C. LE HARCÈLEMENT MORAL ET LE HARCÈLEMENT SEXUEL COMME FORMES DE DISCRIMINATION

Le droit français comporte déjà une définition des notions de harcèlement moral et de harcèlement sexuel, qu'il sanctionne d'ailleurs pénalement.

Le projet de loi lui apporte un complément en précisant que, dès lors qu'ils trouvent leur origine dans un des motifs de discrimination prohibés, ces comportements indésirables seront dorénavant considérés comme des discriminations, ce qui élargira le champ des actions susceptibles d'être engagées contre leurs auteurs.

1. Le droit français

Les notions de harcèlement moral et de harcèlement sexuel ont été introduites par la loi de modernisation sociale en termes identiques, dans le code du travail, dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et dans le code pénal.

a) Le harcèlement moral

L'article L.122-49 du code du travail prohibe le harcèlement moral, qu'il définit comme des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 prohibe dans la fonction publique le harcèlement moral, dont il donne une définition identique.

Cette même définition se retrouve à l'article 222-33-2 du code pénal qui punit le harcèlement moral d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

b) Le harcèlement sexuel

L'article L.122-46 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ou candidat à un recrutement ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir « les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers » . L'article L.122-47 ajoute que tout salarié qui se rend coupable de tels agissements est passible d'une sanction disciplinaire.

L'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 précitée reprend un dispositif comparable pour la fonction publique, et l'article 222-33 du code pénal punit le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

2. Le droit communautaire

Les directives 2000/73/CE, 2004/113/CE et 2006/54/CE, qui s'attachent à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, définissent en termes identiques le harcèlement comme « la situation dans laquelle un comportement non désiré lié au sexe d'une personne survient avec pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » .

Elles décrivent le harcèlement sexuel comme « la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » .

Elles précisent, en outre, que le harcèlement et le harcèlement sexuel doivent être considérés comme des discriminations et être, dès lors, interdites, ajoutant que « le rejet de tels comportements par la personne concernée ou sa soumission à ceux-ci ne peuvent être utilisés pour fonder une décision affectant cette personne » .

3. La conciliation opérée par le projet de loi

Dans les mises en demeure qu'elle a adressées à la France, la Commission européenne juge les définitions du droit français trop restrictives pour satisfaire aux exigences de transposition des définitions européennes, pour trois raisons :

le droit français subordonne le harcèlement moral ou sexuel à l'existence d'actes multiples quand, du point de vue des directives, un seul acte d'une particulière gravité peut constituer le harcèlement ou le harcèlement sexuel ;

la notion de dégradation des conditions de travail est plus étroite que celle d'environnement intimidant, au demeurant moins exclusivement liée au cadre professionnel ;

le lien avec la discrimination n'est pas établi.

Le projet de loi concilie ces deux approches :

il ne remet pas en cause les définitions du harcèlement moral et du harcèlement sexuel inscrites notamment dans le code du travail et le code pénal, et qui présentent l'avantage pour le salarié, de sanctionner, y compris pénalement, des traitements dégradants même s'ils ne sont pas liés à un motif prohibé ;

il assimile à une discrimination les agissements liés à l'un des motifs prohibés et qui répondent à la définition communautaire du harcèlement et du harcèlement moral, élargissant ainsi les moyens de poursuites à la disposition des victimes.

Ce double dispositif de protection peut contribuer à améliorer la protection des victimes, même si la complexité de la construction juridique résultant de la superposition des deux approches n'est pas de nature à faciliter sa compréhension.

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