LES PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Un an après les premières conclusions de vos rapporteurs spéciaux,
un bilan plus que mitigé

1) Le nouveau marché public de juillet 2006 a échoué à faire émerger une situation de concurrence entre les prestataires du SPE. En conséquence, l'Etat demeure impuissant à leur imposer une baisse des tarifs ;

2) Les conditions de gestion du SPE ont connu une relative amélioration depuis son transfert à l'Office de l'élevage (ONIEP), mais les charges qui en résultent sont en augmentation ;

3) Le passif accumulé du SPE s'élève aujourd'hui à environ 50 millions d'euros , ce qui dégrade la trésorerie de l'ONIEP et le contraint à allonger ses délais de paiement. Il en résulte des intérêts moratoires, dont le montant serait supérieur au coût de financement supporté par l'Etat ;

4) Avant que la réforme engagée au mois de juillet 2007 par le ministère de l'agriculture ne produise ses effets, le SPE pâtit d'un besoin résiduel de financement de 16 millions d'euros en 2006 et de 12 millions d'euros en 2007 ;

5) Alors que des contentieux pendants portent potentiellement sur 1,7 milliard d'euros , aucune provision n'a été constituée pour faire face à une éventuelle condamnation.

Les nouvelles recommandations de vos rapporteurs spéciaux

1) Apurer rapidement la « dette du SPE » et mettre à l'étude un mode de financement simple du SPE qui permette une participation effective et équitable de l'ensemble des éleveurs ;

2) Examiner de façon approfondie les différents modèles européens et internationaux de service public de l'équarrissage, et s'en inspirer pour la définition du prochain marché public. En particulier, deux pistes gagneraient à être explorées : d'une part, le fractionnement du marché public entre les fonctions de collecte, de transformation et d'élimination ; d'autre part, la recherche d'une nouvelle forme juridique définissant le SPE, afin d'obtenir une information complète et de contrôler de façon approfondie les comptes des opérateurs ;

3) Alléger le coût du SPE par un assouplissement des contraintes réglementaires compatible avec un haut niveau de sécurité sanitaire (autorisation de nouveaux modes de traitement, levée des contraintes relatives aux transports dédiés) ;

4) Améliorer, au moment de son renouvellement, certaines clauses du marché public (choix pertinent de l'unité d'oeuvre entre tonnage et passages en ferme, évaluation au plus juste du coefficient forfaitaire fixe de transformation des tonnages en farines, choix d'un mode de facturation fractionné en fonction des étapes du processus) ;

5) Engager dès maintenant une réflexion sur les gains potentiels pouvant résulter d'une valorisation accrue des sous-produits issus de l'équarrissage .

I. LES CONCLUSIONS DU RAPPORT DE 2006

Dans leur premier rapport 2 ( * ) , vos rapporteurs spéciaux avaient relevé que, afin de répondre dans l'urgence aux crises sanitaires dites de la « vache folle » , l'équarrissage avait vu son cadre juridique progressivement étendu et renforcé. Les principales étapes de cette évolution ont été :

1) la transformation du « service d'utilité publique 3 ( * ) » en « service public » par la loi du 26 décembre 1996, qui a organisé la collecte et l'élimination des cadavres, des saisies sanitaires en abattoirs et des matériels à risques spécifiés (MRS) ;

2) dès 2002, la prise en charge financière par l'Etat de la collecte, de l'élimination des cadavres, des saisies sanitaires en abattoirs et des MRS ainsi que l'instauration d'un régime indemnitaire au bénéfice des entreprises productrices de farines et de graisses animales (dans le prolongement du régime indemnitaire transitoire mis en place en 2000 à destination des entreprises productrices de farines de risque sanitaire « bas ») ;

3) en 2005, la confirmation de l'extension à la transformation du champ des opérations susceptibles d'être prises en charge par le SPE.

A compter du 1 er octobre 2005, puis en application de l'article 86 de la loi de finances pour 2006, l'évolution favorable de la situation sanitaire a conduit le législateur à limiter le champ du SPE à la seule collecte, transformation et élimination des animaux trouvés morts en exploitation (ATME) et des cadavres d'animaux et matières animales lorsque leur élimination était nécessaire dans l'intérêt général 4 ( * ) .

L'évolution de ce cadre juridique a mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements et d'anomalies dans l'exécution et le financement du SPE.

A. L'EXÉCUTION DÉFECTUEUSE DU SPE

S'agissant de l'exécution du SPE, les principales défaillances mises en lumière en 2006 tenaient à l'absence de réelle mise en concurrence des opérateurs du service, à l'insuffisance des contrôles et à la faible qualité de la gestion mise en oeuvre par le Centre national pour l'adaptation de la structure des exploitations agricoles (CNASEA) 5 ( * ) .

1. Une concurrence inexistante

Le rapport de 2006 avait révélé que l'application de la loi du 31 décembre 1975 6 ( * ) , si elle avait permis d'assurer la couverture exhaustive du territoire par les sociétés opératrices du SPE, avait abouti à la mise en place d'un duopole dominé par deux filiales d'entreprises à l'époque publiques ( Elf Aquitaine et Entreprise minière et chimique).

L'émergence d'un marché concurrentiel sur lequel les prix se formeraient librement a donc été compromise par la concentration de l'industrie de l'équarrissage et les monopoles territoriaux dont disposaient leurs établissements agréés, ajoutés à la dispersion et à la complexité des circuits de transport et de traitement des déchets et des cadavres.

Cette absence de concurrence, combinée à l'urgence suscitée par la forte dégradation de la situation sanitaire, a conduit les préfets à recourir systématiquement, dès 1997, à la réquisition des entreprises d'équarrissage . Cette procédure, théoriquement réservée à des situations exceptionnelles, a été érigée en mode de gestion courante , ainsi qu'en témoignaient les décisions de prix fixés pour de longues périodes qui accompagnaient les arrêtés de réquisition.

Vos rapporteurs spéciaux relevaient, sur la base de l'enquête de 2006 de la Cour des comptes, que cette pratique avait suscité une hausse du coût du SPE , les autorités publiques étant privées des références qui leur permettraient de fixer l'indemnisation sur la base d'un prix commercial et se voyant imposer par les entreprises des tarifs incorporant tous les éléments produits par les équarrisseurs sans pouvoir les discuter 7 ( * ) .

2. Une information lacunaire et des contrôles insuffisants

La bonne exécution du SPE s'est, en second lieu, heurtée à l'absence d'information économique fiable et à la faiblesse des contrôles mis en oeuvre.

Dans les faits, l'administration a dû se contenter des statistiques d'origine professionnelle pour fixer les montants d'indemnisation , le contrôle des informations fournies par les bénéficiaires des indemnités, et notamment de la comptabilité des exploitations d'équarrissage, étant extrêmement malaisé.

Le rapport précité de 2006 avait, par ailleurs, mis en évidence le caractère hétérogène et peu approfondi du contrôle du service fait confié aux directions départementales des services vétérinaires (DDSV). Il avait ainsi été relevé :

1) que ces contrôles tendaient à ne concerner que la cohérence entre les déclarations des producteurs de déchets et celles des établissements d'équarrissage ;

2) que l'obligation de pesée n'était que très partiellement respectée ;

3) que certains abattoirs ne se conformaient pas à l'obligation de transmission de la copie de leurs déclarations fiscales ou produisaient des déclarations insincères ;

4) que le contrôle de la collecte en ferme ne s'exerçait que sur documents et par sondage a posteriori ;

5) que la complexité de la réglementation relative à la collecte des vertèbres chez les bouchers compliquait singulièrement son contrôle.

3. Une gestion difficile et coûteuse par le CNASEA

Les difficultés rencontrées dans l'exécution du SPE résidaient en dernier lieu dans la gestion opérée par le CNASEA . Cette gestion s'est en effet caractérisée :

- par un décalage de trésorerie permanent entre les besoins et les ressources depuis la création de la taxe d'abattage par la loi de finances initiale pour 2004, dû à la publication tardive du décret fixant les modalités de calcul de la taxe ;

- par l'existence de frais de gestion conséquents , au demeurant comptabilisés en réduction des recettes brutes de la taxe d'abattage, état de fait que la Cour des comptes avait qualifié de « ni transparent ni régulier » ;

- par le maintien de délais de paiement longs entraînant le paiement d' intérêts de retard .

* 2 Rapport d'information n° 432 (2005-2006).

* 3 Le SPE avait été qualifié de service d'utilité publique en application de la loi du 31 décembre 1975.

* 4 La collecte des déchets d'abattoirs et des cadavres chez les vétérinaires et les particuliers relevant désormais de contrats commerciaux.

* 5 Le CNASEA a fait l'objet d'un rapport d'information de votre rapporteur spécial, Joël Bourdin, n° 276 (2003-2004).

* 6 Loi n° 75-1336 du 31 décembre 1975 relative à l'équarrissage.

* 7 Cette analyse a été corroborée par les investigations de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui avait constaté que les tarifs relevant du SPE étaient plus élevés que ceux des prestations correspondantes exercées à titre privé, pour lesquelles la concurrence semblait avoir exercé un effet modérateur, notamment dans les zones où la concurrence transfrontalière pouvait jouer.

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