II. L'APPORT DU PROJET DE LOI À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS FONDÉES SUR LE GENRE : DES COMPLÉMENTS UTILES AU PRIX D'UNE CERTAINE COMPLEXITÉ

Votre délégation ne s'engagera pas dans une analyse exhaustive des dispositions contenues dans le projet de loi. Certaines d'entre elles s'attachent en effet spécifiquement à la lutte contre des discriminations autres que celles qui sont fondées sur le sexe et ne relèvent, à l'évidence, pas de ses attributions.

Conformément à sa vocation, elle s'attachera plutôt à cerner l'apport que peut présenter le projet de loi pour favoriser l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, renvoyant au rapport de la commission des Affaires sociales pour une analyse détaillée et systématique de son dispositif.

A. UNE LOI TRANSVERSALE QUI S'AJOUTE AUX DISPOSITIONS EN VIGUEUR

La France dispose, en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe et de promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes, d'un arsenal juridique déjà très étoffé. Ces dispositions législatives résultent de l'adoption de plusieurs lois successives.

Dès les années 1970 et 1980, la loi du 22 décembre 1972, relative à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, puis la « loi Roudy » n° 83-635 du 13 juillet 1983 1 ( * ) ont permis d'insérer dans le droit français un certain nombre de garanties fondamentales en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière de rémunération.

De portée plus générale, la loi n° 82-689 du 4 août 1982 - l'une des « lois Auroux » - relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise, a interdit les discriminations en matière d'embauche, de licenciement et de sanctions disciplinaires.

Les années 2000 ont, à leur tour, permis un certain nombre d'avancées significatives.

Résultant d'une initiative parlementaire, la « loi Génisson » n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a rendu obligatoire les négociations collectives sur l'égalité professionnelle, au niveau de l'entreprise et au niveau de la branche.

Couvrant un champ très général, non limité à l'égalité hommes/femmes, mais l'englobant cependant, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, qui transposait les dispositions de plusieurs directives, a apporté des garanties nouvelles en matière de lutte contre les discriminations en matière d'emploi, notamment en donnant aux organisations syndicales et à certaines associations de lutte contre les discriminations, la possibilité d'agir en justice.

Plus récemment, la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes a incité les entreprises et les branches à ouvrir des négociations en vue de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et comprend, en outre, de nombreuses autres mesures destinées notamment à favoriser la conciliation entre l'emploi et la parentalité.

Ces diverses lois partagent toutes une caractéristique commune : à l'exception de quelques dispositions isolées, leur dispositif est venu compléter, enrichir ou modifier des codes existants (code du travail le plus souvent, code pénal parfois, à l'occasion code de la sécurité sociale ou code de l'action sociale et des familles, plus exceptionnellement code de l'éducation ou code rural) ou de grandes lois de référence comme la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 relative à la fonction publique hospitalière.

Seule exception à cette règle, mais au demeurant parfaitement justifiée, la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 qui a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), lui confiant la mission de lutter contre les discriminations prohibées par la loi, ou par un engagement international auquel la France est partie, et de promouvoir les bonnes pratiques susceptibles de faire progresser l'égalité des chances. Compte tenu de sa nature et de son objet - la création d'une autorité administrative indépendante, la définition de ses attributions et de son mode de fonctionnement - le recours à un support juridique distinct des textes existants paraissait bien aller de soi.

Tel n'est pas nécessairement le cas pour les dispositions du présent projet de loi, et votre rapporteur s'est interrogé sur les considérations qui ont conduit les rédacteurs du texte à maintenir dans un support distinct les dispositions des cinq premiers articles, alors que les compléments qu'elles apportent ont vocation à interférer avec les dispositions en vigueur dans les grands textes de référence. Tout au plus, les articles 6 et 7 procèdent-ils à un minimum de corrélation, et encore avec le seul code du travail.

A ces interrogations, les représentants du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, ainsi que ceux du secrétariat d'État chargé de la solidarité, ont fait valoir à votre rapporteur que, compte tenu des différentes matières sur lesquelles portent les cinq directives transposées, l'option consistant à codifier directement les dispositions du projet de loi aurait conduit à intervenir dans un très grand nombre de codes 2 ( * ) , ainsi que dans les diverses lois relatives aux fonctions publiques ou encore dans la loi relative aux rapports locatifs.

Dans ces conditions, le Gouvernement indique avoir prévu des dispositions transversales non codifiées, qui lui paraissaient mieux à même de garantir une application homogène de l'ensemble du dispositif anti-discrimination à tous les secteurs concernés, et ce, sans courir le risque d'omettre certaines coordinations.

Votre délégation n'est pas insensible à la prudence dont témoigne cette approche et relève que, permettant en outre une transposition en droit français au plus près des définitions données par les directives, elle est sans doute, plus qu'une autre, inattaquable au regard des exigences formulées par la Commission européenne.

Elle tient cependant à relever que le maintien des dispositions nouvelles dans un support législatif distinct, séparé des grands corpus juridiques existants, n'est pas la solution la plus à même d'assurer leur visibilité et donc leur connaissance par les victimes de discriminations qui pourraient s'en prévaloir.

Elle souligne également les difficultés que présente l'articulation des définitions données de la discrimination directe et indirecte ou du harcèlement et du harcèlement sexuel avec les définitions voisines, mais non identiques, qui continueront d'exister dans d'autres textes et notamment le code pénal, le code du travail ou la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précitée.

Même si la solution retenue par le Gouvernement constitue donc sans doute la voie la plus rapide et la plus prudente, votre délégation estime que des progrès restent à accomplir pour rendre le dispositif de lutte contre les discriminations plus accessible et plus compréhensible.

* 1 Loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

* 2 Les différents codes potentiellement concernés, d'après le ministère du travail, seraient : le code de la consommation, le code civil, le code des assurances, le code de la mutualité, le code de la sécurité sociale, le code de la famille et de l'aide sociale, le code du travail, le code de la santé publique, le code rural, le code du sport, le code de l'urbanisme.

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