B. UN MODE DE FINANCEMENT INSTABLE

1. La réforme du financement du SPE par l'article 86 de la loi de finances pour 2006

Pour assurer le financement des aides accordées aux professionnels de l'équarrissage, plusieurs dispositifs ont été successivement mis en oeuvre, mais se sont heurtés aux résistances des professionnels assujettis à ces taxes et aux critiques de la Commission européenne, comme le montre le tableau suivant.

L'évolution des modalités de financement du service public de l'équarrissage (1975-2005)

Description du dispositif

Fin du dispositif

1975-1996

« Le subtil équilibre de la loi de 1975 »

La loi n° 75-1336 du 31 décembre 1975 pose le principe de gratuité du service rendu par les équarrisseurs aux éleveurs. Cette gratuité est compensée par la possibilité offerte aux équarrisseurs de valoriser les sous-produits issus de l'équarrissage.

Si le prix de vente des produits finaux ne permet pas de couvrir les frais de collecte, une indemnité est versée aux équarrisseurs.

A la suite à la crise de la « vache folle », la valorisation des sous-produits issus de l'équarrissage est restreinte. En effet, à partir de 1996, la destruction des déchets animaux interdits à la consommation animale et humaine est obligatoire. Dès lors, le « subtil équilibre » 8 ( * ) de la loi de 1975 est compromis.

1997-2003

« L'instauration de la taxe sur les achats de viande et produits assimilés »

Entre 1997 et 2003, l'enlèvement et la destruction des cadavres d'animaux, des déchets d'abattoirs et des MSR, sont assurés gratuitement au profit des éleveurs et des abattoirs.

Ce dispositif est financé par l'instauration, en loi de finances initiale pour 1997, de la taxe sur les achats de viande et produits assimilés , encore appelée « taxe d'équarrissage ».

Cette taxe est :

- assise sur la valeur (hors TVA) des achats de viandes et de produits assimilés ;

- recouvrée dans les mêmes conditions que la TVA ;

- payée par les entreprises de distribution dont le chiffre d'affaires de l'année civile précédente était supérieur ou égal à 2,5 millions de francs ;

- les taux d'imposition ont été respectivement fixés à 0,5 % et à 0,9.

Cette taxe a subi quelques aménagements (taxe additionnelle temporaire, extension de l'assiette et relèvement des plafonds).

La taxe sur les achats de viande et produits assimilés est supprimée le 1 er janvier 2004, à la suite du recours formé par les professionnels de la grande distribution devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE). Dans sa décision du 20 novembre 2003 (arrêt GEMO), la CJCE qualifie le versement du produit de la taxe, non notifiée aux autorités européennes, d' aide d'Etat incompatible avec le droit européen de la concurrence.

2004-2005

« L'instauration de la taxe d'abattage »

Conformément aux lignes directrices de la commission européenne concernant les aides d'Etat liées aux tests EST (encéphalopathie spongiforme transmissible), aux animaux trouvés morts et aux déchets d'abattoirs de juin 2003, le financement du SPE repose, entre 2004 et 2006, sur :

- une subvention de l'Etat , pour l'élimination de tout ou partie des cadavres en exploitation agricole ;

- une contribution des éleveurs de porcs et de volailles pour 25 % des coûts de transformation des cadavres d'animaux collectés dans leurs exploitations, à payer directement aux équarrisseurs ;

- une taxe d'abattage , ou taxe sur les abattoirs, introduite par la loi de finances pour 2004 et perçue auprès des abattoirs agréés ;

- le règlement par les bouchers-charcutiers artisans de la prestation d'enlèvement et de transformation aux équarrisseurs, quand celle-ci dépasse 1.000 euros par an. Les bouchers-charcutiers artisans bénéficient en effet d'une aide plafonnée à 1.000 euros par an et par entreprise, financée par la taxe d'abattage.

La Commission européenne a approuvé ce dispositif le 30 mars 2004.

Le mode de financement du SPE introduit en 2004 a révélé ses limites :

- la taxe d'abattage a fait l'objet d'une contestation des abatteurs en raison de l'exonération des éleveurs autres que les éleveurs de porcs et de volailles : les abatteurs n'ont pas accepté de payer pour ces éleveurs ;

- le recouvremen t par les établissements d'équarrissage de la participation des éleveurs de porcs et de volailles a été rendue difficile ;

- le rendement de la taxe d'abattage a été moins élevé que prévu .

Il en a résulté un besoin résiduel de financement du SPE de 93 millions d'euros pour la période 2004-2005.

Le dispositif retenu et approuvé par la Commission européenne en 2004 n'a pas permis d'assurer l'équilibre financier du SPE . Les besoins résiduels de financement se sont élevés à 93 millions d'euros pour la période 2004-2005.

Face à ce constat, le gouvernement et le Parlement ont convenu que la seule solution possible aux problèmes de financement de l'équarrissage était de réduire le périmètre du SPE à la collecte et à la destruction d'animaux trouvés morts, et de revenir à des relations contractuelles pour le traitement des déchets d'abattoir.

Le projet de loi de finances pour 2006 proposait ainsi un nouveau mode de financement du SPE fondé sur une taxe d'abattage dont l'assiette a été réduite au seul poids de viande des animaux abattus, la partie de la taxe pesant sur les déchets d'abattoirs étant éliminé du fait de la réduction du périmètre du SPE.

Au titre de 2006, le financement du SPE devait dès lors être pris en charge :

1) par le budget de l'Etat pour 44 millions d'euros ;

2) par la participation des éleveurs de porcs et de volailles à hauteur de 8 millions d'euros ;

3) par le produit de la taxe d'abattage pour un montant de 84 millions d'euros.

Votre commission des finances notait, cependant, en 2006 que la charge budgétaire future du SPE allait être soumise à des aléas , notamment en raison des incertitudes pesant sur les coûts de service résultant du nouvel appel d'offres et sur la participation effective des éleveurs .

2. Les contentieux nés du financement du SPE

Les dispositifs successifs de taxation mis en oeuvre pour financer le SPE ont suscité le mécontentement des professionnels, qui ont intenté des actions contre l'Etat.

La grande distribution a en effet contesté la taxe sur les achats de viande en vigueur de 1997 à 2004, au motif que le versement de son produit constituait une aide d'Etat partiellement non notifiée à la Commission européenne et contraire au droit communautaire de la concurrence.

La Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a donné raison à la grande distribution, mais la Commission européenne a validé rétroactivement le dispositif dans la limite du montant qui lui avait été notifié, soit 829 millions d'euros, et sous réserve que l'Etat rembourse partiellement les sommes perçues sur le marché intérieur, et intégralement la taxe ayant frappé les viandes importées entre 1997 et 2000.

Les remboursements dus étaient évalués à 1,8 milliard d'euros par la grande distribution en 2004. L'Etat ayant choisi de les plafonner à 400 millions d'euros, une nouvelle campagne de réclamations et de contentieux a débuté en 2005 afin d'obtenir le remboursement intégral des sommes versées au titre de la taxe.

* 8 Expression employée par les parlementaires rapporteurs de la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural (M. André Angot, député et M. Roger Rigaudière, sénateur).

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