VI. LA CONTEXTURE DU COMPTE ET SA CERTIFICATION

• LE CADRE NORMATIF

Le référentiel comptable du compte de gestion des procédures publiques

L'établissement du compte de procédures publiques gérées par la Coface s'appuie sur un référentiel comptable spécifique depuis 1999. Ce référentiel instaure la production d'un bilan qui donne une vision patrimoniale de ces opérations et d'un compte de résultat par exercice de souscription permettant la comparaison entre les primes et les sinistres. Les opérations sont désormais tenues selon une comptabilité de droits constatés, nécessitant la constatation de provisions 34 ( * ) .

Le recueil des principes comptables applicables à partir du 1 er janvier 2004 aux opérations effectuées par la Coface avec la garantie de l'État est annexé à la convention de gestion et rappelée dans la partie « principes généraux » de l'annexe des comptes. Pour l'exercice 2003, les principes comptables en vigueur étaient relatifs à la précédente convention.

Hormis les modalités de provisionnement des sinistres futurs et des créances qui sont basés sur la catégorie des risques OCDE, le référentiel comptable appliqué par la Coface s'inspire du référentiel comptable des assurances.

Principes généraux régissant la comptabilité des opérations d'assurance

Le contrat d'assurance est un acte par lequel une partie (l'assureur) accepte un risque d'assurance en s'engageant à indemniser une autre partie (le souscripteur) ou un autre bénéficiaire en cas de survenance future d'un évènement aléatoire précis (l'évènement assuré) qui affecterait défavorablement le souscripteur ou un autre bénéficiaire. Ce contrat prévoit également le paiement, généralement préalable, d'une somme convenue entre les parties. Le risque peut être transféré partiellement ou en totalité par l'assureur à un tiers (réassureur).

Contrairement aux activités industrielles et commerciales ordinaires, l'encaissement des ressources dans le secteur assurantiel précède généralement le décaissement des charges.

La réglementation comptable des assurances prévoit l'enregistrement en produits de la prime d'assurance. La provision pour primes non acquises calculée prorata temporis correspond à la partie de la prime restant à courir entre la date de clôture de l'exercice et la date d'échéance de la prime.

Dans la mesure où l'engagement de la compagnie de prendre en charge les évènements aléatoires futurs couverts par les contrats constitue la contrepartie de ces primes, il s'agit d'un passif pour l'entreprise d'assurance, à couvrir par des provisions suffisantes pour en assurer le cas échéant le règlement intégral.

A titre illustratif, la provision pour sinistres correspond à l'estimation du coût de l'ensemble des sinistres déclarés et non encore réglés à la clôture de l'exercice.

Les sinistres futurs , survenus mais non encore déclarés 35 ( * ) , font l'objet d'une évaluation basée sur la meilleure estimation du risque à venir, par ensembles homogènes de risques. La méthode d'évaluation de la provision correspondante appliquée par la Coface est fondée sur les dispositions de l'accord OCDE du 18 septembre 1997 36 ( * ) .

Le code des assurances 37 ( * ) autorise les entreprises d'assurance à constituer des provisions pour égalisation , dont l'objet est de reporter des bénéfices afin de faire face à d'éventuels évènements exceptionnels en matière de sinistralité, ou à lisser les fluctuations de sinistralité dans le temps. En application de l'article R. 331-35 du code des assurances, ces dispositions ne sont pas applicables aux opérations d'assurance-crédit à l'exportation pour le compte ou avec la garantie de l'Etat. Le compte des procédures publiques gérées par la Coface n'intègre pas ce dernier type de provision.

La certification de ce compte a été confiée, en l'absence de personne morale qui en soit le support, à un « expert ayant qualité de commissaire aux comptes » appointé par la Coface. On peut s'interroger sur le recours, pour la certification du compte de gestion des procédures publiques, au commissaire aux comptes de la Coface elle-même 38 ( * ) .

Les normes comptables de l'État : une mention en annexe

En élaborant les normes comptables de l'État, le comité des normes de comptabilité publique a constaté que le plan comptable général ne définissait pas de manière précise les catégories d'engagements à faire figurer dans les états financiers et que la présentation des engagements dans les comptes des entreprises devait s'attacher à donner une information conforme aux principes généraux de la comptabilité et notamment à celui de l'image fidèle du patrimoine.

Pour l'État le recensement des engagements à mentionner dans l'annexe s'avère plus difficile que pour une entreprise tant en raison de leur nombre que de la diversité de leurs caractéristiques. Dans sa partie illustrative, la norme n°13 relative aux engagements à mentionner dans l'annexe rappelle que la gestion des procédures publiques par la Coface est réalisée avec la garantie de l'État au titre de ses missions d'intérêt général.

L'activité et le bilan du compte des procédures publiques gérées par la Coface sont retracés en annexe du compte général de l'État, dans la partie relative aux engagements hors bilan 39 ( * ) .

L'examen des comptes fait apparaître des insuffisances

L'absence de manuel comptable

Il n'existe pas de manuel de procédures comptables. Au vu des spécificités des procédures publiques gérées par la Coface pour le compte de l'État, un véritable guide des procédures comptables trouverait toute son utilité.

La Coface, dans sa réponse aux observations provisoires de la Cour, rappelle « l'existence de documents précisant les schémas comptables et les procédures de contrôle » tels que les spécifications détaillées basées sur des schémas comptables permettant les développements informatiques, le dossier de contrôle produit par les directions DMT, DF et DAP. Ces documents ne sont pas homogènes et ne constituent pas une matière directement exploitable pour un utilisateur, même expérimenté. Les documents mentionnés par la Coface ne correspondent pas aux attentes de la Cour. La DGTPE ne verrait « que des avantages à la mise en place d'un manuel de procédures comptables. Un tel cadre de référence serait fort utile aux employés de la Coface ainsi qu'aux Commissaires aux comptes et aux agents de la DGTPE chargés de la tutelle. Le fait que les procédures comptables soient déjà documentées, même de façon éparse, devrait justement faciliter cet exercice ».

La refonte de l'annexe

L'annexe au compte ne respecte pas les exigences en matière d'information financière : le tableau des réserves patrimoniales est erroné et ne retrace pas le correct historique des bénéfices et pertes pour chacune des procédures gérées par la Coface depuis son origine, la Coface justifiant cette situation par les contraintes du système d'information comptable.

La DGTPE rappelle que « le document de référence précisant les exigences et obligations en matière financière est le Référentiel Comptable annexé à la convention de gestion ». La Cour est consciente de cette contrainte. Il apparaît cependant nécessaire de revoir le contenu de l'annexe, et par conséquent de modifier l'annexe II à la convention de gestion.

La tenue de la comptabilité et les problèmes informatiques

L'exercice de comparaison d'un exercice à l'autre reste difficile. Comme le précise l'annexe des comptes 2006, « pour satisfaire aux exigences des différentes évolutions nécessaires en vue de passer d'une comptabilité de caisse à une comptabilité patrimoniale d'engagements, la Coface a engagé un processus de refonte de son système d'information et des ses procédures comptables ». Depuis 1999, année de mise en place du référentiel comptable, ce processus n'est pas achevé.

Depuis l'arrêté des comptes 2004, l'expert ayant qualité de commissaire aux comptes a pu constater les effets positifs du renforcement des procédures de supervision du processus de production et d'arrêté des comptes ainsi que l'amélioration de la qualité des travaux menés par la Coface. Cependant, il estime que le dispositif de contrôle interne reste encore fragile et que le renforcement de certains processus de contrôle doit être poursuivi. Il mentionne à ce titre que deux chantiers informatiques importants pour la fiabilisation de l'information financière sont toujours en cours au 31décembre 2006.

Il s'agit, en premier lieu, des écritures cumulées et sans spécification 40 ( * ) générées dans l'application informatique « moratoires » ou MR, mise en service en 1998 pour gérer les créances consolidées. Depuis plusieurs années, l'expert recommande une évolution du système d'information afin de limiter ces écritures qui compliquent le rapprochement des données liées aux récupérations et aux désactivations de créances.

Il s'agit, en second lieu, des développements informatiques nécessaires à la correcte comptabilisation des écritures de correction sur exercices antérieurs qui n'ont pas été réalisés, ce qui oblige là encore à un suivi extra comptable.

La mise en application de la version 5 de l'application « moratoires » (MR) en août 2006 qui gère les accords de consolidation a généré de nombreux dysfonctionnements 41 ( * ) . Cette application a été développée à l'origine en interne et conçue pour la gestion quotidienne des opérations d'assurance-crédit. Ce n'est pas un outil de restitution au sens des exigences comptables et de contrôle interne. L'expert a relevé, au cours de son audit sur les comptes de 2005, que des contrôles visant à fiabiliser certains des postes clés du bilan, notamment les créances consolidées, n'étaient pas effectués de manière régulière et que les anomalies informatiques sur l'application de gestion des créances consolidées MR de décembre 2005 n'avaient été détectées que tardivement sur l'année 2006.

Du fait de ces insuffisances, le rapport général de l'expert ayant qualité de commissaire aux comptes conduit à une certification avec réserve portant sur la qualité du chemin de révision relatif aux stocks de créances (capital secondaire et intérêts moratoires 42 ( * ) ).

Les accords sur les pays pauvres très endettés (PPTE) ne sont pas gérés dans MR mais suivis de manière extracomptable et font l'objet d'écritures manuelles. L'expert a relevé dans son rapport de restitution à la DGTPE sur les comptes 2006 des difficultés pour justifier le stock de créances de certains PPTE.

La coordination entre les directions de la Coface

Selon le compte rendu de l'expert, l'arrêté 2006 a mis en évidence la nécessité de renforcer la coordination et la communication entre les différentes directions, notamment sur les sujets transverses et les options de gestion.

La Cour ne peut qu'adhérer à ce constat. A plusieurs reprises, les interlocuteurs de la Coface ont renvoyé les questions posées au cours de l'instruction sur les services opérationnels, ces derniers les renvoyant eux-mêmes vers les responsables des fonctions support. Certains comptes rendus à la DGTPE sont établis sous l'ancienne présentation des comptes mise en place par l'ancien responsable du service d'audit, parti à la retraite, sans que le service centralisateur s'en soit rendu compte parce que le service gestionnaire n'avait pas compris les modifications apportées. Il existe un réel manque de coordination et de communication entre les différentes directions et les fonctions support.

Dans sa réponse aux observations provisoires de la Cour, la Coface a souhaité rappeler que l'ensemble des travaux est coordonné par le Secrétaire général de la Coface qui préside un comité de pilotage réunissant tous les mois les directeurs techniques, informatique, comptable et de l'audit. A cela s'ajoutent deux comités hebdomadaires : l'un piloté par le service comptable, l'autre par la direction du moyen terme et de l'informatique. Tous ces comités font l'objet de comptes rendus formels.

* 34 Entre autres : provisions pour menaces de sinistres destinées à couvrir les impayés déclarés non indemnisés, provisions pour risques futurs, dépréciation des créances destinées à retranscrire l'estimation des récupérations à venir sur les créances indemnisées.

* 35 Ou IBNR.

* 36 Cet accord fixe, par catégories de pays définies dans le cadre de réunions multilatérales, un taux de prime et prévoit un ajustement possible de ce taux en fonction des garanties accordées. Cet élément constitue une observation reprise chaque année dans le rapport d'audit contractuel de l'expert ayant qualité de commissaire aux comptes.

* 37 Article R 331-6 (6°).

* 38 La convention signée le 9 juin 2008 entre l'État et la Coface prévoit que l'expert est désigné par le Ministre de l'économie, de l'l'Industrie et de l'emploi.

* 39 Page 142 du CGE pour 2006. Pour l'exercice 2007, le bilan du compte des opérations gérées par la Coface pour le compte de l'Etat n'apparaît plus en annexe. Seule la partie descriptive a été maintenue.

* 40 Ecritures dites de type « cumul » et « régularisation »

* 41 L'annexe des comptes 2005, quant à elle, mentionne la mise en évidence d'anomalies faisant suite à la mise en production de la version 4 de l'application MR. Ces anomalies portaient sur 20 pays et ont fait l'objet de corrections manuelles dans l'application comptable.

* 42 La capital primaire est la créance commerciale d'origine ayant donné lieu à restructuration, le capital secondaire est constitué des intérêts de retard capitalisés et des intérêts moratoires échus et impayés.

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