Audition de Stéphane PIMBERT, directeur général,
et Valérie LANGEVIN, psychologue du travail,
de l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention
des accidents du travail et des maladies professionnelles
(mercredi 24 février 2010)

Réunie le mercredi 24 février 2010 sous la présidence de Jean-Pierre Godefroy, président, la mission d'information a entendu Stéphane Pimbert, directeur général, et Valérie Langevin, psychologue du travail, de l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).

A titre introductif, Stéphane Pimbert a présenté l'organisation et les missions de l'INRS. Il s'agit d'une association loi de 1901, sans but lucratif et soumise au contrôle financier de l'Etat, constituée sous l'égide de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam). Cette association, créée en 1947 sous le nom d'institut national de sécurité (INS) et devenue l'institut national de recherche et de sécurité (INRS) en 1968, exerce ses activités au profit des salariés et des entreprises du régime général de la sécurité sociale. Son budget, qui est de l'ordre de 80 millions d'euros, provient en presque totalité du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) de la Cnam, fonds alimenté par les cotisations accidents du travail-maladies professionnelles payées par les entreprises. L'INRS est géré par un conseil d'administration paritaire, composé de dix-huit membres titulaires, représentant les employeurs et les organisations syndicales de salariés. Plus de six cent cinquante personnes y travaillent, réparties en dix-sept entités ou départements.

L'INRS a pour mission principale de contribuer à la prévention des risques AT-MP, mission elle-même subdivisée en trois actions : l'identification des risques, l'analyse de leurs effets sur la santé des travailleurs et la promotion des moyens de maîtriser ces risques. L'institut publie chaque année près de cent cinquante études et recherches, diffuse environ 3,5 millions de brochures et d'affiches, organise cent soixante sessions de formation et il reçoit 35 000 demandes d'information de la part des citoyens. Son champ d'action est très vaste puisqu'il englobe l'ensemble des risques professionnels (risques chimiques, risques organisationnels, risques psychosociaux...).

L'INRS intervient dans quatre domaines étroitement corrélés :

- les études et recherches : l'institut dispose à cet effet d'une commission scientifique indépendante, la commission études, recherches et assistance (Cera) ;

- l'assistance technique, juridique et médicale : près de 40 % des demandes d'information adressées à l'institut portent sur les risques chimiques, environ 20 % sur les risques psychosociaux ;

- l'information : l'INRS diffuse de nombreuses brochures et affiches à destination des professionnels, publie trois revues périodiques par an et dispose d'un site internet très détaillé ;

- la formation : l'institut dispense des formations à destination des « préventeurs », c'est-à-dire des professionnels qui, sur le terrain, sont chargés de la prévention des risques liés au travail (médecins du travail, ingénieurs sécurité, agents des caisses régionales d'assurance maladie [Cram]). Chaque année, cent soixante sessions de formation sont organisées et environ deux mille stagiaires sont accueillis. Ces chiffres devraient continuer à progresser dans les années à venir car l'INRS reçoit de plus en plus de demandes de formation sur les risques psychosociaux.

Puis Stéphane Pimbert a présenté les travaux de l'institut sur la problématique du stress au travail. L'INRS a en effet mis en place, en 2003, un projet transversal sur cette question, dont l'objectif est :

- de développer les méthodes et les outils pratiques d'objectivation des situations de stress au travail ;

- de mettre en oeuvre des approches de prévention à destination des « préventeurs » de terrain ;

- de rechercher des liens avec les centres étrangers homologues - au Québec notamment ;

- d'élargir cette démarche aux risques psychosociaux.

Pour ce qui est des réalisations concrètes, l'INRS a tout d'abord tenu à développer une approche pluridisciplinaire. En effet, le problème du stress au travail ne concerne pas seulement les salariés qui en sont victimes et les médecins du travail, mais aussi les personnels de direction. Elle a ensuite mis en place des formations à destination des agents des Cram qui sont d'importants acteurs de la prévention. A son initiative, un colloque national a également été organisé en 2007 sur la prévention du stress au travail. Surtout, l'INRS a développé l'offre de prévention en créant de nombreux outils destinés aux dirigeants d'entreprise, comme un tableau de bord pour anticiper les risques psychosociaux. Deux autres projets sont en cours : la réalisation d'une brochure pour aider les chefs d'entreprise à choisir un expert de la prévention des risques professionnels et une étude sur les centres d'appel téléphonique.

Valérie Langevin, psychologue du travail à l'INRS , a précisé que l'INRS travaille depuis 1998 sur la problématique du stress au travail et des risques psychosociaux. Le projet transversal a permis de mettre au point une véritable démarche de prévention des risques professionnels, dont l'objectif est d'inciter les entreprises à identifier les situations de stress au travail et à élaborer des plans d'action pour éviter que celles-ci ne surviennent. La mission de l'INRS consiste donc à encourager les employeurs à agir sur les facteurs collectifs responsables du mal-être au travail. Pour autant, il ne faut pas nier la part des facteurs individuels dans l'émergence de ce phénomène. Cette démarche de prévention à destination des entreprises passe, d'une part, par la diffusion d'outils de sensibilisation et de méthodologie (brochure expliquant les différentes étapes de la démarche de prévention, brochure sur les indicateurs de dépistage des risques psychosociaux), d'autre part, par des offres de formation pour les médecins du travail, les ingénieurs sécurité et les agents des Cram. L'augmentation du nombre de demandes de formation prouve d'ailleurs qu'il y a une réelle prise de conscience de l'importance des risques psychosociaux. L'un des projets actuels de l'INRS est d'adapter tous ces instruments aux petites entreprises afin qu'elles puissent, elles aussi, adopter une démarche de prévention. Pour le moment, force est de reconnaître que les différents outils créés sont surtout utilisés par les entreprises d'au moins cinquante salariés.

L'étude que l'INRS a menée en partenariat avec Arts et Métiers Paris Tech sur le coût du stress professionnel en France a fait l'objet d'une première évaluation en 2002, sur la base de données datant de 2000. Celle-ci fait état d'un coût compris entre 830 millions et 1,6 milliard d'euros. Une actualisation de cette évaluation a été entreprise en 2009 à partir des chiffres datant de 2007. L'estimation du coût a considérablement augmenté puisque celui-ci atteindrait entre 1,9 milliard et 3 milliards d'euros. Ces chiffres, qui intègrent à la fois les coûts directs (dépenses de soins) et les coûts indirects (liés à l'absentéisme, aux cessations d'activité et aux décès prématurés), constituent une évaluation a minima. Les coûts réels du stress sont vraisemblablement nettement supérieurs et ce, pour deux raisons :

- les chercheurs n'ont pris en compte qu'un seul facteur de stress, le « job strain » ou « situation de travail tendue » définie par la combinaison d'une forte pression subie et d'une absence d'autonomie dans la réalisation du travail. Or le « job strain » représente moins d'un tiers des situations de travail fortement stressantes ;

- parmi les pathologies liées au stress, les auteurs n'ont retenu que celles qui font l'objet de nombreuses études : les maladies cardio-vasculaires, la dépression et certains troubles musculo-squelettiques (TMS). D'autres maladies sont donc exclues du champ de l'étude.

Jean-Pierre Godefroy, président , a souhaité connaître les raisons de cette hausse importante du coût du stress au travail. Provient-elle d'une mauvaise évaluation des données en 2000 ou d'une réelle aggravation du phénomène ?

Valérie Langevin a répondu que cette tendance résulte de l'augmentation du pourcentage de salariés exposés à une situation de travail tendue.

Sur les missions de l'INRS, Stéphane Pimbert a précisé que l'institut n'a pas un rôle de conseil direct auprès des chefs d'entreprise ; il s'adresse à eux via divers outils. Ce sont les « préventeurs » de terrain qui sont ses interlocuteurs privilégiés.

Jean-Pierre Godefroy, président , a demandé si les membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ainsi que les représentants syndicaux font parfois appel à l'INRS.

Stéphane Pimbert a confirmé que de nombreux CHSCT formulent des demandes d'aide.

Valérie Langevin a insisté sur le fait que les conseils dispensés par l'institut sont axés sur la démarche de prévention et de sensibilisation des acteurs de terrain. Depuis 2007, on observe une croissance exceptionnelle du nombre des demandes à laquelle l'INRS ne peut faire face. C'est pourquoi, il incite les entreprises à se tourner vers des consultants en prévention des risques professionnels. Pour aider les dirigeants dans leur choix, un guide est en cours d'élaboration.

Jean-Pierre Godefroy, président , a souhaité savoir si toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, utilisent ces brochures. Les PME sont-elles suffisamment réactives ?

Valérie Langevin est convenue que l'usage des outils d'information de l'INRS est essentiellement le fait des entreprises d'au moins cinquante salariés. A l'avenir, l'objectif est aussi de sensibiliser les plus petites entreprises.

Gérard Dériot, rapporteur , s'est enquis des principales conclusions de l'étude menée sur les centres d'appel téléphonique.

Valérie Langevin a répondu que les résultats de cette étude ne sont pas encore officiellement connus, mais qu'ils devraient l'être très prochainement.

Gérard Dériot, rapporteur , a alors indiqué que la mission en prendra connaissance dès leur publication. Puis il a soulevé le problème de la violence et du harcèlement au travail. Comment prévenir ces phénomènes ?

Valérie Langevin a expliqué que la démarche de prévention mise en oeuvre pour le stress au travail est également valable pour ces deux risques professionnels. Toute la question est désormais de savoir comment adapter la méthodologie d'analyse des risques AT-MP aux risques psychosociaux.

Stéphane Pimbert a précisé que la démarche de prévention des risques psychosociaux doit poursuivre quatre objectifs : apprendre à objectiver ces risques, contribuer à lever le déni qui les entoure, promouvoir une stratégie de prévention en amont, fournir des outils de compréhension et dispenser des formations à l'ensemble des acteurs (médecins du travail, psychologues, managers...).

Marc Laménie a demandé si l'INRS s'intéresse aux collectivités locales. Même dans une petite collectivité, des problèmes humains peuvent en effet se poser.

Stéphane Pimbert a rappelé que le périmètre d'activité de l'INRS correspond à celui du régime général de la sécurité sociale. Toutefois, l'INRS a des contacts avec la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) dans la mesure où certains de leurs agents sont affiliés au régime général.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page