IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

A. L'ACCÈS AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES ET LEUR PLEINE ET ACTIVE PARTICIPATION DANS LA SOCIÉTÉ

Mise en avant par la Convention européenne des droits de l'Homme, réaffirmée par la Charte sociale européenne adoptée en 1961, la participation des personnes handicapées à la vie sociale a récemment fait l'objet d'une Convention des Nations unies, entrée en vigueur le 3 mai dernier. Cette nouvelle actualité a conduit la commission des questions sociales, de la santé et de la famille à proposer un nouveau texte, censé relayer notamment le Plan d'action 2006-2015 pour les personnes handicapées, adopté il y a trois ans par le Comité des ministres.

Ce plan intègre les objectifs du Conseil de l'Europe concernant les droits de l'homme, la non-discrimination, l'égalité des chances, la pleine citoyenneté et la participation des personnes handicapées dans une politique européenne en matière de handicap. Un Forum européen de coordination (CAHPAH), réunissant notamment des ONG, examine l'avancée des travaux en la matière. Le mandat du CAHPAH devrait prendre fin le 31 décembre prochain. La résolution présentée devant l'Assemblée prolonge ce mandat durant toute la durée d'application du plan.

La proposition de recommandation présentée par la commission invite, quant à elle, les États membres à garantir aux 200 millions de personnes handicapées résidant sur le continent européen la pleine jouissance de leurs droits fondamentaux et dans le cas d'une mise sous tutelle, l'instauration de mécanismes adéquats de protection. L'accent devra également être porté sur les processus de désinstitutionalisation en vue de favoriser le maintien à domicile. L'insertion sur le marché du travail ou l'accès à l'éducation font également figure de priorité, la lutte contre l'isolement excessif des élèves handicapés étant particulièrement visé. La mise en adéquation de l'aménagement urbain et des réseaux de transports avec ces problématiques est également soulignée par le projet de résolution. Au-delà de ce volet sociétal, le texte vise également l'adaptation des politiques de santé des États membres, notamment en matière de recherche sur les facteurs de risques.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), exprimant la position du groupe GUE, a tenu à rappeler la nécessité de promouvoir tant la solidarité que l'aide à une plus grande autonomie des personnes handicapées :

« Le Groupe GUE souhaite saluer l'excellent rapport de notre collègue M. Marquet, qui nous appelle à rester vigilants quant à la pleine intégration des personnes handicapées dans la société. Il y a 210 millions de personnes handicapées en Europe, chiffre appelé à croître avec l'augmentation de l'espérance de vie ; c'est le défi que nous avons à relever ensemble !

L'entrée en vigueur de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, le 3 mai 2008, est un motif d'espérance, et le plan d'action du Conseil de l'Europe fournit des références pour des politiques actives en ce domaine.

Permettez-moi de prendre des exemples que je connais bien.

En France, c'est en 1975 qu'une loi d'orientation en faveur des personnes handicapées a dédié une politique spécifique à cette population. Le point fort en matière d'insertion était la création des commissions techniques d'orientation et de reclassement, les Cotorep. Cette loi marquait le passage entre une logique d'assistance à une logique de solidarité. Il s'agissait alors de compenser ou de corriger les effets en matière d'exclusion.

La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des handicapés a institué une obligation d'emploi de 6 % pour les employeurs publics et privés, et a créé le fonds pour l'insertion des personnes handicapées, constitué des cotisations des entreprises n'ayant pas atteint leur quota. Ce fonds a permis le financement de centres d'aide par le travail qui participent réellement à l'économie dans les régions. Il faut bien avouer que, souvent, les entreprises préfèrent être sanctionnées financièrement que d'atteindre leur quota.

La revendication des personnes handicapées d'une plus grande inclusion dans la vie sociale a imposé une rénovation du cadre réglementaire français. La loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées réunit dans un même texte des dispositions favorisant la non discrimination des personnes handicapées à travers différentes législations de droit commun, qu'il s'agisse de l'éducation, du logement ou des transports, et des mesures spécifiques visant non seulement à compenser le handicap, mais également à faciliter l'accès aux droits et l'accès à la vie sociale et publique des personnes handicapées.

Cette loi obéit à un double objectif.

Premièrement, il s'agit de garantir une solidarité aux personnes handicapées par des prestations spécialisées, des mesures d'accompagnement, des solutions de compensation ou l'attribution d'allocations spécifiques, car, comme l'indique le rapporteur, l'intégration généralisée ne doit pas se substituer aux politiques conçues spécifiquement pour les personnes handicapées lorsqu'elles sont dans leur intérêt.

Deuxièmement, il s'agit de favoriser l'autonomie de tous ceux qui peuvent s'intégrer dans le milieu ordinaire. Dans ce domaine, la loi ne peut tout faire, car le rapporteur rappelle également que l'attitude de la société est l'obstacle le plus important à la pleine intégration des personnes handicapées. Cela signifie que des campagnes d'information et de sensibilisation sont sans doute nécessaires pour changer notre regard sur les personnes en situation de handicap, et leur assurer les mêmes droits fondamentaux que les autres citoyens.

Le rapport de M. Marquet nous invite à cette conversion collective. Il reste encore trop de situations où les adultes handicapés, polyhandicapés se retrouvent dans des établissements psychiatriques, par exemple en France, faute de prise en compte dans des établissements spécialisés encore en nombre insuffisant. Ce sujet n'est donc pas clos et notre groupe pense que le Conseil de l'Europe doit régulièrement faire un état des situations dans nos pays sur cette question ».

M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) a souhaité souligner la dimension sociale et juridique de la question des handicapés, qu'il convient de ne pas limiter au seul champ sanitaire :

«A mon tour, je félicite notre collègue Bernard Marquet, à la fois pour la qualité de son rapport et pour l'ambition qu'il poursuit. Si la résolution qu'il nous présente était effectivement appliquée dans l'ensemble de nos États, les millions de personnes handicapées que compte le continent européen connaîtraient une réelle amélioration de leur sort. Pour ma part, je soutiens ce texte, tout en souhaitant souligner davantage l'importance de la lutte contre la maltraitance envers les personnes handicapées, qui est un phénomène complexe, qui provient souvent de la famille elle-même, si l'on en croit un sondage paru récemment dans la presse. J'ai donc proposé à la commission deux amendements en ce sens.

En France, où l'on compte environ 5 millions de personnes handicapées, d'importants efforts ont été accomplis depuis plusieurs années, notamment par voie législative. La loi du 4 mars 2002 a tranché par la négative cette question terrible : faut-il que la seule voie permise à des parents pour assurer une vie décente à leur enfant handicapé consiste à rechercher une faute pour ouvrir droit à une indemnisation ? Le législateur avait alors posé le principe, pour toute personne handicapée, du droit à obtenir de la solidarité nationale la compensation des conséquences de son handicap et pris l'engagement de lui donner un contenu, en réformant la loi d'orientation du 30 juin 1975, texte fondateur qui avait posé le principe d'une obligation nationale de solidarité.

C'est par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que la France a déjà atteint l'essentiel des objectifs fixés par le projet de résolution qui nous est soumis.

Cette loi garantit l'égalité des droits et des chances de tous les citoyens, quelle que soit la nature de leur handicap, qu'il s'agisse de l'accès aux soins, au logement, à l'école, à la formation ou à l'emploi. Elle reconnaît ainsi la pleine citoyenneté des personnes handicapées. La dignité humaine, en effet, n'est pas sujette à quantification et ne se mesure pas à l'aune de la capacité physique et intellectuelle. La question du handicap aujourd'hui n'est plus seulement une question de prestations de soins, mais aussi une question de citoyenneté.

Cette loi définit deux types de garanties destinées aux personnes handicapées.

D'abord, le libre choix de leur projet de vie, grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu favorisant une vie autonome digne. La prise en charge des surcoûts du handicap est désormais personnalisée. En outre, les personnes handicapées doivent avoir la possibilité de choisir librement leur mode de vie, notamment leur mode de résidence.

Ensuite, leur participation effective à la vie sociale, grâce à l'organisation de la cité autour du principe d'accessibilité généralisée, qu'il s'agisse de l'école, de la culture et des loisirs, du cadre bâti, des transports ou de l'emploi. Cela dit, il nous reste beaucoup à faire. Dans ma commune, si la compagnie des chemins de fer aménage la gare pour permettre l'accès et l'achat de billets, rien n'est prévu pour accéder aux wagons !

Monsieur Marquet, j'apprécie le fait de mesurer dans quelques années les progrès accomplis de sorte que nous constations les résultats positifs des propositions d'aujourd'hui ».

Deux amendements proposés par M. Béteille et plusieurs de ses collègues ont été adoptés. Ils permettent de compléter le texte proposé par des dispositions relatives à la lutte contre la maltraitance envers les personnes handicapées. Le premier prévoit la formation de travailleurs sociaux destinés à diffuser une culture de prévention de la maltraitance. Le second rappelle, à cet égard, la nécessité de poursuivre les actes de maltraitance, individuels ou commis au sein d'établissements spécialisés.

Les projets de résolution et de recommandation ont été adoptés à l'unanimité.

B. LA RÉGULATION DES SERVICES DE MÉDIAS AUDIOVISUELS

La directive sur la télévision sans frontières adoptée en 1989 par l'Union européenne a été suivie de l'adoption la même année, par le Conseil de l'Europe, d'une Convention européenne transfrontières, reprenant l'essentiel des dispositions du texte de l'Union. Les révisions de la directive opérées par la suite ont débouché sur des modifications concomitantes de la Convention. La dernière date, à cet effet, de 2002. L'Union européenne a adopté, pour sa part, une nouvelle directive modificative le 11 décembre 2007. Le comité permanent sur la télévision transfrontière a, en conséquence, rédigé un projet de convention révisé. L'Assemblée parlementaire est tenue de formuler un avis sur ce texte.

L'adaptation de la Convention apparaissait urgente au regard de l'évolution technologique des médias audiovisuels et, notamment, de leur présence sur Internet. Le Conseil de l'Europe répond à une autre logique que celle de l'Union européenne, plus encline à entrer dans des considérations économiques ou commerciales. La recommandation propose, à cet effet, de définir la mission de service public des médias audiovisuels et préconise un certain nombre de mesures destinées à renforcer l'indépendance des instances nationales de régulation. Les modalités d'affectation de nouvelles fréquences radios liée à l'arrêt de la diffusion analogique dans de nombreux pays sont également au coeur des préoccupations de la recommandation. Celle-ci reprend, par ailleurs, l'essentiel des dispositions de la directive européenne du 11 décembre 2007.

Comme l'a souligné Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique - UMP), la recommandation, telle qu'adoptée par l'Assemblée, devrait néanmoins être prolongée par un nouveau texte destiné à encadrer spécifiquement les services de vidéos à la demande en vue de protéger les plus jeunes publics :

« Comme le souligne l'excellent rapport de M. McIntosh, la révision de la Convention européenne sur la télévision transfrontière est devenue une nécessité au regard des progrès technologiques puisque sa dernière modification date de 2002, époque à laquelle la présence des médias audiovisuels sur Internet n'était pas comparable.

La transformation de la toile en gigantesque moteur d'images n'est pas sans incidence. Aux côtés des médias traditionnels, qui utilisent Internet comme un nouveau canal de diffusion, les médias audiovisuels à la demande, tels que YouTube, sont une source d'informations privilégiées par les internautes. L'accès libre à ces images, sans restriction, pose un réel problème, notamment à l'égard des mineurs. Aucune signalétique ne prévient de la violence ou du caractère choquant des scènes, présentées le plus souvent sans commentaire journalistique. L'exemple de l'exécution de Saddam Hussein est révélateur : alors que les rédactions des chaînes de télévision débattaient de la pertinence de sa diffusion, les sites de vidéos à la demande ne s'étaient embarrassés d'aucun scrupule.

La commission de la culture, de la science et de l'éducation insiste dans son rapport sur la nécessité de scinder la démarche du Conseil de l'Europe et celle de l'Union européenne : là où notre institution défendrait la liberté de transmission, l'Union viserait quant à elle la liberté de services au sein du marché intérieur. Gardons-nous pourtant de toute vision réductrice : la directive européenne sur les services de médias audiovisuels adoptée le 11 décembre 2007 prévoit un certain nombre de garde-fous, notamment en matière de protection des mineurs, qui visent les services de vidéo à la demande, dits services non linéaires. L'article 3 nonies prévoit ainsi que les contenus qui pourraient nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne seront mis à la disposition du public que dans des conditions telles qu'ils ne puissent normalement y avoir accès. Le projet de recommandation qui nous est soumis aujourd'hui reprend d'ailleurs cette disposition.

J'attends plus, néanmoins, de l'Assemblée des droits de l'homme. La question des violences entre adolescents par exemple, filmées puis postées sur les sites à la demande, n'est en effet pas abordée. Elle pose pourtant le problème du rôle des hébergeurs de ces vidéos et de la nécessité d'un mécanisme de contrôle a priori. De telles images ne devraient en aucun cas être diffusées. Je conçois la difficulté de mettre en oeuvre un tel système d'autorisation préalable. Je mesure les difficultés quasi philosophiques qu'il pose alors qu'Internet se caractérise avant tout par la liberté. Il ne s'agit pourtant pas de censurer, mais bien de protéger - et dans ce domaine, il y a urgence ».

C. LES SOINS PALLIATIFS : UN MODÈLE POUR DES POLITIQUES SANITAIRES ET SOCIALES NOVATRICES

La question des malades en fin de vie a déjà été abordée en 1980 et en 1999 par l'Assemblée 1 ( * ) . L'impossibilité légitime de déboucher sur un consensus quant à l'euthanasie a conduit la commission des questions sociales, de la santé et de la famille à reposer la question de l'autonomie du patient, au travers cette fois-ci des soins palliatifs. Ceux-ci sont considérés par la commission comme une alternative nécessaire aux traitements curatifs. Le choix d'y recourir est une manifestation, selon le projet de résolution, du libre-arbitre des malades et du respect de leur dignité.

Plus qu'un nouveau texte de promotion d'une offre de soins, à l'image des politiques déjà développées au sein de plusieurs États membres, la résolution entend poursuivre la mise en oeuvre d'une véritable réflexion sur les missions de la médecine. Dans un contexte sanitaire marqué par l'augmentation exponentielle du nombre de patients frappés par le syndrome d'Alzheimer, la mort n'est plus envisagée, par le rapporteur, comme un processus naturel mais comme la résultante de décisions médicales. Cette assertion pose la question des soins proposés par les praticiens et leur adéquation avec un idéal de dignité.

M. François Rochebloine (Loire - NC) a souhaité relayer cette nouvelle prise en compte du malade et plus seulement de la maladie au sein de nos sociétés, écartant néanmoins tout débat sur l'euthanasie :

«Le respect de la dignité de la personne humaine est un point de rencontre entre les diverses traditions spirituelles et philosophiques qui constituent notre culture commune. Le développement des soins palliatifs permet l'application de ce principe dans le domaine de la santé, tout particulièrement à l'hôpital. Beaucoup plus qu'une pratique nouvelle, c'est un renouvellement de notre regard collectif sur la personne humaine que de tels soins permettent. Leur intérêt, pour la société comme pour les personnes, fait dès lors au législateur un devoir d'en encourager et d'en accompagner le développement.

D'une certaine manière, la pratique des soins palliatifs est la reconnaissance par la médecine des nouvelles responsabilités que lui donnent ses propres avancées thérapeutiques. Il faut évidemment se réjouir de ces progrès, mais ils peuvent aussi créer une réelle frustration chez les praticiens, les familles et les malades en rendant plus scandaleuse encore l'incapacité de soigner efficacement.

A mesure que les années passent, on constate un peu partout que les obstacles mis au développement des soins palliatifs ont tendance à se lever. Le lien parfois établi entre soins palliatifs et situation d'échec de la médecine disparaît. On comprend mieux, désormais, que la qualité de l'intervention du médecin ne se limite pas aux progrès vers la guérison ; elle tient aussi à l'aide qu'il apporte, et avec lui tous les personnels soignants, à des personnes qui, sans eux, connaîtraient de grandes souffrances, et pour lesquelles il n'existe malheureusement plus de possibilité thérapeutique.

Le développement des soins palliatifs a donné une nouvelle force à cette idée élémentaire : ce n'est pas la maladie que l'on soigne, mais le malade. En assurant à celui-ci, à chaque étape de sa vie, les moyens de mener, autant qu'il est possible, une vie personnelle et une vie de relations autonome, la médecine est pleinement dans son rôle.

Pratique d'accompagnement, la pratique des soins palliatifs ne se borne pas à une intervention médicale ; elle met également en présence d'autres intervenants appelés à procurer au malade en fin de vie un soutien matériel, moral et, s'il le désire, spirituel. Les personnes, soignants comme bénévoles, qui se dévouent ensemble au service des malades méritent toute notre considération.

La France connaît, comme d'autres pays, un développement significatif des soins palliatifs. La récente mission d'évaluation de la législation sur la fin de la vie, conduite par M. Léonetti, a été l'occasion de mesurer les progrès accomplis dans ce domaine. Elle a également traduit une grande réticence, que je partage, envers la notion de « testament de vie » qui n'est, à mes yeux, qu'une autorisation légale de donner la mort.

Pour ma part, sous cette importante réserve, je partage entièrement l'opinion de la commission des questions sociales à propos des soins palliatifs et je ne peux qu'appuyer ses conclusions tendant à leur développement ».

La résolution a été adoptée à l'unanimité.

D. LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE

Inscrit en urgence à l'ordre du jour de cette partie de session, le débat sur les conséquences de la crise financière mondiale entendait faire un point sur la situation économique mondiale et ses incidences en matière de droits de l'Homme. Le rapport de la commission des questions économiques et du développement cerne plusieurs causes à la crise : taux d'intérêts maintenus trop bas, pratiques managériales pernicieuses dans les banques et les institutions financières non bancaires, instruments financiers complexes manquant de transparence, système de rémunération trop généreux en dépit des pertes enregistrées.

La détérioration de la situation économique devrait entraîner une hausse du chômage. Les pertes de revenus concomitantes devraient alimenter la spirale du surendettement. Les pouvoirs publics, critiqués par la commission pour leur incapacité à mettre en oeuvre un contrôle adéquat des risques inhérents à la diffusion d'instruments financiers sophistiqués, devraient, aux yeux de la commission, répondre à cette crise en prenant en compte des critères sociaux dans les mesures retenues pour y répondre.

Ces plans devraient, selon les termes de la résolution adoptée par l'Assemblée, garantir la stabilité des marchés financiers, en facilitant l'apport de liquidités. Une attention particulière devrait également être portée à l'amélioration de la transparence des marchés, afin de faciliter une forme de moralisation du capitalisme. Des dispositions en faveur de l'emploi et des petites et moyennes entreprises devraient également être adoptées.

La nécessaire mise en place d'une nouvelle architecture financière a été soulignée par M. Michel Hunault (Loire-Atlantique - NC) :

« Je veux à mon tour saluer l'excellent rapport de M. Sasi et évoquer plus particulièrement la sixième partie, intitulée « Réforme de l'architecture financière internationale ».

La crise financière qui nous frappe a mis en lumière les lacunes du système financier en matière de normes et de surveillance. Plus de 50 % des mouvements financiers transitent actuellement par des centres offshore et par les paradis fiscaux ; c'est dire la nécessité de lutter contre l'opacité du système financier international !

Le rapporteur a également eu raison de donner toute sa dimension humaine à cette crise financière dans les réponses que les différents États européens essaient d'apporter, de façon coordonnée, pour soutenir l'activité économique et atténuer les effets de la crise. Néanmoins, si l'on veut, à l'avenir, éviter une crise encore plus dure, notre Assemblée, souvent présentée comme la conscience de l'Europe, doit s'efforcer de promouvoir davantage de transparence et de traçabilité dans les mouvements financiers. Elle doit donc faire preuve d'une grande fermeté à l'égard de la lutte contre le recyclage des activités criminelles, le blanchiment de l'argent sale et la corruption. Je suis persuadé que c'est par le retour de la confiance que viendra l'exigence d'établir une nouvelle architecture financière internationale. »

E. LES SOCIÉTÉS PRIVÉES À VOCATION MILITAIRE OU SÉCURITAIRE ET L'ÉROSION DU MONOPOLE ÉTATIQUE DU RECOURS À LA FORCE

L'effondrement du bloc soviétique et les bouleversements géopolitiques qui ont suivi ont considérablement fragilisé le modèle d'un État disposant du monopole de la violence légitime. Une exigence sans cesse accrue de sécurité a conduit États et organisations internationales à recourir de plus en plus à des sociétés privées à vocation militaire. Comme l'a indiqué M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), l'absence d'encadrement juridique international de ces sociétés peut susciter un certain nombre de dérives :

« Je félicite M. Wodarg pour ce rapport qui nous alerte à juste titre sur la tendance croissante à faire appel à des compagnies privées pour accomplir des tâches dans le domaine militaire et de sécurité. Nous sommes confrontés à un défi considérable qui touche aux valeurs défendues par le Conseil de l'Europe dans la mesure où la prérogative étatique du recours à la force, spécifiquement la force militaire, est remise en cause.

Nous sommes confrontés à une extension et à une banalisation d'un mercenariat moderne, un mercenariat qui ne concerne pas les États faibles ou déliquescents - condamnés par les textes et les conventions internationales - mais bien des États constitués qui se revendiquent du droit international.

Face à ce phénomène nouveau, le flou juridique actuel laisse la voie ouverte à toutes les dérives, lesquelles, si elles ne sont pas combattues avec énergie par une convention contraignante, sont porteuses de graves menaces pour la paix, pour le règlement des conflits et pour les droits humains.

Le phénomène est de moins en moins marginal. Plus d'un million de personnes sont concernées, avec plus d'un millier de sociétés privées représentant un marché de 200 milliards de dollars. Les principales sociétés - comme la MPRI, qui sous-traite pour l'armée américaine en Irak - sont anglo-saxonnes. Les pressions montent en Europe, dans nos pays, pour légitimer de telles entreprises, banaliser, voire justifier l'extension de ces pratiques.

Il s'agit ni plus ni moins que de légitimer la privatisation de la violence qui, dès lors, ne serait plus le monopole régalien des États, mais qui serait dévolue à des sociétés privées d'actionnaires, à but lucratif. La dérive libérale touche là à son comble. On va jusqu'à invoquer les mérites de la concurrence au nom de l'efficacité ! Selon cette logique, seuls ceux qui auraient des moyens financiers suffisants pourraient se doter des moyens de leur sécurité. Pourtant, la sécurité nationale et la protection des populations ne sauraient constituer un marché.

L'usage de la force doit rester l'extrême recours et toujours venir en appui à une solution politique du conflit. L'usage de la force a toujours une dimension politique. Or ces sociétés privées n'ont ni la compétence de s'attaquer aux causes profondes des conflits ni intérêt à le faire, puisqu'elles en tirent profit.

L'essor de la sous-traitance à des compagnies privées est un moyen de contourner la pression publique pour la réduction des dépenses militaires et le contrôle démocratique de l'engagement militaire.

Pour justifier leur existence, ces sociétés invoquent la sécurisation d'organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales dans des zones de conflit. Or il s'agit là d'une des missions de l'Onu, mais le désengagement des États ouvre la porte à la dérive actuelle, certains allant jusqu'à suggérer l'utilisation de sociétés mercenaires pour des opérations de maintien de la paix. A cet égard, l'imposition d'un contrôle et de normes contraignantes est d'autant plus impérative que la distinction entre sécurité et militaire est floue, fragile et précaire.

Pour réfléchir aux normes contraignantes d'une convention européenne sur les sociétés militaires privées, nous devons être fermes sur quelques principes fondamentaux. L'usage de la violence doit rester le monopole des États. La violence armée et la sécurité ne peuvent être régies par les lois du marché. L'instauration de normes ne doit pas conduire à une légitimation de la privatisation de la guerre et du mercenariat. Elle ne doit pas contrevenir aux législations existantes les plus contraignantes mais au contraire les conforter. Elle doit renforcer les critères de distinction entre sécurité intérieure et défense. Elle doit prôner le renforcement du contrôle politique et démocratique des sociétés privées de sécurité. Elle doit réaffirmer le principe de la primauté à la prévention et à la solution politique des conflits. Enfin, nous ne devons pas hésiter à adopter des législations répressives contre tout ce qui s'apparente au mercenariat, conformément aux principes qui fondent le droit international. »

En proposant la définition de normes encadrant l'activité de ces sociétés, le texte de la commission des questions politiques s'inscrit dans le prolongement du document de Montreux, signé le 17 septembre 2008 sous l'égide du Comité international de la Croix-Rouge par dix-sept pays, dont la France et les États-Unis. La recommandation telle qu'adoptée par l'Assemblée reprend à cet égard les grandes dispositions de ce texte : création d'un système d'enregistrement et de licence pour les sociétés privées à vocation militaire, mise en place dans le droit civil de règles spécifiques pour ces sociétés, encadrement parlementaire du recours à ces sociétés par les États, ou obligation pour ce secteur d'activité de mettre en place en son sein un code de conduite contraignant.

M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) a, néanmoins, tenu à relativiser la portée du texte qui, s'il permet de mieux encadrer les sociétés privées à vocation militaire occidentales, mésestime la réalité du mercenariat :

«Comme le souligne l'excellent rapport de notre collègue Wolfgang Wodarg, le développement des sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire n'est pas sans susciter quelques interrogations sur les missions traditionnellement régaliennes des États. Depuis le XVII e siècle, la philosophie politique réserve à l'État le monopole de la force. Au début du siècle dernier, Max Weber définissait encore l'État moderne par le monopole de la force physique légitime.

L'apparition de sociétés privées à vocation militaire à l'orée des années 90 tend à bouleverser ce cadre, organisant la délégation de ce droit à des acteurs ne répondant plus à l'intérêt général, mais à une seule logique commerciale. La question que l'on se pose alors est celle de savoir si la force ainsi exercée apparaît encore légitime. Excepté certaines activités de surveillance collaborant clairement avec des autorités légitimes, j'estime que le développement de ce marché de mercenariat est incompatible avec un droit international un tant soit peu exigeant. Par ailleurs, comme l'ont souligné de nombreux collègues, la logique commerciale voudrait que le marché ne s'étiole pas ; par conséquent, ces sociétés ont tout intérêt à un maintien de l'insécurité.

L'encadrement proposé aujourd'hui par le Conseil de l'Europe s'inscrit dans la lignée de l'initiative du Comité international de la Croix-Rouge sur les entreprises militaires privées. Celle-ci a débouché sur la Déclaration de Montreux signée le 17 septembre dernier par dix-sept pays, dont les États-Unis. Ce texte doit servir de document de référence au développement de futures règlementations en la matière. Il rappelle la nécessité pour les sociétés concernées de respecter le droit international et les libertés fondamentales. A cet égard, j'approuve pleinement les amendements de la commission des droits de l'Homme, présentés par M. Sasi.

Ne nous méprenons pas. Nous encadrons les activités de ces sociétés, faute de pouvoir les interdire. Aussi nécessaire soit-elle, notre intervention ne vise qu'une partie du problème. La réalité du mercenariat est tout autre. Elle ne concerne pas uniquement des sociétés ayant pignon sur rue, prêtant leurs services à certains États occidentaux en mal d'expertise. Il existe toujours un « marché noir » de la force armée, ne répondant à d'autre logique que l'intérêt financier à court terme, ne répondant à aucun code, à aucune loi, pas même à celle de l'honneur. Il profite à certains anciens professionnels, le plus souvent dévoyés, il touche également des populations malheureuses, désargentées ou affamées, sans réels repères sociaux. L'exemple le plus frappant, celui des enfants soldats d'Afrique de l'Ouest, vient nous rappeler combien toute législation sur les sociétés privées butera toujours sur les conditions permettant une délégation de la violence par les États.

Le mercenariat s'appuie sur la déliquescence des États, leur incapacité à s'ériger en gardiens de l'intérêt général face aux particularismes, qu'ils soient ethniques ou religieux et souvent instrumentalisés à des fins commerciales pour couvrir des trafics injustifiables. Encadrer les sociétés militaires privées occidentales ne peut occulter cet état de fait. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP), président de la délégation française, a, quant à lui, souhaité voir en ce texte une première étape avant une harmonisation à l'échelle internationale sous les auspices des Nations unies :

« Je soutiens sans détour le projet de recommandation présenté par M. Wodarg et soutenu par M. Sasi.

Ce rapport transcende les clivages politiques tout simplement parce qu'il se réfère à un principe dont on ne peut déroger, celui du monopole étatique du recours à la force. Tout principe est évidemment assorti d'exceptions. Il serait illusoire de vouloir interdire la création de sociétés privées à vocation militaire, mais il est de notre devoir de poser des jalons et de le faire avant que leur profusion ne vienne accroître les risques pour la stabilité de certains pays.

Ne nous leurrons pas. Ces sociétés sont les mercenaires des temps modernes. Elles répondent pour l'essentiel à des impératifs économiques. Elles sont ainsi prêtes à proposer leurs services aux plus offrants.

L'histoire nous offre suffisamment d'exemples de l'utilisation de troupes mercenaires pour que nous restions aujourd'hui vigilants face à leur résurgence. L'État moderne, il faut en convenir, loin d'être exemplaire dans l'emploi des forces armées, s'est tout de même arrogé un monopole assurant un respect nettement plus grand du bien commun.

C'est au pouvoir civil légitime - et à lui seul - d'exercer des prérogatives en matière de recours à la force. Les régions du monde ignorant ce principe sont des régions trop souvent plongées dans la guerre civile et la dilution de l'État. C'est pourquoi l'idée d'une convention encadrant l'existence de ces sociétés à vocation militaire ou sécuritaire est tout à fait fondée.

Toutefois, j'insisterai sur un point qui me paraît fondamental si l'on veut aboutir à un encadrement efficace. Le paragraphe 13.9 du projet de recommandation prévoit « l'adaptation et l'harmonisation du droit pénal international ayant trait aux infractions pénales commises par les sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire (SPMS) ». Je ne saurais effectivement trop insister sur l'adaptation et l'harmonisation du droit international. En effet à quoi cela servirait-il de se limiter au cadre européen lorsque nous savons que l'écrasante majorité de ces sociétés est d'origine nord-américaine ? A quoi servirait-il de se limiter au cadre européen lorsque nous savons que leur caractère transnational leur confère une mobilité ignorant les frontières ? Une convention du Conseil de l'Europe ne peut donc que constituer une première étape.

L'objectif est bien de viser une adaptation du droit international en envisageant des démarches auprès de l'Onu, car, si les principaux bénéficiaires de l'action de ces sociétés sont certaines grandes puissances, les principales victimes en sont souvent les pays et les peuples les plus défavorisés. »

F. LA DÉMOCRATIE ÉLECTRONIQUE

La promotion de l'utilisation des nouvelles technologiques dans le débat politique s'inscrit, selon la commission des questions politiques, dans un contexte de crise de la démocratie représentative. En effet, aux yeux du rapporteur, la participation des citoyens à la vie politique ne s'exerce, dans la plupart des cas, qu'à l'occasion des scrutins.

L'utilisation des nouvelles technologies apparaît, à cet égard, comme une opportunité intéressante en vue de rapprocher le citoyen de ses représentants. La résolution telle qu'adoptée par l'Assemblée insiste ainsi sur l'intérêt pour les parlements nationaux de développer de semblables outils, tant il permettrait d'associer plus directement les citoyens au processus législatif. Les gouvernements sont, eux aussi, invités à user des facultés offertes par ces technologies en vue de mettre en oeuvre des procédures de consultation de la population.

M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) a, néanmoins, souhaité relativiser les ambitions du texte, tant la démocratie électronique ainsi promue ne peut répondre à toutes les difficultés que peuvent rencontrer les régimes représentatifs :

« Je ne cacherai pas que la lecture du rapport très documenté de notre collègue, M. Szabo, m'a laissé dubitatif.

Deux dispositions de son projet de résolution ont plus particulièrement appelé mon attention. D'une part, il note que « les démocraties représentatives traditionnelles ont tendance à limiter la participation des citoyens à un simple acte de voter ». Je ne pense pas qu'on puisse banaliser ainsi, voire déprécier l'acte de voter. Beaucoup de femmes et d'hommes dans le monde aimeraient pouvoir accomplir cet acte présenté comme « simple ». Nombre de rapports d'observation électorale établis par notre Assemblée montrent que la sincérité du vote est loin d'être acquise dans l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe. D'autre part, notre rapporteur estime que « la démocratie électronique est avant tout une question de démocratie et non de technologie ». Je ne partage pas ce point de vue. La démocratie électronique, au contraire, se définit essentiellement par rapport aux normes qui gouvernent les formes démocratiques classiques.

Je crois que la démocratie électronique a un rôle important à jouer, pourvu qu'elle soit appréhendée comme une source d'enrichissement du champ de la démocratie représentative, à laquelle elle peut apporter un soutien. Ses outils peuvent permettre de contourner certains problèmes techniques propres à l'exercice de la délibération et à l'organisation du débat. La démocratie électronique contribue à nourrir le débat, par une diversification des points de vue, et à assurer la publicité des fondements des politiques publiques mises en oeuvre. Elle est ainsi une source de transparence. Elle peut aussi aider à améliorer la qualité de la décision publique en l'ajustant aux besoins des citoyens, de publics spécifiques en particulier. On le voit, les outils de la démocratie électronique, et d'abord Internet, se résument souvent à la simple transposition de ce qu'offre déjà la démocratie représentative.

Notre Assemblée se fourvoierait, en effet, si elle cédait à la tentation de voir dans la démocratie électronique une transformation radicale de la démocratie. Du reste, dans le passé, l'émergence de nouvelles technologies de communication - que ce soit la radio ou la télévision - a souvent suscité l'espérance en un approfondissement du champ démocratique.

Internet semble promettre une politique dépassant ses cadres traditionnels. L'entrée de la démocratie dans l'ère électronique a pu apparaître comme le meilleur chemin vers une forme de participation immédiate et directe des citoyens aux activités relevant traditionnellement de la compétence des gouvernants. Le citoyen et l'autorité politique seraient placés sur un pied d'égalité. Ils développeraient une sorte de partenariat dessinant les contours d'une nouvelle gouvernance. Il s'agit là d'une conception très volontariste de la démocratie électronique, à laquelle le rapport semble parfois adhérer.

J'appelle notre Assemblée à la prudence. Gardons-nous de tout enthousiasme excessif ! Ne cédons pas aux mirages d'un nouveau mythe politique !

D'abord, les expériences de vote électronique ne se sont jamais traduites par un recul significatif de l'abstention, qui a des racines plus profondes que les modalités de suffrage.

Ensuite, les projets d'e-démocratie se limitent souvent à diffuser de l'information des gouvernants vers les gouvernés. Les outils de la démocratie électronique ont pour objectif de nourrir la réflexion du législateur, mais non de produire une politique. Qui plus est, la participation des citoyens pourrait se transformer en une défiance de nature démagogique.

Enfin, la démocratie électronique court le risque d'une perte de crédibilité de la part des gouvernés. La question fondamentale est en effet la suivante : Que deviennent les propositions avancées par les citoyens ? Si on constate qu'elles ne sont finalement pas prises en compte par le législateur ou le gouvernement, le risque est grand de voir poindre un soupçon d'instrumentalisation et, in fine, un sentiment de désenchantement.

Ne nous berçons donc pas d'illusions sur la portée de la cyberdémocratie !

Les nouvelles technologies, à elles seules, ne renforcent pas le débat démocratique. Internet, même s'il offre un accès illimité à la prise de parole, ne produit pas de sens commun. Or, c'est ce sens commun, cette volonté de penser l'intérêt général qui fonde l'idéal démocratique. Les nouvelles technologies disséminent, alors que la politique se doit au contraire de cristalliser et de trancher. ».

G. FÉMINICIDES

Prenant acte d'assassinats de plusieurs centaines de femmes et de jeunes filles dans l'État de Chihuahua, le parlement mexicain a créé le terme de « féminicide » pour incriminer ces meurtres, rattachant ceux-ci à un climat généralisé de violence et de discrimination à l'encontre des femmes. Le Mexique s'est alors doté d'institutions spécialisées aux niveaux fédéral et local afin d'accélérer les procédures d'enquêtes et un programme d'action en vue de supprimer les violences faites aux femmes, notamment par le biais d'actions en milieu scolaire a été adopté. Enfin, le 1 er février 2007, une loi générale d'accès des femmes à une vie sans violence a été promulguée. Un certain nombre d'insuffisances dans l'application de ce texte demeurent néanmoins, telles que le refus d'enregistrer les plaintes déposées par les femmes.

Au regard de cette expérience pour partie concluante, la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes propose d'intégrer la notion de « féminicide » au sein des législations pénales européennes. Le « féminicide » peut être envisagée sous deux angles : soit comme une infraction spécifique, soit comme une circonstance aggravante. La résolution telle qu'adoptée opte à cet égard pour la deuxième solution, appelant parallèlement de ses voeux l'adoption par les États membres d'une loi générale sur l'égalité entre les femmes et les hommes à l'instar de celle adoptée au Mexique.

La recommandation adoptée par l'Assemblée insiste, quant à elle, sur la nécessité pour le Comité des ministres de renforcer sa coopération avec le Mexique en matière judiciaire afin de favoriser notamment la modernisation du système local de poursuites.

H. MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENTS ENVIRONNEMENTAUX : UN DÉFI POUR LE XXIE SIÈCLE

Trente millions de personnes sont obligées, chaque année, de se déplacer en raison de la dégradation des conditions climatiques, des catastrophes naturelles ou de la diminution des ressources naturelles. Ces migrations s'effectuent, dans la plupart des cas, sans réelle protection nationale ou internationale.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) a souhaité souligner le défi que représente d'ores et déjà ce type de mouvement.

« Depuis la nuit des temps, migration et environnement constituent deux concepts intimement liés qui ont entraîné, à maintes reprises au cours de l'histoire, la violence et la guerre.

L'immense défi qui s'offre aux responsables politiques du XXI e siècle que nous sommes, est de rendre possible la migration de populations fragilisées par les bouleversements climatiques et les catastrophes écologiques, dans un contexte de violence atténuée et de respect des droits de l'Homme.

Tout d'abord, les migrations environnementales vont se poursuivre à un rythme de plus en plus rapide. Cependant, il est très difficile de comptabiliser le nombre de personnes concernées. Notre planète compte actuellement 200 millions de migrants soit 3 % de la population mondiale, et selon le rapport de l'économiste Nicolas Stern, le nombre des seuls migrants environnementaux est susceptible d'atteindre les 200 millions de personnes en 2050.

Par ailleurs, il est aisé de comprendre que les pays actuellement les plus démunis sont les moins à même d'affronter les crises directement liées au changement climatique et à l'appauvrissement des ressources naturelles.

Ainsi, de retour d'un très récent voyage au Tchad, j'ai été confronté sur le terrain aux terribles conséquences de la crise du Darfour. Les aléas climatiques et l'épuisement des ressources en eau et en nourriture ont déstabilisé et plongé dans une violence inacceptable toute cette région de l'Afrique.

Toutefois, les pays aux économies développées sont également sous la menace des changements climatiques et environnementaux. Par exemple, les conséquences de l'ouragan Katrina, plus de trois ans après la catastrophe, marquent toujours profondément la population de la Louisiane. Sur notre propre continent, à plus long terme, nos concitoyens européens qui vivent sur les côtes, en particulier aux Pays-Bas et au Danemark, sont potentiellement des migrants environnementaux...

A l'occasion de ce débat, nous participons à l'évolution de l'opinion publique mondiale. Nous devons tous prendre conscience de l'importance du défi à relever que représente « la migration environnementale ».

Mais il convient également de répondre par des actions préventives : en engageant nos gouvernements respectifs à mener des politiques beaucoup plus volontaristes afin d'endiguer au maximum le réchauffement climatique et en faisant pression sur les sociétés commerciales afin de mettre en place des échanges équitables évidemment plus respectueux de l'environnement.

Enfin, chers collègues, je vous invite à adopter le projet de résolution et le projet de recommandation que nous soumet la commission des migrations, des réfugiés et de la population.

Il est effet indispensable de protéger les victimes des aléas environnementaux en élaborant un statut du migrant environnemental qui lui reconnaîtra tous ses droits.».

Aucun texte ne définit à l'heure actuelle le statut et les droits des migrants environnementaux. Cette carence résulte, aux yeux de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, de l'absence de consensus au sein de la communauté internationale sur une terminologie applicable à la mobilité humaine induite par la dégradation de l'environnement.

Le texte présenté devant l'Assemblée invite, en conséquence, les États membres à favoriser l'adoption d'une définition claire en la matière, susceptible de faciliter la mise en oeuvre d'instruments de protection des populations concernées. A côté de ce renforcement du cadre juridique, la résolution préconise la poursuite des efforts entrepris en matière de réduction de la vulnérabilité écologique des pays en voie de développement. Elle insiste également sur la possibilité pour l'Union européenne de prendre en compte ces nouvelles catégories de migrations dans le cadre de l'élaboration de sa stratégie globale en matière d'immigration. L'Union est également incitée à financer des projets de développement et de gestion aptes à anticiper ou à répondre aux catastrophes naturelles dans les pays les plus pauvres.

La recommandation s'appuie, quant à elle, sur les Principes directeurs des Nations unies relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, pour inviter le Comité des ministres à répondre à moyen terme aux lacunes juridiques observées.

* 1 Recommandation 1498 (1999) sur la protection des droits de l'Homme et de la dignité des malades incurables et des mourants.

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