CONCLUSION

Après un an d'expérience, le choix de déclarer l'irrecevabilité financière dès le dépôt de l'amendement présente l'avantage de la simplicité. Les amendements venant en discussion en séance publique sont sécurisés sur un plan juridique. La probabilité que l'article 40 soit invoqué en séance, par le gouvernement ou par tout sénateur, est devenue extrêmement faible, ce qui permet à la discussion sur les amendements de se poursuivre jusqu'à leur vote. L'article 40 n'est plus une « épée de Damoclès » pesant sur la discussion en séance publique.

Les statistiques mettent en évidence avec la nouvelle procédure un taux d'irrecevabilité financière très faible, de l'ordre de 3,8 %, qui ne diffère pas sensiblement du taux d'irrecevabilité constaté antérieurement. La commission des finances a souhaité concilier au mieux les exigences constitutionnelles et le principe d'une initiative parlementaire la plus large possible, ce que traduit une jurisprudence se voulant à la fois rigoureuse et bienveillante à l'égard du droit d'amendement.

A chaque fois que cela est possible, une recherche de modifications est menée conjointement par la commission des finances et les auteurs des amendements pour trouver des solutions de conciliation.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 juin 2008, la commission a entendu une communication de M. Jean Arthuis, président, sur l'application, au Sénat, de l'article 40 de la Constitution.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé qu'une nouvelle procédure d'application de l'article 40 de la Constitution, en vigueur à compter du 1 er juillet 2007, avait été décidée par la Conférence des présidents en juin 2007. Il a indiqué en avoir présenté, ainsi qu'il s'y était engagé l'an passé, un premier bilan devant la Conférence des présidents, le 4 juin 2008.

Il a évoqué les trois « engagements tenus » par la commission. Tout d'abord, l'auteur d'un amendement estimé irrecevable est immédiatement prévenu par téléphone. Un message électronique exposant les raisons de l'irrecevabilité lui est en outre adressé. Ensuite, dès le lendemain, voire le jour même, le président de la commission lui adresse personnellement une lettre, reprenant cet exposé des motifs. Enfin, un premier recueil de jurisprudence a été établi, portant sur les 4.000 premiers amendements parlementaires qui ont fait l'objet de la nouvelle procédure ; il a été présenté le 4 juin dernier à la Conférence des présidents avant d'être soumis aujourd'hui même à la commission.

Cette nouvelle procédure vise à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. M. Jean Arthuis, président, en a fait valoir les avantages, consistant en la « sécurisation » juridique des amendements venant en discussion en séance publique. En effet, ces amendements bénéficient désormais d'une présomption de conformité à l'article 40 de la Constitution, et la probabilité que cette disposition soit invoquée en séance est devenue très faible.

Précisant que toutes les décisions d'irrecevabilité sont prises par le président de la commission et, en cas de doute, par le bureau de la commission, il a souligné que celle-ci n'a pas pour vocation à censurer les initiatives des sénateurs, mais à assurer une sécurité juridique aux amendements venant en discussion en séance publique.

Il a alors présenté ce rôle de « conseil » exercé par la commission auprès des sénateurs : elle propose, en effet, un « soutien technique » aux auteurs d'amendement, destiné à leur permettre d'éviter l'écueil de l'irrecevabilité financière.

Il a indiqué que, sous l'empire de la procédure antérieure, pendant la session ordinaire 2006-2007, 62 amendements sur 4.712 amendements parlementaires déposés avaient été déclarés irrecevables, soit moins d'1,5 %. Du 1er juillet 2007 au 13 mai 2008, 156 amendements sur 4.053 amendements parlementaires déposés ont été déclarés irrecevables, soit 3,8 %. De la sorte, le taux d'irrecevabilité financière au Sénat reste très faible, y compris par comparaison avec celui constaté à l'Assemblée nationale (8,2 % au cours de la session 2005-2006).

Il a expliqué la modicité de ce taux d'irrecevabilité par trois facteurs :

- d'abord, les sénateurs apparaissent globalement acquis, dans leurs amendements, au principe de « sagesse budgétaire » ;

- ensuite, la « jurisprudence » de la commission, en la matière, se veut à la fois rigoureuse sur le plan constitutionnel et « bienveillante » à l'égard de l'initiative parlementaire ;

- enfin, à chaque fois que cela est apparu possible, une recherche de modification des amendements contraires aux dispositions de l'article 40 de la Constitution a été menée, avec leurs auteurs, afin de trouver des solutions respectant les conditions de recevabilité financière.

Il a ainsi estimé que, d'une manière générale, le fonctionnement de la nouvelle procédure d'application de l'article 40 de la Constitution s'avérait satisfaisant.

Toutefois, à titre personnel, il a constaté, que cette disposition, bien que destinée à limiter la dépense publique, n'avait empêché ni l'accumulation des déficits budgétaires ni l'augmentation continue de la dette de l'Etat depuis une trentaine d'années, et il s'est interrogé sur l'opportunité de la maintenir en vigueur. Au demeurant, il a souligné que l'article 40 de la Constitution ne faisait pas obstacle à la diminution des recettes publiques, eu égard notamment à l'appréciation dont fait l'objet la recevabilité des « gages » en ce domaine.

Aussi, il a rappelé qu'à titre strictement personnel, il avait déposé un amendement au projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V e République, tendant à abroger l'article 40 de la Constitution. A ses yeux, cette mesure serait conforme à l'esprit de « responsabilisation » du Parlement qui a inspiré ledit projet de loi. Il a fait observer que le gouvernement conserverait des moyens d'encadrer les débats. Au surplus, il a considéré que le projet de révision constitutionnelle introduisait un élément de difficulté pratique, pour l'application de l'article 40 de la Constitution, en prévoyant que la discussion en séance porte, en principe, sur le texte adopté par la commission saisie au fond.

Un débat s'est alors engagé.

Mme Nicole Bricq s'est déclarée en accord avec les analyses présentées. Néanmoins, elle s'est interrogée sur le degré d'adhésion des sénateurs, en dehors des membres de la commission, à la nouvelle procédure d'application de l'article 40 de la Constitution. Leur « modération budgétaire » lui paraissait avoir davantage contribué à la réussite de cette réforme. Elle a estimé que le débat en séance publique sur le projet de loi constitutionnelle fournirait, par conséquent, une utile occasion de « pédagogie » en la matière, notamment lors de l'examen de l'amendement de suppression de l'article 40.

M. Adrien Gouteyron a indiqué que la communication faite en Conférence des présidents, le 4 juin 2008, sur la nouvelle procédure d'application au Sénat de l'article 40 de la Constitution, avait fait l'objet d'un accueil tout à fait favorable.

M. Paul Girod a estimé que l'article 40 de la Constitution devait être conservé. Selon lui, en effet, cette disposition, comme l'article 49-3, constitue une utile « arme de dissuasion », permettant de contenir les propositions visant à accroître la dépense publique.

La commission a alors donné acte à M. Jean Arthuis, président, de sa communication, et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication, sous la forme d'un rapport d'information.

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