2. Dégager des marges de manoeuvre financières

Vos rapporteurs souhaitent que soient réexaminés l'ensemble des mécanismes d'attribution des pensions de réversion prioritairement dans le régime général et les régimes alignés. Il s'agit à leurs yeux de dégager des marges de manoeuvre, non pas tant pour se conformer à une quelconque orthodoxie financière, mais pour disposer des moyens, dans un second temps, de mettre en oeuvre des règles d'ouverture des droits à la fois plus efficaces et plus justes qu'aujourd'hui. Bien évidemment, conformément à la méthode définie plus haut, les économies qui seraient ainsi réalisées ne concerneraient pas les personnes aujourd'hui en situation de veuvage, mais uniquement celles qui liquideront à l'avenir une pension de réversion.

Dans ce cadre bien précis, la Mecss propose cinq orientations principales. Elle invite par ailleurs les pouvoirs publics à faire réaliser des simulations précises sur chacune d'entre-elles, grâce notamment au concours des services de la Cnav et de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Dress) du ministère de la santé.

Les propositions et les pistes de réflexions avancées par la Mecss conduisent en priorité, mais pas uniquement, à corriger de façon importante les paramètres de la dernière réforme des pensions de réversion intervenue entre juillet 2003 et décembre 2004. Les deux premières concernent le régime général et les régimes alignés. La troisième pourrait s'appliquer dans l'ensemble des régimes. Les deux dernières, concernant les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux, sont des orientations possibles méritant des approfondissements avant d'envisager leur mise en oeuvre.

a) Rétablir une condition d'âge pour l'ouverture des droits à la réversion dans le régime général et les régimes alignés

Tirant les conséquences des jugements qu'ils ont formulés sur la réforme de 2003/2004, vos rapporteurs jugent nécessaire de conserver une condition d'âge. Après avoir écarté l'option qui consisterait à revenir au plancher de cinquante-cinq ans précédemment en vigueur, la Mecss n'entend pas davantage pénaliser les actuels assurés sociaux. Dans ces conditions, la solution de compromis semblant la mieux appropriée consisterait à laisser dans un premier temps se poursuivre le processus prévu d'abaissement de ladite condition d'âge (cinquante-deux ans depuis le 1 er juillet 2005, cinquante et un ans à partir du 1 er juillet 2007) avant de figer ce plancher au niveau prévu à l'échéance du 1 er juillet 2009, soit cinquante ans .

Dans un souci de simplicité, la Mecss envisage d'ouvrir les droits à réversion au 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle l'assuré social fête son cinquantième anniversaire.

Les estimations qui avaient été réalisées en 2004 par le Conseil d'orientation des retraites, puis ultérieurement par la Cnav pour le seul régime général, indiquaient, on le rappelle, que le surcoût net induit par la réforme, dû en quasi-totalité à l'augmentation sensible du nombre des bénéficiaires de pensions de réversion du fait de la suppression de la condition d'âge, s'élevait à plusieurs centaines de millions d'euros. Le chiffre de 500 millions d'euros était avancé pour la Cnav à l'horizon 2020 (euros 2004).

Les veuves et veufs de moins de cinquante ans représentent plus de la moitié (162 000) des 300 000 veufs de moins de cinquante-cinq ans potentiellement concernés par la réforme de 2003, mais les droits que leur aurait donné l'application pleine de la réforme sont en moyenne moins élevés que ceux dont jouiront les bénéficiaires de la tranche d'âge 50-55 ans dont les donnants droit ont accumulé plus de droits à la retraite. Au total, en retirant la catégorie des moins de cinquante ans, il sera possible de réduire dans une proportion à terme de moitié ( 185 millions d'euros dès 2011 et 250 millions d'euros à l'horizon 2020 ), les dépenses supplémentaires entraînées par l'article 31 de la loi du 21 août 2003 et ses mesures réglementaires d'application. Ces montants élevés deviendraient alors disponibles pour financer de nouvelles mesures plus efficaces en faveur des conjoints survivants.

Le tableau ci-après indique également, pour mémoire, le gain réalisé (évidemment plus élevé) si la condition d'âge restait fixée à cinquante-deux ans (condition actuelle) ou cinquante et un ans (condition à compter du 1 er juillet 2007).

Simulation de l'impact d'une interruption du processus d'abaissement de la condition d'âge pour le versement d'une pension de réversion du régime général et des régimes alignés

En euros 2004

2007

2009

2011

2015

2020

Cas 1 : Interruption après 2009 de l'abaissement de la condition d'âge (50 ans)

0

0

185

240

250

Cas 2 : Interruption après 2007 de l'abaissement de la condition d'âge (51 ans)

0

9

210

270

270

Cas 3 : Interruption dès 2007 de l'abaissement de la condition d'âge (52 ans)

8

25

245

310

310

Source : Cnav - Modèle de projection PRISME

b) Rétablir une condition de durée de mariage pour l'ouverture des droits à la réversion dans le régime général et les régimes alignés

On rappelle qu'il existait, dans les mécanismes antérieurs à la loi de 2003, une condition de durée de mariage de deux ans dans le régime général. Cette clause a été supprimée pour des motifs de simplification, de même que la clause d'interdiction de remariage avant la liquidation de la pension de réversion. Cependant, la mise en extinction d'une durée minimale de mariage crée des situations choquantes et ne paraît pas justifiée en équité : il semblerait normal, en effet, de vouloir écarter des unions de pure opportunité 40 ( * ) .

La proposition d'un alignement des règles du régime général sur celles de la fonction publique (et donc, de fait, sur les régimes spéciaux) permettrait d'éviter des situations aberrantes , comme le cas d'une personne bénéficiant d'une pension de réversion pendant des décennies à la suite d'un mariage intervenant quelques jours seulement avant le décès de son conjoint. Il s'agit aussi d'introduire, sur ce point précis au moins, un minimum d'harmonisation entre les régimes .

Dans cet objectif, l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires constitue une référence à la fois ancienne et utile. Il subordonne en effet l'ouverture du droit à pension de réversion des assurés sociaux à quelques conditions minimum :

- s'être marié deux ans au moins avant la date de cessation d'activité ;

- ou bien avoir été marié au minimum quatre ans, et ce avant ou après la date de cessation d'activité (ce qui constitue une innovation par rapport au droit applicable au régime général jusqu'en 2003 et une atténuation de la règle de base des deux ans) ;

- ou bien avoir eu un ou plusieurs enfants dans le cadre de ce mariage.

La mission d'évaluation et de contrôle ne propose pas, en revanche, de revenir sur la suppression de l'interdiction de remariage . La règle appliquée jusqu'en 2003 était, en effet, particulièrement dure (suppression pure et simple de la réversion en cas de remariage avant la liquidation de la pension) et tranchait sur les règles appliquées dans les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux, dans la mesure où ces régimes, pour la plupart, se contentent de suspendre les droits à réversion en cas de remariage tout en prévoyant derechef le bénéfice de ces droits en cas de nouveau veuvage ou de séparation avec le nouveau conjoint.

c) Proratiser pour les ayants droit divorcés le montant de la réversion en fonction de la durée du mariage rapportée à la durée totale d'assurance du conjoint décédé

Cette règle s'applique d'ores et déjà, on l'a vu, dans les régimes complémentaires Agirc et Arrco lorsque le ou les ayants droit du défunt sont tous divorcés.

Cette mesure pourrait être de portée globale et s'appliquer dans tous les régimes.

La proposition vise à tirer les conséquences de l'augmentation de la fréquence des divorces . Là encore, les règles conçues à la fin des années 1970 peuvent aboutir à des situations absurdes et finalement inéquitables . Ainsi, dans l'hypothèse où deux personnes qui se marient à l'âge de vingt-cinq ans viennent à divorcer très rapidement, l'ex-conjoint survivant peut aujourd'hui, plusieurs décennies plus tard, faire valoir des droits à la réversion, alors même qu'il n'aura plus entretenu aucun lien avec le donnant droit pendant toute sa vie active... S'il n'existe aucun autre survivant, il percevra même l'intégralité de la pension de réversion sans aucune justification tenant soit au maintien de son niveau de vie, soit au caractère patrimonial de la réversion.

Le Conseil d'orientation des retraites avait lui même évoqué cette piste de réflexion parmi d'autres, lors de ses réunions des 28 février et 28 mars 2007 consacrées à l'égalité hommes-femmes, tout en envisageant de l'étendre à tous les couples, divorcés ou non. La Mecss ne retient pas cette solution lorsqu'il subsiste un conjoint, car la proratisation par rapport à la durée d'activité pourrait aboutir à défavoriser ce conjoint survivant en comparaison de la règle aujourd'hui en vigueur de proratisation par rapport à la durée totale des mariages. Vos rapporteurs, cohérents avec le reste de leurs propositions, ne souhaitent bien sûr pas fragiliser le veuf ou la veuve.

Compte tenu du fait que pour les générations les plus jeunes, près d'un mariage sur deux prend fin sous la forme d'un divorce, cette mesure pourrait permettre de dégager a priori d'importantes marges de manoeuvre, sans qu'il soit toutefois possible d'en simuler précisément le montant.

d) Poser la question, dans la fonction publique et les régimes spéciaux, de l'introduction d'un plafond pour les réversions les plus élevées, en contrepartie d'un relèvement du plancher existant en faveur des basses pensions

Contrairement au régime général, le code des pensions civiles et militaires, pas plus d'ailleurs que les régimes spéciaux et les régimes de retraite complémentaires Agirc et Arrco, ne prévoient un plafonnement des pensions de réversion. Cette différence structurelle, largement soulignée plus haut, pose naturellement une question politique majeure, dont l'ampleur excède le cadre du présent rapport. Toutefois, vos rapporteurs ne peuvent éluder cette distorsion qui crée une inégalité flagrante au détriment des ressortissants du régime général et des régimes alignés et autorise des cas où le conjoint survivant bénéficie d'un niveau de vie relatif, en termes d'unités de consommation, supérieur à celui dont il jouissait avant le décès du donnant droit.

Il n'existe pas d'évaluation du coût, pour les régimes de la fonction publique, résultant de l'absence d'un plafond de ressources similaire à celui du régime général et des régimes alignés. La Drees, interrogée sur ce point par la mission, n'a pas pu apporter de réponse à cette dernière.

La mission d'évaluation et de contrôle souhaite que la réalité de situations de réversions supérieures au taux requis par le maintien du niveau de vie relatif soit établie par des analyses précises et qu'à partir des résultats obtenus, un plafond de ressources puisse être envisagé afin d'éviter cette éventualité qui attente à l'équité entre les assurés sociaux.

Une démarche similaire a été entamée par le Conseil d'orientation des retraites pour les retraites complémentaires Agirc/Arrco : la Drees a en effet été chargée de mener une étude sur un éventuel plafonnement des réversions complémentaires.

Les marges de manoeuvre éventuellement dégagées doivent permettre d'améliorer le niveau des basses pensions dans les régimes concernés.

e) Envisager, en fonction des revenus du conjoint survivant, de faire varier à l'intérieur d'une fourchette le taux de la réversion

La Mecss propose l'exploration d'une voie alternative de la précédente pour traiter les cas où les conjoints survivants voient leur situation relative s'améliorer en termes d'unité de consommation, à la suite du décès de leur mari ou de leur femme du fait d'un taux de réversion supérieur à celui requis pour le strict maintien du niveau de vie.

La Mecss s'interroge ainsi sur l'idée qui consisterait à définir une fourchette pour le taux de la réversion , allant par exemple de 40 % à 60 % en fonction du niveau de revenu de la personne considérée. Vos rapporteurs souhaiteraient que des études statistiques précises soient réalisées pour approfondir cette piste de réflexion, sans sous-estimer la difficulté technique de l'exercice consistant à individualiser les taux de réversion bénéficiaire par bénéficiaire 41 ( * ) .

* 40 La Mecss relève du reste que, dans son avis du 15 novembre 2004 précité, le Conseil d'orientation des retraites avait estimé que « la suppression de la condition de durée de mariage mérite réflexion, mais cette réflexion devra être menée en même temps qu'une réflexion sur le Pacs et le concubinage ».

* 41 Cf., à l'appui de ce raisonnement sur le caractère équitable mais peu praticable d'une individualisation du taux de la pension de réversion, l'audition de Bertrand Fragonard en annexe au présent rapport.

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