II. L'ACCÈS À LA FORMATION : INÉGALITÉ ET COMPLEXITÉ

A. L'INÉGALITÉ D'ACCÈS : UNE RÉALITÉ AFFIRMÉE, VÉCUE, MESURÉE

Dans un contexte marqué par le changement rapide des techniques de production, par l'accélération de la concurrence internationale et sa diffusion dans l'ensemble du système productif, par le renouvellement constant de l'appareil de production, par la mobilité professionnelle accrue d'une grande partie de la population active, l'accès à la formation apparaît, pour les personnes, comme un élément clé de la sécurité professionnelle et, pour les entreprises, comme une condition essentielle de l'efficacité économique.

Dès lors, les inégalités d'accès semblent priver une partie importante des salariés et des entreprises d'atouts essentiels dans la compétition en cours. Elles constituent ainsi l'un des axes privilégiés de la réflexion sur les moyens de rationaliser l'emploi des 24 milliards d'euros de la formation professionnelle.

1. Les inégalités entre actifs

a) Les salariés

L'enquête « formation continue 2000 » du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) fournit, à propos des inégalités entre les salariés, une mesure reprise dans tous les rapports consacrés à la formation professionnelle 24 ( * ) , et sans doute toujours actuelle. Il n'est pas inintéressant de s'interroger sur la portée de ces inégalités que l'on retrouve partout en Europe, il est vrai à un degré moins prononcé que dans notre pays.

A cet égard, M. Michel Quéré, directeur du CEREQ, a évoqué de façon pertinente une question souvent contournée : « l'égalité peut-elle figurer parmi les finalités du système ? Est-ce un principe régulant ? » . De fait, si l'on retient que les entreprises effectuent la plus grande partie des dépenses de la formation professionnelle (9,5 milliards d'euros en 2004, dont 7,7 milliards pour les salariés en 2004, sur les 24 milliards de la dépense totale) et si l'on présume que cette dépense est généralement guidée par le souci de l'efficacité économique, il est possible d'avancer que l'inégalité d'accès répond à une logique, celle de la rentabilité : la formation est un investissement et c'est pourquoi elle est dirigée vers les catégories les plus susceptibles de la traduire en gains de productivité, encore que la mesure de ces gains soit difficile à établir, comme le montrent aussi les enquêtes.

Pour autant, dans l'optique de sécurisation des parcours professionnels qui constitue de plus en plus clairement l'horizon de la politique de formation professionnelle, l'accès de l'ensemble de la population est véritablement, au-delà des mots d'ordre rebattus, une « ardente obligation » dont la réussite conditionne l'évolution de notre système économique et social. Ainsi la vision du politique n'est-elle pas nécessairement celle de l'entrepreneur, l'une doit tenir compte de l'autre, dans les limites de la responsabilité spécifique des uns et des autres.

Il est donc justifié et nécessaire de reprendre, après beaucoup d'autres, le panorama des inégalités entre salariés dans l'accès à la formation professionnelle continue.

Notons tout d'abord que, d'après le « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances pour 2007, le taux d'accès à la formation professionnelle continue est passé entre 1974 et 2005 de 18 % pour les salariés des entreprises de dix salariés ou plus, à 42 %. A partir de cette donnée globale, le taux d'accès à la formation évolue sensiblement en fonction de la situation des personnes, de leur niveau de formation, de leur sexe, de leur âge et de leur catégorie socioprofessionnelle.

De façon générale, comme le résume un document élaboré par le CEREQ à l'intention de la mission, les inégalités d'accès selon les catégories socioprofessionnelles sont moins accentuées dans les grandes entreprises, qui fournissent une abondante formation, que dans les plus petites, où la formation se concentre de manière plus prononcée sur l'encadrement et la maîtrise. Par ailleurs, la question de l'accès à la formation des travailleurs âgés ne peut être examinée globalement selon le seul critère de l'âge : la catégorie socioprofessionnelle doit être prise en considération simultanément, les cadres se formant plus que les ouvriers à tous les âges de la vie.

En ce qui concerne les contrats à durée déterminée, il paraît assez évident que la perspective de la fin du contrat, et avec lui toute chance de pouvoir amortir la dépense de formation de l'entreprise, est un frein assez considérable. Les salariés en CDD disposent d'ailleurs d'un droit majoré à l'accès au congé individuel de formation (CIF), dont les financements commencent tout juste à être utilisés dans leur totalité. La question des inégalités entre hommes et femmes, renvoie essentiellement à la structure sexuée des emplois : les femmes salariées du secteur privé travaillent pour une large part dans des secteurs faiblement pourvoyeurs de formation continue (commerce, services à la personne).

A titre d'illustration, on retiendra que la tranche d'âge accédant le plus à la formation (taux d'accès de 30,5 %) est celles comprise entre quarante et quarante-neuf ans, le taux d'accès le plus bas étant celui de la tranche entre cinquante et soixante-quatre ans (23,5 %), celui des salariés entre trente et trente-neuf ans se situant à 29,4 %. En ce qui concerne le diplôme, les salariés sans diplôme ou titulaire d'un certificat d'études primaires (CEP) ont un taux d'accès de 13,6 %, contre 44,3 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur, 33,7 % pour les titulaires du baccalauréat, 23,4 % pour les titulaires d'un CAP ou d'un BEP et 25,2 % pour les possesseurs du brevet. Selon le commentaire du récent rapport de MM. Pierre Cahuc et André Zylberberg, « l'accès à la formation professionnelle est donc principalement réservé aux salariés les plus qualifiés, âgés de moins de cinquante ans et travaillant dans les grandes entreprises » 25 ( * ) . Selon une formule souvent entendue lors des auditions, la formation va à la formation.

Il faut aussi noter le taux d'accès plus important des salariés du secteur public : 45 %, contre 31 % pour ceux du secteur privé entre janvier 1999 et février 2000.

Enfin, en ce qui concerne le sexe, le taux d'accès s'établit à 35,6 % pour les hommes contre 36 % pour les femmes mais, comme l'indique l'enquête « formation continue 2000 », derrière ces moyennes, les inégalités sont nombreuses. Les taux d'accès à la formation des femmes cadres ou exerçant des professions intermédiaires sont proches de ceux des hommes de mêmes catégories, voire supérieurs, car elles travaillent plus souvent dans le public. En revanche, les employées et les ouvrières, nombreuses à exercer des emplois à temps partiel dans le privé, accèdent moins que leurs homologues masculins à la formation. Les contraintes familiales creusent les écarts entre hommes et femmes mais aussi entre femmes : toutes ne trouvent pas les moyens de réorganiser leur vie personnelle pour suivre des formations.

* 24 Cf. en particulier le rapport présenté au conseil économique et social le 30 mai 2007 par Mme Edith Arnould-Brill, sur la sécurisation des parcours professionnels.

* 25 « La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive », Pierre Cahuc et André Zylberberg, 10 juillet 2006.

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