C. DES PISTES DE PROPOSITIONS

Trois types d'initiatives pourraient être envisagés en priorité :

1. Mettre en place un accueil de proximité, transparent et efficace pour chaque citoyen et usager en identifiant publiquement pour chaque mission de service public un « chef de file » responsable.

Si les élus et les exécutifs ont la volonté de faire « bouger les lignes », il convient de se préoccuper de l'accueil des citoyens et des usagers. Cela aurait le triple avantage de rendre service, de réconcilier le citoyen avec son administration, d'amener à une « réconciliation » entre l'Etat et les autres acteurs de la vie publique.

2. Tendre vers l'unité des fonctions publiques pour permettre la valorisation des métiers, la mobilité et la promotion des agents tout au long de leur carrière.

La fonction publique : quelques mesures simples suffiraient à introduire d'ores et déjà souplesse et ouverture, à impulser une dynamique.

En attendant une évolution plus fondamentale de la fonction publique, une période de mobilité au cours des carrières entre les trois fonctions publiques, pour tous les niveaux, pourrait être rendue obligatoire dans tous les statuts et pour toutes les catégories. On peut imaginer qu'une telle disposition soit expérimentée d'ici un an dans un certain nombre de départements, régions, communes, ce par convention entre l'Etat et les collectivités. Dans cet esprit et dès maintenant, les corps d'inspection générale pourraient comporter un quota de recrutement de hauts fonctionnaires territoriaux, en fonction d'ailleurs d'un critère simple, celui de la proportion respective des effectifs des différentes fonctions publiques .

Enfin, on peut imaginer que l'ENA, l'INET et l'ENS pourraient avoir un « tronc commun » avec des spécialisations distinctes.

3. Conduire de façon conjointe et concertée la réforme de l'Etat et l'évolution des institutions locales.

Le renforcement des collaborations doit permettre une meilleure cohérence de l'ensemble de la réorganisation et de la simplification administrative.

Pourrait s'élaborer un plan pluriannuel municipal, départemental ou régional des services publics, conciliant proximité et efficacité. On ne peut procéder à la réforme de la carte judiciaire sans jeter un regard sur celle des trésoreries, gendarmeries, hôpitaux ... La réorganisation des différentes cartes des services publics de l'Etat se fait pourtant toujours de façon verticale, par ministère.

Mais les collectivités ont une longueur d'avance : beaucoup ont en effet engagé une territorialisation transversale de leurs services.

• Un constat évident : une gouvernance locale au milieu du « gué » depuis 30 ans !

Nous avons mesuré, au cours de ce survol des relations quotidiennes entre administrations déconcentrées et collectivités, combien se justifiaient les débats « politiques », très actuels autour du « statut de l'élu » et de la gouvernance locale.

La preuve en est que les arguments « pour ou contre » peuvent tous être mis en exergue. Tous le sont à juste titre, car ni la décentralisation, ni la déconcentration ne sont allés à leur terme depuis 30 ans !

Ø Le cumul des mandats se justifie au nom de l'efficacité et de la centralisation de l'Etat. L'élection au suffrage universel des exécutifs locaux peut être soutenue par les charges et responsabilités financières et juridiques exercées. Ceci étant, l'Etat peut se prévaloir à juste titre du fait qu'il contrôle et apporte 55 % des ressources des collectivités !

Ø La disparition programmée des communes au profit d'une fusion de « fait » qui ne dit pas son nom et l'accession des intercommunalités au rang de collectivités de plein exercice seraient parfaitement logiques si l'on considère les compétences et l'expertise exercées. Mais la présence politique des maires dans toutes les parties du territoire national n'est-elle pas un garant de la cohésion sociale et du maintien d'un vrai service public au moment où l'Etat se retire ?

Ø La réorganisation et la rationalisation de la présence de l'Etat, se traduisant par la suppression de certaines administrations déconcentrées ou celle des arrondissements, sont sous-tendues par la nécessité d'éviter les « doublons » et de faire les économies budgétaires que supposait la décentralisation dès le début.

Ø Le principe de mobilité entre agents de la fonction publique sert d'argument au maintien du « sacro-saint » principe d'unicité. La réalité est tout autre, nous l'avons constatée, d'où les avis de plus en plus convergents pour que les exécutifs des collectivités aient une vraie liberté dans le domaine de leur management.

Il est ainsi possible de multiplier les exemples.

Par contre, il est ainsi facile de discerner la logique et la cohérence des choix institutionnels et politiques qui doivent être faits et réciproquement la logique des conséquences à en tirer.

Car l'Etat et les collectivités ne peuvent continuer à faire évoluer leurs institutions, leur fonctionnement, leur organisation quotidienne de façon parallèle.

La seule conclusion à tirer de cette observation sommaire de la réalité quotidienne est sans doute la suivante : tout choix politique et institutionnel fait dans les semaines et mois à venir doit énoncer clairement les conséquences :

- sur la vie quotidienne des citoyens, d'une part,

- sur le statut et la légitimité réelle des élus et des exécutifs, d'autre part,

- enfin, sur la cohérence avec la modernisation engagée des services de l'Etat.

SIX AXES DE PROPOSITIONS IMMÉDIATES

Plusieurs niveaux de propositions peuvent être énoncés, mais il faut être conscient que même les mesures les plus évidentes pour améliorer la vie de nos concitoyens préfigurent le paysage institutionnel de la France dans les mois et années à venir.

1 - Un chef de file pour toute mission d'intérêt général de service public

Ce chef de file serait désigné pour tous les secteurs d'investissement et de fonctionnement qui ressortent à plus de 50 % de la responsabilité financière et humaine, soit de l'Etat, soit de telle ou telle collectivité, soit de tel ou tel partenaire associatif ou privé. Ce chef de file pourrait varier selon les territoires concernés, mais serait investi pour une durée minimum de la responsabilité de l'instruction et du traitement des dossiers individuels et collectifs avec une obligation de résultat et de réponse.

2 - Le premier service public : celui de l'accueil du citoyen et de l'usager

Prenons l'exemple des guichets uniques : ils n'ont pour l'instant d'unique que le nom. Par ailleurs, la diversité des territoires de l'urbain au rural désertifié en passant par le périurbain et les zones de non-droit exige que l'Etat comme les collectivités soient interchangeables dans ce type de mission de service public. Le projet de fusion entre les ASSEDIC et l'ANPE montre, s'il en est besoin, la difficulté d'un partenariat parapublic et privé. La fusion des trésoreries et du service des impôts est significative aussi des difficultés. Ne parlons pas des maisons de l'emploi décidées en « fanfare » et arrêtées pour des raisons tout aussi raisonnables. Ces initiatives diverses et nombreuses sont pourtant une nécessité quotidienne pour l'usager et le citoyen. Mais elles ont besoin de s'inscrire dans la durée et d'être sous-tendues par une vision stratégique concertée entre les acteurs de la décision publique.

En fait, si les élus et les exécutifs ont la volonté de faire « bouger les lignes », il convient de se préoccuper de l'accueil des citoyens et des usagers. Cela aurait le triple avantage de rendre service, de réconcilier le citoyen avec son administration, d'amener à une « réconciliation » entre l'Etat et les autres acteurs de la vie publique.

Par là, l'Etat et les collectivités, notamment, seraient amenées :

- à clarifier et à décloisonner des pans entiers de leur action déconcentrée,

- à reconnaître et à accepter la notion de « chef de file » de façon systématique,

- à mutualiser, par convention et contrat, certains moyens logistiques et humains,

- à constituer des pôles d'expertise spécialisée sur l'ensemble du territoire,

- à permettre la fluidité et la mobilité entre fonctions publiques.

Tout cela contribuerait au « bon accueil » du public et au traitement efficace et rapide de dossiers collectifs et individuels, souvent complexes et nécessitant l'intervention de plusieurs administrations, soit de l'Etat, soit des collectivités, soit des institutions parapubliques comme les caisses de Sécurité sociale...

Pour cela deux outils sont à mettre en place de façon systématique :

- « un qui fait quoi » à destination de tout citoyen,

- des « guichets » d'accueil de proximité.

La mise en oeuvre de ces simples mesures implique ainsi de résoudre des questions en suspens depuis des années :

Ø La collaboration entre collectivités, Etat, secteur parapublic, secteur associatif et professionnel pour élaborer un cadre et une grille unique pour ce « qui fait quoi ».

Il serait ensuite renseigné par chaque chef de file à tout niveau territorial. Dans chaque département, serait ainsi élaboré « un qui fait quoi commun » entre collectivités et Etat, précisant les compétences et les responsables du service et de l'action. Lorsqu'il y a double commande, préciser toujours le chef de file et le responsable auquel le citoyen, l'association, l'entreprise, les corps intermédiaires ... doivent s'adresser en premier et dernier ressort.

Ø La généralisation d'un chef de file pour toute mission d'intérêt général de service public.

Ce chef de file serait désigné pour tous les secteurs d'investissement et de fonctionnement qui ressortent à plus de 50% de la responsabilité financière et humaine, soit de l'Etat, soit de telle ou telle collectivité, soit de tel ou tel partenaire associatif ou privé. Ce chef de file pourrait varier selon les territoires concernés, mais serait investi pour une durée minimum de la responsabilité de l'instruction et du traitement des dossiers individuels et collectifs avec une obligation de résultats et de réponse.

Ø L'organisation d'un accueil mutualisé regroupant des agents des différentes fonctions publiques de chaque catégorie, formés à cet effet.

Cet accueil serait organisé sous la responsabilité d'un seul chef de file, désigné par convention entre les partenaires. Les agents seraient mis à disposition de ce « chef de file » qui aurait une autorité fonctionnelle complète sur les agents. Il en serait de même pour les moyens logistiques nécessaires. Une convention multipartite serait élaborée entre les acteurs du service public pour une durée minimum de 6 ans et pour un territoire donné. Cela oblige à sortir du cloisonnement des statuts particuliers des agents concernés afin de pouvoir bénéficier des compétences et de métiers d'origine différente.

L'une des difficultés évidente à résoudre pour permettre à ces outils de se mettre en place reste la définition et la sanction des responsabilités respectives des agents de l'Etat et de ceux des collectivités dans l'apport d'une information fiable et partagée.

3 - Une responsabilité à part entière pour les élus locaux : le management de leurs ressources humaines

Quelques mesures simples suffiraient à introduire d'ores et déjà souplesse et ouverture, à impulser une dynamique.

En attendant une évolution plus fondamentale de la fonction publique, une période de mobilité au cours des carrières entre les trois fonctions publiques, pour tous les niveaux, pourrait être rendue obligatoire dans tous les statuts et pour toutes les catégories. On peut imaginer qu'une telle disposition soit expérimentée d'ici un an dans un certain nombre de départements, régions, communes, ce par convention entre l'Etat et les collectivités. Dans cet esprit et dès maintenant, les corps d'inspection générale pourraient comporter un quota de recrutement de hauts fonctionnaires territoriaux.

Enfin, on peut imaginer que l'ENA, l'INET et l'ENS pourraient avoir un « tronc commun » avec des spécialisations distinctes.

4 - Poursuivre l'effort déjà accompli par l'Etat : la révision et la modernisation des politiques publiques

Ces propositions visent essentiellement à permettre un regard « croisé » tout au long de ce parcours afin d'enrichir les travaux réalisés.

Ø Les préconisations des différents rapports rendus dans le cadre des procédures d'audit intéressant directement ou indirectement les collectivités territoriales dans leurs missions devraient être portées immédiatement à leur connaissance et à leur avis.

Ø Toute procédure nouvelle de ce type devrait comporter une phase contradictoire et de concertation, menée officiellement et publiquement avec les principales collectivités concernées.

Ø Au niveau territorial, les préfets, consultés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, devraient obligatoirement réunir les exécutifs pour recueillir leurs propositions sur les quatre chantiers transversaux qui constituent leur feuille de route, dont celui des relations avec les collectivités.

Ø Les comités de suivi des ministères concernés devraient pouvoir au moins entendre en qualité de personnalités qualifiées, non seulement des experts des thématiques concernées, mais également des responsables praticiens élus.

Ø Il devrait en être de même, et a fortiori au niveau du comité national, de la révision et de la modernisation des politiques publiques.

Ø Les assemblées constitutionnelles et les grandes associations d'élus devraient pouvoir avoir connaissance et débattre, avant leur « mise au point définitive », des préconisations faites par les comités de suivi spécifiques et le comité national.

5 - Une réorganisation administrative à repenser : des inflexions et des ajustements immédiats peuvent être conduits dans la continuité de ce qui est déjà fait

Ø Le fonctionnement centralisé de l'INSEE ne permet pas de disposer des agrégats macro-économiques nécessaires à la bonne conduite de la croissance régionale. Le renforcement des moyens régionaux et départementaux est un impératif si l'on ne veut pas multiplier les observations et conseils en tout genre. La production statistique, en tout domaine, a besoin d'une méthodologie cohérente, déclinable sur le terrain. C'est le moyen politique d'éviter les pressions catégorielles en tout genre qui s'appuient sur des « chiffres » issus de méthodes et d'expertises incontrôlables.

Ø L'éclatement de l'organisation de l'Etat en pôles (finances, social, etc) retire au SGAR ses fonctions économiques. Le trésorier payeur général n'est pas le bon interlocuteur économique. Sa vision est comptable (si elle ne l'est pas, on ne le sait pas). Le rapprochement DRIRE/DIREN est contre-productif. Il ne faut pas mettre dans la même main les fonctions de développement et celles de contrôle.

Cette division des rôles doit pouvoir être reprise en distinguant clairement les fonctions de stratégie économique, sociale, environnementale et de contrôle.

Ainsi, la disparition « programmée » ( ?) des DRAF, DDA, DRCA, DRCE les transforme en administrations sans moyens au regard des enjeux qu'elles ont à traiter (industrie agroalimentaire par exemple pour la DRAF). Il vaudrait mieux les supprimer et, par exemple, confier l'économie à une seule administration, la DRIRE, rebaptisée DIRENT (direction régionale des entreprises).

6 - Un Etat déconcentré et des collectivités qui travaillent en cohérence sur des objectifs stratégiques

Le renforcement des collaborations doit servir une meilleure cohérence de l'ensemble d'une réorganisation et simplification administrative.

Ø C'est d'abord un problème de comportement individuel, et donc un enjeu de management public et public-privé. Cela passe par un partage informel mais réel de la stratégie entre acteurs publics et acteurs publics et privés. Nous faisons semblant aujourd'hui.

Les méthodes de partage doivent ainsi évoluer selon des axes qui pourraient être les suivants :

- construction de scenarii en commun,

- définition d'objectif de résultats/stratégie (et non seulement de moyens),

- évaluation partagée et transparence.

« Il ne faut pas établir de règles nouvelles, pas de structures nouvelles, mais un état d'esprit nouveau. Il convient d'arrêter de créer des « couches » supplémentaires de coordination, arrêter d'être chacun le « portail » de tous.

Notre organisation devient illisible et improductive. »

Ø Il convient ainsi de développer, soit par voie conventionnelle, soit au moyen des outils juridiques en place (DSP, PPP...) de vraies politiques de partenariat, public-public ou public-privé.

« Seuls des partenariats public-public, public-privé équilibrés peuvent permettre des relations performantes entre acteurs, tout en encourageant la mutualisation des moyens entre administrations locales et collectivités territoriales. »

Ainsi peuvent être mis en place, sans attendre, et à l'exemple de ce qui existe déjà, des pôles de compétences et d'expertise dans chaque région portés soit par des collectivités, soit par l'Etat ou les administrations parapubliques : projets complexes, montages financiers, appels d'offre, dossiers européens...

Ø Sur le même principe, et dans l'année, doit s'élaborer un plan pluriannuel municipal, départemental ou régional des services publics, conciliant proximité et efficacité. On ne peut réformer la carte judiciaire sans jeter un regard sur celle des trésoreries, gendarmeries, hôpitaux... La réorganisation des différentes cartes des services publics de l'Etat se fait toujours et encore de façon verticale par un grand ministère.

Les collectivités ont une longueur d'avance ; beaucoup ont en effet engagé une territorialisation transversale de leurs services.

L'ensemble des mesures évoquées permettrait par une expérimentation raisonnée, en répondant à ces trois questions, d'ouvrir la voie à la réforme institutionnelle que tous appellent de leurs voeux. Il faut souligner que les propositions de 1 à 4 ne demandent pas de légiférer ou de réglementer. Elles supposent cependant que les décideurs locaux, préfets et exécutifs en particulier, se voient fixer des obligations de résultat et non de moyens. C'est à cette condition et à cette condition seule que la diversité des territoires et des populations pourra être prise en compte.

« Faire du sur mesure » est indispensable, encore faut-il en faire une méthode de travail et non un exercice contraint par la pression... des corporatismes ou des lobbies...

DES RÉFORMES STRUCTURELLES À MOYEN TERME

L'Etat ne peut maintenant avoir seul l'initiative des réformes et de la rupture. Leur conception et leur mise en oeuvre doivent être partagées avec les collectivités ... et la société civile.

En termes de gouvernance, il convient de savoir, et c'est tout l'objet de la réforme institutionnelle sur le terrain, où est le pouvoir de l'Etat, la sanction du suffrage universel et la représentativité réelle de la « société civile ». Cette réforme institutionnelle s'impose dans les trois champs de la gouvernance et c'est la seule chance qu'elle soit acceptée.

Elle peut être précédée par quelques réformes structurelles importantes qui la porteront naturellement :

- La réforme fiscale, certes, mais rendue obligatoire si les collectivités et l'Etat coupent le cordon constitué par le jeu des compensations des exonérations accordées pour l'emploi, l'environnement...

- L'ouverture complète de la fonction publique territoriale jusqu'à la liberté de recrutement et de formation par les exécutifs (le seul encadrement étant la transparence et la logique « métier et compétence »).

- Le décloisonnement complet des compétences, préparé par la généralisation de la notion de chef de file « exclusif ».

Enfin le suffrage universel pour tous les « exécutifs » accompagné de la simplification des échelons territoriaux tant de l'Etat que des collectivités.

En forme de conclusion,

Comment tenir compte de la diversité dans les réformes à venir ?

Comment restaurer confiance et dialogue entre collectivités et Etat ?

Comment donner une vraie légitimité aux élus locaux et à leurs exécutifs ?

L'ensemble des mesures évoquées permettrait par une expérimentation raisonnée, en répondant à ces trois questions, d'ouvrir la voie à la réforme institutionnelle que tous appellent de leurs voeux.

ANNEXES

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