B. LES DÉPENSES ET LA GESTION DU PERSONNEL

1- Les effectifs

L'analyse distingue les CRA police, où aucune donnée de synthèse nationale n'est disponible, et les CRA gendarmerie.

§ Pour les CRA police , le nombre et l'évolution des effectifs dans les CRA visités sont récapitulés ci-dessous.

Ils concernent à la fois la garde et les escortes pour les audiences, les visites aux consulats et la conduite à l'aéroport, en dehors des éventuels accompagnements dans l'avion par des fonctionnaires de la PAF.

Le tableau ci-dessous montre les très grandes différences entre les CRA visités, en particulier en fonction des possibilités de mutualisation avec d'autres services.

Tableau n° 1 :  Tableau n° 7 :   ETPT dans les CRA « police nationale » visités 2006 - 2008

C.R.A

Corps de commandement

Corps d'encadrement et d'application

Adjoints de sécurité ou

Gendarmes adj volontaires

Personnels administratifs et techniques

2006

2007

2008

2006

2007

2008

2006

2007

2008

2006

2007

2008

BOBIGNY

1

1

1

35

29

30

3

4

1

0

0

0

BORDEAUX (3)

1

1

1

3

3

3

-

-

-

-

-

-

CAYENNE (1)

2

2

2

49

47

51

4

5

10

1

2

2

COQUELLES (2)

2

2

2

61

52

55

21

14

11

-

-

-

LYON (4)

2

2

2

86

81

77

3

17

21

1

1

1

MARSEILLE

1

1

1

84

126

127

2

6

6

0

0

1

PALAISEAU

1

1

1

38

36

36

0

0

0

2

1

1

PARIS DEPOT et VINCENNES

4

4

4

209

254

268

12

8

4

1

1

1

PAMANDZI

0

0

1

34

42

40

0

0

0

0

0

0

Source : Cour des comptes à partir des données transmises par les CRA

(1) Y compris le personnel d'escorte (14 personnes), de la cellule éloignement et de l'unité d'identification.

(2) Garde + éloignement.

(3) Le CRA étant dans l'hôtel de police, la sûreté générale est assurée par du personnel non spécifique. Le greffe est assuré par la PAF. Les escortes, prises en charge par la PAF et la DDSP, ne sont pas comptabilisées.

(4) les personnels de la SPAF de l'aéroport St Exupéry assurent aussi des escortes non comptabilisées.

A Coquelles , les besoins en personnel de garde extérieure sont, par exemple, diminués par une mutualisation des moyens de la PAF, dont les locaux sont dans la même enceinte. Les escortes peuvent en outre être ponctuellement prises en charge par des policiers de la PAF non affectés au CRA.

Les CRA gérés par la sécurité publique (Bobigny, Bordeaux) sont nettement moins bien dotés que les autres et se situent en particulier très en-deçà de la norme fixée par la PAF d'un fonctionnaire de police pour un retenu. Situés dans les hôtels de police, ils bénéficient de la protection générale existant sur ces sites.

Dans les deux cas, les problèmes de fonctionnement montrent aussi que ces centres souffrent d'un relatif sous-encadrement. A Bobigny, le transfert au palais de justice pour l'audience devant le JLD, effectué par un souterrain reliant l'hôtel de police au palais, s'effectuait jusqu'au 1 er décembre par des escortes de deux fonctionnaires pour une dizaine de retenus. Ces dispositions n'ont certes, semble-t-il, jamais posé de problème, le cas d'évasion en février 2008 étant intervenu lors d'une escorte à la sortie du consulat du Maroc. L'accroissement de personnel affecté à la suite du transfert à la PAF en janvier 2009 devrait cependant permettre de garantir des normes de sécurité plus raisonnable.

§ Pour les CRA gendarmerie , il existe une synthèse nationale des effectifs affectés aux CRA, résumée dans le tableau ci-dessous

Tableau n° 8 :  Les effectifs dédiés au fonctionnement des CRA gendarmerie (ETPT)

2006

2007

2008

Gend. affectés

Gend. mobiles

Total

Gend. affectés

Gend. mobiles

Total

Gend. Affectés

Gend. mobiles

Total

Mesnil-Amelot

20

288

308

24

288

312

24

288

312

Geispolsheim

6

48

54

7

56

63

7

63

70

Metz

-

-

-

3

25

28

7

61

68

Rennes

-

-

-

4

55

59

9

131

140

Rivesaltes

6

28

34

7

31

38

7

127

134

TOTAL

32

364

396

45

455

500

54

670

724

Source : DGGN

L'accroissement du nombre d'ETPT de gendarmes mobiles en 2007 et 2008 s'explique par l'ouverture en 2007 de nouveaux centres (CRA provisoire de Metz le 19 juillet 2007, CRA de Rennes le 1 er août 2007, remplacement du CRA de Rivesaltes par celui de Perpignan le 20 décembre 2008) et de leur effet en année pleine 2008.

L'utilisation quasi-systématique de gendarmes mobiles mérite des interrogations. Son coût est plus élevé que celui d'une unité affectée de manière permanente (frais de mission, coût des déplacements) pour une professionnalisation de la garde des retenus moins assurée.

2- Les dépenses salariales

Pour les CRA gérés par la police, les effectifs ont été valorisés sur la base des référentiels de coût fournis par la DAPN. Les masses salariales par CRA visités sont récapitulées dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 1 :  Tableau n° 9 :

Tableau n° 10 :   masse salariale depuis 2006 (en K€) dont : traitements, indemnités, pensions, autres charges

C.R.A

Corps de commandement

Corps d'encadrement et d'application

Adjoints de sécurité ou

Gendarmes adj volontaires

Personnels administratifs et techniques

2006

2007

2008

2006

2007

2008

2006

2007

2008

2006

2007

2008

BOBIGNY

66,34

67,25

70,48

1 755,83

1 445,23

1 605,67

67,10

91,68

23,61

0

0

0

BORDEAUX

62,28

64 ,87

68,09

139,25

146,26

152,93

0

0

0

0

0

0

CAYENNE

145,17

150,62

157,54

2 638,76

2 648,93

2 994,52

82,91

107,39

221,68

39,50

82,13

84,63

COQUELLES

124,57

129,74

136,19

2 831,54

2 535,23

2 803,77

435,31

300,71

243,85

0

0

0

LYON

124,57

129,74

136,19

3 992,01

3 949,12

3 925,28

62 ,19

365,15

465,54

37,75

34,76

35,98

MARSEILLE

62,28

64 ,87

68,09

3 899,17

6 143,07

6 474,17

41,45

128,87

133,01

0

0

0

PALAISEAU

66,34

67,25

70,48

1 892,79

1 793,67

1 913,98

0

0

0

68,99

34,96

36,38

PARIS DEPOT et VINCENNES

265,33

269,00

281,91

10 484,82

12 745,82

14 344,02

268,42

183,36

94,45

35,38

35,84

37,15

PAMANDZI

0

0

0

1 481,81

1 914,74

1 917,44

0

0

0

0

0

0

Source : DAPN/ SDRH

Pour les CRA gérés par la gendarmerie, les effectifs 2008 ont été valorisés au coût moyen (CAS pensions compris) du personnel militaire du programme 152, soit 61 800 € par emploi.

La masse salariale ainsi calculée s'élève en 2008 à 44,743 M€ 15 ( * ) .

3- La formation des personnels

§ En matière de formation spécifique des personnels des CRA, la PAF n'a organisé jusqu'à la fin 2007 que des stages pour les escortes et une formation à l'application informatique spécifique (Eloi).

En 2008, la DCPAF a initié un plan de modernisation et de professionnalisation des personnels des CRA, avec plusieurs stages : chef de CRA (3 modules de 5 jours chacun, 6 stagiaires formés en 2008), stage « pôle d'éloignement » (2 jours, 25 stagiaires formés en 2008), greffe (2,5 jours, 50 stagiaires formés en 2008), garde (3 jours, 50 stagiaires formés en 2008).

A partir de 2009, une formation complète sera proposée aux personnels des CRA sous la forme d'un stage obligatoire d'une durée de cinq semaines, pour les différents corps. Cet effort est tardif, mais il est absolument indispensable et devra être poursuivi, dans la perspective de confier aux personnels affectés dans les CRA une réelle spécificité.

§ Ceci n'empêche pas que les modalités de transfert de certains CRA de la tutelle de la sécurité publique à celle de la police aux frontières puissent entraîner quelques inconvénients en matière d'adaptation du personnel.

Pour faire face à l'accroissement important des effectifs affectés, les reprises ont certes été échelonnées mais les personnels nouvellement affectés dans ces CRA (Bobigny ou Plaisir) proviennent pour l'essentiel de sorties d'école. Ceci est dû au caractère peu attractif du travail effectué, mieux accepté en début de carrière mais avec l'inconvénient de disposer d'un effectif très jeune et peu expérimenté, ce qui peut poser un problème face à des situations tendues ou inhabituelles.

S'agissant de la gendarmerie, l'effort de formation spécifique est pratiquement inexistant. Au Mesnil-Amelot, par exemple, les escadrons de gendarmerie mobile n'ont en tout et pour tout que deux périodes, respectivement d'une journée et de 90 minutes, pour être formés préalablement à la mission qui va leur être confié d'assurer la garde et le fonctionnement du centre.

Au Mesnil-Amelot , les deux escadrons de gendarmerie mobile changent tous les mois. Ils assurent respectivement d'une part la garde extérieure en journée et la garde de nuit et d'autre part les escortes. Une telle formule présente certes quelques facilités pour l'autorité préfectorale en matière de maintien de l'ordre lors de manifestations à l'extérieur du centre, mais a l'inconvénient sérieux de faire intervenir des personnes qui ne sont pas formées pour gérer la situation spécifique de personnes en rétention. Elle peut contribuer à accroître l'agressivité présente dans le centre.

Ces gendarmes sont armés. Cette situation est normale lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité extérieure (patrouille sur le chemin de ronde). Elle pose en revanche question lorsqu'il s'agit d'interventions à l'intérieur du centre, qui surviennent le plus souvent la nuit. Ce dispositif est contraire aux pratiques en vigueur dans les CRA gérés par la PAF, dans lesquels les gardiens ne doivent pas être armés à l'intérieur du centre.

4- La maîtrise des dépenses d'escortes

Les dépenses consacrées aux escortes sont importantes. Une étude menée par la police aux frontières a estimé le coût des escortes en 2007, pour les douze CRA gérés par elle, à 1,3 M€ par an hors temps d'attente et d'audience. Les efforts entrepris pour réduire ces coûts, salles d'audience délocalisées ou visioconférence, ont jusqu'à présent eu des résultats assez minces.

Les salles d'audience délocalisées à proximité des CRA

La loi du 26 novembre 2003 reprise dans l'article L. 552-1 du Ceseda autorise l'utilisation de salles d'audience à proximité immédiate des CRA. Contrairement à la tenue des audiences foraines qui repose sur une faculté et non sur une obligation, l'entier contentieux de la rétention doit prendre place dans la salle d'audience spécialement aménagée, lorsqu'elle existe et fonctionne.

Quelques salles d'audience pour le JLD ont été aménagées à l'intérieur des enceintes des CRA de Toulouse - Cornebarrieu et de Marseille - Canet en 2006 et 2007. Ces salles n'ont pu être utilisées à la suite de trois arrêts du 16 avril 2008 de la première chambre civile de la Cour de cassation. Celle-ci a refusé que ces audiences puissent se tenir dans des salles situées dans l'enceinte du CRA et sans accès autonome. Pour respecter les règles d'indépendance et d'impartialité, la salle d'audience doit être identifiée comme un lieu judiciaire à part entière, signalisée, dans un bâtiment distinct qui n'apparaisse pas comme une extension du CRA.

Les conditions dans lesquelles les audiences doivent être tenues ne font pas l'objet de texte spécifique. Ce sont donc les dispositions du code de procédure civile qui s'appliquent, notamment celles relatives à la publicité des débats qui oblige que les portes de la salle ne soient pas closes, que celle-ci doit être de dimension suffisante pour accueillir du public et d'accès libre pendant toute la durée des débats, sous réserve des mesures de sécurité de même nature que celles que connaissent les palais de justice.

La salle d'audience située à proximité du CRA de Coquelles , située juste à côté mais hors de l'enceinte du CRA, a pu continuer à fonctionner. Elle bénéficie d'une entrée distincte et d'une signalisation en tant qu'annexe du tribunal. Outre la diminution du coût des escortes, ce dispositif améliore les conditions matérielles des retenus (pas de trajet, moins d'attente,...). Les avocats font le déplacement mais le parquet n'est que très rarement présent.

A Marseille , un nouveau bâtiment situé à proximité immédiate du CRA accueille depuis 2009 une salle d'audience, conformément à la jurisprudence récente de la Cour de cassation. Selon la préfecture, le fonctionnement de l'ancienne salle a permis de gagner du temps de transport mais ne semble pas avoir réduit les effectifs.

Il est en revanche dommageable que, compte tenu des délais, un tel dispositif ne puisse pas en principe être mis en place dès l'ouverture du nouveau CRA de Mesnil-Amelot . Compte tenu de la capacité de ce nouveau centre (280 personnes) et de la distance par rapport au tribunal de grande instance territorialement compétent (Meaux, à une heure de route), les besoins en escorte risquent, au moins pendant un temps, d'augmenter très fortement (leur nombre devrait passer de 536 en 2008 à 1454 par an à partir de septembre 2009), sauf à décaler la date d'ouverture de ce nouveau CRA.

Les textes ont enfin mal réglé l'hypothèse d'une quasi concomitance des audiences judiciaires et administratives. Le juge administratif de première instance, selon l'article L.512-2 du Ceseda « peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l'étranger, si celui-ci est retenu en application de l'article 35 bis de l'ordonnance », mais pas dans la salle spécialement aménagée, qui n'est pas siège d'une juridiction judicaire. Le législateur n'a pas prévu dans cet article de déroger à la notion de siège comme il l'a fait expressément à l'article L 552-1 pour le siège du TGI où statue, en principe, le JLD. Cette situation est paradoxale puisque le juge administratif a la possibilité de statuer au siège du TGI alors que le JLD ne le peut plus, en raison des termes mêmes de l'article 552-1, si la salle dédiée existe.

La visioconférence

L'article L. 552-12 du Ceseda ouvre la possibilité pour l'autorité administrative compétente de proposer au juge l'utilisation des moyens de communication audiovisuelle (visioconférence) sous réserve du consentement de l'étranger.

Pour en faciliter le recours, la loi du 20 novembre 2007 a assoupli les conditions de recueil du consentement du retenu en prévoyant que ce dernier est supposé consentir à la visioconférence sauf si, dûment informé dans une langue qu'il comprend, il s'y oppose.

Les réticences s'appuient sur les difficultés d'organiser un vrai débat sans la présence, simultanée et active, des acteurs concernés. Un tel aménagement technique de l'audience pose également la question de la présence effective de l'avocat et de l'interprète dans la salle où se tient la personne retenue, ainsi que de la confidentialité des rapports entre l'avocat et son client.

Seul le CRA de Lyon utilise la visioconférence à titre expérimental pour les auditions des demandeurs d'asile retenus en CRA. Du bilan établi par le CRA de Lyon, il ressort que du 1 er février au 1 er décembre 2008, 215 demandes d'asile ont été faites, 39 personnes ont eu accès à la visioconférence pour 48 convoquées à l'OFPRA à Paris. La différence est due essentiellement au fait que l'OFPRA ne les a pas convoqués et a statué sur dossier, les désistements étant minimes.

Ce bilan est mince alors que certains tribunaux disposent désormais d'équipements de visioconférence. Les CRA en sont certes le plus souvent dépourvus, mais le coût de ces dispositifs, évalués globalement par la PAF, pour une implantation dans tous les CRA, à 660000 € la première année (équipement) et à 84000 € par année suivante (fonctionnement) rend l'investissement très rentable au vu du coût des escortes.

Ce constat mérite au moins que plusieurs autres expérimentations soient lancées avec, le cas échéant, des garanties supplémentaires sur la présence de l'interprète et de l'avocat.

* 15 ) Ce chiffre ne comprend pas les frais de mission mais intègre le surcoût lié au régime des pensions : cotisation employeur de 103,5% de la solde pour les gendarmes et 55,71% du traitement pour les policiers et personnels civils de l'Etat.

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