2. Massifier et mieux programmer les travaux

La concentration des travaux de construction ou d'entretien d'une infrastructure sur une période donnée présente un premier avantage économique, celui de permettre à l'ouvrage d'être utilisé plus rapidement, ce qui lui permet de produire d'autant plus vite ses effets en termes de création de richesse.

Mais la massification peut aussi jouer comme un facteur de réduction du coût de construction de l'équipement :

- d'une part, au travers du recours, dans certaines conditions, aux partenariats publics privés (PPP) ;

- et, d'autre part, en optimisant la coordination entre les grands chantiers nationaux.

a) Les PPP, ni mirage, ni miracle

Les PPP, mis en place par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 décembre 2004, désignent en fait deux types de contrats :

Tout d'abord, on peut entendre par PPP la simple application des formes de délégation de service public, telle la concession connue depuis le XIX ème siècle, qui consistent à confier la construction et/ou l'exploitation d'un équipement à une entreprise qui se rémunère, pour tout ou partie, par un paiement direct des usagers 41 ( * ) . Dans ces cas, le recours au secteur privé peut être facteur d'économie lorsque les coûts de gestion de l'infrastructure sont inférieurs à ceux de l'administration et, surtout, lorsque l'opérateur est à même de tirer des revenus de l'exploitation d'activités complémentaires à l'objet principal du contrat, ce qui diminue d'autant le besoin de financement à la charge de la puissance publique. Le projet actuel de construction du canal Seine-Nord Europe en donne une illustration intéressante puisque les ressources annexes devraient représenter 20 % environ du coût du projet 42 ( * ) selon les informations fournies par Voies Navigables de France à vos rapporteurs.

Les recettes « commerciales » du canal Seine-Nord Europe

Il est actuellement envisagé que l'opérateur tire une partie de ses recettes de :

- l'immobilier logistique (revenus locatifs tirés de quatre plates-formes logistiques multimodales et de sept quais de transbordement) ;

- la valorisation touristique de l'infrastructure (développement de ports de plaisance, visite des principaux ouvrages d'art...) et la réalisation d'opérations touristiques immobilières, notamment à proximité des bassins réservoirs d'eau ;

- la valorisation de la gestion de l'eau a été identifiée en tant qu'activité complémentaire, notamment à travers le transfert d'eau vers l'agglomération lilloise.

Venant s'ajouter aux financements publics et aux redevances versées par l'usager du canal à l'opérateur, l'exploitation de ces seules activités complémentaires au projet devrait représenter entre 400 et 700 millions d'euros sur un coût total approximatif évalué aujourd'hui à 3,5 milliards 43 ( * ) .

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'au-delà des formules applicables aux « projets rentables », l'ordonnance du 17 décembre 2004 a institué un nouveau type de contrat permettant de bénéficier du concours du secteur privé même lorsque le projet ne génère aucune recette de la part de ses usagers.

La principale innovation de l'ordonnance de 2004 a en effet consisté en la création du contrat de partenariat (CP) par lequel une collectivité peut confier à un opérateur privé la conception, la réalisation et/ou l'exploitation d'un équipement pour lesquelles l'entreprise est entièrement rémunérée par le maître d'ouvrage public, par exemple sous la forme d'annuités. Ceci a pour premier avantage de permettre à la collectivité publique d'étaler sur la durée le paiement d'un équipement qui sera réalisé rapidement par l'entreprise et ce, sans avoir à recourir à l'emprunt 44 ( * ) . Votre mission d'information estime en outre que cette formule peut être un facteur d'économie pour plusieurs raisons :

- d'une part, la concentration des travaux dans le temps grâce aux PPP constitue un facteur de massification, gage d'une optimisation du chantier. En effet, l'étalement dans le temps, pour des raisons de régulation budgétaire, est souvent source de surcoût lié aux aléas de l'évolution de l'opération et à la nécessité pour les entreprises de s'y adapter. On sait qu'il est très coûteux de devoir étaler un chantier sur une période large marquée parfois d'interruptions des travaux ;

- d'autre part, l'intégration des fonctions de conception, de construction et de réalisation confiées à une même entreprise diminue le nombre d'intervenants et les difficultés de dialogue qui en découlent souvent ;

- enfin, le fait que l'entreprise prenne le risque de garantir, dès le début, un coût d'entretien de l'infrastructure 45 ( * ) , la conduit à choisir un projet dont le coût économique est plus faible dans la durée. Or, on sait que les administrations ont trop souvent tendance à dissocier le coût de construction et celui de l'entretien dans la mesure où ce ne sont pas toujours les mêmes collectivités qui financent ces deux types d'opérations 46 ( * ) .

Votre mission d'information tient toutefois à rappeler que la voie des PPP ne saurait en aucun cas constituer une solution miracle au problème du financement des infrastructures de transport. En effet, ce secteur n'est sans doute pas le plus approprié à une large utilisation des partenariats avec le secteur privé. La preuve en est donnée non seulement par les difficultés rencontrées par certains projets français comme le tram-train de Mulhouse, mais aussi par l'exemple du Royaume-Uni où l'utilisation très fréquente de ce type de contrat 47 ( * ) n'a finalement laissé qu'une part très faible aux infrastructures de transport avec 8 % des projets, très loin derrière le secteur de la santé, des prisons ou de la défense.

* 41 Les cas les plus classiques sont ceux de la concession autoroutière ou de la gestion des eaux.

* 42 D'ailleurs, l'exploitation d'activités annexes ou complémentaires à une infrastructure de transport ne devrait pas être limitée aux seuls cas de PPP. Par exemple, des pistes intéressantes de recettes nouvelles peuvent être dégagées au travers d'affichages publicitaires sur les autoroutes ou de création d'aires de repos et d'activités commerciales sur les routes départementales.

* 43 Moyenne des différents scénarii à l'étude.

* 44 C'est-à-dire à supporter le poids de la dette dans son bilan.

* 45 Intégré dans le prix payé par la collectivité publique à l'opérateur.

* 46 Le cas est très fréquent où l'investissement initial est co-financé alors que l'entretien est à la seule charge du maître d'ouvrage.

* 47 « Private Finance initiative » (PFI).

Page mise à jour le

Partager cette page