N° 1964

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

N° 25

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la Présidence du Sénat

le 9 octobre 2009

le 8 octobre 2009

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

RAPPORT


sur

« Le principe de précaution : bilan de son application
quatre ans après sa constitutionnalisation »

(Compte rendu de l'audition publique du 1 er octobre 2009)

Par

M. Claude BIRRAUX, Député,
et M. Jean-Claude ETIENNE, Sénateur

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX

Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Jean-Claude ETIENNE

Premier Vice-Président de l'Office .

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président

M. Jean-Claude ETIENNE

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député

Mme Brigitte BOUT, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député

M. Christian GAUDIN, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

M. Daniel RAOUL, sénateur

Députés

Sénateurs

M. Christian BATAILLE

M. Gilbert BARBIER

M. Jean-Pierre BRARD

M. Paul BLANC

M. Alain CLAEYS

Mme Marie-Christine BLANDIN

M. Pierre COHEN

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Jean-Pierre DOOR

M. Roland COURTEAU

Mme Geneviève FIORASO

M. Marc DAUNIS

M. Alain GEST

M. Marcel DENEUX

M. François GOULARD

M. Serge LAGAUCHE

M. Christian KERT

M. Jean-Marc PASTOR

M. Michel LEJEUNE

M. Xavier PINTAT

M. Claude LETEURTRE

Mme Catherine PROCACCIA

Mme Bérengère POLETTI

M. Ivan RENAR

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Bruno SIDO

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Alain VASSELLE

INTRODUCTION

M. CLAUDE BIRRAUX, PRÉSIDENT DE L'OFFICE, DÉPUTÉ DE HAUTE-SAVOIE

Mes chers collègues parlementaires, Mesdames et Messieurs, je suis heureux de vous accueillir ce matin au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour essayer, à travers quatre tables rondes, de dresser un bilan de l'application du principe de précaution quatre ans après sa constitutionnalisation.

Je rappelle que cette initiative avait déclenché des débats passionnels entre les défenseurs de ce principe et ses détracteurs. Sans préjuger les conclusions de cette audition publique, je peux affirmer, au regard de la liste des personnes inscrites, que ce sujet continue de soulever de nombreuses interrogations chez les juristes, les scientifiques, les autorités publiques, les hommes politiques, mais également parmi les industriels et les associations. J'espère donc que cette matinée contribuera à clarifier la portée réelle du principe de précaution, à développer le dialogue entre les hommes et les femmes politiques, la communauté scientifique et la société civile.

Ce dialogue constitue une des missions importantes de notre Office parlementaire, dont je voudrais vous parler davantage car je ne suis pas sûr que tous le connaissent. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques est un organe commun aux deux chambres du Parlement, l'Assemblée nationale et le Sénat. Il réunit à parité dix-huit députés et dix-huit sénateurs, désignés à la proportionnelle par les groupes politiques des deux assemblées et toutes les sensibilités y sont représentées. Il a été créé en 1983, à l'image de ce qui se faisait à l'époque aux États-Unis, pour permettre au Parlement, en toute indépendance, d'évaluer les programmes scientifiques préparés par le Gouvernement. Depuis lors, le travail accompli a été considérable : l'Office joue un rôle déterminant dans de nombreux domaines comme l'énergie, la politique spatiale, la bioéthique ou la réflexion sur les grands équipements de recherche. Pour réaliser une étude, il doit être saisi par un organe qualifié du Parlement (commission permanente, groupe politique ou Bureau de l'une des assemblées). Le rapporteur responsable de l'étude s'appuie ensuite sur une méthodologie particulièrement rigoureuse que nous avons améliorée au fil du temps. Il s'entoure d'un comité de pilotage scientifique où sont représentées les différentes disciplines concernées, y compris les sciences de l'homme et de la société - nouveauté 2009 - mais également les différents points de vue. Les rapporteurs auditionnent toutes les parties prenantes, au moins une centaine de personnes, et parfois beaucoup plus. Ils fondent leurs conclusions sur la bibliographie scientifique la plus récente et la plus réputée, s'obligeant à ne prendre en compte que des faits avérés. Ils se rendent fréquemment à l'étranger pour s'informer et comparer, car dans le domaine scientifique, plus que dans tous les autres aujourd'hui, la dimension mondiale des sujets est importante. C'est ce qui leur permet ensuite, en croisant les informations, de forger leur opinion. C'est le respect de cette méthode rigoureuse qui garantit aux rapports de l'Office leur qualité. Ils représentent une implication et un travail extrêmement importants de la part des parlementaires ; c'est pourquoi les rapports sont souvent considérés comme des références et restent valables de longues années, tandis que les parlementaires sont sollicités, y compris dans des colloques internationaux, pour donner leur point de vue. Ces documents, largement diffusés, notamment via Internet, sont traduits en anglais en tout ou partie.

Par ailleurs, l'Office a une importante mission de dialogue avec les milieux scientifiques car, comme vous le savez, le rapport entre science et société est aujourd'hui problématique. Plusieurs axes d'échanges, dont je vous donnerai quelques exemples, sont aujourd'hui privilégiés. Le dialogue a d'abord lieu à travers le Conseil scientifique de l'Office qui réunit vingt-quatre personnalités représentatives des différentes disciplines, dont deux représentants viendront aujourd'hui, MM. Yves Coppens et Michel Caboche. Les échanges avec le Conseil scientifique se font régulièrement ; il a d'ailleurs été réuni hier après-midi puisque la ministre de la Recherche avait décidé de consulter l'Institut de France et l'Office parlementaire entre autres sur la stratégie nationale de recherche et d'innovation. Nous avons donc demandé à de grands scientifiques de nous donner leur avis. Les collègues présents hier témoigneront que ces échanges sont de grands moments de bonheur et de dialogue intellectuels : c'est un vrai plaisir de dialoguer sur des sujets compliqués et difficiles, dans une atmosphère totalement sereine entre scientifiques et politiques.

Les membres de l'Office vont régulièrement à la rencontre de chercheurs en se déplaçant dans les laboratoires et les instituts de recherche ; nous sommes devenus les interlocuteurs privilégiés des scientifiques. Cela s'est concrétisé depuis quelques années par un partenariat avec l'Académie des sciences, où un académicien, un jeune chercheur et un parlementaire sont associés. Les scientifiques viennent passer une journée et demie au Parlement pour se familiariser avec sa mécanique, les parlementaires vont passer une journée dans le laboratoire des scientifiques et ces derniers viennent durant une journée dans la circonscription du parlementaire afin de voir ce qu'est son travail sur le terrain. Nous sommes très satisfaits de cette procédure, car de cette manière, nous arrivons à rapprocher deux mondes différents pour une meilleure compréhension entre scientifiques et politiques. Ceux qui me connaissent savent que je dis toujours que l'important est de gérer les interfaces ; or nous sommes cette interface entre le monde scientifique, le monde politique et, par-delà nous, le monde des citoyens.

Voilà donc une brève présentation du fonctionnement de notre Office parlementaire. Comme l'heure avance et que j'ai, avec le premier Vice-président, le Pr Jean-Claude Etienne, qui vient de nous rejoindre et que j'invite à prendre place ici, la délicate et impopulaire mission de faire respecter les temps de parole, je vous propose d'entrer tout de suite dans le vif du sujet en écoutant le Pr Yves Coppens. Je rappelle qu'il avait été chargé en 2002 par M. Chirac, Président de la République, et Mme Bachelot, ministre de l'Environnement, de présider les travaux de la Commission de préparation de la Charte de l'environnement dont l'article 5 dispose que : « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, et dans leur domaine d'attribution, à la mise en oeuvre des procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation d'un dommage. » A cette occasion, l'Office parlementaire avait organisé pour la première fois de son histoire une audition publique sans lien avec un rapport, où nous avions essayé de confronter les avis des scientifiques, des industriels et de la société civile. Je me souviens très bien qu'à cette époque, M. Coppens m'avait dit : « Mais ce n'est pas un principe d'immobilisme, on a mis la recherche. » M. Coppens, je vous laisse la parole.

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