c) Il sera très important de contrôler la mise en oeuvre d'un plan de renforcement des ouvrages de défense contre la mer

Il est ainsi nécessaire de renforcer les contrôles de sécurité des digues par l'Etat.

Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie a annoncé un doublement des effectifs consacrés à cette tâche dans un délai de trois ans (de 60 « équivalents temps plein » fin 2010 à 120 à fin 2013).

Il convient d'aller plus loin. Aux Pays-Bas, l a loi impose un contrôle tous les six ans de l'ensemble des digues . Malgré les efforts très importants de ce pays, la dernière inspection des digues a montré que 50 % seulement des ouvrages répondaient aux normes, 15 % étaient défaillants et pour 35 %, il n'était pas possible d'établir un diagnostic. Le rapport au Parlement permet de faire périodiquement un état des lieux et de lancer les programmes d'investissement. Ce lien entre l'établissement de la norme, l'évaluation, le contrôle et la programmation des investissements par l'Etat et les agences régionales des eaux est un dispositif particulièrement performant dont il conviendrait de s'inspirer.

Propositions n° 56 et n° 57 de la mission :

- Promouvoir une gestion locale de proximité de nature à assurer efficacement la surveillance et l'entretien de ces ouvrages.

- Renforcer les moyens de contrôle des ouvrages de défense contre la mer et rendre obligatoire, comme aux Pays-Bas, un rapport d'évaluation sur les ouvrages de défense contre la mer tous les six ans, qui serve de base aux plans d'investissements.

d) Etablir des normes techniques pour les digues

Jusqu'à présent, les travaux d'urgence sur les digues, nécessaires, ont été réalisés de manière rapide avec parfois des matériaux de mauvaise qualité technique (comblement de brèches avec de la terre prise sur des terrains agricoles et non avec des matériaux de carrière) au risque de devoir financer entièrement de nouvelles réparations. Les réparations d'urgence ont été faites, pour des raisons de sécurité, avec dans certains cas le concours de l'armée. Ainsi, des éléments du 31ème régiment de génie de Castelsarrasin ont été déployés en Charente-Maritime pour renforcer les digues endommagées avant le retour des grandes marées

Pour des travaux de moyen et long terme, il convient de repenser l'ingénierie des digues . En France, la maîtrise d'ouvrage semble défaillante dans ce domaine. Les collectivités territoriales, lorsqu'elles souhaitent édifier des digues, n'ont pas de cahier des charges ni de prescriptions techniques précises. Il apparaît que les grandes entreprises de travaux publics ne sont pas toujours performantes dans ce domaine. Une digue comme celle construite par l'Etat à Wissans dans le Nord-Pas-de-Calais en 2006 a cédé quelques mois après son inauguration en raison de malfaçons. Un document technique unifié (DTU) doit recenser les règles de protection des digues. Des formations adaptées devraient être réalisées dans ce domaine.

Le rapport de la mission interministérielle de mai 2010 recommande ainsi que le centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETMEF) et les centres d'études techniques de l'équipement (CETE ouest et sud ouest) soient mis à disposition des maîtres d'ouvrages. Il est en tout état de cause indispensable de respecter des normes techniques et d'utiliser les méthodes les plus efficaces. Lors de son audition, M. Philippe Sergent, directeur scientifique du centre d'études maritimes et fluviales, a par exemple recommandé le recours à des ouvrages perméables, tel que l'enrochement, et la limitation des structures en béton.

En tout état de cause, comme aux Pays-Bas, l'Etat doit établir les normes de construction des digues comme il en édicte pour les ouvrages d'art.

Ces exigences techniques visent à construire des aménagements de qualité. Elles seront par ailleurs la contrepartie demandée par l'Etat en échange de sa participation financière.

Il faut tenir compte de la hauteur, de la structure de la face externe exposée directement aux vagues et de la face interne dont la fragilisation est souvent la cause de l'effondrement des digues. En effet, il est très important de faire en sorte que la digue ne casse pas. C'est ce qui fait la différence entre une inondation lente, sans victimes, et un désastre avec de nombreux morts. La question cruciale est donc, plus encore que la hauteur de la digue, sa solidité face à la tempête. Au Japon par exemple ont été développés de nombreux modèles de digues, parfois très larges, pour répondre à ces exigences de solidité.

Il faut aussi analyser la sécurité des ouvrages d'alimentation et d'évacuation des eaux qui assurent le bon fonctionnement du réseau hydraulique en zone basse . Lors de son déplacement en Gironde, la mission a eu connaissance du fait que le réseau de clapets et de valves associé à la gestion hydraulique dans l'estuaire n'était pas correctement entretenu par les propriétaires riverains. En effet, les digues de polder fonctionnent dans le cadre d'un système hydraulique souvent complexe, permettant l'évacuation des eaux en arrière de la digue et le drainage des terres submergées.

Des prescriptions précises devraient être établies non seulement pour l'entretien courant des ouvrages naturels et artificiels mais également en termes d'aménagement (ex : pistes cyclables, accès pour entretien, chemins d'accès aux plages sur les cordons dunaires).

Ainsi, les quatre critères les plus importants, au regard desquels une évaluation devra être conduite pour consolider la défense contre la mer, sont :

- la hauteur et la largeur des ouvrages artificiels mises en rapport avec la hauteur et la largeur nécessaires pour faire face aux « surcotes » les plus importantes, en tenant compte des effets de l'élévation de la mer ; le dimensionnement doit permettre d'assurer une protection adaptée au risque et au type d'occupation des zones menacées ;

- la structure de la face externe de la digue qui doit être en mesure d'aborder le choc violent du déplacement de la vague ;

- la structure de la face interne de la digue dont la fragilité - et donc l'érosion - est souvent la cause des ruptures d'ouvrages, notamment dans les cas de surverse ;

- l'analyse de la sécurité des ouvrages d'alimentation et surtout d'évacuation des eaux qui assurent le bon fonctionnement du réseau hydraulique des zones basses ; la prise en compte de cette analyse nécessitera une évaluation, c'est-à-dire un diagnostic des ouvrages de défense contre la mer, qui a été trop longtemps délaissé par l'Etat.

Dans le domaine de la recherche, la France doit pouvoir s'inspirer des exemples étrangers : ainsi des sociétés néerlandaises et américaines ont créé des simulateurs de vagues afin de voir les effets de la submersion marine sur les digues. Des revêtements en herbe, en argile, avec des obstacles (arbres), différents types de digues ont été testés. Par ailleurs, différentes matières de renforcement ont été évaluées, comme le géotextile, « l'élastocoast » ou l'asphalte avec des pierres apparentes.

Il convient aussi de veiller à l'intégration des digues afin d'éviter toute rupture paysagère. L'exemple des Pays-Bas est à cet égard instructif sur l'intérêt d'une digue en argile permettant le développement d'activités, renforçant l'attrait touristique et favorisant la bio-diversité. Il met aussi en lumière les initiatives originales qui peuvent être prises pour l'entretien des digues, par exemple le recours à des troupeaux de moutons sur des digues en herbe.

Propositions n° 58 et n° 59 de la mission :

- Définir très précisément des normes en matière d'ingénierie des digues.

- Soutenir et financer des recherches sur les ouvrages de lutte contre la submersion marine, en France et au niveau communautaire.

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