé des concepts de production modulaire de façon à intégrer dans certains composants fabriqués au Japon les savoir-faire les plus sensibles et à les protéger de la contrefaçon.

Selon un récent article 62 ( * ) publié par M. Paul Samuelson, prix Nobel d'économie, dans le Journal of Economic Perspectives de l'été 2004, il serait peu prudent de croire que le développement de la Chine se conformera nécessairement à la théorie classique du commerce international. Selon cet article, dans certains cas, il conviendrait, pour analyser l'impact de l'ouverture au commerce international sur l'économie d'un Etat, de distinguer deux « actes », comme dans une pièce de théâtre.

Dans l' « acte I », deux Etats (les exemples retenus étant ceux des Etats-Unis et de la Chine, mais les Etats-Unis pourraient être remplacés par le Japon) s'ouvrant au commerce international verraient leur revenu fortement augmenter, chacun se spécialisant dans les produits pour lesquels son avantage par rapport à l'autre (ce que les économistes appellent son « avantage comparatif », ou « avantage comparé ») est le plus grand, conformément à la théorie classique du commerce international. Ainsi, même si l'un des deux Etats était potentiellement plus compétitif que l'autre dans tous les domaines, il ne se spécialiserait que dans certains d'entre eux, de sorte que les deux Etats auraient intérêt à commercer. Concrètement, cela signifie que les pays émergents tendent à se spécialiser dans les industries de main-d'oeuvre, et les pays développés dans les productions à fort contenu technologique. L'augmentation de la productivité d'un Etat pour les produits pour lesquels il disposait initialement d'un avantage comparé bénéficierait également à l'autre Etat, du fait de la diminution de leurs prix relatifs.

En revanche, dans l' « acte II », un Etat (en l'occurrence, la Chine) pourrait voir sa productivité fortement augmenter pour les produits dans lesquels il ne s'était pas initialement spécialisé, faute d'avantage comparatif. Concrètement, la Chine pourrait se mettre à produire dans les secteurs fortement technologiques. Comme, du fait de la disparition des avantages comparés qui en résulterait, cet Etat n'aurait plus intérêt à se spécialiser dans certains secteurs plutôt que dans d'autres, il produirait dans tous les secteurs - technologiques ou non -, au point de faire disparaître tout intérêt à commercer pour son partenaire, soit, dans l'exemple retenu, les Etats-Unis, qui verraient leur revenu significativement réduit.

La mondialisation peut donc ne pas présenter que des avantages. M. Henri Bourguinat, professeur émérite à l'université de Bordeaux IV, auditionné par votre commission des finances le 13 juin 2006, considère par ailleurs que les Etats développés doivent éviter de se spécialiser dans les seuls produits de haut de gamme ou à fort contenu technologique, qui pourraient bientôt également être produits par les actuels pays « émergents ».

IV. QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DE LA SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES DU JAPON, LA PLUS DÉGRADÉE DE L'OCDE ?

A. DES FINANCES PUBLIQUES TRÈS DÉGRADÉES

1. Une dette publique et un déficit public de l'ordre de respectivement 160 % du PIB et 6 % du PIB

La situation des finances publiques du Japon, tant en termes de déficit que de dette publics, est particulièrement dégradée, comme l'indique le graphique ci-après.

Les finances publiques du Japon

(en points de PIB)

Source : OCDE

Ainsi, avec une dette publique brute de l'ordre de 160 % du PIB, le Japon est le pays de l'OCDE où les administrations publiques sont les plus endettées . Si on prend comme critère la dette publique nette 63 ( * ) , d'environ 80 % du PIB, le Japon est le troisième pays de l'OCDE le plus endetté, après l'Italie et la Belgique, dont la dette publique nette est de l'ordre de respectivement 100 % du PIB et 85 % du PIB.

La prévision de déficit public du gouvernement japonais pour l'année fiscale 2006 est de 6 % du PIB (pour des recettes de 50 trillions de yens, des dépenses de 80 trillions de yens, et un besoin de financement de 30 trillions de yens, ramené à un PIB de 500 trillions de yens).

2. Une dégradation due à l'augmentation des dépenses

Cette dégradation des finances publiques provient essentiellement d'une augmentation des dépenses, comme l'indique le graphique ci-après.

Dépenses et recettes publiques

(en points de PIB)

Source : OCDE

Ainsi, on observe deux grandes tentatives de relance de l'économie par la dépense publique, en 1993-1996 et en 1997-2000. Au total, cela a correspondu à 12 plans de relance en 11 ans , le dernier ayant eu lieu en février 2002, alors que le Premier ministre était M. Koizumi Junichiro. Cette politique, inefficace et aujourd'hui très critiquée, n'en a pas moins été encouragée par les Etats-Unis 64 ( * ) , et même par le FMI 65 ( * ) .

Cette augmentation des dépenses était indépendante de la politique de recapitalisation du secteur bancaire. En effet, comme ceci a été indiqué ci-avant, celle-ci n'a commencé qu'en 1998, et a été financée par des prêts de la Banque du Japon à la DIC ( Deposit Insurance Corporation ), qui ne sont pas comptabilisés comme des dépenses publiques.

L'augmentation des dépenses a essentiellement concerné les travaux publics (routes, ponts...) et des secteurs économiques en déclin.

B. QUELS ENSEIGNEMENTS EN TIRER ?

1. Les politiques de relance budgétaire sont inefficaces

Les deux phases de creusement volontaire du déficit public (1993-1996 et 1997-2000) ont permis de relancer temporairement la croissance du PIB, mais celle-ci s'est effondrée une fois la stimulation terminée, comme l'indique le graphique ci-après.

Solde public et croissance du PIB

(en points de PIB et en %)

Source : OCDE

Cet échec s'explique par le fait qu'au Japon comme en France, une augmentation des dépenses de travaux publics d'un montant donné augmente le PIB d'un montant à peine supérieur : les économistes disent que le « multiplicateur keynésien », censé permettre la diffusion d'une relance budgétaire dans l'ensemble de l'économie, est à peu près égal à l'unité 66 ( * ) . L'effet multiplicateur des dépenses fiscales serait encore plus faible 67 ( * ) .

2. C'est la charge de la dette qui rend le taux d'endettement public plus ou moins supportable

Un autre enseignement de la situation des finances publiques au Japon est que c'est la charge de la dette qui rend le taux d'endettement public plus ou moins supportable.

Ainsi, si le Japon s'accommode d'une dette publique brute de 160 % du PIB, c'est parce que la charge des intérêts y est de seulement 3 % du PIB, ce qui correspond à celle normalement payée par un Etat ayant un taux d'endettement public d'environ 60 % du PIB, comme l'indique le graphique ci-après.

Dette publique et intérêts de la dette publique

(en points de PIB)

Source : Commission européenne

Cela s'explique par le fait que les taux d'intérêt à long terme sont de l'ordre de 1,5 % au Japon, contre 4 % dans la plupart des autres pays, comme l'indique le graphique ci-après.

Les taux d'intérêt à long terme (2005)

(en %)

Source : Commission européenne

Le faible niveau des taux d'intérêt japonais est provisoire. Il provient d'un triple phénomène :

- la faible demande de crédit des ménages et des entreprises japonais, ces dernières continuant à se désendetter ;

- le faible niveau des taux directeurs, qui favorise l'achat d'obligations d'Etat par les banques ;

- l'achat d'obligations d'Etat par la Banque du Japon, correspondant à 25 % des émissions et à 15 % du stock des obligations d'Etat.

La « normalisation » de la politique monétaire, la reprise de l'investissement privé, et à plus long terme la diminution du taux d'épargne consécutive au vieillissement de la population, devraient normalement susciter une augmentation des taux d'intérêt à long terme, et donc un alourdissement de la charge de la dette publique. Une augmentation des taux de 1 point s'accompagnerait d'une hausse des charges d'intérêts équivalant, à terme, à 2 points de PIB.

Ainsi, la délégation a pu identifier certaines divergences d'appréciation au sujet de la politique monétaire devant être menée entre le ministère des finances et le gouvernement d'une part, la Banque du Japon d'autre part. En particulier, M. Fukui Toshihiko, gouverneur de la Banque du Japon, a souligné que le taux de change neutre était pour le Japon égal à la somme de la croissance potentielle et de l'inflation, chacune de 1,5 %, soit 3 % au total.

A plus long terme, le vieillissement de la population devrait susciter une diminution du taux d'épargne des ménages, et donc une augmentation des taux d'intérêt.

3. La hausse de la TVA, l'un des moyens privilégiés de rééquilibrer les comptes publics ?

Les Orientations économiques et budgétaires à moyen terme du gouvernement, dans leur version relative à l'année fiscale 2004, prévoient de ramener le solde public primaire de - 4,4 % du PIB en 2004 à + 0,1 % du PIB en 2011. Pourtant, les dépenses publiques augmenteraient plus vite que le PIB, puisqu'elles passeraient de 36,5 % du PIB en 2004 à 36,9 % du PIB en 2012.

Si l'on suppose que l'élasticité des recettes publiques au PIB est égale à l'unité, de tels résultats ne sont compatibles que si les recettes publiques augmentent nettement plus vite que le PIB, et donc si des mesures nouvelles accroissent les recettes des administrations publiques.

M. Koizumi Junichiro, alors Premier ministre, jusqu'alors opposé à une augmentation de la taxe sur la consommation, analogue de notre TVA, a indiqué en mars 2006 qu'il était désormais favorable à des « discussions » à ce sujet 68 ( * ) .

La délégation a pu constater à cet égard que les points de vue entre responsables politiques semblaient présenter certaines divergences. Un dirigeant du parti libéral-démocrate rencontré par la délégation estime que l'amélioration des recettes fiscales issues de la croissance économique, la réduction des dépenses publiques, une meilleure gestion des actifs de l'Etat et la réforme des dépenses de sécurité sociale suffiront à résorber les déficits. Au contraire, selon deux hauts responsables dans le domaine des finances publiques rencontrés par la délégation, une augmentation des recettes fiscales, et notamment une augmentation du taux de la taxe sur la consommation (actuellement de 5 %), est inéluctable. Il apparaît néanmoins improbable que cette hausse intervienne avant, au mieux, l'année 2008. Le renouveau de l'économie japonaise, et le surcroît de recettes fiscales qui l'accompagne, ont par ailleurs fourni des arguments aux tenants d'une politique budgétaire « conservatrice ».

M. Abe Shinzo, Premier ministre depuis le 26 septembre 2006, n'a pour l'instant pas pris position au sujet d'une éventuelle augmentation de la taxe sur la consommation 69 ( * ) .

Comme en France, la consolidation budgétaire semble passer, au moins en partie, par une augmentation des prélèvements obligatoires ; et, comme en France, les hommes politiques sont réticents à l'affirmer publiquement.

De ce point de vue, le Japon ressemble beaucoup à la France...

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 11 octobre 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu le compte rendu du déplacement effectué en Corée et au Japon par une délégation de son bureau, du 16 au 23 avril 2006.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que ce déplacement se situait dans le cadre des travaux menés par la commission, depuis déjà longtemps, sur la mondialisation de l'économie. Il a rappelé que, chaque année, de 2002 à 2005, des délégations du bureau s'étaient rendues respectivement au Brésil, en Argentine, en Chine et en Inde.

Il a estimé que l'Asie orientale était « une région en mouvement », évoquant, parmi les sujets d'actualité, l'accession de M. Shinzo Abe à la fonction de Premier ministre du Japon le 26 septembre 2006, et, le 9 octobre 2006, la réalisation présumée d'un essai nucléaire souterrain par la Corée du Nord, suivie de la recommandation, par le Conseil de sécurité de l'ONU, que M. Ban Ki-Moon, ministre des Affaires étrangères de Corée du Sud, devienne secrétaire général de l'ONU au 1er janvier 2007.

Il a rappelé que la délégation du bureau, qu'il avait eu l'honneur de présider, comprenait, outre lui-même, MM. Philippe Marini, rapporteur général, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Michel Moreigne et François Marc, et qu'il avait obtenu l'accord de l'ensemble des participants pour être cosignataires, le cas échéant, du rapport d'information.

Il s'est félicité de ce que la délégation ait pu rencontrer des responsables de haut niveau : en Corée, un ministre et un vice-ministre, des parlementaires, le président de l'autorité de régulation financière coréenne, le vice-président de l'organisation représentant le patronat, des représentants des milieux d'affaires français ; au Japon, deux ministres, le gouverneur de la Banque du Japon, le président de l'autorité de régulation financière japonaise, des personnalités politiques de premier rang, des parlementaires, des hauts fonctionnaires, des économistes, des spécialistes des relations avec la Chine, des personnalités du monde académique, des personnalités françaises et japonaises des secteurs financier et industriel.

Après avoir rappelé que le Japon et la Corée avaient aujourd'hui un niveau de vie, exprimé en parité de pouvoir d'achat, identique à celui respectivement de l'Europe occidentale et du Portugal, il a déclaré que les économies du Japon et de la Corée connaissaient aujourd'hui certaines difficultés. Il a estimé que la stagnation de l'économie japonaise dans les années 1990 provenait, notamment, d'une incapacité des pouvoirs publics à réformer son système bancaire, une telle réforme n'ayant été mise en oeuvre qu'à compter de 1998. Il a considéré qu'en Corée, le manque de transparence des chaebols, c'est-à-dire des grands groupes économiques, avait été une cause essentielle de la grave crise économique traversée par le pays en 1998.

Il a souligné que le Japon était le pays dont la dette publique brute, de l'ordre de 160 % du PIB, était la plus élevée de l'OCDE. Il a indiqué que, comme dans certains pays occidentaux, le gouvernement affirmait pouvoir réduire le déficit public par la seule maîtrise de la dépense, ce que certains observateurs jugeaient irréaliste, en particulier du fait du vieillissement de la population, qui poussait les dépenses à la hausse.

Il a jugé que si le quasi-plein emploi que l'on pouvait observer dans ces pays, avec un taux de chômage de seulement 4,4 % au Japon et 3,7 % en Corée en 2005, provenait en partie d'une logique de « partage du travail », avec, dans le cas du Japon, une forte flexibilité à la baisse des horaires et des rémunérations, il s'expliquait également par le fait que Japonais et Coréens étaient souvent contraints d'accepter des emplois qui trouveraient difficilement preneur en France.

Il a considéré que la croissance structurelle des deux économies tendait à se ralentir. Il a estimé que la croissance structurelle de l'économie japonaise était désormais de l'ordre de 1,5-2 % par an, et que si la croissance structurelle de l'économie coréenne était encore de 5 % par an environ, elle tendait à diminuer, du fait du vieillissement de la population et de la fin du « rattrapage » économique. Il a souligné à cet égard que la Corée avait un taux de fécondité de 1,17 enfant par femme en 2002, ce qui était le taux le plus bas de l'OCDE, avec celui de la République tchèque. Il a ajouté qu'une éventuelle réunification des deux Corée, dont les niveaux de vie présentaient un écart de l'ordre de 1 à 10 - la Corée du Nord étant l'un des Etats les plus pauvres du monde - pourrait avoir de graves conséquences sur l'économie de la Corée du Sud.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'il s'attachait, en particulier depuis un rapport d'information publié en 1993 (n° 337, 1992-1993), à faire oeuvre de pédagogie au sujet de la mondialisation, et à combattre la tendance contemporaine à « diaboliser » cette dernière. Il a considéré que si la mondialisation était, incontestablement, une bonne chose, elle pouvait avoir des conséquences dommageables pour l'emploi dans les pays développés. Le progrès technique, qu'elle favorisait, nuisait à l'emploi des personnes les moins qualifiées ; par ailleurs, la délocalisation de certaines activités était également un facteur de chômage.

Il a considéré que le Japon et la Corée commençaient à connaître certaines des conséquences négatives de la mondialisation. Il a souligné que l'emploi précaire se développait dans les deux pays, indiquant qu'au Japon, la quasi-totalité des créations nettes d'emplois depuis 1990 avaient consisté en des emplois dits « irréguliers ». Il a jugé symptomatique que le débat français sur le contrat première embauche (CPE) ait été contemporain d'un débat analogue en Corée, relatif à deux projets de loi, considérés par une partie de l'opinion publique comme la manifestation d'une volonté de développer l'emploi précaire.

Il a considéré que si le Japon était parvenu à se spécialiser dans les produits à fort contenu technologique, tel était moins le cas de la Corée, pour l'instant du moins, ce qui la soumettait à une concurrence croissante de la part de la Chine.

Il a estimé que, contrairement à ce qui était souvent affirmé, la théorie économique reconnaissait que le développement de la Chine pourrait être défavorable à l'emploi dans les pays développés. Evoquant un article publié par M. Paul Samuelson, prix Nobel d'économie, dans le « Journal of Economic Perspectives » de l'été 2004, il a considéré que des gains de productivité de la part de la Chine dans les secteurs à fort contenu technologique pourraient amener celle-ci à produire à la fois dans ces secteurs et dans ceux à faible contenu technologique, réduisant considérablement l'intérêt des pays occidentaux à commercer avec elle.

M. Jean Arthuis, président, a alors présenté les principaux aspects qui seraient développés dans le rapport d'information, dont l'ensemble des membres de la délégation seraient cosignataires. Il a souligné, en particulier, que, dans les deux pays, la restructuration du système bancaire avait nécessité l'injection massive de fonds publics, à hauteur de 20 % du PIB au Japon et de 30 % du PIB en Corée, ainsi que l'instauration d'une autorité de régulation unique pour l'ensemble du secteur financier. Il a rappelé que le Japon avait connu depuis 1999 une inflation négative, et que la Banque du Japon avait mené, depuis 1999, une politique dite de « taux zéro », et, d'avril 2001 à mars 2006, une politique monétaire originale, dite « quantitative », consistant en l'injection massive de liquidités. Il a considéré que le Japon pratiquait un protectionnisme de fait, par le biais de réglementations techniques, et que son marché était difficilement accessible, à cause de son système de distribution. Il a estimé que le yen et le won étaient sous-évalués d'environ 20 % par rapport au dollar.

Il a souligné le faible taux de chômage de la Corée et du Japon, indiquant qu'au pire des ralentissements économiques récents, ce taux, en période de croissance significative, de l'ordre de 3-4 %, n'avait été « que » de 6,9 % en 1998 pour la Corée et de 5,4 % en 2002 pour le Japon. Il a jugé que si le ralentissement économique avait suscité peu de chômage au Japon, cela incombait, en particulier, à une diminution de 10 % de la durée du travail depuis 1990 et à une diminution de 6 % des salaires réels de 1997 à 2003. Il a souligné, en outre, que le Japon faisait partie des trois Etats où le travail à temps partiel était le plus développé, et qu'il y correspondait à 25 % des travailleurs, contre 15 % dans l'OCDE. Il a considéré que le faible chômage structurel du Japon provenait de facteurs difficilement transposables en France, comme la mince générosité de l'indemnisation du chômage, et de facteurs culturels.

Il a rappelé que la dette publique brute du Japon était de 160 % du PIB, ce qui était le taux le plus élevé de l'OCDE. Il a précisé que son déficit public annuel était de l'ordre de 6 % du PIB. Il a considéré que l'on pouvait tirer de cette situation plusieurs enseignements : l'inefficacité des politiques de relance budgétaire ; le fait que c'était la charge de la dette qui rendait le taux d'endettement public plus ou moins supportable, cette charge étant maintenue au Japon à un faible niveau grâce à des taux d'intérêt à long terme de l'ordre de 1,5 %, contre environ 4 % dans la plupart des autres pays ; et le caractère parfois incontournable d'une augmentation de la fiscalité, en particulier de la TVA, dans le cadre d'une politique de réduction du déficit public. Il a souligné, à cet égard, que si le Premier ministre japonais actuel et son prédécesseur n'avaient pas clairement pris position en faveur d'une telle augmentation, les interlocuteurs politiques rencontrés par la délégation avaient laissé entendre que l'assainissement des finances publiques ne pourrait pas être réalisé par la seule maîtrise des dépenses. Il a considéré que le Japon devrait, à moyen terme, augmenter son taux de TVA, actuellement de 5 %, soulignant qu'il avait en ce domaine une marge de manoeuvre plus grande que la France, dont le taux normal de TVA était déjà de 19,6 %.

M. Yann Gaillard a exprimé son total accord avec les analyses qui venaient d'être présentées. Il a estimé que le programme de cette mission, à laquelle il avait participé, avait été très riche. Il a par ailleurs souligné le bouleversement considérable que le développement économique de la Chine représentait pour ses voisins, le Japon et la Corée en particulier.

M. Philippe Dallier s'est interrogé sur les conséquences économiques du vieillissement de la population japonaise.

En réponse, M. Jean Arthuis, président, a exprimé son scepticisme quant à l'idée, exprimée par certains interlocuteurs japonais, selon laquelle le faible dynamisme de la population active pourrait être compensé par un plus grand progrès technique. Il a donc souhaité que la commission puisse se pencher sur les investissements internationaux réalisés par les pays émergents et par les pays exportateurs de pétrole, et a envisagé qu'une délégation du bureau de la commission puisse, à cette fin, mener une mission en ce sens au cours du 1er semestre 2007.

M. François Trucy a considéré que la diminution du taux de natalité au Japon et en Corée s'expliquait par des évolutions sociétales profondes, et pourrait donc difficilement être infléchie.

M. Yann Gaillard a souligné que le nombre annuel d'heures de travail par salarié était très élevé dans certains pays émergents, comme l'Inde.

M. Jean Arthuis, président , s'est inquiété des risques de délocalisation d'activités industrielles à fort contenu technologique, mentionnant l'exemple des trains d'atterrissage de l'Airbus A320, qui étaient déjà usinés en Chine.

La commission a ensuite décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication de la communication sous la forme d'un rapport d'information, qui serait cosigné par l'ensemble des participants, à savoir MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Michel Moreigne et François Marc.

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

M. Jean ARTHUIS (UC-UDF), Président

M. Philippe MARINI (UMP), Rapporteur général

M. Denis BADRÉ (UC-UDF)

M. Aymeri de MONTESQUIOU (RDSE)

M. Yann GAILLARD (UMP)

M. Philippe ADNOT (NI)

M. Michel MOREIGNE (Soc)

M. François MARC (Soc)

ANNEXE 2 : PROGRAMME DE LA VISITE DE LA DÉLÉGATION

Dimanche 16 avril 2006 - Paris

13h15

Départ de Paris

Lundi 17 avril 2006 - Séoul

7h00

Arrivée à Séoul en provenance de Paris

Accueil par M. Philippe THIEBAUD , Ambassadeur, et M. Yves de RICAUD, chef de la mission économique

10h00

Entretien avec M. BYEON YANG-KYOON , ministre de la planification et du budget

12h10

Déjeuner avec M. PARK JONG-KEUN , président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, suivi d'une visite de l'Assemblée nationale

15h30

Entretien avec M. YOON JEUNG-HYUN , président du Financial Supervisory Service (FSS)

17h00

Entretien avec M. CHO KUN-HO , vice-chairman et CEO de la Fédération of Korean Industries (équivalent du MEDEF)

19h00

Réception offerte par le chef de la mission économique, en présence de représentants de la communauté d'affaires et de spécialistes de la Corée

Mardi 18 avril 2006 - Séoul/Tokyo

8h00

Petit déjeuner avec les dirigeants de la chambre de commerce et d'industrie franco-coréenne et des banquiers français

10h30

Entretien avec M. KWON TAE-SHIN , vice-ministre de l'économie et des finances

12h30

Déjeuner offert par M. Philippe THIEBAUD, Ambassadeur

17h10

Départ pour Tokyo

19h30

Arrivée à Narita en provenance de Séoul

Accueil par MM. Christophe PENOT , ministre-conseiller, et Jean-Yves BAJON , ministre-conseiller pour les affaires économiques

Mercredi 19 avril 2006 - Tokyo

8h30

Petit-déjeuner avec la communauté d'affaires française

10h30

Entretien avec M. YOSHIKAWA , professeur à l'Université de Tokyo, membre du Conseil de politique économique et budgétaire placé auprès du Premier ministre

12h30

Déjeuner avec des spécialistes des questions bancaires et financières

14h30

Entretien avec M. FUKUI , Gouverneur de la Banque du Japon, et M. OYAMA, conseiller du Gouverneur

15h45

Visite de la Bourse de Tokyo

Entretien avec M. NISHIMURO, Président du TSE

17h45

Entretien avec M. Gildas LE LIDEC, Ambassadeur

19h30

Dîner avec des représentants français d'établissements financiers

Jeudi 20 avril 2006 - Tokyo 70 ( * )

8h00

Petit-déjeuner sur le thème des relations économiques entre la Chine et le Japon

10h00

Entretien avec M. NAKAGAWA , président du Comité de recherche politique du Parti libéral-démocrate

11h00

Entretien avec M. SHIMADA, professeur à l'Université de Keio, conseiller économique du Premier ministre

12h30

Déjeuner avec des économistes sur les perspectives économiques du Japon

14h30

Entretien avec M. TSUNODA , vice-président du Sénat, suivi d'une visite du Sénat

17h00

Entretien avec M. GOMI , commissionner of Financial Service Agency

17h30

Entretien avec M. YOSANO , ministre délégué à la politique économique et budgétaire et aux services financiers

18h15

Entretien avec M. TANIGAKI , ministre des finances

19h00

Réception offerte par M. Gildas LE LIDEC, Ambassadeur

Vendredi 21 avril 2006 - Tokyo/Osaka

8h30

Départ de l'hôtel

9h36

Départ de Tokyo pour Gifuhashima

12h00

Déjeuner avec M. FURUTA, Gouverneur de Gifu , sur la question des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales

13h59

Départ de Gifuhashima pour Shin-Osaka

14h56

Arrivée à Shin-Osaka

Accueil par MM. Alain NAHOUM , Consul général, et Philippe BARDOL , chef de la Mission économique d'Osaka

16h15

Visite de l'implantation de Digital Electronics, filiale de Schneider Electric

19h00

Réception avec le Kankerein, Fédération économique du Kansai

Entretien avec M. TASHIMA, Président du Comité des échanges internationaux du Kankeiren (Président émérite de Konica Minolta)

Samedi 22 avril 2006 - Osaka/Kyoto/Tokyo/Paris

9h30

Transfert pour Kyoto

12h00

Déjeuner de travail avec M. Alain NAHOUM , Consul Général de France à Osaka et Kobe

16h15

Départ de Kyoto pour Tokyo

21h55

Départ de Tokyo pour Paris

Dimanche 23 avril 2006 - Paris

4h15

Arrivée à Paris CDG en provenance de Séoul

ANNEXE 3 : CARTE DU JAPON

ANNEXE 4 : CARTE DE LA CORÉE

* 1 Dans le présent rapport d'information, conformément à l'usage, le patronyme des personnalités coréennes et japonaises est placé en première position. Pour faciliter la lecture, il est indiqué en caractères gras.

* 2 M. Nakagawa a été nommé secrétaire général du Parti libéral-démocrate en septembre 2006.

* 3 La dette publique nette du Japon est de « seulement » 80 % du PIB.

* 4 Jean Arthuis, « L'incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service », rapport d'information n° 337 (1992-1993).

* 5 Jean Arthuis, « La globalisation de l'économie et les délocalisations d'activité et d'emplois », rapport d'information n° 416 (2004-2005).

* 6 Cf. en particulier les bulletins du 7 mai 2003 (mission en Argentine) et du 23 juin 2004 (mission en Chine).

* 7 Rapport d'information n° 284 (1999-2000).

* 8 Rapport d'information n° 416 (2004-2005).

* 9 L'indice de développement humain (IDH) est calculé en fonction de trois éléments : la longévité, la scolarisation et l'alphabétisation, et le niveau de vie, considérés comme des moyens de mesurer indirectement la qualité de vie. Mis au point par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), l'IDH a été conçu d'après une idée de M. Amartya Sen, prix Nobel d'économie en 1998.

* 10 Comme cela est indiqué ci-après, la croissance a cependant légèrement ralenti en Corée depuis la crise, ce qui semble s'expliquer par la disparition d'un certain surinvestissement.

* 11 Le graphique ne fournit pas d'estimation pour les Etats-Unis et la France. Les chiffres mentionnés dans le cas de ces deux pays sont ceux avancés par Mme Evelyne Dourille-Feer et M. Cyrille Lacu, dans « La crise japonaise, ou comment un pays riche s'enlise dans la déflation », in « L'économie mondiale 2003 », CEPII, Editions La Découverte, 2002.

* 12 La Chine, Hong Kong, Taïwan, Singapour, le Vietnam ont échappé à ce mouvement d'appréciation, et à la dépréciation qui a suivi, grâce à une politique d'ancrage du taux de change sur celui du dollar. Cette politique a été menée avec une rigueur particulière par Hong Kong et par la Chine, dont le taux de change par rapport au dollar n'a quasiment pas changé depuis respectivement 1984 et 1994.

* 13 Olivier Davanne, « Instabilité du système financier international », Conseil d'analyse économique, 1998.

* 14 M. Hashimoto Ryutaro a été Premier ministre de janvier 1996 à juillet 1998.

* 15 M. Obuchi Keizo a été Premier ministre de juillet 1998 jusqu'à un grave problème de santé en avril 2000, qui a entraîné son décès en mai 2000.

* 16 Dans le présent rapport d'information, un trillion s'entend au sens de 1.000 milliards (10 12 ), conformément à l'usage anglo-saxon, retenu par les économistes (et non de 10 18 = 1.000.000 3 , comme cela est souvent l'usage en France).

* 17 Comme cela est indiqué ci-après, ces sommes correspondent à des prêts de la Banque du Japon, garantis par l'Etat, à la « Deposit Insurance Corporation », chargée de la restructuration du système bancaire.

* 18 Les documents des autorités japonaises à l'attention des entreprises et investisseurs étrangers étant généralement rédigés en anglais, le présent rapport d'information, dans un souci de clarté, retient les dénominations anglaises habituellement utilisées.

* 19 Securities Companies, agents commerciaux travaillant pour celles-ci, Securities Finance Companies, Investment Trust Companies.

* 20 Investment Advisers.

* 21 Comme cela est indiqué ci-après, deux banques ont été temporairement nationalisées après une faillite : LTCB (devenue Shinsei) et JCB (devenue Aozora).

* 22 En dehors du compte relatif aux jusen.

* 23 Honoban P. et Klingebiel D., « Controlling the Fiscal Cost of Banking Crises », Policy Research Working Paper, n° 2441, Banque mondiale, 2000, cité dans Robert Boyer, Mario Dehove, Dominique Plihon, « Les crises financières », rapport du Conseil d'analyse économique, 2004.

* 24 Masahiro Kawai, « Reform of the Japanese Banking System », 21 octobre 2004.

* 25 L'acronyme FG, fréquent dans la dénomination des banques japonaises, signifie « financial group ».

* 26 Les trois autres banques de taille comparable sont Citigroup, Bank of America et HSBC. La position relative de ces banques n'est pas figée. Ainsi, MUFG, première banque mondiale lors de sa création, était au quatrième rang fin mars 2006.

* 27 L'acronyme HD signifie « holdings ».

* 28 A ne pas confondre avec l'ex-Mitsui Taiyo-Kobe, qui était une « city bank », et non une « trust bank ».

* 29 A ne pas confondre avec Sumitomo Mitsui FG, qui est une « city bank », et non une « trust bank ».

* 30 A ne pas confondre avec l'ex-Sumitomo, qui était une « city bank », et non une « trust bank ».

* 31 Source : Banque du Japon (document remis à votre commission des finances).

* 32 Mission économique de l'ambassade de France au Japon, note du 25 avril 2006.

* 33 Honoban P. et Klingebiel D., « « Controlling the Fiscal Cost of Banking Crises », Policy Research Working Paper, n° 2441, Banque mondiale, 2000.

* 34 Les développements ci-après s'appuient sur une note rédigée par M. Yves de Ricaud, alors conseiller économique et commercial de l'ambassade de France en Corée, en date du 6 février 2002.

* 35 AFP, 14 juin 2005.

* 36 Libération, 13 mai 2006.

* 37 Paul Krugman, « The Myth of Asia's Miracle » , Foreign Affairs, novembre 1994.

* 38 C'est ce que les économistes appellent la loi des rendements décroissants.

* 39 En 2005, respectivement 49 millions et 23 millions.

* 40 Source : OCDE.

* 41 Source : CIA. La Corée de Nord ne publie pas de données fiables en matière de PIB. Ce chiffre, calculé à partir d'une estimation faite pour l'OCDE par M. Angus Maddison, relative à l'année 1999, doit être considéré comme un simple ordre de grandeur.

* 42 A l'exception des réglementations sanitaires, techniques, etc., non prises en compte par l'OCDE.

* 43 European Business Council in Japan, « Key Moment for Reform, the EBC Report on the Japanese Business Environment », 2005.

* 44 L'association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE, ou ASEAN selon l'acronyme anglo-saxon), fondée en août 1967 à Bangkok, rassemble dix Etats : le Brunei, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, le Laos, la Birmanie, le Cambodge, le Vietnam. Elle a plus de 500 millions d'habitants.

* 45 Tel est le cas en particulier de M. Kwan C. H., membre de l'Institut Nomura de recherche sur les marchés de capitaux, rencontré par la délégation le 20 avril 2006.

* 46 KBS World News, 1 er mai 2006.

* 47 Les Echos, 29 mai 2006.

* 48 Les Echos, 29 mai 2006.

* 49 Source : mission économique de l'ambassade de France au Japon.

* 50 OCDE, «Purchasing Power Parities», 11 janvier 2005.

* 51 Bien standardisé par excellence, le Big Mac est très commode pour éviter les biais statistiques et donner une idée des PPA à travers le monde.

* 52 Caroline Newhouse-Cohen, « La politique de change de la BoJ », in « Ecoweek », BNP Paribas, 13 juin 2005.

* 53 Les « Perspectives économiques de l'OCDE » ne fournissent pas d'estimation du taux de chômage structurel de la Corée.

* 54 Selon M. Edmond Malinvaud, « (...) le taux de chômage structurel, version OCDE, ne peut guère servir à juger de l'efficacité des politiques structurelles, car il diffère peu de toute autre mesure du taux de chômage observé, après lissage pour en éliminer les fluctuations à court terme. La dénomination de taux de chômage structurel ne peut qu'introduire de la confusion » (commentaire du rapport « Plein emploi » de M. Jean Pisani-Ferry, Conseil d'analyse économique, 2000).

* 55 OCDE, « Japon », études économiques de l'OCDE, mars 2005.

* 56 Les négociations « shunto » ont été instaurées en 1955. Se déroulant au printemps, elles sont menées conjointement au niveau national et au niveau local.

* 57 www.bls.gov/fls/flsfaqs.htm .

* 58 En particulier, l'inclusion du Portugal dans le graphique ci-après ramènerait la corrélation (R²) de 0,45 à 0,15.

* 59 Cette proportion est de 29 % dans le cas de la Corée.

* 60 L'étymologie du mot, apparu en 1987, est incertaine. Elle proviendrait de l'anglais « free time », ou de l'allemand « frei Arbeiter » (« travailleur inoccupé »).

* 61 Les citations de M. Kwan sont issues du document qu'il a remis à la délégation. Elles sont traduites de l'anglais par votre commission des finances.

* 62 « Where Ricardo and Mill Rebut and Confirm Arguments of Mainstream Economists Supporting Globalization ».

* 63 La dette publique nette est la dette publique réduite des actifs publics.

* 64 Reuters, 8 juillet 1998.

* 65 L'Agéfi, 31 mai 2000.

* 66 A l'époque de ces politiques de relance, l'EPA (Economic Planning Agency) estimait l'effet multiplicateur des dépenses de travaux publics à 1,21 la première année, 1,31 la seconde et 1,24 la troisième. Le FMI était plus pessimiste, l'évaluant entre 1 et 1,2 (Anne-Valérie Hermez, « Finances publiques japonaises : tonneau des Danaïdes ? », in Conjoncture, BNP Paribas, juillet 1999).

* 67 Selon la même source, l'EPA l'évaluait alors à 0,41 la première année, 0,57 la seconde et 0,22 la troisième.

* 68 Les Echos, 24 mars 2006.

* 69 Dow Jones International News, 5 octobre 2006 ; Nikkei Report, 7 octobre 2006.

* 70 De 9h30 à 12h30, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » a eu, à sa demande, une série d'entretiens ad hoc.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page