- Réforme de la taxe professionnelle  Communication (mercredi 13 mai 2009)

La commission a entendu ensuite une communication de M M. Charles Guené , Edmond Hervé et Albéric de Montgolfier sur les activités du groupe de travail sur la réforme de la taxe professionnelle placé auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Jean Arthuis , président , a rappelé que les auditions portant sur les finances locales sont le moyen de faire émerger un certain nombre d'orientations consensuelles de la commission des finances dans l'optique de l'examen des futures lois de finances. Les échanges de vues entre membres de la commission suivent donc les auditions de manière systématique. Il a souhaité pouvoir prendre note des souhaits des commissaires en ce domaine et répondre à leurs préoccupations.

C'est à ce titre que les trois commissaires, membres du groupe de travail constitué auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la réforme de la taxe professionnelle, ont été invités à faire un point sur l'état d'avancement des réflexions de ce groupe.

M. Albéric de Montgolfier a indiqué que le groupe, constitué le 3 avril 2009, a tenu deux réunions, consacrées respectivement à l'information des associations d'élus et à celle des entrepreneurs, d'autres réunions étant programmées au cours des prochaines semaines. Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, il est tout d'abord revenu sur les réformes successives de la taxe professionnelle, entreprises depuis dix ans. En effet, entre 1999 et 2003, la part salaires a été progressivement supprimée et compensée par des dotations budgétaires. En 2004, un dégrèvement au titre des investissements nouveaux a été créé. L'année suivante un plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, établi à 3,5 %, a été mis en place. Enfin depuis 2009, les nouveaux investissements font l'objet d'un dégrèvement permanent.

M. Albéric de Montgolfier a ensuite présenté la nouvelle étape dans la réforme de la taxe professionnelle, annoncée par le Président de la République le 5 février 2009. Parce que cet impôt ne possède pas d'équivalent chez nos voisins et pénalise lourdement notre économie, en particulier dans les secteurs soumis à la concurrence internationale, la réforme annoncée vise à supprimer la part de la taxe professionnelle sur les équipements et les biens mobiliers (EBM) après 2010.

Cette réforme devrait entraîner une perte de recettes brutes pour les collectivités territoriales de 22,2 milliards d'euros, sur un total de 28 milliards d'euros de recettes liées à cet impôt pour les collectivités. Le coût net de la réforme pour l'Etat est évalué à 8 milliards d'euros, compte tenu du principe d'une compensation à l'euro près pour les collectivités territoriales. Il représentera un gain équivalent pour les entreprises. L'écart entre le coût budgétaire de 8 milliards d'euros pour l'Etat et la baisse de 22,2 milliards d'euros dans les recettes de taxe professionnelle s'explique par divers éléments, en particulier une baisse de 11 milliards d'euros des dégrèvements liés à la taxe professionnelle, ainsi qu'une augmentation mécanique de l'impôt sur les sociétés (IS).

M. Charles Guené a précisé sur ce point que la taxe professionnelle étant déductible de l'IS, le retrait des EBM de son assiette et la réduction d'impôt qui en résulte engendrent un accroissement consécutif de la cotisation minimale de taxe professionnelle, due à l'Etat par les entreprises.

M. Jean Arthuis , président, s'est étonné d'une telle augmentation de l'IS faisant suite à la suppression partielle de la taxe professionnelle. Cette réforme doit en effet accroître la compétitivité économique des territoires et non pas alourdir indirectement la fiscalité des entreprises.

M. Charles Guené a mentionné les trois questions présentées au groupe de travail comme des préalables : les modalités de réforme d'un impôt pesant sur les entreprises soumises à la concurrence internationale, la conciliation entre une compensation du coût de la réforme et le maintien d'un lien entre les entreprises et les territoires et, enfin, le calendrier le plus pertinent pour conduire cette réforme. Celle-ci doit garantir le niveau des ressources de chaque collectivité, tout en satisfaisant le respect du principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.

M. Albéric de Montgolfier a indiqué que différentes pistes de compensation pour les collectivités sont envisagées. Il pourrait s'agir de transférer certaines ressources fiscales aujourd'hui perçues par l'Etat telles qu'une fraction de cotisation minimale de valeur ajoutée (6,4 milliards d'euros), une part supplémentaire de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) pour un montant compris entre 3 et 4 milliards d'euros, ou, encore, le produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), soit 2,8 milliards d'euros. L'idée d'impôts locaux sectoriels a été avancée ; ce dispositif devrait en particulier conduire à taxer plus fortement les activités non délocalisables de certaines grandes entreprises, du type EDF ou AREVA. Enfin, la piste d'une spécialisation des impôts locaux a été évoquée lors de la réunion du groupe de travail, ce qui a provoqué des réactions parmi les représentants des collectivités territoriales. Cette spécialisation consisterait notamment à transférer la taxe d'habitation, la part foncière de la taxe professionnelle et la taxe sur le foncier non bâti aux communes. Le produit de la taxe sur le foncier bâti serait quant à lui transféré aux régions.

M. Albéric de Montgolfier a observé que dans le projet présenté par le Gouvernement, la compensation envisagée prévoit des recettes peu dynamiques comme la TSCA. Les taxes locales sectorielles, visant le secteur de l'énergie, nécessitent une réflexion sur la péréquation de leur produit.

M. Charles Guené a annoncé un calendrier de mise en place progressive de la réforme. A l'occasion de la loi de finances pour 2010, la taxe professionnelle serait dégrevée à hauteur de l'assiette EBM, les pertes pour les collectivités territoriales étant intégralement compensées. Cette compensation intégrale par l'Etat laissera ensuite la place à une période de transition de deux à trois ans qui doit conduire à la mise en place d'un schéma nouveau de financement des collectivités.

M. Albéric de Montgolfier a déclaré que seule la moitié des recettes de taxe professionnelle est aujourd'hui à la charge des contribuables. L'autre moitié du produit de la taxe correspond en effet à des compensations et des dégrèvements, financés par l'Etat. Il a donc considéré que la réforme de la taxe professionnelle était indissociable d'une réflexion plus générale sur les finances locales et la question de l'autonomie financière.

M. Edmond Hervé a estimé possible un consensus entre les membres de la commission, en cas d'accord sur les principes constitutionnels, en particulier sur la question du respect du principe d'autonomie financière. Il a souligné le rôle d'entraînement des grandes collectivités territoriales sur un plan économique, évoquant l'exemple des investissements de transports récemment annoncés pour la région Ile de France. Or, les investissements lourds nécessitent des impôts stables et sûrs. A ce titre, le remplacement de la taxe professionnelle par un panier de compensations incertaines, notamment la TIPP, pose problème. Cette taxe, dans un contexte de préoccupations environnementales croissantes, a vocation à diminuer, voire à disparaître à terme.

M. Jean Arthuis , président , a confirmé l'idée selon laquelle la fiscalité environnementale doit changer les comportements et réduire mécaniquement l'assiette sur laquelle elle repose si elle s'avère efficace. Elle n'est pas un impôt de rendement mais une taxation incitative ou dissuasive, dont la nature précaire doit faire l'objet d'anticipations. Ce point a fait l'objet d'échanges consensuels lors du séminaire annuel de la commission des finances qui s'est tenu à Cherbourg. La réforme de la taxe professionnelle doit avoir pour objectif de comprimer un impôt frappant la production en raison de ses effets délocalisateurs. Cette réforme pose essentiellement la question du maintien d'un lien entre l'impôt perçu et le territoire sur lequel s'exerce une activité économique donnée.

M. Charles Guené a observé que ce lien peut en partie subsister en raison du maintien de la part foncière de la taxe professionnelle.

M. Jean Arthuis , président , a regretté qu'il soit envisagé de réintégrer les salaires et les investissements dans l'assiette imposable des entreprises au titre d'une nouvelle taxe sur la valeur ajoutée, ce qui réduit la pertinence de la réforme.

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