EXAMEN EN COMMISSION

Réunies le mercredi 13 octobre 2010, sous la présidence commune de M. Jean Arthuis et de Mme Muguette Dini, les commissions des finances et des affaires sociales ont entendu une communication de MM. Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux, et Paul Blanc, rapporteur pour avis, sur l'évaluation des coûts de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

M. Auguste Cazalet , rapporteur spécial . - L'allocation aux adultes handicapés ou « AAH », financée par le programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », représentera en 2011 une dépense annuelle de près de 7 milliards d'euros, soit plus de la moitié des crédits de la mission.

L'AAH est accordée aux personnes handicapées remplissant des conditions d'âge, de nationalité, de résidence, d'incapacité et de ressources. Il existe deux régimes d'AAH. Le premier est régi par l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : à ce titre, sont éligibles de droit à la prestation les personnes dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 % ; le second est régi par l'article L. 821-2 du même code : à ce titre, sont éligibles les personnes dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % et qui connaissent une « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi ».

Dans les deux cas, l'allocation est versée de façon subsidiaire par rapport aux prestations vieillesse ou invalidité et peut se cumuler avec des revenus d'activité dans la limite d'un plafond annuel d'environ 8 000 euros pour une personne seule. Elle est également différentielle, c'est-à-dire qu'elle compense la différence entre les éventuelles ressources de la personne et le montant maximal de l'AAH. Pour cette raison, on parle de « montant moyen versé » puisque tous les bénéficiaires ne perçoivent pas la même somme. Enfin, l'allocation est « familialisée », l'ensemble des revenus du foyer étant pris en compte pour son calcul. Par exemple, une personne handicapée dont le conjoint gagne plus de 17 000 euros par an ne sera pas éligible à la prestation.

Ce contrôle budgétaire est d'abord né de la volonté de comprendre les déterminants de la dépense au titre de l'AAH. En effet, chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale, les commissions des finances et des affaires sociales expriment un certain scepticisme à l'égard de la prévision de dépense inscrite dans le budget. De manière systématique, ces crédits apparaissaient sous-évalués au regard des besoins réels. Et, à chaque fois, les lois de règlement successives sont venues confirmer l'analyse.

Dès lors, la première question est la suivante : est-il possible d'appréhender et d'évaluer a priori la dépense d'AAH de manière satisfaisante ? Ou bien les critères d'attribution de cette prestation sont-ils à ce point complexes qu'il n'est pas concevable d'établir une prévision budgétaire fiable ?

Au-delà de cette problématique purement budgétaire, il convient de s'intéresser à la réforme de l'AAH annoncée par le Président de la République en juin 2008. Celle-ci a été construite autour de deux principes. Premièrement, il s'agit d'améliorer les conditions de vie et le niveau de ressources des personnes handicapées : le montant de l'AAH fait ainsi l'objet d'une revalorisation de 25 % sur la durée du quinquennat. Deuxièmement, la réforme cherche à renforcer l'insertion professionnelle des personnes handicapées, selon la formule « faire de l'AAH un tremplin vers l'emploi », ce qui constitue un objectif ambitieux. La seconde question porte donc sur sa mise en oeuvre : pourra-t-elle atteindre les objectifs qu'elle s'est fixé ? Si oui, dans quelles conditions ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - L'AAH constitue une dépense très dynamique, dont la croissance est soutenue. Elle est passée de 4,4 milliards d'euros en 2002 à près de 6,6 milliards cette année et elle pourrait dépasser 7 milliards l'année prochaine. Le nombre de bénéficiaires ne cesse d'augmenter, passant de près de 690 000 en 1998 à environ 885 000 en 2010 et, probablement, plus de 900 000 en 2011. La même tendance s'observe pour le montant moyen versé. D'un peu plus de 490 euros en 2002, il devrait atteindre 625 euros en 2010, en raison, pour partie, de la revalorisation de l'AAH de 25 % d'ici à 2012.

L'évolution de cette dépense n'est pas toujours correctement traduite dans les prévisions budgétaires initiales et, depuis 2006, l'écart croît de façon exponentielle entre la prévision et l'exécution : de 42 millions d'euros en 2006, il devrait atteindre plus de 400 millions en 2010. Il semblerait néanmoins que la prévision inscrite dans le projet de loi de finances pour 2011 soit un peu plus sincère. Peut-être allons-nous abandonner cette « politique de l'autruche » qui consiste à occulter le dynamisme de la prestation, et donc à sous-budgétiser l'AAH.

Car, au-delà même du principe de sincérité budgétaire, sans lequel l'autorisation parlementaire n'a pas de sens, la sous-évaluation de l'AAH a directement pesé sur les comptes de la sécurité sociale. L'AAH est en effet servie par les caisses d'allocations familiales (CAF). Les crédits votés en loi de finances leur sont donc transférés. S'ils sont insuffisants - et c'est le cas chaque année - la sécurité sociale devient créancière de l'État. Pendant plusieurs années, celui-ci a laissé perdurer cette situation. En 2007, un versement exceptionnel d'environ 100 millions d'euros a apuré les dettes contractées au titre de l'AAH. Depuis, les lois de finances rectificatives de fin d'année ont toujours permis de régulariser la situation de l'État.

Il n'en demeure pas moins que, en cours d'année, la sécurité sociale supporte malgré tout la charge de trésorerie liée à cette sous-budgétisation. Le découvert de trésorerie de l'ensemble des régimes de sécurité sociale devrait dépasser, en 2010, 50 milliards d'euros. Il est donc très regrettable que l'État l'alimente, même de manière infime, alors qu'une programmation prudente de la dépense d'AAH permettrait de l'éviter.

Les déterminants de la dépense d'AAH sont nombreux et guère faciles à appréhender ou, plus exactement, il apparaît délicat de les pondérer les uns par rapport aux autres. Je vais en premier lieu distinguer les effets conjoncturels des effets structurels.

Deux effets conjoncturels se conjuguent et peuvent expliquer une partie de la forte progression récente de la dépense : il s'agit, d'une part, de la revalorisation de l'AAH, d'autre part, de la crise économique. La revalorisation emporte d'abord, très logiquement, un effet-prix puisqu'elle conduit mécaniquement à verser un montant moyen plus élevé aux bénéficiaires. C'est d'ailleurs sa finalité. Mais, de manière plus subtile, elle emporte également un effet-volume. En effet, l'AAH est attribuée à la condition que les ressources de la personne handicapée ne dépassent pas un certain plafond. Celui-ci est calculé en fonction du montant maximal de l'AAH - qui fait l'objet d'une revalorisation. En conséquence, la progression du montant d'AAH, et donc du plafond, est beaucoup plus rapide que celle des salaires. Il en résulte qu'un certain nombre de personnes handicapées, qui n'étaient pas éligibles à la prestation car leurs ressources étaient supérieures au plafond, peuvent désormais entrer dans le dispositif. Avec la crise, cet effet-volume est bien évidemment renforcé puisque, en moyenne, les ressources des ménages diminuent.

Voilà pour les effets conjoncturels. Seule la démographie constitue un effet réellement structurant dans l'évolution de l'AAH. En effet, la probabilité de percevoir l'AAH augmente jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans, puis se stabilise. Concrètement, cela signifie que la part des « accidentés de la vie » est plus importante que celle des « handicapés de naissance » au sein des allocataires. Or il se trouve que la génération des quarante-six - cinquante-neuf ans est également la plus nombreuse dans l'ensemble de la population française. Ainsi, la concordance de la dynamique démographique propre à l'AAH et de celle de la population française conduit logiquement à augmenter le nombre de bénéficiaires. A l'inverse, au cours des prochaines années, l'arrivée à l'âge de la retraite des bénéficiaires de l'AAH devrait diminuer leur nombre.

Est-il possible de prévoir de manière plus fiable et plus juste la dépense de cette prestation sociale ? En première analyse, il semblerait que non. La conjonction des effets structurels ou conjoncturels, qui peuvent jouer autant à la hausse qu'à la baisse, devrait imposer la plus grande prudence dans l'élaboration des prévisions. Pourtant, il apparaît nettement que la tendance générale de progression de la dépense d'AAH est parfaitement linéaire. L'exercice 2008, première année de revalorisation de l'AAH, marque une inflexion mais la même linéarité semble devoir être observée.

Vos rapporteurs souhaitent, par conséquent, que le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances corresponde, au minimum, à la tendance moyenne de progression de la dépense observée au cours des cinq dernières années. Sur cette base, la dotation de l'AAH, pour 2011, serait sous-budgétisée d'au moins 100 millions d'euros.

De même, nous proposons que le calcul a priori de la dépense d'AAH ne prenne pas en compte les mesures d'économies escomptées qui, lors des années précédentes, ne se sont pas réalisées. De surcroît, la méthode retenue pour les calculer n'apparaît pas assez fiable. Il serait donc plus juste de ne les constater qu' a posteriori ...

M. Paul Blanc , rapporteur pour avis . - Engagée par le Président de la République, en juin 2008, lors de la conférence nationale du handicap, cette réforme opère un renversement de la logique qui a prévalu jusqu'alors, qui consistait à mesurer le taux d'incapacité permanente des personnes handicapées plutôt que d'identifier leurs facultés à exercer une activité professionnelle. Cette nouvelle approche souhaite favoriser l'emploi des personnes handicapées qui sont en mesure de travailler et garantir un niveau de revenu digne à celles qui sont durablement éloignées de l'emploi. Plusieurs mesures devaient y contribuer :  la revalorisation de l'AAH de 25 % d'ici à 2012 ; l'évaluation systématique des capacités professionnelles de la personne handicapée à l'occasion d'une première demande d'AAH ou d'un renouvellement et l'obligation pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) d'assortir toute reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) d'une décision d'orientation professionnelle ; la suppression de la condition d'inactivité préalable d'un an pour l'attribution de l'AAH aux personnes ayant un taux d'invalidité compris entre 50 % et 80 %, ce qui permet aux bénéficiaires potentiels de percevoir l'AAH dès leur premier jour d'inactivité et les incite à accepter des missions temporaires de courte durée, ce dont on ne peut que se féliciter ; la suppression de la limite d'âge de trente ans opposable aux travailleurs handicapés  pour accéder aux contrats d'apprentissage ; enfin, la révision trimestrielle du montant de l'allocation et la mise en place d'un taux de cumul plus avantageux des revenus d'activité avec l'AAH.

Si nous nous réjouissons que les engagements en faveur de la revalorisation de l'AAH aient finalement pu être tenus malgré un contexte budgétaire très contraint, nous devons déplorer en revanche que les mesures susceptibles de favoriser l'insertion professionnelle des bénéficiaires de l'AAH n'aient toujours pas été mises en oeuvre, faute des dispositions réglementaires et des financements nécessaires. Ainsi, dans l'attente de ce décret, l'application des nouvelles modalités de cumul des revenus d'activité avec l'AAH et la mise en place de la déclaration trimestrielle de ressources pour les quelque 80 000 allocataires travaillant dans le milieu ordinaire a été repoussée au 1er janvier 2011.

Nous vous proposerons de renoncer, dans l'immédiat, à mettre en oeuvre cette seconde mesure, très contraignante pour les personnes handicapées et qui suscite une forte réticence des associations. De plus, sa faible portée - elle ne concerne pour l'instant qu'à peine 10 % des allocataires - et les coûts de gestion qui en résultent minorent les économies que l'on pouvait en attendre.

Par ailleurs, les MDPH et le service public de l'emploi ne disposent pas des moyens nécessaires pour s'acquitter des nouvelles missions qui leur ont été confiées, c'est-à-dire l'évaluation des capacités et des compétences professionnelles des nouveaux demandeurs de l'AAH et leur accompagnement vers l'emploi. D'abord, il n'existe aucun outil opérationnel d'évaluation : les experts chargés de construire une grille d'appréciation objective de l'employabilité ont conclu à l'impossibilité d'élaborer un guide barème semblable à celui qui existe pour déterminer le taux d'incapacité. Ensuite, les moyens humains ont été diversement estimés : les personnels nécessaires aux MDPH pour l'évaluation des capacités professionnelles des demandeurs et leur orientation s'élèveraient à 30 équivalents temps plein (ETP), en conservant la méthode actuelle et en ciblant les mesures sur les seuls primo-demandeurs, mais à 429 ETP, en faisant le choix d'entretiens individuels approfondis pour tous les demandeurs. Pour 2011, le Gouvernement a pris le parti de réserver le bénéfice de l'accompagnement vers l'emploi aux primo-demandeurs, tout en prévoyant d'expérimenter de nouvelles modalités d'évaluation et d'orientation dans une quinzaine de départements. Dans le contexte budgétaire actuel, le choix d'une mise en oeuvre progressive de la réforme nous paraît sage. Mais il nous semblerait plus judicieux de la financer en puisant dans les réserves de trésorerie des deux fonds collecteurs que sont l'Agefiph et le Fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (le FIPHFP), plutôt que de solliciter les moyens déjà insuffisants des MDPH.

Il convient également de créer les conditions d'un meilleur accueil des personnes handicapées sur le marché du travail, en mobilisant de façon plus incitative les entreprises de moins de vingt salariés non assujetties à l'obligation d'emploi et en développant la mise en place de partenariats d'insertion et de formation entre les grands groupes, l'Agefiph et les organismes de placement spécialisés.

En même temps, il est indispensable d'expliciter les notions d' « employabilité faible » ou de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi ». Ce critère, qui figure à l'article  L. 821-2 du code de la sécurité sociale et qui conditionne l'attribution de l'AAH aux demandeurs dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 %, aurait dû faire l'objet d'un décret précisant son contenu et ses modalités d'application. Or il n'est toujours pas paru. Cette carence explique en grande partie les divergences de pratiques observées d'un département à l'autre et conduit à des disparités importantes dans les taux d'attribution des demandes.

Afin de garantir une meilleure équité de traitement des demandes d'AAH, vos rapporteurs recommandent de renforcer les mesures d'harmonisation, d'évaluation et de contrôle des procédures mises en oeuvre par les MDPH. Cela suppose, d'une part, d'intensifier les actions de formation des membres des équipes pluridisciplinaires et des commissions des droits et de l'autonomie ; d'autre part, de renforcer le contrôle de l'État dans la prise de décision en autorisant ses représentants à la CDAPH à demander le réexamen d'un dossier qu'ils considéreraient comme problématique.

A terme, si nous voulons tirer toutes les conséquences de la réforme voulue par le Président de la République, nous n'échapperons pas à une remise à plat de l'actuel régime juridique de l'AAH, qui se caractérise par trop d'incohérences et d'ambiguïtés. Nous pourrions alors abandonner la distinction entre les deux régimes d'AAH fondée sur le seul taux d'incapacité en privilégiant une différenciation des publics selon leur capacité ou non à exercer une activité professionnelle.

Dans ce schéma, l'éligibilité à l'AAH serait conditionnée à un taux d'incapacité supérieur à 50 % et à la nécessité de justifier d'une faible employabilité. Ainsi, ceux qui seraient en mesure de travailler bénéficieraient d'un accompagnement adapté vers l'emploi, tandis que ceux dont la capacité de travail serait jugée trop faible percevraient un complément d'AAH afin de leur assurer une vie digne. Nous devons garder cet objectif à l'esprit même si nous savons que, faute de disposer de travaux préparatoires suffisants, il n'est pas réalisable à court terme.

La réforme de l'AAH n'est donc pas achevée, loin s'en faut. Il convient dès à présent de préparer la prochaine étape, en veillant à ce que les nouvelles règles conditionnant l'attribution de cette prestation gagnent en cohérence et en clarté et ne se traduisent pas par une augmentation non maîtrisée de la dépense et des disparités territoriales grandissantes. Cela suppose que l'État reprenne toute sa place dans l'élaboration des procédures d'évaluation des demandes et qu'il se donne les moyens d'en assurer le contrôle permanent ainsi qu'une évaluation régulière.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Je retiens de vos communications qu'il faudrait, dans le prochain projet de budget, augmenter d'au moins 100 millions d'euros la dépense de l'AAH.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Il faut tenir un langage de vérité et ne pas sous-estimer le coût de cette allocation et, à l'inverse, ne pas surestimer le coût du RSA activité.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Les louables intentions du législateur ont souvent du mal à se concrétiser au profit de ceux qu'elles visaient. La carte des taux d'attribution de l'allocation que vous nous avez distribuée est saisissante. Pourquoi un tel écart entre les départements ? Il y en a certains où l'on est particulièrement handicapé...

M. Paul Blanc , rapporteur pour avis . - Dans les départements qui abritent beaucoup d'établissements spécialisés - la Lozère, par exemple - il y a davantage d'allocataires que dans les autres.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - La Lozère a également davantage de DGF par habitant...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Si le taux de demandes varie d'un département à l'autre, il faut aussi compter avec des différences dans les pratiques et les critères d'attribution.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Il y a peut-être certaines MDPH qui ne fonctionnent pas...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Le taux d'acceptation des demandes varie, selon les départements, de 50 % à 80 %.

M. Jean-Louis Lorrain . - Beaucoup de MDPH ont du mal à recruter des médecins. De plus, elles connaissent des tensions internes du fait de l'actuelle réorganisation et tout cela freine le règlement des dossiers. La solution n'est donc pas, d'emblée, de renforcer le contrôle de l'État.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Mais celui qui paye, ce n'est pas le département ! Il s'agit d'une allocation nationale ; il faut donc une harmonisation.

M. Alain Vasselle , rapporteur général de la commission des affaires sociales . - On peut cumuler l'AAH avec un salaire dans la limite de 8 000 euros annuels. Pourquoi favoriser ce cumul ? Certes, celui qui travaille a des frais mais un handicapé mental a lui aussi des besoins à satisfaire.

En ce qui concerne la sous-estimation des inscriptions budgétaires, nous constatons le même problème pour la dotation de l'aide médicale de l'Etat - l'AME. Peut-on contraindre le Gouvernement à réévaluer le budget prévu pour l'AAH ou l'AME ou bien le rapporteur général de la commission des finances pourra-t-il déposer un amendement de réévaluation sans qu'on lui oppose l'article 40 ?

Puisque l'augmentation du nombre des allocataires s'explique par l'augmentation du nombre des « accidentés de la vie », il serait bon d'évaluer le coût d'une politique de prévention des accidents.

Lorsque les allocataires de quarante-cinq à cinquante-neuf ans atteignent l'âge de la retraite, ils basculent dans le minimum vieillesse. Il faut en anticiper les conséquences pour le fonds de solidarité vieillesse.

Vous parlez de mesures d'économies. Desquelles s'agit-il ?

Il serait bon d'interpeller le Gouvernement sur sa récurrente carence règlementaire : les ministères traînent trop souvent les pieds pour sortir les décrets d'application.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Le département des Pyrénées-Atlantiques abritait beaucoup d'établissements de cure, devenus établissements médico-sociaux, ce qui explique le nombre importants d'allocataires. Et la création en 2006 des MDPH, structures spécialisées bien identifiées tant par les médecins que par les handicapés, a créé un appel d'air, multipliant le nombre de demandes. Ces MDPH présentent l'intérêt de pouvoir faire une évaluation, ce qui est indispensable, même si cela a un coût.

Monsieur Vasselle, je vous signale qu'un handicapé mental peut travailler à temps partiel. Pour un handicapé, le travail, outre le salaire, apporte le sentiment d'être opérationnel.

M. Yves Daudigny . - Le taux d'AAH dans l'Aisne apparaît très élevé, mais la carte que vous nous avez distribuée manque d'une légende explicite.

M. Marc Laménie . - Il est vrai qu'une légende nous éclairerait ; nous travaillons beaucoup sur la cartographie...

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Les entreprises qui n'emploient pas le pourcentage légal de personnes handicapées doivent s'acquitter d'une pénalité...

M. Paul Blanc , rapporteur pour avis . - Les collectivités locales aussi.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Il se trouve que l'on a vu arriver devant les commissions de l'autonomie des flux considérables, qui laissent à penser que les entreprises y poussent certains de leurs salariés, pour échapper à la sanction...

M. Paul Blanc , rapporteur pour avis . - Le phénomène est beaucoup moins important que ce que l'on peut croire, tant dans les entreprises que dans la fonction publique. A l'inverse, beaucoup de travailleurs handicapés ne souhaitent pas de reconnaissance de cette qualité, notamment pour ne pas être pénalisés auprès des banques lors d'une demande de crédit.

Pour ce qui concerne les collectivités, il faut leur reconnaître qu'elles ont coutume d'employer des personnes qui auraient pu bénéficier de la reconnaissance, de ceux que, dans un village, on appelle le « simple d'esprit », par souci d'intégration. Il n'est pas anormal qu'elles aient aujourd'hui le souci de le faire reconnaître.

Ceux qui peuvent travailler, monsieur Vasselle, conquièrent un statut social en même temps qu'ils bénéficient d'un complément de revenu et cela est inestimable. Ceux qui ne sont pas en mesure de travailler peuvent, quant à eux, percevoir une allocation complémentaire de 180 euros.

En ce qui concerne l'inscription budgétaire des crédits, je rappelle qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2010, nos deux commissions avaient adopté des amendements visant à faire basculer des crédits du RSA vers le handicap. Or, nous avons eu la surprise de voir les sénateurs présents en séance suivre comme un seul homme l'avis défavorable du Gouvernement... Cela m'a mis dans une sainte colère, au point que je me suis juré que cette année, si nous sommes suivis en commission, nous serions suivis en séance !

S'agissant de l'employabilité des accidentés de la vie, le rapport préconise une prise en charge et la mise en oeuvre d'une action d'insertion dès lors qu'il s'agit d'éviter des troubles postérieurs.

L'impact sur le fonds de solidarité vieillesse ? Avec le vote du texte en cours d'examen sur l'équilibre de notre système de retraites, il restera marginal.

A la lumière des faits, monsieur Lorrain, je me réjouis que l'on ait maintenu, pour les MDPH, le statut de groupement d'intérêt public (GIP), qui préserve la présence de l'État, chargé d'assurer l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. Il est normal, par ailleurs, que les payeurs aient leur mot à dire.

Lors de l'examen de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), nous avions présenté un amendement visant à inclure dans l'intitulé le médico-social, et j'avais demandé que les ARS participent aux commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

Mme Muguette Dini , présidente de la commission des affaires sociales . - Peut-être accusons-nous à tort les entreprises ? A-t-on une idée de l'évolution, sur les trois dernières années, des recettes de l'Agefiph ?

M. Paul Blanc , rapporteur pour avis . - Elles ont augmenté, mais cela tient aussi à l'aggravation des pénalités, qui sont passées, pour une entreprise n'employant aucun salarié handicapé, de 400  à 1 500 fois le Smic. La loi de 2007 avait donné trois ans pour se mettre en règle : aujourd'hui, les pénalités tombent. C'est pourquoi les entreprises ont pris la question à bras le corps. Je dois me rendre la semaine prochaine à Lyon à l'invitation des chambres de commerce pour plancher sur cette problématique.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Tout cela est en effet très délicat.

Le droit d'amendement au projet de loi de finances, monsieur Vasselle, n'est pas une prérogative de la commission des finances. Tout sénateur peut amender des crédits à condition de gager l'amendement sur d'autres crédits pris à l'intérieur de la même mission. S'il apparaît, par exemple, que sur la ligne consacrée au RSA, les crédits sont plus importants que de besoin, chacun aura loisir de présenter un amendement pour sortir une somme de cette ligne en faveur de l'AAH.

M. Paul Blanc , rapporteur pour avis . - Sur tous les amendements présentés l'an passé, la commission des affaires sociales et la commission des finances étaient en parfait accord.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Le Sénat n'est jamais plus fort que lorsque ses commissions sont en accord...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Le même raisonnement vaut pour l'AME mais qui est inscrite sur la mission « Santé ».

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Il n'est, en revanche, pas possible de prévoir le transfert de crédits d'une mission à l'autre.

A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission des affaires sociales donnent acte à MM. Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux, et Paul Blanc, rapporteur pour avis, de leur communication et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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