B. LE RÉSEAU FRANÇAIS À L'ÉTRANGER N'EST PAS ENCORE MOBILISÉ

L'absence de chaîne de commandement direct entre l'administration centrale du ministère de l'immigration et les services des visas a conduit à des retards significatifs dans la mise en oeuvre de la politique d'immigration professionnelle. La compétence partagée sur les services des visas entre deux ministères, ministère des affaires étrangères et européennes d'une part, ministère de l'immigration d'autre part, a en effet introduit de la confusion au sein des consulats, là où la création de l'administration centrale de l'immigration devait introduire de la cohérence . Ainsi a-t-on pu être surpris que ce soit M. Jean-Marie Bockel, alors secrétaire d'État à la coopération et à la coopération, qui ait annoncé le 18 février 2008, la décision au demeurant très nécessaire « d'accorder la plus grande attention à la délivrance des visas » pour les artistes africains, en prévoyant une plus grande souplesse d'attribution des visas de circulation, plutôt que le ministre responsable de l'immigration professionnelle...

1. Une organisation à trouver au sein des postes à l'étranger

Il n'existe nulle part encore de « pôle d'immigration économique » au sein des ambassades . Certaines ambassades sont en attente d'un accord de gestion concertée des flux migratoires pour débuter leur action, alors que des outils (listes de métiers en tension, cartes « compétences et talents ») sont déjà à leur disposition pour expérimenter une nouvelle démarche en faveur de l'immigration de travail. Il y a là encore un travers de l'administration française : celle de « l'attente du texte, de l'instruction ».

Cette attente se comprend parfois pour des raisons diplomatico-politiques. Ainsi, l'attente règne à Bamako : compte tenu des difficultés de délivrance des laisser passer consulaires par les autorités consulaires maliennes en France, la question de l'immigration de travail est suspendu à la conclusion d'un accord global lié à la gestion concertée des flux migratoires.

Il existe toutefois des postes dont les ambassadeurs organisent une réunion mensuelle sur l'immigration (Roumanie par exemple). La présence d'une antenne de l'ANAEM est indéniablement un facteur de mobilisation des postes autour de l'immigration.

Seul le consulat général de France à Dakar évoque l'idée d'une expérimentation des procédures pour les 30 métiers d'ores et déjà ouverts aux ressortissants des États tiers à l'Union européenne. Il est aussi celui qui exprime clairement la possibilité d'une réussite de l'immigration professionnelle, même si, jusqu'à présent, seuls 19 contrats de travail, dont la moitié pour des footballeurs professionnels, et environ une trentaine de contrats « jeunes professionnels » ont été enregistrés.

Pour la plupart, les postes à l'étranger restent, faute d'initiative, dans l'ignorance des profils que leurs pays d'accueil sont susceptibles d'offrir à notre économie .

Ils sont dans la même ignorance s'agissant des besoins de notre pays en matière d'immigration économique, indiquant, pour certains, se documenter dans les dossiers réalisés par la Documentation française. Une première réunion de sensibilisation de 30 ambassadeurs, autour de M. Brice Hoterfeux, ministre de l'immigration, le 2 juin 2008, a permis, selon certains postes, de disposer d'informations plus complètes. Ils ont été également informés des résultats à atteindre en termes de « cartes compétences et talents ». Cet effort doit être poursuivi, en prévoyant, dans les plans d'action des ambassadeurs , des objectifs chiffrés en matière d'immigration économique. La politique du gouvernement doit aussi être explicitée à l'occasion des « stages de chef de poste » organisés au Quai d'Orsay.

En revanche, certains postes alertent déjà sur la nécessité d'organiser la gestion de l'immigration professionnelle . Ainsi, au Maroc, la sollicitation de visas par des entreprises, dans le cadre de sessions de formation ou de visites professionnelles, dont l'objectif affiché est de parfaire l'information et/ou les connaissances de leurs salariés, afin que cet acquis puisse être ensuite exploité dans ce pays, suscite parfois des interrogations. La multiplication de demandes présentées par une entreprise, filiale d'une société française, peut aussi permettre à celle-ci de constituer, grâce à sa filiale étrangère, « une base arrière » de main d'oeuvre meilleur marché que celle disponible en France. Les entreprises implantées en « offshore » offrent également une prestation de service susceptible d'être dissimulée sous la forme de réunions, séminaires ou formations.

Ces questions essentielles nécessitent des engagements précis de la part des entreprises concernées, voire une labellisation des « intermédiaires » du recrutement.

2. L'absence de « communication offensive » dans le pays d'origine

Les consulats interrogés par votre rapporteur spécial reconnaissent avoir fait très peu en matière de communication externe pour mettre en valeur des nouveaux instruments créés par le gouvernement, comme la « carte compétences et talents ». Et cela, à de rares exceptions près. Certes, dans un certain nombre de pays, il existe de nombreux candidats au départ, mais il paraîtrait opportun de sensibiliser les personnes concernées sur les métiers et les profils recherchés, ainsi que sur la procédure à suivre. Certains consulats craignent de « déclencher des espoirs immodérés et des mouvements de foules incontrôlables ».

La médiatisation des accords de gestion concertée des flux migratoires qui, jusqu'à présent, ont été signés, constitue un point positif, qui ne saurait suffire. Ainsi, les ambassades britanniques, et plus spécifiquement la branche de « UK visa » dans les consulats assurent la promotion du système britannique d'immigration économique . Les moyens mis en oeuvre vont de la distribution de prospectus dans les consulats à des actions spécifiques de promotion ciblées (conférences, communication dans la presse).

Les sites Internet des ambassades australiennes assurent la promotion du pays en vantant la qualité de vie australienne et la situation « exceptionnelle » du marché de l'emploi pour les plus qualifiés. Les bureaux « citoyenneté et immigration » à l'étranger assument le même rôle pour le Canada.

Parallèlement, la quasi-totalité des sites Internet des ambassades et consulats français , à l'exception notable de celui de l'ambassade de France en Roumanie, s'ils disposent à la rubrique « aller en France » de pages consacrés à « investir en France » ou à « étudier en France », n'en ont toujours pas créées en ce qui concerne « travailler en France » . Aucun lien hypertexte n'est réalisé sur le site Internet de l'ANAEM qui a vocation à s'imposer comme le site de référence sur l'immigration professionnelle.

3. Simplifier les procédures : la nécessaire mise en place du visa valant première carte de séjour

La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a prévu la mise en place d'un titre unique : un visa valant délivrance du premier titre de séjour. Cette simplification est essentielle. Sur un plan administratif, elle éviterait la répétition des contrôles opérés, d'abord par le consulat pour la délivrance du visa, puis ensuite par la préfecture pour l'émission du premier titre de séjour. Pour les étrangers, elle constituerait un gain de temps très sensible.

Selon les consulats, cette mise en place ne devrait pas poser de difficultés techniques insurmontables. Elle exige, néanmoins, une informatique commune entre les préfectures et les consulats, qui exige un pilotage cohérent et unique par l'administration du ministère de l'immigration.

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