IV. LE FINANCEMENT : CLOISONNEMENTS ET COMPLEXITÉ

Le système français de formation se caractérise par une stricte séparation de la formation diplômante, qui dépend de l'État, et de la formation professionnelle à vocation qualifiante, qui dépend des partenaires sociaux, particulièrement des branches.

Comme le relève M. Michel Théry, du CEREQ, « la vision française distingue les formations dont dépendent les personnes selon leur situation, si elles sont salariés en activité, chômeurs, étudiants ou élèves. Cette vision statutaire est construite comme une périodisation de la vie des individus , qui veut que la jeunesse soit le temps de la formation, sous l'autorité de l'État, et que l'âge adulte soit celui de la seule dépendance à l'égard de l'entreprise pour laquelle on travaille. Les accidents sont gérés, épisodiquement, par l'assurance chômage, l'argent que les conseils régionaux investissent sur ces questions, voire par l'État qui intervient pour les chômeurs qui ne sont pas pris en charge par l'ASSEDIC.

« L'avantage d'un tel mode de fonctionnement est qu'il est relativement clair. L'inconvénient majeur est qu'il ne permet nullement la réalisation d'un guichet unique. »

Ainsi qu'il ressort du tableau suivant, la formation professionnelle continue et l'apprentissage ont drainé environ 24 milliards d'euros en 2004 ; il s'agit du dernier chiffre consolidé et, comme on le verra, la dépense s'avère en constante progression.

Les dépenses pour la formation professionnelle en 2004

Dans le champ central des investigations de la mission - la formation professionnelle hors sphère publique -, l'effort ressort en 2004 à environ 17 milliards d'euros , dont plus de 9 milliards d'euros (près de 10 milliards aujourd'hui) à la charge des entreprises au profit des salariés en place, un peu moins de 4 milliards d'euros en direction des chômeurs et presque autant en faveur de l'apprentissage.

Par ailleurs, il ressort que 95 % des financements de la formation dépendent de prélèvements obligatoires ...

L'Union européenne (UE) participe au financement de la formation professionnelle, notamment au travers du Fonds social européen (FSE), qui intervient en complément des financements nationaux, régionaux, publics ou privés, dans un but de cohésion économique et sociale entre les différentes régions de l'UE. Il est parfois difficile d'isoler les financements servant exclusivement à la formation, car le champ d'action du FSE inclut d'autres types de dépenses. En 2004, 109 millions d'euros ont été transférés du FSE vers les entreprises françaises.

A la formation des salariés, des demandeurs d'emploi et des apprentis, correspondent trois filières de financement, relativement étanches et marquées par une grande complexité.

A. LA FORMATION CONTINUE DES SALARIÉS : UN FINANCEMENT EXCLUSIF ET GÉNÉREUX

On rappelle que les salariés peuvent suivre, au cours de leur vie professionnelle, des actions de formation professionnelle continue dans un cadre normatif renouvelé par la loi « Fillon » du 4 mai 2004 relative à la formation des salariés tout au long de la vie et au dialogue social qui, pour l'essentiel, a repris les termes de l'Accord National Interprofessionnel (ANI) du 5 décembre 2003 signé par l'ensemble des organisations représentatives de salariés et d'employeurs.

La formation continue s'effectue ainsi au travers du plan de formation de l'entreprise (PDF) , du droit individuel à la formation (DIF) , droit introduit par la loi de mai 2004 permettant à chaque salarié de capitaliser vingt heures de formation, cumulables pendant six ans, dans la limite de 120 heures, dans le cadre de congés de formation, auxquels ont droit tous les salariés (congé individuel de formation (CIF), congé de bilan de compétences (CBC) et congé de validation des acquis de l'expérience (CVAE) et au cours des périodes de professionnalisation 30 ( * ) .

1. Une contribution dynamique

a) Une obligation légale récemment renforcée

Le système contributif actuel a été mis en place dans les années soixante-dix pour obliger les entreprises à investir dans la formation de leurs salariés. Toutes les entreprises sont normalement assujetties à l'obligation de participer au financement de la formation professionnelle . Elles sont tenues de verser tout ou partie de leur participation à des OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés), organismes créés par les partenaires sociaux, agréés par l'État, auxquels elles adhèrent.

A partir d'un effectif de dix salariés, les entreprises doivent consacrer à la formation professionnelle une contribution dénommée obligation légale , qui représente 1,6 % de leur masse salariale, selon la décomposition suivante :

- 0,2 % doit être versé à des OPCA chargés du financement des congés individuels de formations (CIF) ;

- 0,5 % doit être alloué à des OPCA au titre de la professionnalisation ;

- les entreprises doivent enfin consacrer 0,9 % de la masse salariale au « plan de formation » . Si elles engagent un volume de dépenses inférieures à ce montant, elles doivent, à leur choix, verser la différence à un OPCA - ce qu'elles font presque toujours - ou au Trésor. Le système français se conforme ainsi au principe du « former ou payer » .

L'obligation légale des entreprises de moins de dix salariés , désormais fixée à 0,55 % de leur masse salariale , est nettement plus faible, mais elles doivent verser l'intégralité de leur contribution au titre du plan de formation à un OPCA.

Il est à noter que le taux de l'obligation légale a été rehaussé 31 ( * ) par la loi du 4 mai 2004 précitée, surtout pour les très petites entreprises : auparavant, il s'élevait, pour les entreprises d'au moins dix salariés, à 1,5 % et, pour les autres entreprises, à 0,4 % en 2004 et, selon les cas, à 0,15 % ou 0,25 % antérieurement. Cette augmentation s'est effectuée, pour les entreprises de dix salariés et plus, au profit de la professionnalisation et, pour les entreprises de moins de dix salariés, principalement au profit du plan de formation.

Pour éviter les effets de seuil, un taux intermédiaire, fixé à 1,05 % pour les entreprises de dix à dix-neuf salariés, a été instauré depuis 2005 32 ( * ) .

Le tableau suivant donne l'éclatement de l'obligation légale des entreprises selon leur effectif :

Décomposition de l'obligation légale des entreprises selon leur effectif

Obligation légale des entreprises selon leurs effectifs

Moins de 10 salariés

(taux rehaussés au 1/1/2005)

De 10 à 19 salariés
(catégorie créée à compter de 2005)

A partir de 20 salariés

(taux rehaussés au 1/1/2005)

CIF

-

-

0,2 %

Professionnalisation

0,15 % (0,1 %)

0,15 %

0,5 % (0,4 %)

Plan de formation

0,4 % (0,15 %)

0,9 %

0,9 %

OBLIGATION LEGALE

0,55 % (0,25 %)

1,05 %

1,6 % (1,5 %)

Principe du « former ou payer »

Versement obligatoire aux OPCA

Entre parenthèse : taux en vigueur antérieurement à la loi du 4 mai 2004

En contrepartie de ces versements , les OPCA prennent en charge, dans une perspective de mutualisation des ressources , redistribuées en fonction des besoins, le financement des actions de formation et développent des services de proximité au bénéfice des entreprises adhérentes ou des salariés : conseil, information, aide à l'élaboration des projets de formation... Une mutualisation entre OPCA est, par ailleurs, organisée au travers d'un Fonds unique de péréquation (FUP) ( infra ).

Toutes les actions que l'entreprise effectue à son initiative, dans le cadre du plan de formation, d'un DIF, d'un bilan de compétences ou d'une VAE, s'imputent sur le « 0,9 % ».

Enfin, les taux précédents constituent des minima : les partenaires sociaux peuvent décider de taux de contribution plus élevé - ce qui se rencontre rarement et, le cas échéant, principalement au profit de la professionnalisation - selon des modalités différenciées. Par exemple, l'OPCA AGEFOMAT 33 ( * ) bénéficie du versement d'une quote-part conventionnelle complémentaire à l'obligation légale de 0,20 % pour les entreprises de dix salariés et plus et de 0,25 % pour les très petites entreprises.

Le tableau suivant, dressé à partir de données chiffrées pour 2005, figurant dans l'annexe « Formation professionnelle » au projet de loi de finances pour 2007, permet d'apprécier les flux financiers résultant de la formation professionnelle continue des salariés :

Le financement de la formation professionnelle continue des salariés en 2005 34 ( * )

La collecte du plan de formation est logiquement la plus importante (2,6 milliards d'euros), suivie de la collecte au titre de la professionnalisation (1,8 milliard d'euros) et de la collecte au titre du CIF (0,8 milliard d'euros). La collecte totale atteint 5,2 milliards d'euros en 2005, en progression de 9 % par rapport à 2004, à la faveur des rehaussements de taux décidés par la loi du 4 mai 2004 précitée.

* 30 Destiné aux salariés de tous âges ayant un emploi mais dont la qualification est jugée insuffisante au regard de l'évolution des technologies et de l'organisation du travail, ce dispositif ne doit pas être confondu avec le contrat de professionnalisation qui s'adresse aux jeunes et aux demandeurs d'emploi.

* 31 Rehaussements cohérents avec l'instauration du DIF.

* 32 Régime spécifique instauré à compter de 2005 par l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises. Pour compenser cette diminution de ressources, le Fonds unique de péréquation (infra) s'est vu affecter, à compter de 2006, une fraction du droit sur les tabacs fixée à 114 millions d'euros par an, en vertu de l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 2006.

* 33 Le champ d'intervention de l'AGEFOMAT est celui de la convention collective 3131 (IDCC 1404) relative aux entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts.

* 34 Il apparaît que les versements aux OPCA déclarés par les entreprises via la déclaration fiscale n° 2483 sont très inférieurs aux ressources correspondantes déclarées par les OPCA, ce qui pose le problème de la fiabilité du retraitement statistique des informations résultant de cette déclaration.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page