AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat a choisi d'étudier le thème des pensions de réversion et la question corrélative du veuvage avec trois objectifs majeurs :

- prendre la mesure exacte de la situation parfois difficile , sur le plan humain et financier, de nombreux conjoints survivants et s'efforcer de dégager des solutions viables et pérennes pour cette population ;

- tirer les conséquences de la mise en oeuvre délicate de la réforme des pensions de réversion intervenue en 2003 et 2004 ;

- souligner les limites ainsi que les fortes disparités caractérisant la prise en charge du risque veuvage par notre système social.

Après plusieurs mois de travail et d'auditions, vos rapporteurs ont été frappés de constater le caractère extraordinairement touffu et complexe du cadre juridique de la réversion. Celui-ci est devenu, en raison principalement de la diversité des règles selon l'organisme de protection sociale d'affiliation, non seulement souvent incompréhensible pour les assurés sociaux eux-mêmes mais en outre illisible pour les décideurs publics. Dans un souci pédagogique, la Mecss s'est ainsi attachée à recenser patiemment les principales règles des grands régimes sociaux. Les résultats de ce travail, inédit à ce niveau de détail, sont publiés en annexe du présent rapport. Force est ainsi de constater que la complexité de notre système de réversion est généralement sous-estimée et que les outils de simulation des projets de réforme demeurent largement insuffisants, rendant très peu fiables les résultats obtenus.

Mais là ne réside peut-être pas son seul défaut : l'indemnisation des conjoints survivants revêt surtout un caractère profondément incohérent et inéquitable . Les auditions préparatoires ont en effet montré que ce système comporte plusieurs « angles morts », certaines veuves apparaissant particulièrement mal prises en charge, alors que d'autres bénéficient de situations qui peuvent être qualifiées de correctes, voire satisfaisantes. En particulier, une ligne de partage claire sépare le régime général et les régimes alignés, où les pensions de réversion sont soumises à condition de ressources, des régimes spéciaux et de la fonction publique, pour lesquels ces conditions n'existent pas.

De ce point de vue, il semble indispensable de procéder à une analyse critique de la réforme de 2003/2004 , marquée par une certaine improvisation et qui n'apparaît satisfaisante ni sur le fond ni sur la forme.

A la recherche de solutions sur la voie d'une plus grande équité, la Mecss s'est fixé, dans un double souci de réalisme et de responsabilité, l'obligation de faire des propositions allant dans le sens d'un dispositif de couverture du risque veuvage financièrement viable dans un contexte de vieillissement de la population impliquant une hausse relative des besoins de financement de l'assurance maladie et du coût des régimes de retraite, ainsi qu'une montée en charge des dépenses liées à la dépendance. Tout projet d'amélioration de la situation financière des veufs et des veuves se heurte en effet à des contraintes financières très fortes, compte tenu du niveau déjà très élevé du total des dépenses sociales (plus de 30 % du PIB) qui place notre pays au troisième rang des Etats de l'OCDE. Des choix doivent être faits.

Ce constat a conduit les sénateurs membres de la mission à revenir aux fondements de la réversion et à s'interroger sur l'opportunité de vouloir tracer, dans ce domaine, une perspective d'harmonisation, voire d'unification progressive, des règles .

En définitive, ce rapport a pour ambition tout à la fois :

- de dépasser les constats régulièrement formulés sur ces questions , notamment dans les rapports parlementaires ;

- d'aboutir à un diagnostic partagé , selon une démarche analogue à celle du Conseil d'orientation des retraites 1 ( * ) ;

- d'envisager l'avenir de l'indemnisation du veuvage dans le cadre des perspectives globales de financement de l'Etat-Providence .

Fruit de discussions approfondies entre vos deux rapporteurs qui conservent chacun leurs convictions, ce travail aura permis de dégager des propositions, d'envisager des pistes de réflexion et d'ouvrir un débat sur certaines questions sensibles, voire même taboues .

Vos rapporteurs qui ont tous deux joué un rôle important au cours des débats de 2003, l'un en qualité de rapporteur de la loi portant réforme des retraites, l'autre en tant que principal intervenant de l'opposition, ont souhaité fournir un éclairage utile dans la perspective de la prochaine législature. Ils ont la conviction commune qu'il convient d'éviter de reproduire la mésaventure des décrets d'application sur la réversion, en préparant minutieusement la prochaine réforme.

L'évolution de ce cadre juridique apparaît d'autant plus nécessaire qu'au-delà des questions non résolues auxquelles elle reste confrontée, la réversion sera amenée à changer profondément, d'ici une vingtaine d'années, en raison de l'augmentation du travail féminin, de la diminution du taux de nuptialité, de l'augmentation du nombre des divorces et du développement des nouvelles formes de vie en couple comme le Pacs.

* 1 Le Conseil d'orientation des retraites effectue parallèlement un travail de portée plus large sur les droits conjugaux et familiaux et le principe d'égalité entre hommes et femmes qui recouvre notamment la question des pensions de réversion.

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