V. LA GOUVERNANCE : LES SCORIES DE LA DÉCENTRALISATION

L'état des lieux dressé dans les chapitres précédents conduit à soulever la question fondamentale de la gouvernance du système de formation professionnelle. En effet, comment en est-on arrivé là ?

A la question « qui administre la formation professionnelle ? », le rapport Lindeperg, publié en 1999, affirmait que le code du travail apporte une réponse de principe d'une grande clarté.

L'article L. 900-1 de ce code, même modifié par la loi du 4 mai 2004, dispose en effet que « La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale . Elle comporte une formation initiale et des formations ultérieures destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent. Ces formations ultérieures constituent la formation professionnelle continue (...). L'État, les collectivités locales, les établissements publics, les établissements d'enseignement publics et privés, les associations, les organisations professionnelles, syndicales et familiales, ainsi que les entreprises, concourent à l'assurer. »

Cette disposition révèle le fait que la formation professionnelle est régie par une pluralité d'acteurs, sans réelle hiérarchisation de leurs responsabilités respectives .

Le constat qui ressort des travaux de la mission est qu'effectivement, la décentralisation ne s'est pas traduite par l'émergence d'une gouvernance cohérente du système, faute d'une réelle coordination des interventions de ses différents acteurs.

A. LE CONSTAT APRÈS VINGT ANS DE DÉCENTRALISATION : « IL N'Y A PLUS DE PILOTE DANS L'AVION »

Auditionné par la mission, M. Paul Santelmann, chef du service prospective de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), a résumé ainsi les bases du système de gouvernance de la formation professionnelle dans notre pays : « la loi de 1971 a cherché à associer et responsabiliser les partenaires sociaux dans un système de formation professionnelle jusqu'alors dominé par l'État sans que cela conduise à créer un véritable partenariat entre ces différents acteurs, auxquels se sont ajoutées les régions à partir de 1983. »

1. La spécificité du système français : l'importance du rôle de l'État et des partenaires sociaux

a) La loi fondatrice du 16 juillet 1971

Comme cela a été rappelé en avant-propos du rapport, c'est la loi de juillet 1971 qui a véritablement posé les fondements du système de formation professionnelle continue français.

Il faut souligner que cette loi est intervenue au lendemain de l'accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970 sur la formation et le perfectionnement professionnels. En effet, le lien entre la négociation sociale et la loi est l'une des particularités du système français qui trouve son illustration dans l'expression usuelle de « loi négociée ».

Lors de la table ronde du 29 mai 2007, organisée par la mission au Sénat, M. Jacques Delors a précisé qu'à l'époque, cinq objectifs avaient été assignés au dispositif mis en place en 1971 :

- former les jeunes sortis de l'école sans qualification ;

- préparer à la conversion des activités à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise ;

- entretenir et perfectionner les connaissances ;

- développer la promotion professionnelle ;

- favoriser le développement personnel des individus.

Il a également indiqué que la gouvernance d'ensemble de ce système était assurée par le ministère du travail, le Conseil national de la formation professionnelle et les partenaires sociaux .

Quant au contenu de cette loi, il s'organisait autour des principaux axes suivants :

- la pluralité des acteurs, notamment des financeurs et des offreurs de formation ;

- une politique coordonnée et concertée entre l'État et les partenaires sociaux ;

- le congé de formation des salariés et des aides financières aux stagiaires de la formation professionnelle ;

- la participation des employeurs au financement de la formation.

Conçues dans un contexte économique et social de croissance économique et de plein emploi (avec un taux de chômage de 2,5 % et un taux de croissance proche de 5 % en moyenne par an), les dispositions de la loi de 1971 se sont brutalement trouvées confrontées à la montée massive du chômage et de la précarité des emplois.

La formation continue est ainsi devenue progressivement, au cours des décennies suivantes, un instrument de lutte ou de prévention du chômage, avec le souci de la part de l'État d'opérer une diversification des responsabilités en direction d'autres acteurs .

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