- Réforme des finances locales et de la taxe professionnelle Audition de M. François Calvarin, président directeur général du groupe Souriau, membre du Conseil des prélèvements obligatoires (mercredi 20 mai 2009)

Réunie le mercredi 20 mai 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a tout d'abord procédé à l' audition de M. François Calvarin, président directeur général du groupe Souriau, membre du Conseil des prélèvements obligatoires.

M. Jean Arthuis , président, a indiqué en préambule que les auditions organisées sur la réforme de la taxe professionnelle et des finances locales doivent amener à s'interroger sur deux thématiques : d'une part, les conséquences de la réforme sur les entreprises et l'économie, d'autre part, le remplacement de la recette fiscale de taxe professionnelle par une nouvelle recette qui n'est pas nécessairement fondée sur la valeur ajoutée.

Il a estimé utile à ce titre de disposer de l'avis d'un chef d'entreprise, également membre du Conseil des prélèvements obligatoires.

M. François Calvarin a tout d'abord regretté la rapidité avec laquelle le Gouvernement semble vouloir légiférer sur le sujet de la taxe professionnelle qui est pourtant d'actualité depuis plus de dix ans. Le conseil des prélèvements obligatoire, qui travaille à la demande du président Arthuis sur la problématique des charges des entreprises en vue d'un rapport qui sera remis en juillet 2009, n'a pas limité son étude à la seule taxe professionnelle. Cet impôt est l'un des moins intelligents. Dans le cas de l'entreprise Souriau France qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 230 millions d'euros, la taxe professionnelle est de 2 millions d'euros et elle a doublé à la suite d'un plan d'investissement de 140 millions d'euros réalisé au cours des années 2000-2009. Ce poids de la taxe professionnelle n'est pas supporté par les concurrents directs de l'entreprise.

Dans un contexte où les emplois purement manuels ont été délocalisés car il est impossible de résister à la concurrence en termes de compétitivité, il est particulièrement mal venu de continuer à pénaliser l'investissement qui est à la source du maintien d'emplois qualifiés. Or la taxe professionnelle renchérit le coût de la prestation globale et le coût du capital. En outre, il ne faut pas appliquer une taxation avant la création de la valeur mais après la création de la richesse. La suppression annoncée de la taxe professionnelle est donc une bonne initiative. Le seul grand avantage de cet impôt est son aptitude à être localisé territorialement.

Abordant la question du remplacement de la taxe professionnelle, M. François Calvarin a considéré qu'une augmentation de l'impôt sur les sociétés n'aurait pas d'effet sur les délocalisations dans l'industrie, dans la mesure où la préoccupation principale des entreprises est d'avoir des prix de revient compétitifs dans le but de prendre des parts de marché.

Il est en revanche nécessaire que la France progresse dans le contrôle de sa dépense fiscale ce qui impose d'opérer des choix. A cet égard, on peut envisager de réduire ou supprimer les allègements de charges sur les bas salaires pour financer la suppression de la taxe professionnelle. Il serait plus utile de ne pas délocaliser les investissements lourds que de réduire les charges sur des emplois peu qualifiés pour lesquels la différence de coût avec les pays émergents ne pourra jamais être compensée. S'agissant de la création éventuelle d'une taxe carbone, il a exprimé de grandes réserves.

M. Jean Arthuis , président , a émis l'opinion que la taxation de la valeur foncière est le moyen de préserver le lien entre l'entreprise et le territoire.

M. François Calvarin ne s'est pas déclaré défavorable à l'imposition du foncier à condition d'éviter trop de complexité dans les calculs des bases. Il a émis l'hypothèse que le calcul des recettes de taxe professionnelle soit maintenu à l'identique pour les collectivités territoriales, les entreprises étant exonérées de son paiement, l'Etat se chargeant à la fois de verser les recettes aux collectivités et de récupérer les montants en cause par une augmentation indépendante d'autres recettes fiscales. Les recettes pour les collectivités territoriales garderaient ainsi leur caractère dynamique et le lien territorial serait maintenu.

M. Jean-Jacques Jégou a demandé quelle pourrait être la recette nouvelle affectée par l'Etat en compensation de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Fourcade a observé que la taxe professionnelle n'est pas une taxation ex ante dans la mesure où les actifs sont pris en compte à l'année n+2 dans l'assiette. Il s'est interrogé sur les raisons qui conduisent le patronat à s'opposer à la prise en compte de l'amortissement dans le calcul actuel de la taxation des actifs et sur l'importance relative des allègements de charges et de taxe professionnelle pour l'entreprise Souriau.

M. François Calvarin a apporté les précisions suivantes :

- les allègements de charges représentent 400 000 euros pour Souriau soit quatre fois moins que le montant dû au titre de la taxe professionnelle ;

- l'effet plein de la taxe professionnelle est certes reporté dans le temps mais les entreprises raisonnent sur une durée plus longue, souvent sur dix ans ;

- le vrai problème de la taxe professionnelle n'est pas celui de l'amortissement mais bien le fait qu'elle taxe les actifs de production.

M. Jean Arthuis , président, a reconnu que, avec la taxe professionnelle, on taxait avant d'avoir produit.

M. François Calvarin a observé que la taxe professionnelle renchérit le prix de revient et qu'elle est en outre proportionnelle au volume produit. Il a illustré son propos par l'exemple des entreprises de décolletage de Haute-Savoie qui sont parfois conduites à transférer en Suisse le capital et pour lesquelles la taxation peut représenter une année d'immobilisations brutes. Si la France est très pénalisée de ce point de vue, il a noté toutefois que d'autres pays sont parfois conduits à créer des taxes sur le chiffre d'affaires comme l'Etat de Washington aux Etats-Unis, cette année, pour combler son déficit budgétaire.

M. Charles Guené a repris à son compte l'idée d'une séparation entre la question de la fixation de l'assiette et celle de la clef de répartition. Il s'est déclaré intéressé par l'idée d'une compensation de la diminution des recettes de taxe professionnelle par une progression de l'impôt sur les sociétés (IS). Il conviendrait peut-être en premier lieu de revenir sur certaines niches fiscales dans l'assiette de l'IS.

M. François Calvarin a souligné que le système fiscal français se caractérise par des taux élevés et une assiette réduite du fait des exonérations diverses. Il a considéré que la solution au problème de la taxe professionnelle passe par un choix entre compétitivité et emploi. Si le coût du capital diminue, les entreprises détruiront sans doute un peu d'emplois mais seulement à court terme. Le choix de ne pas taxer l'investissement est un choix de long terme. Mais les arbitrages doivent être rendus. Il a répété qu'il est favorable à la suppression des allègements de charges pour les entreprises qui ne sont pas soumises à la concurrence.

M. Aymeri de Montesquiou a indiqué que, selon l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), la France est le deuxième pays destinataire des investissements étrangers, qui sont pour une large part des investissements industriels, ce qui devrait modérer les critiques sur son système fiscal. Il a souligné la nécessité pour les collectivités territoriales de disposer de ressources pérennes qui ne soient pas dépendantes des aléas de la conjoncture et des bénéfices des entreprises.

M. Jean Arthuis , président, a fait valoir que si l'Etat prenait à sa charge le versement de compensations représentatives de la taxe professionnelle, les collectivités territoriales seraient tentées d'augmenter les taux dans la mesure où les entreprises ne seraient pas touchées.

M. François Marc s'est inquiété du risque de pénaliser les salariés si la compensation des pertes de recettes liées à la suppression de la taxe professionnelle était reportée sur l'impôt sur le revenu ou la TVA.

M. Jean Arthuis , président, a observé que la réforme de la taxe professionnelle ne doit pas avoir pour objectif l'augmentation des bénéfices mais bien la baisse des prix, ce qui profitera au consommateur.

M. Jean-Jacques Jégou est revenu sur la nécessité de réduire les niches fiscales qui grèvent l'assiette de l'IS. Il a souhaité savoir si la qualité de la main d'oeuvre reste un élément déterminant des investissements étrangers en France.

M. Roland du Luart s'est interrogé sur la validité des propositions présentées s'agissant des industries à main d'oeuvre nombreuse et peu qualifiée et sur leur pertinence en période de crise économique. Il a observé que le lien entre entreprise et territoire est plus ténu en Allemagne qu'en France.

M. Gérard Longuet a posé la question de l'avenir de la part foncière de la taxe professionnelle.

M. Albéric de Montgolfier s'est demandé si la déduction des charges financières de l'IS peut être considérée comme une niche fiscale à supprimer.

M. François Rebsamen a indiqué que son expérience d'élu local lui démontre que la taxe professionnelle n'interdit pas la venue de très nombreux investisseurs industriels étrangers. Ces entreprises soulignent la qualité de la main d'oeuvre salariée. Il a demandé si les collectivités avaient participé aux coûts des investissements réalisés par l'entreprise Souriau et a souligné que les taux de taxe professionnelle ne peuvent pas évoluer librement. Il s'est inquiété de la disparition, à terme, de tous les emplois peu qualifiés.

M. François Calvarin a apporté les réponses suivantes :

- une large partie des investissements étrangers en France s'explique moins par la volonté d'acheter des parts de marché que par nos résultats en termes de compétitivité et notre acquis technologique. Il faut tenir compte aussi de la qualité propre des actionnaires qui est déterminante ;

- taxer l'investissement, c'est avoir une vision statique de l'économie. Il faut mettre en parallèle 30 milliards d'euros d'allègements de charges et 20 milliards d'euros de taxe professionnelle ;

- la réforme de la taxe professionnelle se justifie uniquement par la volonté de prendre des parts de marché et d'améliorer notre compétitivité ;

- la suppression de la déductibilité des frais financiers pénaliserait les entreprises les moins riches ;

- l'entreprise Souriau étant déjà présente sur le site, les collectivités n'ont pas contribué au dernier plan d'investissement par des aménagements ;

- compte tenu des mouvements qui ont déjà eu lieu, les emplois encore délocalisables sont relativement limités.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur l'intérêt de maintenir une double imposition du foncier en conservant la part résiduelle de la taxe professionnelle basée sur le foncier.

M. François Calvarin a noté la difficulté du mode de calcul de la valeur ajoutée et de sa répartition par établissement. Il a, enfin, évoqué le désintérêt de la jeunesse pour les emplois industriels et les perspectives inquiétantes, au moins jusqu'à la fin de l'année 2009, du secteur industriel, particulièrement dans l'aéronautique et la machine-outil. En lien avec le renchérissement du coût du capital, les opérations d'optimisation de la chaîne logistique (supply-chain) entraînent des coups de frein très brutaux de l'activité.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page