B. LE PROFIL DES PERSONNES RECRUTÉES EN CIE REFLÈTE-T-IL LES OBJECTIFS ASSIGNÉS À L'OUTIL ?

Des résultats contrastés

a. Les sources de la collecte statistique

Les formulaires CERFA, renseignés par les conseillers ANPE au cours du premier entretien avec le demandeur d'emploi, représentent la seule source des statistiques sur le CIE en dehors des enquêtes de la DARES auprès des anciens bénéficiaires de la mesure.

Les différentes versions de ces formulaires ne retracent pas de manière exhaustive les catégories de bénéficiaires telles qu'elles sont édictées par les textes : comme le notait la Cour en 1998, plusieurs catégories sont fondues en une seule ; les formulaires 2002 et 2003 restent muets sur les personnes ayant subi une peine privative de liberté, en raison des exigences formulées par la CNIL.

Les données qualitatives croisant plusieurs caractéristiques des bénéficiaires de CIE sont issues à la fois des traitements permis par la base de données Persée de l'ANPE, puis effectués depuis 2005 par le CNASEA, et du panel des bénéficiaires des politiques de l'emploi entrés en CIE de mai 1997 à fin 1999, et sortis fin 1999, observé par la DARES. La DARES indique que les études comparant un panel donné (les personnes sorties de CIE à telle date) avec un panel de personnes présentant les mêmes caractéristiques mais non bénéficiaires de CIE (population témoin) sont coûteuses, car elles reposent uniquement sur des enquêtes, et non sur des panels administratifs. En conséquence, ces études ne sont pas renouvelées à chaque modification des dispositifs, qui, on l'a vu, sont nombreuses. Il est regrettable que ces analyses s'appuient sur des enquêtes anciennes, portant sur les sortants de contrat fin 1999, et n'aient pas été reconduites pour des raisons qui tiennent à la fois au coût financier, à l'ampleur des moyens humains nécessaires et au délai (l'observation de la réinsertion sur longue période nécessite au minimum 18 mois).

Un nouveau type de suivi est en cours de constitution, sous forme d'enquête annuelle sur l'insertion à 6 mois des sortants ; par ailleurs, un panel plus détaillé, permettant une comparaison avec un groupe témoin, sera mis en place en 2007 seulement.

b. Les publics « prioritaires » cèdent le pas aux publics « moins prioritaires »

Les premiers sont caractérisés, jusqu'en 2002, par le versement à l'employeur de primes, tandis que les seconds sont repérés par l'exonération, propre au CIE, des cotisations patronales ; depuis 2002, la suppression de l'exonération spécifique conduit à prendre pour seul critère le montant de la prime (330 ou 500 €). La période 2002-2004 doit être interprétée avec prudence : les publics très prioritaires deviennent minoritaires à compter de 2003, mais leur proportion s'élève à nouveau en 2004.

Tableau n° 11 : La cible des publics prioritaires dans l'ensemble des CIE

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Publics prioritaires

73,60 %

83,40 %

84,20 %

86 %

Très prioritaires

55,20 %

46 %

49 %

Moins prioritaires

44,80 %

54 %

51 %

Source : ANPE

L'augmentation de la part des moins prioritaires en 2003 résulte d'un marché du travail très déprimé, qui évince les demandeurs d'emploi les plus en difficulté. La corrélation entre élargissement du dispositif (la condition des deux ans de chômage passe à 18 mois) et éviction des personnes les plus éloignées de l'emploi semble ainsi établie : les employeurs choisissent, à éligibilité égale, les personnes qui leur paraissent les moins éloignées du marché du travail.

c. Le profil-type du bénéficiaire de CIE : chômeur de longue durée et peu diplômé

C'est un homme, de plus de 26 ans et de moins de 50 ans, disposant du CAP ou du brevet d'études professionnelles (BEP), et en chômage depuis plus d'un an au moment de son recrutement sur CIE.

Tableau n° 12 :  Répartition des entrées en CIE entre 1998 et 2004 (en %)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Hommes

ND

60

60,4

61,4

61,3

59,2

57,2

56,7

57

26-49 ans

ND

60

61,3

61,8

60,5

58,3

65,4

66,4

65,4

Formation de niveau V (CAP-BEP)

65,5

63,1

56,5

57,3

57,4

56,2

54,2

48,9

ND

Durée de chômage = 1 an

75,6

68,8

69,5

69,2

66,7

65,2

65,1

66,3

68,6

Source : Cour des comptes, sur données DARES

Le panel des bénéficiaires des politiques de l'emploi analyse la trajectoire antérieure au CIE ; 33 % des bénéficiaires étaient en chômage de très longue durée, mais 35% détenaient un emploi, certes le plus souvent temporaire, mais à durée indéterminée pour
31 % des cas, ce qui accrédite l'idée que le CIE est une transition entre deux emplois de droit commun.

Tableau n° 13 :  La trajectoire antérieure des personnes sorties d'un CIE fin 1999

Emploi

Durée du chômage (C)

Total

C < 1 an

1 an < C < 2 ans

> 35 mois

Trajectoire antérieure

35 %

32 %

25 %

8 %

100 %

Source : Cour des comptes, sur données DARES.

L'effet des réformes sur l'entrée en dispositif de populations spécifiques est difficilement mesurable

d. Les jeunes, qualifiés ou non : une place réduite dans le dispositif

Deux publics spécifiques sont entrés dans le dispositif à l'issue des réformes de 1996 et 1998 : les jeunes de niveau VI ou V 53 ( * ) et les jeunes de niveau CAP ou BEP mais n'en ayant pas le diplôme (niveau V).

Tableau n° 14 :  La part des jeunes dans les entrées CIE

( en % des entrées)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Jeunes de 16 à 25 ans

24,3%

21,2

17,3

14,8

12,2

8

7,2

9,1

Dont

Niveau VI et V bis

ND

ND

ND

23,1

24

18,4

16,6

ND

Niveau V sans diplôme

ND

ND

ND

36

35,8

18,1

16,2

ND

Niveau V avec diplôme

ND

ND

ND

26

26,9

42,5

39

ND

Niveau IV

ND

ND

ND

10,1

9,3

14,4

19,6

ND

Niveaux III, II et I

ND

ND

ND

4,8

4

6,6

8,6

ND

Source : DARES.

L'année 2005, pendant laquelle la part des 16-25 ans se situe à 17,3 %, semble marquer une inflexion qui reste à vérifier.

e. Les demandeurs d'emploi

Les réformes successives du CIE ont augmenté les durées de chômage exigées pour en ouvrir le bénéfice, du moins jusqu'en 2003 54 ( * ) , mais n'ont eu d'effet qu'avec retard sur la proportion respective des chômeurs concernés : la proportion des chômeurs de longue ou très longue durée ne croît pas en 1997 ou 1998. En 2004, il est difficile d'apprécier les effets des réformes de 2002 et 2003, dans la mesure où, par exemple, l'accès des demandeurs d'emploi de moyenne durée est restreint par la première réforme, puis élargi par la seconde.

Tableau n° 15 :  Répartition des demandeurs d'emploi dans les entrées CIE en fonction de la durée antérieure de chômage

Durée d'inscription au chômage (C)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

C < un an ou non inscription

24,2%

31,3%

30,6%

30,8%

33,2%

34,8%

35%

33,7%

31,5%

I an < C < 2 ans

60,2%

37,8%

33%

27%

26%

24,7%

21,5%

28,2%

34,6%

C > deux ans

15,6%

31%

36,5%

42,2%

40,7%

40,5%

43,6%

38,1%

34%

Source : Cour des comptes, sur données DARES.

f. Les bénéficiaires de minima sociaux et les travailleurs handicapés

Ces personnes voient leur part dans l'ensemble se réduire fortement à partir de 2003 pour les titulaires du RMI et les travailleurs handicapés ; comme la réforme de 2002 les maintient dans les publics prioritaires en baissant la prime forfaitaire à l'employeur de 500 à 330 €, il faut en conclure à la forte élasticité de ce type de recrutement au montant de l'aide.

Tableau n° 16 :  Part des bénéficiaires de minima sociaux et des personnes handicapées en pourcentage des entrées CIE

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

30 nov. 2005

- RMI

9

14,4

15,7

18,3

18,4

18,6

22,2

19,5

17,9

11%

- ASS

1,7

5,2

5,5

6,7

6,8

6,5

10,3

9

10,7

ND

-travailleurs handicapés

7

10,3

12

14,9

16,9

19,3

24,5

21,3

18

13%

TOTAL

17,7

29,9

33,2

39,9

42,1

44,4

57

49,8

46,6

ND

Source : Cour des comptes, sur données DARES 55 ( * ) .

g. Les plus de 50 ans

Leur part dans l'ensemble des entrées jusqu'en 2001 a progressé régulièrement : ils sont plus nombreux que d'autres bénéficiaires à avoir détenu un emploi régulier avant le chômage (64% contre 50%), leur chômage a duré moins d'un an pour 44% d'entre eux, et ces « seniors » sont de jeunes quinquagénaires (75% des seniors embauchés en CIE se trouvent dans la tranche des 50-55 ans). Toutefois, le CIE est la seule proposition d'embauche reçue par 85% d'entre eux, et leur place se dégrade continûment. Certes, la réforme de 2002 56 ( * ) a subordonné le versement de la prime maximale à l'employeur au cumul par le salarié de deux handicaps : l'âge et la durée du chômage, ou la qualité de travailleur handicapé, ou la perception de l'ASS. Mais deux éléments de la réforme intervenue en 2003 ont joué en sens inverse : d'une part, l'extension du public visé aux plus de 50 ans allocataires du RMI, et, d'autre part, le versement pendant 5 ans, et non deux, de la prime forfaitaire aux entreprises qui recrutent ce type de public.

Tableau n° 17 :  Part des plus de 50 ans dans les entrées CIE

En %

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

PLUS DE 50 ANS

15,7

17,6

20,9

24,7

29,5

26,6

26,4

25,5

18%

Source : DARES.

De ce panorama des populations visées par le CIE, il ressort que la cible des publics les plus prioritaires n'est pas toujours atteinte : les personnes ayant reçu une formation de niveau inférieur au baccalauréat et les chômeurs de longue durée bénéficient effectivement du dispositif ; c'est le cas dans une moindre mesure pour les bénéficiaires de minima sociaux ou les personnes handicapées : les bénéficiaires du RMI et de l'allocation adulte handicapé voient en effet leur part baisser dès 2003 ; la création du CI-RMA à leur intention, effective en 2004 pour les bénéficiaires du RMI et en 2005 pour les personnes handicapées, a accentué cette baisse.

Le CIE se conclut le plus souvent sous la forme d'un contrat à durée indéterminée

Le CIE a pour avantage d'engager l'employeur dans une démarche d'insertion durable du candidat à l'embauche, à l'issue d'une négociation avec la DDTEFP ou l'ANPE, ainsi que le démontre la proportion majoritaire des CIE conclus en CDI :

Tableau n° 18 :  Part des CIE conclus sous contrat à durée indéterminée

Nature du contrat

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

CDI

64,3%

66,4%

75,5%

82,7%

87,8%

85,7%

85,1%

84,9%

Source : DARES.

* 53 Niveau VI : formation ne dépassant pas la scolarité obligatoire ; niveau V bis : formation inférieure à un an, conduisant au certificat d'études professionnelles ; Niveau V : formation équivalant au niveau CAP ou BEP.

* 54 Un an en septembre 1995, deux en septembre 1996, 18 mois en 2003.

* 55 A noter l'existence de quelques doubles comptes (travailleurs handicapés percevant le RMI, par exemple).

* 56 Décret n° 2002-400 du 25 mars 2002.

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