b) Les vertus d'un « policy mix » dans la zone euro au soutien de la demande

Le policy mix consiste en l'exercice conjoint et coordonné de la politique monétaire et de la politique budgétaire en vue d'obtenir un certain résultat économique. Pour la zone euro, aucune instance ne garantit vraiment aujourd'hui l'élaboration d'un quelconque policy mix si bien que « le policy mix de l'euro se constate ex-post » 48 ( * ) .. . Il est donc, en définitive, le fruit plus ou moins aléatoire de volontés autonomes, celles des gouvernements nationaux et celle de la BCE.

Cette carence est une des explications au fait que la capacité de stabilisation macroéconomique au sein de la zone euro se situe en retrait de celle des Etats-Unis, où les agents peuvent anticiper une réaction forte et rapide des autorités monétaires et budgétaires à un choc négatif, comme à la suite de l'explosion de la bulle Internet au début de la décennie ou dans le cadre de la crise des subprime .

De fait, depuis la mise en place de la monnaie -et donc de la politique monétaire- unique, les politiques budgétaires dans la zone euro apparaissent au mieux incoordonnées , au pire antagonistes 49 ( * ) .

Le maniement conjoncturel des politiques budgétaires des principaux pays manifeste l'existence de réactions différentes face à des chocs pourtant communs, différences qui altèrent leur efficacité. Un regard rétrospectif sur les politiques budgétaires respectives de l'Allemagne et de la France illustre ce propos :

INDICATEUR DE DIVERGENCE DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES : VARIATION
DE LA DIFFÉRENCE DU SOLDE STRUCTUREL ENTRE L'ALLEMAGNE ET LA FRANCE
(solde Allemagne moins solde France, en % du PIB)

Source : OCDE

Sur un plan plus structurel, les politiques budgétaires témoignent, de plus en plus, de l'acuité de phénomènes de concurrence entre Etats, particulièrement en matière fiscale.

Ils concernent surtout l' imposition des sociétés , avec pour conséquences une déconnexion croissante entre l'activité économique et la territorialisation des recettes fiscales au bénéfice des Etats pratiquant les taux les plus bas, aboutissant dans la zone euro à un taux d'imposition du capital plus faible qu'aux Etats-Unis et au Japon.

IMPOSITION DES SOCIÉTÉS EN EUROPE

Les principaux arguments que la science économique oppose à la mise en place d'une coordination des politiques budgétaires au sein de la zone euro tiennent, d'une part, à la capacité des Etats à réagir de façon différenciée à des chocs asymétriques dans le cadre d'une politique monétaire par ailleurs unifiée et, d'autre part, aux coûts de la coordination 50 ( * ) .

Sans conteste possible, l'argument du choc asymétrique cède aujourd'hui devant la menace que représente, pour l'ensemble des membres de la zone euro, la perspective d'une dépression profonde et durable, tandis que les coûts de coordination, pour élevés qu'ils puissent être, apparaissent en conséquence préférables au coût de la non-coordination.

* 48 Intervention prononcée par Dominique Garabiol, directeur à la CNCE (Caisse nationale des caisses d'épargne), au colloque du 18 février 2008 « Quel gouvernement économique de la zone euro ? ».

* 49 Voir rapport d'information du Sénat n° 113, 2007-2008, de MM. Joël BOURDIN et Yvon COLLIN, au nom de la Délégation du Sénat pour la Planification, intitulé « La coordination des politiques économiques en Europe : le malaise avant la crise ? ».

* 50 Alors que l'unification monétaire peut s'interpréter comme une coordination institutionnalisée des politiques monétaires, la coordination des politiques budgétaires repose sur des procédures inter-gouvernementales au sein de l'Eurogroupe et du conseil Ecofin. Cette coordination fait donc intervenir autant d'acteurs que d'Etats membres de la zone euro. Elle se surajoute à une coordination budgétaire interne entre le gouvernement central et les assemblées parlementaires, mais aussi, dans les Etats fédéraux notamment, avec les gouvernements locaux. L'engagement des Etats membres au niveau européen ne peut donc être que conditionnel aux procédures budgétaires internes. En outre, il est limité dans le temps en raison du cycle électoral. Au total, la coordination des politiques budgétaires est très coûteuse en énergie pour un résultat nécessairement fragile (extrait du rapport du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) annexé au rapport d'information du Sénat n° 113 précité).

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