N° 502

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 mai 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (2), sur les implantations communes du réseau diplomatique gérées avec d'autres pays de l' Union européenne ,

Par MM. Adrien GOUTEYRON et Jean-Louis CARRÈRE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

(2) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di  Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis un peu plus de dix ans, la France a ouvert quelques implantations communes à l'étranger avec certains de ses partenaires européens .

Derrière ce terme générique se cachent des réalités différentes : les postes concernés relèvent, le plus souvent, du domaine consulaire et leur colocalisation permet la mise en commun de la phase « amont » du traitement des demandes de visas. Mais il existe aussi des implantations communes en matière culturelle et même, dans proportions moindres, dans le domaine diplomatique.

Ces ouvertures ont parfois suscité un certain enthousiasme. Certains ont pu y voir les prémices d'un mouvement vers une diplomatie européenne commune , ou au moins d'un rapprochement tangible avec certains pays de l'Union. D'autres ont cru discerner une piste intéressante dans une période où le réseau diplomatique, plus encore que d'autres services de l'Etat, est appelé à consentir des efforts très rigoureux dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ( RGPP ). Les mises en commun ne seraient-elles pas l'avenir et ne pourraient-elles pas permettre de réaliser de substantielles économies tout en maintenant une présence dans (presque) tous les pays du monde ?

Dans cette perspective, un accord-cadre a été conclu avec l'Allemagne , notre principal partenaire, le 12 octobre 2006, afin de faciliter les implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires entre les deux pays.

Ces expériences ont été accompagnées de réflexions théoriques , contenues dans deux principaux documents : le rapport rédigé par le préfet Raymond Le Bris, à la demande du premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, sur « l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger » , publié en juillet 2002, et le « Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France » , rédigé par Alain Juppé et Louis Schweitzer et remis en juillet 2008.

Ces travaux convergent sur l'opportunité de regrouper les services français à l'étranger, à la fois entre eux, et avec ceux des partenaires européens, sans toutefois méconnaître les difficultés juridiques et techniques de ce dernier rapprochement.

La commission des finances et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont souhaité faire le point sur la question des implantations communes, qui touche à d'importants enjeux de souveraineté, et dont l'éventuel intérêt budgétaire mérite d'être approfondi.

Elles ont donc mandaté vos deux rapporteurs afin de réaliser un contrôle commun dont rend compte le présent rapport d'information.

Il en ressort des constats nuancés . Si les implantations communes peuvent présenter, dans certaines situations, un indéniable intérêt symbolique et politique, il convient de relativiser la portée de ces initiatives : ce n'est pas parce qu'ils partagent un même bâtiment que les services des partenaires sont mis en commun et, hier comme aujourd'hui, chacun reste maître chez soi . En outre, il est clair que, d'un point de vue budgétaire, les implantations communes ne sauraient constituer une source d'économies significative . Seules les rapprochements consulaires peuvent se traduire par une rationalisation des procédures, laquelle entraîne davantage une amélioration du service aux usagers qu'une dépense réduite pour l'Etat.

I. LES IMPLANTATIONS COMMUNES : UN PROJET CONCEPTUELLEMENT SÉDUISANT, MAIS DIFFICILE À METTRE EN oeUVRE

A. UN CONCEPT SÉDUISANT

Les « colocalisations », ou implantations communes, se définissent comme le regroupement de services diplomatiques, consulaires ou culturels de pays européens, dans un même bâtiment à l'étranger .

Dans les réponses qu'il a transmises à vos rapporteurs, le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) indique que les colocalisations apparaissent comme « une solution permettant de concilier les impératifs du respect de notre souveraineté et de notre intérêt à nous rapprocher de nos partenaires européens » 1 ( * ) . Ce ministère voit trois avantages au développement d'une telle politique :

- l'accroissement de la visibilité et de l'influence des pays européens ;

- le rapprochement entre les cultures diplomatiques et les procédures nationales et, localement, la possibilité d'un échange d'analyses et d'informations ;

- l'adaptation des modalités de la présence française dans le cadre de la réforme de nos réseaux à l'étranger, « en particulier dans les pays où nous réduisons le format de nos représentations ».

La première colocalisation diplomatique a découlé de circonstances fortuites : la décision de fermer l'ambassade de France au Malawi a été prise il y a une quinzaine d'années pour des raisons budgétaires, du fait de la faiblesse de nos intérêts dans ce pays, notre représentation devant y être assurée par notre poste en Tanzanie. Cependant, depuis 2003, un chargé d'affaires français est à nouveau présent à Lilongwe, capitale du Malawi, accueilli au sein de l'ambassade d'Allemagne. Ce chef de poste, dont relèvent deux collaborateurs, un agent polyvalent et un recruté local, dispose d'un bureau dans cette ambassade, en contrepartie d'un loyer modique.

Par la suite, le concept d'implantation commune a été théorisé et a pris une place dans le débat public alors que, depuis une dizaine d'années, l'Etat a engagé une réflexion sur l'organisation de son réseau à l'étranger.

Ainsi, comme cela a été mentionné en introduction, plusieurs rapports portant sur l'organisation du réseau français ont préconisé de développer de telles implantations. On peut citer, en particulier :

- les conclusions du rapport confié au préfet Raymond Le Bris par le Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, sur « l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger », rendu public en juillet 2005. Celui-ci estimait que la fermeture de certaines de nos petites ambassades induiraient des coûts en matière d'image largement supérieurs aux économies escomptées. Et il recommandait plutôt de réduire les financements affectés à ces implantations en favorisant le regroupement des services français à l'étranger, à la fois entre eux et avec ceux des partenaires européens ;

- le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE), réuni en juillet 2006, qui a repris à son compte cette partie des recommandations du rapport Le Bris ;

- et le « Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France », remis en juillet 2008 au ministre par Alain Juppé et Louis Schweitzer. Ce document préconisait de « développer la co-localisation ou au moins la juxtaposition de nos implantations diplomatiques avec nos partenaires européens ». Il constatait, certes, que des obstacles de nature juridique interdisent la mise en place d'ambassadeurs communs, mais soulignait que la proximité au quotidien contribuerait déjà à un rapprochement des perceptions et des réflexes. D'autre part, ce document notait que le cadre franco-allemand constitue un terrain de mise en oeuvre naturel - mais non exclusif - de cette démarche et que, à côté des ambassades proprement dites, la fonction consulaire représente un domaine où la France doit inciter ses partenaires de l'UE à une coopération beaucoup plus volontariste.


* 1 Cf. annexe 2 au présent rapport.

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