B. L'IMMIGRATION ET L'ASILE

M. Jean-René Lecerf a tenu plusieurs auditions les 1 er , 2, 15 et 29 avril, afin de faire le point sur les questions d'immigration et d'asile qui constituent également des priorités de la future présidence française.

1. Le Pacte européen sur les migrations et l'asile

Les auditions 36 ( * ) ont confirmé que le pacte européen sur les migrations et l'asile que proposera la France à ses partenaires au cours du second semestre 2008 sera un document politique destiné notamment à donner un nouvel élan à l'Approche globale sur les migrations initiée par la Commission européenne il y a trois ans. Il ne remplacera pas le programme pluriannuel de travail qui devrait être adopté à Stockholm au second semestre 2009 et qui prendra la suite de l'actuel programme de La Haye adopté en 2004.

Le futur pacte constituera un engagement politique au niveau des chefs d'Etat. Le respect des principes consacrés relèvera de la responsabilité de chacun. L'objectif est de faire prendre conscience de la nécessité de règles communes dans un espace de libre circulation en dépit des situations très contrastées des Etats membres en matière de migrations et d'asile (histoire, situation économique et démographique, géographie). Le pacte doit également permettre de faire bénéficier les Etats membres devenus récemment des pays d'immigration de l'expérience des Etats membres habitués de longue date à accueillir des étrangers sur leur sol.

En revanche, les représentants de l'association le GISTI ont estimé que les premières informations sur le contenu du pacte démontraient plutôt la poursuite de la politique européenne en matière d'immigration et d'asile menée depuis 1999 et le programme de Tampere. Ils ont regretté que cette politique soit approfondie alors même qu'aucune évaluation sérieuse n'en a été faite, des évaluations partielles comme celle du règlement de Dublin ou de Frontex étant même assez mitigées.

Le Gouvernement espère que le pacte pourra être adopté dès le mois d'octobre. D'ores et déjà, des consultations informelles se sont tenues avec l'ensemble des Etats membres. Une première version du pacte devrait être présentée lors du conseil « Justice et affaires intérieures » qui se tiendra à Cannes les 7 et 8 juillet prochains.

Le pacte devrait se composer de cinq chapitres.

Le contrôle des frontières extérieures

Ce chapitre devrait insister sur le principe général de solidarité entre les Etats membres pour assurer le contrôle des frontières extérieures, chaque Etat membre demeurant responsable à titre principal des portions de frontières extérieures dépendant de son territoire.

Plusieurs propositions précises devraient accompagner la réaffirmation de ce principe :

- développer la solidarité vis-à-vis des Etats membres confrontés à une pression migratoire particulièrement forte à leurs frontières ;

- renforcer le rôle opérationnel de Frontex (voir 3° infra) ;

- fixer une date précise pour la mise en oeuvre du visa biométrique européen (VIS), la France étant le seul Etat membre, hormis le Royaume-Uni qui n'est pas dans l'espace Schengen, à avoir réellement commencé à déployer un système de visa biométrique dans ses consulats et aux postes frontières (voir 3° infra).

L'organisation de l'immigration légale en fonction des capacités d'accueil de chaque Etat membre

Dans ce chapitre devrait figurer notamment le renoncement aux régularisations dites massives. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, ce point ne semble pas soulever de difficultés particulières pour nos partenaires, y compris ceux qui ont pu récemment procéder à de telles régularisations. Toutefois, en pratique, une marge d'appréciation subsistera pour apprécier à partir de quel seuil une régularisation peut être considérée comme massive.

Concernant l'immigration dite de travail, le principe de subsidiarité pourrait prévaloir, des Etats membres et en particulier l'Allemagne considérant qu'il n'existe pas de marché du travail européen mais seulement des marchés du travail nationaux ou locaux.

Concernant l'immigration dite familiale 37 ( * ) , les positions des Etats membres seraient plus contrastées entre, d'une part, des Etats estimant que la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial va d'ores et déjà au maximum de ce que la convention européenne des droits de l'homme autorise et, d'autre part, des Etats souhaitant aller plus loin, notamment vers un contingentement quantitatif de l'immigration familiale 38 ( * ) .

Enfin, ce chapitre devrait consacrer un volet à l'intégration des étrangers et notamment à l'apprentissage de la langue du pays d'accueil. La France organisera le 3 novembre à Vichy une conférence sur ce thème.

L'organisation de l'éloignement

Un troisième chapitre devrait concerner l'organisation de l'éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière, tout en réaffirmant que cette politique continue à relever de la responsabilité de chaque Etat membre.

Parmi les propositions plus précises devraient figurer l'organisation de vols de retour conjoint, la relance des accords de réadmission et le développement des aides au retour.

L'asile

Ce chapitre pourrait être le moins ambitieux, tant la perspective d'un système d'asile commun semble encore lointaine (pour plus de détails voir 2° infra). Afin de faire avancer la réflexion, la France organisera en septembre prochain une conférence sur l'asile qui associera notamment la société civile.

Développer le partenariat avec les pays d'origine

Ce chapitre insistera en particulier sur le co-développement et la mise en place d'accords de gestion concertée de l'immigration. Il doit être également rapproché de la relance souhaitée par la France du processus de Rabat de 2006 en faveur d'un partenariat euro-africain sur les migrations et le développement, d'une part, et d'autre part de la poursuite du partenariat global Europe-Afrique initié par la conférence de Lisbonne en décembre 2007.

La France organisera en octobre prochain la conférence de Paris qui devrait déboucher sur des propositions plus concrètes. Trois groupes de travail ont été constitués sur les migrations légales et illégales et le développement.

* 36 Les associations entendues ont toutefois regretté le manque d'informations précises sur le projet de pacte.

* 37 Rappelons toutefois que la distinction entre immigration de travail et immigration familiale est une facilité de langage. La plupart des titres de séjour délivrés pour des motifs familiaux ouvrent droit à l'exercice d'une activité professionnelle. En outre, les étrangers admis au séjour pour des motifs professionnels peuvent, s'ils remplissent les conditions fixées par la loi, demander le bénéfice du regroupement familial pour les membres de leur famille ou obtenir un nouveau titre de séjour pour un motif familial s'ils se marient avec un ressortissant français par exemple.

* 38 En France, ce débat fait écho aux réflexions en cours de la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration présidée par M. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel. Cette commission devrait rendre ses conclusions à la fin du mois de mai.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page