EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION DE M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, SUR LE DÉBAT D'ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR 2010

Réunie le mercredi 8 juillet, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2010 .

M. Philippe Marini, rapporteur général , a noté que l'explosion des déficits et plus encore le gonflement des passifs publics consécutifs au sauvetage du système financier mondial ont profondément perturbé les repères traditionnels en matière de finances publiques. Il a estimé que l'on se trouve ainsi « comme en état d'apesanteur financière ».

La crise a un impact ambivalent sur les perspectives économiques françaises. D'un côté, elle fragilise encore plus des comptes publics déjà minés par trente-cinq années de déficits ; de l'autre, la France s'en sort mieux que le Royaume-Uni ou l'Espagne, en dépit des efforts vertueux menés par ces pays au cours des années récentes.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a observé que le consensus des conjoncturistes évalue à - 2,9 % l'évolution de la croissance en 2009. La prévision publiée par le Gouvernement en juin 2009 (- 3 %), d'habitude légèrement plus favorable, lui est donc désormais quasiment identique. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la récession actuelle n'est pas la plus grave en termes de croissance trimestrielle : le profil d'évolution du produit intérieur brut (PIB) apparaît comparable à celui des récessions précédentes. Selon la moyenne des scénarios des économistes, la croissance devrait être quasiment nulle en 2010. Cette situation pourrait conduire au maintien durable du déficit public autour de 7 points de la richesse nationale et à une dette publique de près de 100 points de PIB.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a noté que, avec la même prévision de croissance, le Gouvernement prévoit un déficit supérieur d'environ un point aux prévisions réalisées par la commission des finances, la Commission européenne et le consensus des économistes, ce qui s'explique par la forte contraction du produit de l'impôt sur les sociétés. Celui-ci passerait en effet de 50 milliards d'euros en 2008 à 20 ou 25 milliards d'euros en 2009, cet effondrement semblant inéluctable.

En outre, deux phénomènes durables devraient aggraver le déficit :

- d'une part, la remontée du taux de chômage, qui devrait dépasser les 10 % fin 2009, contre 7,9 % fin 2008 : il faut habituellement une croissance supérieure à 2 % pour que celui-ci diminue, ce qui risque de ne pas se produire à court terme. Le surcoût de deux points de chômage peut être estimé à 8 milliards d'euros, soit 0,4 point de PIB, en « régime de croisière » ;

- d'autre part, une perte définitive de richesse : en effet, le PIB perdu lors des grandes crises bancaires n'est habituellement pas rattrapé, même si la croissance potentielle retrouve généralement son rythme habituel.

Dans ces conditions, le déficit structurel de la France pourrait passer de 3 % à 5,5 % du PIB. Selon les projections de la commission des finances, le déficit public atteindrait 7,4 % du PIB en 2009 et serait ramené à 6,8 % en 2012. La dette publique atteindrait 88,1 % du PIB en 2012 selon le scénario du Gouvernement et 92,2 % du PIB selon le scénario retenu par la commission des finances. Elle pourrait ainsi se stabiliser à près de 100 points de PIB.

Pour éviter une telle situation, M. Philippe Marini, rapporteur général , a mis en évidence certains principes destinés à garantir la soutenabilité du modèle économique et social français.

Le premier impératif consiste à maîtriser la dépense publique et à sauvegarder les recettes fiscales, même pendant la crise. M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que les évolutions erratiques de l'inflation ont compliqué, en 2008 et 2009, le pilotage de la dépense de l'Etat. Il a relevé que la baisse de l'inflation constitue une « aubaine » pour le Gouvernement, qui enregistre automatiquement des économies substantielles sur les dépenses de pensions ou la charge de la dette.

Il a ensuite retracé l'évolution des effectifs du budget général de l'Etat, en notant que 45 % des départs à la retraite (soit 30 600 postes) ne seront pas remplacés dans les services de l'Etat en 2009, les suppressions de postes devant atteindre 33 493 équivalents temps plein (ETP) en 2010 pour 67 900 départs, soit un taux de non-remplacement de 50 %. La multiplication des opérateurs de l'Etat constitue toutefois un « point de fuite » à surveiller.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la principale variable d'ajustement à la baisse des dépenses de l'Etat de 2009 à 2012 réside dans la catégorie des dépenses autres que la charge de la dette ou les dépenses de personnel, qui regroupe les investissements de l'Etat, ses dépenses de fonctionnement, les subventions aux opérateurs, les « prestations de guichet », les dotations régies par des textes et les autres interventions. Ce « gisement » d'économies représente un montant total de crédits de 111,4 milliards d'euros en 2009, soit un tiers du budget de l'Etat, mais il ne saurait être mobilisé qu'au prix de réformes de structure ambitieuses.

Dans ce contexte, il est nécessaire de préserver les recettes publiques. L'application des règles de bonne gouvernance édictées par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 en matière de recettes est cependant problématique. L'article 11 de cette loi prévoit bien que les créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales sont compensées par des suppressions ou diminutions d'autres « niches », au titre de chaque année de la période de programmation, mais certaines décisions récentes s'en écartent, comme la baisse du taux de TVA dans la restauration.

Mme Nicole Bricq a regretté la décision du Gouvernement de réduire le taux de TVA dans la restauration, sans compensation pour les finances publiques, au mépris des principes inscrits dans la loi de programmation des finances publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a partagé cette analyse et a noté que l'article 11 de cette loi revêt aujourd'hui une portée théorique. Il a également souligné que la réforme de la taxe professionnelle comporte un risque pour l'Etat, qui pourrait être amené à compenser aux collectivités territoriales une perte de recettes comprise entre 5 et 8 milliards d'euros. Il a en outre considéré que la taxe carbone n'apparaît pas comme une piste satisfaisante pour préserver les recettes publiques.

Le deuxième impératif est de faire preuve de vigilance en matière de dette publique. L'Agence France Trésor se refinance actuellement à des taux historiquement bas (0,76 % à un an). La dette apparaît ainsi à la fois insoutenable et légère, mais cette situation ne se prolongera pas.

M. Jean-Pierre Fourcade a noté l'intérêt manifesté par les fonds de pension japonais pour les titres français.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur la sincérité des règles de présentation du coût de la dette pour les finances publiques, dans la mesure où seules les charges des intérêts sont inscrites dans le budget.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a relevé que l'analyse du stock de dette, dont il a retracé l'évolution depuis 1978, ne permet pas de distinguer ses différents emplois. La charge de la dette devrait croître au cours des prochaines années de 5 % à 7 % en moyenne annuelle et en volume, selon les données gouvernementales. Les agences de notation placent toutefois la France dans le groupe des pays les plus « résistants », notamment car elle dispose d'une très bonne capacité d'ajustement économique.

Il a estimé souhaitable de distinguer la « bonne » dette de la « mauvaise » dette : la dette qui finance des opérations en capital, et notamment l'achat d'actifs pour soutenir le système bancaire, présente ainsi des contreparties et peut même, de surcroît, être productrice de revenus. Il a également considéré que la « règle d'or », principe de bonne gestion, devrait être adaptée au contexte actuel d'hypertrophie des dettes publiques. Il a enfin prôné une approche « bilancielle » de la dette et a jugé nécessaire d'adapter la gouvernance d'Eurostat pour en faire une véritable autorité comptable indépendante, capable d'évaluer et de comparer les engagements des Etats, qu'ils soient directs ou indirects au travers de ceux de leur système bancaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a ensuite passé en revue les modalités des différents emprunts nationaux lancés depuis 1952 et a noté que, si l'on se réfère à l'emprunt « Balladur » de 1993, un taux de rémunération de 2 % à 2,5 % sur cinq ans peut être aujourd'hui qualifié de raisonnable. L'idée d'une convertibilité des obligations d'Etat en titres de capital à émettre par des sociétés du secteur public mérite également d'être approfondie.

Il a enfin analysé la situation de la sécurité sociale, en rappelant que le déficit du régime général atteindrait, selon les dernières prévisions, 20,1 milliards d'euros en 2009 et 30 milliards d'euros en 2010, ce qui n'apparaît pas soutenable. L'envolée du plafond d'avances de trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) annonce ainsi un nouveau transfert de dettes, différentes modalités étant envisageables. A cet égard, M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé qu'il faudra probablement tout à la fois accroître les ressources de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et allonger la durée d'amortissement de la dette sociale. Il a souligné la nécessité de maîtriser les dépenses sociales afin d'éviter une augmentation des prélèvements obligatoires et en a esquissé les principaux enjeux.

En conclusion, il a considéré que le débat sur l'emprunt doit être l'occasion d'une bonne pédagogie et déboucher sur de nouvelles règles de gouvernance budgétaire. L'examen du projet de loi de finances pour 2010 sera donc un moment de vérité, qui fera apparaître si l'on parvient à sécuriser les recettes de l'Etat, à assurer le respect de la norme de dépense et à maîtriser les charges de la dette.

M. Jean Arthuis, président , s'est montré attentif à l'évolution de la dette publique et a souhaité une adaptation des règles de présentation des charges de la dette.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est déclaré en accord avec cette position et a réaffirmé la nécessité de nouvelles règles de gouvernance budgétaire.

M. Serge Dassault a relevé que l'affaissement des recettes fiscales entraînera inévitablement une aggravation du déficit et de la dette. Il s'est interrogé sur les moyens d'y faire face et a jugé que la réforme annoncée de la taxe professionnelle est inopportune dans un tel contexte, l'Etat risquant d'être mis à contribution.

M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que la présentation du rapporteur général fait bien ressortir les difficultés actuelles. Il a déclaré qu'il ne peut accepter une stagnation ou une croissance des déficits publics en 2010 et a annoncé sa volonté de proposer des économies à hauteur de 20 milliards d'euros en 2010 et 2011. Il a ainsi suggéré de suspendre l'application pendant deux ans de certains avantages fiscaux, d'ajuster le champ des exonérations de cotisations sociales patronales, et de modifier certaines règles de gestion de la dette, en recréant une caisse d'amortissement de la dette.

M. Jean Arthuis, président , a émis des réserves sur l'opportunité de créer un service annexe de la dette. Il a observé que l'application d'un taux réduit de TVA dans la restauration, qui vient d'être votée par le Sénat, représentera une perte de recettes de 2,5 milliards d'euros.

M. Yann Gaillard a salué la démarche de M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Éric Doligé s'est interrogé sur la réalité et la portée des indicateurs de performance.

M. Edmond Hervé a rejoint la préoccupation de M. Jean-Pierre Fourcade s'agissant de l'évolution des déficits publics. Il a noté que la réforme de la taxe professionnelle ne s'appliquera probablement pas en 2010, mais en 2011. Il a estimé que faire appel à l'Etat pour compenser les conséquences de cette réforme serait une erreur, compte tenu du contexte économique, et s'apparenterait à un « croche-pied » aux collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président , a souligné la gravité de la situation et a mis en évidence le décalage entre le discours politique et la réalité.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté l'intérêt d'être élu local pour apprécier les effets de la crise.

Mme Nicole Bricq a souligné que celle-ci entraînera un appauvrissement de la France, puisqu'une réduction permanente du PIB potentiel d'environ cinq points est possible, alors que des besoins nouveaux apparaissent, qui nécessitent des financements supplémentaires. Elle a relevé les incertitudes entourant la sortie de crise et s'est inquiétée de l'absence de prise de conscience de cette situation au sein de la population.

M. Jean Arthuis, président , a noté que la balance commerciale constitue également un indicateur pertinent pour mesurer les évolutions en cours.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la situation actuelle est propre à entretenir les illusions, dans la mesure où les contraintes financières apparaissent moins fortes qu'avant la crise. Dans cette période, la mission du Gouvernement est de soutenir l'activité tout en évitant de programmer de nouvelles dépenses récurrentes. Tant que la crise se prolonge, il n'est pas souhaitable de réorganiser profondément l'architecture des prélèvements obligatoires, car le tissu économique ne réagit pas de manière habituelle. En revanche, une évolution sera nécessaire à son issue.

Il a salué l'initiative de M. Jean-Pierre Fourcade et a fait part de son accord avec l'analyse développée par M. Edmond Hervé concernant une compensation éventuelle par l'Etat des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Bernard Angels a déclaré partager l'analyse du rapporteur général concernant l'évolution des recettes et a souligné la nécessité de les préserver. Il a observé que les marges de manoeuvre pour réduire les dépenses publiques sont étroites, surtout dans un contexte de crise, et a jugé que le volontarisme politique ne peut pas tout régler.

M. Serge Dassault a souligné la nécessité de décrire clairement la situation aux Français et a mis en évidence les incertitudes entourant le retour de la croissance.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 aura lieu le 15 juillet 2009 et le débat d'orientation sur les finances publiques, le 16 juillet 2009.

La commission a alors donné acte au rapporteur général de sa communication et a décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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