III. LES RECOMMANDATIONS : COMBATTRE EFFICACEMENT LES CAUSES DES INEGALITÉS DE RETRAITE ET CORRIGER L'AMPLITUDE DE CES DERNIÈRES

A. L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET LA FIXATION DE CONDITIONS D'ÂGE DIFFÉRENTES SELON LE SEXE

Le débat sur les retraites a fortement mis en lumière l'inquiétude que suscite, auprès des femmes, le projet de loi fixant à 67 ans l'âge requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

Entendu par la commission des affaires sociales du Sénat le 15 septembre dernier, M. Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraite de Force ouvrière (FO) a indiqué : « Nous disons aussi que la borne d'âge à soixante-sept ans pénalisera davantage les femmes. Elles prennent déjà leur retraite à soixante et un ans et demi en moyenne, au lieu de soixante ans et demi pour les hommes. Seules 44 % des femmes liquident une carrière complète, contre 86 % des hommes. Elles cumulent en moyenne trente-quatre années et demie de cotisation, contre trente-neuf années et un quart pour les hommes, et 30 % d'entre elles attendent soixante-cinq ans pour le faire : elles devront attendre soixante-sept ans demain. Les femmes représentent 57 % des allocataires au minimum vieillesse, 70 % des bénéficiaires du minimum contributif. On estime que leur niveau de pension sera encore de 30 % inférieur à celui des hommes en 2030 ou 2040, continuant le déséquilibre actuel où, en droits directs, les femmes touchent en moyenne 825 euros de retraite, et les hommes 1 426 euros. Les discriminations dans l'emploi entre les hommes et les femmes se reflètent dans les retraites, c'est pourquoi nous demandons de pénaliser, à l'occasion de cette réforme, les entreprises qui ne font pas suffisamment d'effort vers l'égalité salariale. »

M. Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites à la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a également estimé, lors de son audition le 16 septembre dernier par la commission des Affaires sociales, « que le recul de l'âge du départ à la retraite sans décote de soixante-cinq à soixante-sept ans serait très pénalisant pour les femmes et les basses pensions. De fait, 30 % des femmes liquident leur retraite à soixante-cinq ans, 63 % de ceux qui partent en retraite à soixante-cinq ans sont titulaires du minimum contributif, compte-tenu de la faiblesse de leurs droits liée à la faiblesse de leurs salaires. À l'heure où les générations ayant connu le chômage arrivent plus nombreuses à l'âge de la retraite, il faut protéger ces catégories de la population fragilisées. Le recul de l'âge du taux plein, au contraire, les fragilise. Le maintien à soixante-cinq ans de l'âge du taux plein aurait une signification sociale particulièrement forte. »

Le représentant de la CFDT a précisé que « des redéploiements sont possibles pour financer cette indispensable solidarité : les majorations familiales de pensions proportionnelles au salaire ne favorisent ni les familles modestes ni les femmes, mais majoritairement les hommes à revenus élevés. Depuis des années, la CFDT dénonce cet état de fait. Elle demande leur forfaitisation et le redéploiement de ces sommes vers la solidarité. » Mme Véronique Descacq, secrétaire nationale de la CFDT a insisté sur cette possibilité de « gage » financier « Si l'on considère le coût de la majoration familiale de 10 % en sus du coût de sa non-imposition - une niche fiscale totalement injuste d'autant que ces retraités n'ont plus d'enfants à charge -, on atteint 7 milliards, dont 330 millions pour la seule niche fiscale. La forfaitisation à hauteur de 57 euros par mois permettrait de redéployer environ 2 milliards vers les personnes qui ont eu des carrières accidentées, qui se trouvent être souvent des femmes. »

À partir de ce constat, votre rapporteure s'est donc efforcée de clarifier les données juridiques et comparatives permettant au législateur de se prononcer sur cette question.

1. Les possibilités de dérogation au principe d'égalité entre femmes et hommes se sont progressivement réduites

À travers la diversité des normes applicables et de leur interprétation par le juge constitutionnel, civil et européen, se dégage une tendance à l'application de plus en plus stricte du principe d'égalité entre femmes et hommes. Pourtant, en 2003, la « prise en compte des inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet » pouvait encore être considérée comme un principe de droit interne qui s'impose au législateur et qui, sur la base de critères objectifs, demeurait alors compatible avec les engagements internationaux de la France.

a) En 2003, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a admis qu'il appartenait au législateur de « prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet » (considérant n° 25 de la décision 2003-483 DC sur la loi portant réforme des retraites)

Le Conseil constitutionnel a statué, il y a plus de sept ans, sur le maintien, par le projet de loi portant réforme des retraites (devenu la loi du 21 août 2003), des majorations de durée d'assurance au bénéfice des seules femmes dans le régime général. Sa décision du 14 août 2003 apporte un cadre conceptuel général sur l'application du principe d'égalité entre les femmes et les hommes en matière de retraites, tout en précisant que les inégalités constatées en 2003 sont « normalement appelée à disparaitre ».


Le législateur peut régler de façon différente des situations différentes

La décision du 14 août 2003 indique tout d'abord que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes , ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.


« Il appartient au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet » et qui sont « normalement appelées à disparaître »

Le Conseil constitutionnel indique « qu'il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet ; qu'en particulier, elles ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes afin d'assurer l'éducation de leurs enfants ; qu'ainsi, en 2001, leur durée moyenne d'assurance était inférieure de onze années à celle des hommes ; que les pensions des femmes demeurent en moyenne inférieures de plus du tiers à celles des hommes ; qu'en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions de l'article L.351-4 du code de la sécurité sociale sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, le législateur pouvait maintenir, en les aménageant, des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ».

Il résulte très logiquement de cette jurisprudence qu'une loi qui ne prendrait pas en compte ces inégalités de fait pourrait soulever des objections relative à sa conformité à ce principe qui s'impose au législateur. Cependant, ces écarts sont, par nature, évolutifs et le Conseil constitutionnel précise qu'ils sont normalement appelés à disparaître, ce qui implique qu'à partir d'un certain seuil d'égalisation, les mesures compensatrices ne seraient plus justifiées.

b) Dès 2006, la Cour de cassation a estimé que le dispositif validé par le Conseil constitutionnel était contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), en l'absence de « justifications objectives et raisonnables »

Il convient de rappeler, à cet égard, que la Cour de cassation , dans un arrêt en date du 21 décembre 2006 3 ( * ) , puis, dans des termes plus généraux dans un arrêt du 19 février 2009 4 ( * ) a écarté l'application de la loi française sur le fondement de l'article 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui interdit les discriminations fondées sur le sexe sans justification objective et raisonnable. Elle a ainsi octroyé la majoration de durée d'assurance de l'article L.351-4 du code de la sécurité sociale, alors réservé aux seules femmes, à un homme assuré du régime général et ayant élevé seul son enfant.

L'arrêt du 19 février 2009 renforçant les chances de succès d'un éventuel afflux de recours intentés par des pères salariés, le législateur a modifié le dispositif des majorations de durée d'assurance (cf. supra) en se conformant, dans la nouvelle rédaction de l'article L.351-4 du code de la sécurité sociale, aux indications de la cour de cassation  « une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne peut être admise qu'en présence d'une justification objective et raisonnable » « en l'absence d'une telle justification, l'article L.351-4 du code de la sécurité sociale, qui réserve aux femmes le bénéfice d'une majoration de carrière pour avoir élevé un ou plusieurs enfants, est incompatible avec ces stipulations » de droit supranational.

Le rapprochement de ces deux interprétations permet de constater qu'à trois années d'écart, un même dispositif, l'article L.351-4 du code de la sécurité sociale, a été validé en 2003 par le Conseil constitutionnel, puis remis en cause, dès 2006, par la Cour de cassation sur le fondement d'un principe de non-discrimination. Il convient cependant de rappeler que la jurisprudence de la Cour de cassation peut soulever une incertitude juridique qui n'est pas de la même nature que celle du Conseil constitutionnel : il s'agit d'un risque contentieux ponctuel, auquel s'applique le principe de la relativité de la chose jugée, et non pas de la définition d'une ligne de conduite qui s'imposerait directement au législateur. En outre, la Cour de cassation s'est bornée, jusqu'à présent à souligner la nécessité de fonder les différences de traitement sur des critères objectifs et non pas seulement sur le sexe.

c) Plus rigoureusement que le régime général, les régimes spéciaux de retraite et celui de la fonction publique doivent se conformer à l'exigence communautaire d'égalité entre femmes et hommes

La « summa divisio », dans le domaine des retraites, en droit communautaire, mérite d'être rappelée. Du point de vue de l'égalité entre femmes et hommes, le droit communautaire distingue, en effet, nettement les « régimes légaux », auquel se rattache le régime général de sécurité sociale français, et les « régimes professionnels » de retraite auxquels on assimile nos régimes de la fonction publique et les régimes qui se caractérisent par une tendance à caler leurs règles sur celles de la fonction publique.


Le droit communautaire préserve les possibilités de protection spécifique des femmes et des mères dans le régime général

S'agissant des « régimes légaux », et donc de notre régime général de base , l'arrêt de la Cour de justice des Communautés Européennes (CJCE) du 7 juillet 1992 5 ( * ) indique : « L'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu'il autorise non seulement la fixation d' un âge légal de la retraite différent selon le sexe aux fins de l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite, mais aussi des discriminations qui sont nécessairement liées à cette différence. »


Directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes
en matière de sécurité sociale

Article 7

1. La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application :

a) la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations ;

b) les avantages accordés en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants ; l'acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d'interruption d'emploi dues à l'éducation des enfants ; (...).

Un tout récent arrêt du 29 juillet 2010 6 ( * ) qui concerne le calcul des pensions des travailleurs frontaliers au regard de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale n'apporte pas de correctif à cette interprétation en rappelant que « L'article 7, paragraphe 1, sous a), de ladite directive prévoit que celle ci ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations ».

De façon plus générale, dans le régime général de sécurité sociale , « le principe de l'égalité de traitement ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme en raison de la maternité » (article 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale).


Les systèmes de retraite de la fonction publique font en revanche l'objet d'un régime d'égalité et d'une surveillance beaucoup plus stricte de la part des institutions communautaires

La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes repose sur la logique selon laquelle la pension de retraite servie par les régimes spéciaux - en particulier les régimes du secteur public - est assimilable à un traitement différé un avantage direct ou indirect payé par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier ») et, par suite, à une « rémunération » au sens de l'article 141 ( ancien article 119 ) du traité instituant la Communauté économique européenne. Or, cet article 141, d'applicabilité directe, impose à chaque État membre l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins.

Dans l'arrêt du 13 novembre 2008 7 ( * ) , Commission des Communautés européennes contre République italienne (C-46/07), la CJCE conteste , sur ce fondement, la fixation d'un âge de départ à la retraite plus précoce pour les femmes que pour les hommes dans la fonction publique italienne : « Comme il ressort de la jurisprudence constante, l'article 141 CE interdit toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins quel que soit le mécanisme qui détermine cette inégalité. D'après cette même jurisprudence, la fixation d'une condition d'âge différente selon le sexe pour l'octroi d'une pension constituant une rémunération au sens de l'article 141 CE est contraire à cette disposition (voir arrêts Barber, précité, point 32 ; du 14 décembre 1993, Moroni, C 110/91, Rec. p. I 6591, points 10 et 20 ; du 28 septembre 1994, Avdel Systems, C 408/92, Rec. p. I 4435, point 11, ainsi que Niemi, précité, point 53). »

Pour mieux situer la portée de cette contrariété entre le droit national et la règle communautaire, il convient de rappeler que le régime italien de retraite des fonctionnaires et des autres travailleurs du secteur public prévoyait un âge normal de départ à la retraite à 60 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes. En considérant que ce régime comporte en fait une discrimination fondée sur le sexe, la Commission a lancé une procédure en manquement contre l'Italie pour violation de l'article 141 CE, qui prévoit que chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

Saisie du recours de la Commission, la CJCE a d'abord constaté que les fonctionnaires qui bénéficient du régime de pension en cause constituent une catégorie particulière de travailleurs. En outre, la pension versée en vertu du régime en cause est directement fonction du temps de service accompli et son montant est calculé sur la base du dernier traitement du travailleur. La Cour en conclut que le droit en question est à qualifier de rémunération au sens de l'article 141 CE. Puis la CJCE a rappelé que l'article 141 CE interdisait toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins quel que soit le mécanisme qui détermine cette inégalité . La fixation d'une condition d'âge différente selon le sexe pour l'octroi d'une pension constituant une rémunération est donc contraire à cette disposition. La Cour a enfin rejeté la justification avancée par l'Italie. Même si l'article 141, paragraphe 4, CE autorise les États membres à maintenir ou à adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle afin d'assurer une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, il ne saurait en être déduit que cette disposition permet la fixation d'une telle condition d'âge différente selon le sexe. En effet les mesures nationales couvertes par ladite disposition doivent contribuer à aider les femmes à mener leur vie professionnelle sur un pied d'égalité avec les hommes. Or la fixation, pour le départ à la retraite, d'une condition d'âge différente selon le sexe n'est pas de nature à compenser les désavantages auxquels sont exposées les carrières des fonctionnaires féminins en aidant ces femmes dans leur vie professionnelle et en remédiant aux problèmes qu'elles peuvent rencontrer durant leur carrière professionnelle.

(source : ec.europa.eu/dgs/legal_service/arrets/07c046_fr.pdf)

Cette jurisprudence invite le législateur français à appliquer avec rigueur la règle qui se résume par la formule « à travail égal, salaire égal », dans les régimes spéciaux et dans le code des pensions, En effet, la CJCE interprète désormais de façon restrictive l'exception figurant au 4) de l'article 141 qui dispose que « pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ».

Au total, c'est ainsi la tendance à l'alignement de la situation des femmes et des hommes qui domine l'évolution du cadre juridique auquel doivent se soumettre les législations et les réglementations relative aux régimes de retraite.

2. À partir de 2020, les exceptions à la fixation d'un âge légal de la retraite similaire pour les femmes et les hommes sont appelées à disparaître, dans les pays de l'Union européenne
a) Les comparaisons générales

S'agissant, tout d'abord des États relevant de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme , la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH) dans l'arrêt Stec et autres c. Royaume-Uni du 12 avril 2006, qui concerne indirectement la différence d'âge de départ à la retraite entre les hommes et les femmes prévue par le régime vieillesse britannique apporte des données comparatives sur la différence d'âge de retraite entre femmes et hommes.

En décembre 2004, les hommes et les femmes percevaient leur pension de vieillesse au même âge en Andorre, au Danemark, en Finlande, en France, en Allemagne, en Grèce, en Islande, en Irlande, au Liechtenstein, au Luxembourg, à Monaco, aux Pays-Bas, en Norvège, au Portugal, à Saint-Marin, en Slovaquie, en Espagne et en Suède.

Les femmes pouvaient percevoir une pension plus tôt que les hommes en Albanie, en Arménie, en Autriche, en Azerbaïdjan, en Belgique, en Bulgarie, en Croatie, en République tchèque, en Estonie, en Géorgie, en Hongrie, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, à Malte, en Moldova, en Pologne, en Roumanie, en Fédération de Russie, en Serbie-Monténégro, en Slovénie, en Suisse, dans « l'ex-République yougoslave de Macédoine » et en Ukraine.

Beaucoup de ces derniers pays ont mis en place un système prévoyant l'égalisation progressive des âges de départ à la retraite . Ce processus était censé se dérouler en Autriche entre 2024 et 2033, en Azerbaïdjan d'ici 2012, en Belgique entre 1997 et 2009, en Estonie d'ici 2016, en Hongrie d'ici 2009, en Lettonie d'ici 2008, et en Lituanie d'ici 2006.

Au niveau de l'Union européenne, le tableau ci-dessous met en évidence que la différenciation de l'âge légal de la retraite entre hommes et femmes était encore fréquente en 2008 .

Âge moyen de sortie du marché du travail et de la retraite

Âge de sortie
du marché du travail

Âge légal
de la retraite

2001

2007

2008

Allemagne

60,6

62

65

Autriche

59,2

60,9

60 (femmes)
65 (hommes)

Belgique

56,8

61,6

64 (femmes)
65 (hommes)

Danemark

61,6

60,6

65

Espagne

60,3

62,1

65

France

58,1

59,4

60

Finlande

61,4

61,6

62-68

Irlande

63,2

64,1

66

Italie

59,8

60,4

60 (femmes)
65 (hommes)

Pays-Bas

60,9

63,9

65

Pologne

56,6

59,3

60 (femmes)
65 (hommes)

Portugal

61,9

62,6

65

Roumanie

59,8

64,3

58 (femmes)
63 (hommes)

Royaume-Uni

62

62,6

60 (femmes)
65 (hommes)

Suède

62,1

63,9

61-67

Union européenne (27)

59,9

61,2

Source : Eurostat 2009

Les données les plus récentes, figurant dans le rapport intérimaire de la commission européenne sur les retraites, daté du 31 mai 2010, indiquent que seuls quelques pays de l'UE prévoient de conserver jusqu'en 2020 un âge de retraite plus précoce pour les femmes, que pour les hommes, mais qu'à partir de 2020, c'est le principe de l'alignement qui prédomine .

b) L'exemple d'un aménagement exceptionnel en Allemagne : un âge légal fixé à 67 ans en 2029 assorti de la possibilité pour les femmes nées avant 1952 de partir à 65 ans sans décote

Le rapport d'information n° 673 (2009-2010) de M. Alain Vasselle, Mme Christiane Demontès et M. André Lardeux, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, déposé le 13 juillet 2010 qui dresse un panorama du régime de retraite allemand apporte plusieurs indications utiles :

- tout d'abord, au 31 décembre 2007, en incluant les pensions de réversion, la pension moyenne brute versée par l'assurance légale à laquelle cotisent environ 80 % des actifs, s'élèvait à 806 euros par mois. Elle était de 691 euros pour les femmes et de 963 euros pour les hommes ;

- l'âge effectif de départ à la retraite est inférieur à soixante cinq ans : il est actuellement de 63,3 ans pour les hommes et de 63 ans pour les femmes ;

- les interlocuteurs rencontrés par la mission ont fait observer que la société allemande continue à exercer une pression morale sur les femmes qui décident de poursuivre leur activité professionnelle, tout en élevant leur(s) enfant(s).

- enfin, dans ce contexte, la loi du 9 mars 2007 qui relève progressivement l'âge de départ à la retraite de soixante-cinq à soixante-sept ans entre 2012 et 2029 8 ( * ) prévoit des aménagements pour les femmes nées avant 1952 et justifiant d'une durée de cotisations minimum de quinze ans - dont dix au moins après quarante ans ; elles ont la possibilité de partir à soixante ans avec décote ou à soixante-cinq ans sans décote .

Votre rapporteure conclut de l'ensemble de ces données juridiques et comparatives que la tendance européenne à l'alignement de l'âge de départ à la retraite pour les femmes et les hommes invite, à tout le moins, à fonder toute mesure transitoire de dissociation sur le critère objectif de l'interruption de carrière afin d'éviter de positionner notre législation sur les retraites dans une trajectoire qui s'écarte de la moyenne européenne.

3. La réflexion sur l'opportunité de maintenir le taux plein à 65 ans

Le débat sur la présente réforme des retraites a suscité un certain nombre de prises de positions sur l'opportunité de maintenir à 65 ans le bénéfice d'une retraite à taux plein : certains ont plaidé pour l'appliquer indistinctement aux femmes et aux hommes, tandis que d'autres, à la suite de l'annonce faite par le Président du Sénat, ont envisagé de réserver cet assouplissement aux seules mères de trois enfants.

La délégation sénatoriale observe que son homologue de l'Assemblée nationale considère que « le report de 65 à 67 ans de l'âge auquel le bénéfice d'une retraite à taux plein est ouvert affectera particulièrement les femmes qui ont déjà des retraites inférieures aux hommes et qu'il conviendrait donc de maintenir à 65 ans l'âge du taux plein », pour les femmes comme pour les hommes.

Votre rapporteure, partant du même constat, fondé sur le risque d'aggravation des inégalités de retraite au détriment des femmes, a estimé qu'il convenait d'en tirer une préconisation différente, et mieux adaptée à l'évolution de la société française, qui consisterait à maintenir à 65 ans l'âge de départ à la retraite à taux plein :

- sans distinction de sexe, mais en fonction d'un critère objectif, pour les personnes ayant interrompu durablement leur activité professionnelle ;

- et en considération non seulement des interruptions de carrière liées à l'éducation des enfants mais aussi de celles qui visent à apporter des soins à un membre de leur famille handicapé, dépendant ou malade. En effet, l'allongement de la durée de la vie amène de plus en plus fréquemment les femmes à se retirer temporairement de leur vie professionnelle pour se consacrer non seulement à leurs enfants mais aussi à leurs parents.


* 3 Cour de cassation, 2 ème chambre civile, 21 décembre 2006, pourvoi n° 04-30586

* 4 Cour de cassation, 2 ème chambre civile, 19 février 2009, pourvoi n° 07-20668

* 5 CJCE, 7 juillet 1992, The Queen contre Secretary of State for Social Security , ex parte Equal Opportunities Commission, affaire C-9/91

* 6 CJCE, 29 juillet 2010, demande de décision préjudicielle du Arbeidshof te Antwerpen - Belgique, affaire C 577/08

* 7 CJCE, 13 novembre 2008, Commission contre Italie, affaire C-46/07

* 8 Le nouvel âge de 67 ans s'appliquera aux personnes nées à partir de 1964. La loi du 9 mars 2007 relevant l'âge légal prévoit toutefois la possibilité de partir dès 63 ans, dès lors que l'assuré justifie de trente-cinq années de cotisations mais, en contrepartie, sa pension se verra appliquer une décote de 3,6 % par année manquante.

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