B. LES CAUSES DE CE DÉCLIN SONT MULTIPLES

1. La désindustrialisation de la France et la faiblesse de ses grands port maritimes
a) Le déclin des industries traditionnelles contraste avec la vitalité du transport de fret ferroviaire en Allemagne

Depuis les années 1970, l'Europe occidentale en général, et la France en particulier, sont engagées dans un processus de désindustrialisation plus ou moins marqué, au bénéfice essentiellement du développement exponentiel du secteur des services . Si les causes de ce phénomène sont multiples, la mondialisation des échanges et la concurrence accrue d'industries émergentes, dont le coût du travail est moindre, continuent de pénaliser les industriels du Vieux Continent, et particulièrement en France. Certes, le secteur secondaire conserve une part importante dans l'économie française avec 16 % de la valeur ajoutée nationale et 13 % de la population active. Néanmoins, en trente ans, l'emploi industriel a perdu 36 % de ses effectifs et la part de ce secteur dans le PIB national est passée de 34 % à 24 % 14 ( * ) . Cette tendance baissière reste malheureusement d'actualité puisque le rapport des États Généraux de l'Industrie de février 2010 a souligné que l'hexagone avait enregistré, entre 2000 et 2008, la disparition de 13 % d'emplois industriels, représentant 500 000 emplois. Et les dernières statistiques ne sont pas de nature à changer la donne puisque l'emploi industriel a encore baissé de 5,2 % en 2009, soit une perte de 168 200 postes. En définitive, la part de l'industrie française dans la valeur ajoutée industrielle de l'Union européenne s'élève seulement à 11,1 % en 2006, contre 25,5 % pour l'Allemagne, 14,9 % pour le Royaume-Uni et 13 % pour l'Italie 15 ( * ) .

De fait, cette situation alarmante contraste singulièrement avec la bonne santé de l'industrie allemande. La densité industrielle moyenne 16 ( * ) de l'Allemagne est trois fois plus forte qu'en France. Le solde des échanges outre-Rhin sur les produits manufacturés ne cesse de s'améliorer pour atteindre 274 milliards d'euros en 2008. Avec la création de l'euro et son objectif d'inflation minimale, l'Allemagne a continué à s'imposer comme le premier exportateur européen et deuxième mondial (derrière la Chine depuis peu) en privilégiant les investissements en capital au détriment de la hausse des coûts salariaux. Cette stratégie industrielle alliant innovation et productivité permet à l'Allemagne de conserver un secteur secondaire de poids (33 % de la population active, 30 % du PIB), dont la construction automobile représente 40 % de ses exportations. Ces millions de voitures produites chaque année transitent par le continent eurasiatique à partir d'un fret ferroviaire très dynamique et en pleine expansion.

La vitalité du transport de fret ferroviaire en Allemagne

Depuis sa réunification, l'Allemagne a fortement investi dans le transport de fret ferroviaire pour répondre aux besoins commerciaux de sa puissante industrie. A l'occasion de la fusion des deux entreprises ferroviaires nationales allemandes (Deutsche Bundesbahn et Deutsche Reichsbahn) au 1 er janvier 1994 au sein de la Deutsche Bahn AG, l'ensemble des dettes financières (33,8 milliards d'euros) des deux établissements a été repris par une nouvelle administration, le Bundeseisenbahnvermögen (BEV). Ce dernier est chargé de gérer l'ensemble de « l'héritage historique » des chemins de fer fédéraux, pour lesquels la dette était devenue une entrave à la mise en place d'une nouvelle organisation ferroviaire. Début juillet 2010, le groupe ferroviaire public allemand a annoncé vouloir investir pas moins de 41 milliards d'euros d'ici 2014, en

consacrant un quart du total à l'achat de trains, le reste devant servir à améliorer le réseau ferré et à moderniser les gares.

Au sein de la DB AG, la société DB Netz a été créée en 1999 pour la gestion du réseau ferré fédéral et elle est donc l'homologue allemand de RFF. La dette de DB Netz, qui avoisine les 13 milliards d'euros en 2009, représente aujourd'hui près de la moitié des dettes du groupe DB.

L'entreprise d'Etat Deutsche Bahn AG est devenue une holding avec une filialisation importante (5 filiales auxquelles sont rattachées 200 autres). L'ensemble du territoire allemand est bien desservi avec 1 430 gares de fret contre 1 300 en France. Quand celle-ci dispose de deux gares pour mille kilomètres carrés, l'Allemagne en dispose de quatre 17 ( * ). De plus, le groupe poursuit son développement dans plusieurs pays d'Europe, voire hors du continent. Première puissance économique et industrielle d'Europe, l'Allemagne, à la très forte densité industrielle, s'impose naturellement comme le leader incontestable du transport de fret ferroviaire, tout en répondant aux exigences toujours plus accrues en matière de protection de l'environnement.


* 14 Cf . Lilas Demmou, « La désindustrialisation en France », Les Cahiers de la DGTPE (Direction générale du Trésor et de la Politique économique), n° 2010/01, février 2010.

* 15 Cf . Fondation Robert Schuman, « Où va l'industrie européenne ? », Jean-François Jamet, Questions d'Europe n° 82, 3 décembre 2007, p.2.

* 16 On mesure cette densité en rapportant la valeur ajoutée dans l'industrie au nombre de kilomètres carrés.

* 17 Cf. Christine Raynard « Analyse : le fret ferroviaire en Allemagne : du redressement à la stratégie continentale », La Note de veille du Centre d'Analyse Stratégique, n° 95, avril 2008.

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