EXAMEN EN COMMISSION LE MERCREDI 8 DÉCEMBRE 2010

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Puis, la commission procède à l'examen des conclusions du rapport d'information de MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel sur l'évolution du régime de l'enquête et de l'instruction.

M. Jean-Pierre Michel , co-rapporteur . - La procédure pénale doit concilier la défense des intérêts de la société et le respect de la protection des personnes mises en cause, un équilibre toujours fragile et rarement atteint. La loi Guigou de 2000, les lois Perben I et II l'ont modifié ; les rapports de MM. Truche, Léger et de Mme Mireille Delmas-Marty ont alimenté la réflexion ; la mise en oeuvre de certains d'entre eux a été reportée aux calendes grecques. Notre procédure inquisitoire, à l'origine contraire à la procédure accusatoire des pays anglo-saxons, a été mâtinée d'éléments contradictoires. La situation est devenue complexe. En raison du traitement en temps réel des affaires et de l'importance qu'a prise le parquet dans les poursuites, le juge d'instruction, qui cumule les fonctions d'enquêteur et de juge -confusion à laquelle aurait dû remédier le juge des libertés et de la détention-, se voit confier moins de 4% des affaires pénales, les affaires criminelles importantes, les grandes affaires de santé publique ou de terrorisme international. Au vrai, le débat se situe moins entre juge d'instruction versus enquête préliminaire par le parquet que dans l'équilibre à trouver entre défense des intérêts de la société et protection des personnes mises en cause.

La commission nous a confié avec Jean-René Lecerf, un rapport sur l'avant-projet de loi qui avait fait l'objet de premières concertations à l'été 2009. Celui-ci était issu du rapport Léger, lequel avait provoqué une effervescence certaine en proposant la suppression du juge d'instruction, annoncée par le Président de la République en janvier. Nous avons donc exploré, dans ce cadre, les meilleurs moyens d'atteindre l'équilibre visé en procédant à une cinquantaine d'auditions de professeurs de droit, de chercheurs, de magistrats, d'avocats, de syndicalistes, de policiers ou encore de gendarmes. Nous nous sommes également rendus en Allemagne et en Italie. Ces deux pays, qui ont respectivement supprimé le juge d'instruction en 1974 et en 1989, ont opté pour des systèmes différents. Outre-Rhin, le parquet est composé de fonctionnaires, non de magistrats, mais jouissant d'une forte indépendance puisqu'ils sont nommés à vie par les chambres fédérales. De l'autre côté des Alpes, on a opté pour un parquet totalement indépendant (Mme Nicole Borvo-Cohen Seat nuance) , composé de magistrats. Le système italien, nous a-t-il semblé, allonge les délais et les audiences, voire oblige à refaire l'instruction à l'audience. Les procès durent des années tant et si bien qu'ils aboutissent à la prescription...

Plutôt que d'anticiper sur le débat parlementaire, nous avons cherché, ce qui est la marque du Sénat, les voies d'un équilibre durable et acceptable. Il est temps de sortir du débat idéologique ! L'enquête unique prévue par le projet de loi peut représenter une alternative au système actuel à condition que soient actées quatre contreparties : la modification du statut du ministère public ; l'effectivité du contrôle exercé par le juge de l'enquête et des libertés -le fameux JEL- ; la reconnaissance des droits de la défense depuis la garde à vue ; et, enfin, l'affirmation de garanties au bénéfice des parties civiles.

M. Jean-René Lecerf , co-rapporteur . - Première contrepartie, la modification du statut du parquet, question intimement liée à la suppression du juge d'instruction. De fait, l'affaiblissement du juge d'instruction, les auditions l'ont montré, est moins lié à la défaillance de l'institution qu'à des évolutions de fond. Le juge d'instruction aurait manqué le train du contradictoire, dit-on. La critique paraît excessive quand le législateur, par la loi du 4 janvier 1993 et la loi du 5 mars 2007, a renforcé le caractère contradictoire de l'information. Ses fonctions d'enquêteur et de juge sont souvent jugées incompatibles ; il serait « à la fois Maigret et Salomon », pour reprendre la formule de M. Badinter. Mais l'enquêteur ne doit-il pas analyser les éléments à charge et à décharge pour rechercher la vérité ? À considérer la proportion des décisions de non-lieu, une telle démarche est possible, d'autant que l'avant-projet de loi la confie au parquet. La confusion des fonctions d'investigation et des fonctions juridictionnelles est également critiquée. Elle est néanmoins moins décriée depuis la création du JLD. Demeure l'épineuse question de la faculté de renvoi devant la juridiction de jugement, qui peut apparaître comme un acte de mise en accusation. Dernière critique, l'isolement du juge d'instruction que la loi du 10 décembre 1985 de M. Badinter, puis la loi du 5 mars 2007, après le choc d'Outreau, ont tenté de rompre en instaurant la collégialité de l'instruction. Beaucoup regrettent aujourd'hui que cette dernière opportunité législative, que certains qualifiaient alors de « réformette », au grand dépit de Pascal Clément, n'ait pas été saisie.

Mais l'institution du juge d'instruction a surtout souffert du renforcement du rôle du parquet : le nombre de dossiers soumis à l'instruction est inférieur à 4% aujourd'hui, contre 8% en 1990. Le développement de l'enquête préliminaire tient à la priorité donnée à une réponse pénale rapide. Le parquet jouit d'une organisation hiérarchisée mais souple, ce qui garantit une grande réactivité dont témoigne le traitement en temps réel des affaires pénales, sans compter que la loi du 15 juin 2000 a étendu ses pouvoirs dans la conduite de l'enquête préliminaire. Dans le même temps, le renforcement des droits des parties a rendu l'information plus complexe : sa durée est passée de 11 à 23 mois entre 1990 et 2008. À l'aune de l'efficacité, l'instruction est apparue moins concurrentielle alors que nos voisins, notamment l'Allemagne ou l'Italie, l'avaient abandonnée.

L'attachement au juge d'instruction tient moins à ses mérites propres qu'au sentiment de défiance suscité par une enquête entièrement confiée à un ministère public dépendant du Garde des sceaux. Notons toutefois que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit désormais l'avis du Conseil supérieur de la magistrature sur la nomination de tous les magistrats du parquet et que les instructions individuelles du Garde des sceaux doivent être écrites et versées au dossier, le procureur restant libre de ses réquisitions à l'audience selon l'adage : « la plume est serve mais la parole est libre ». Malgré ces évolutions, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt du 10 juillet 2008 « affaires Medvedyev et autres c. France » a remis en question l'appartenance même du parquet à l'autorité judiciaire. Elle a confirmé sa position dans l'arrêt Moulin c. France du 23 novembre 2011 en jugeant les fonctions du parquet incompatibles avec le contrôle juridictionnel des arrestations et des détentions, qui implique une double indépendance tant à l'égard de l'exécutif que des parties.

Pour lever les suspicions, une première piste serait d'adopter le principe de la légalité des poursuites. Nous l'avons écartée car celui-ci fait obstacle, nous a expliqué le président de l'Union syndicale des magistrats, à une diversification de la réponse judiciaire ; il accentuerait la dégradation du travail des parquets tout en étant aisément contournable -il suffirait au procureur de ne pas considérer l'infraction comme constituée. Mieux vaut donc privilégier une réforme statutaire du parquet qui, nous ne l'ignorons pas, implique un renforcement du rôle du CSM et, partant, une révision constitutionnelle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - Nous avons raté le coche !

M. Jean-René Lecerf , co-rapporteur . - Reprenons les principes de la réforme inaboutie de 1999. Celle-ci, issue du rapport Truche, avait fait l'objet de tels blocages politiques que la convocation du Congrès en janvier 2000 avait été annulée. Les temps ont changé : nous pouvons réunir un consensus autour de l'avis conforme du CSM sur les nominations des magistrats du parquet et d'un CSM exerçant la fonction disciplinaire. L'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif s'appliquerait donc aux carrières, non à la conduite de la politique pénale qui demeure du ressort des autorités politiques. La création d'un procureur général de Nation, proposée par M. Fauchon, n'emporte pas l'adhésion : des circulaires de politique pénale ou encore des instructions suffiraient à incarner le lien entre ministère de la justice et parquet. Ces orientations auraient d'autant plus de force si elles faisaient l'objet d'un débat annuel devant le Parlement, a indiqué Mme Delmas-Marty. Il n'y a donc pas lieu de modifier l'article 30 du code de procédure pénale. En tout état de cause, la réforme devrait être accompagnée d'un renforcement des effectifs, ce que reconnaissait le Garde des sceaux devant l'Assemblée nationale lors du précédent budget.

J'en viens à la deuxième contrepartie : la reconnaissance des droits de la défense de la personne mise en cause qui, j'y insiste, est présumée innocente jusqu'à sa condamnation. Un cadre unique d'enquête mettra fin à la distorsion actuelle entre les droits reconnus à la défense dans le cadre de l'enquête et dans le cadre de l'information. Des avancées avaient été obtenues dans l'avant-projet de réforme sur la garde à vue : caractère exceptionnel de la garde à vue, renforcement des droits à l'assistance d'un avocat, interdiction de prononcer une condamnation sur le seul fondement des déclarations d'un gardé à vue qui n'aurait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat, institution d'une audition libre de quatre heures avec l'accord de la personne. Pour autant, elles restaient insuffisantes au regard des exigences de la Cour de Strasbourg et de la décision du 30 juillet 2010 du Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité. D'où la réforme plus ambitieuse présentée par le Gouvernement qui prévoit l'information du gardé à vue sur son droit à garder le silence, la présence de l'avocat après douze heures de détention au maximum et l'accès de l'avocat au dossier.

Pour autant, en raison des dérogations prévues pour la criminalité organisée et le terrorisme, le dispositif devra être revu. En effet, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans ses trois arrêts du 19 octobre 2010, a rappelé que la restriction au droit d'être assisté par un avocat doit répondre à l'exigence d'une raison impérieuse, laquelle ne peut pas découler de la seule nature de l'infraction. À l'instar du Conseil constitutionnel, elle a différé l'application de ces principes au plus tard le 1 er juillet 2011.

Un régime de garde à vue équilibré implique un contrôle par un juge indépendant, le respect de la dignité de la personne, l'efficacité de l'enquête.

Le projet de loi laisse le contrôle de la garde à vue au procureur de la République, ce qui n'est pas conforme à l'arrêt Medvedyev de la CEDH, ni à l'arrêt de chambre Moulin contre France du 23 novembre 2010. En tout état de cause, le contrôle de la garde à vue devrait revenir à terme au juge de l'enquête et des libertés (JEL), et entre-temps au juge des libertés et de la détention (JLD).

La reconnaissance des droits des personnes passe par le respect de leur dignité. La majorité des personnes que nous avons entendues se sont prononcées contre les fouilles à corps -position partagée par les représentants de la police et de la gendarmerie, à condition que des règles claires soient fixées. Le projet de loi sur la garde à vue proscrit les fouilles à corps intégrales, sauf lorsqu'elles sont indispensables pour les nécessités de l'enquête. Nous souhaitons toutefois que le dispositif soit aussi protecteur que celui retenu par la loi pénitentiaire pour la fouille des détenus. Enfin, nous nous faisons l'écho des constats dressés par les services de police eux-mêmes sur l'état des locaux de garde à vue.

Le droit à l'assistance d'un avocat ouvre-t-il la voie à une « judiciarisation » de la garde à vue, comme le redoutent certains ? Une telle évolution entraînerait une confusion entre la phase policière et la phase judiciaire de l'enquête. Plusieurs intervenants, dont M. Robert Badinter, ont estimé que l'assistance de l'avocat n'impliquait pas l'accès au dossier. Selon vos rapporteurs, celui-ci devrait être limité aux éléments provenant de la personne mise en cause, à savoir ses procès verbaux d'audition.

Le rôle de l'avocat dans le cadre de la garde à vue ne se confond pas avec celui qui lui revient dans le cabinet d'instruction. Il devrait laisser les officiers de police judiciaire conduire leurs interrogatoires sans y prendre part. Le projet de loi relatif à la garde à vue lui permet d'assister aux auditions et de présenter des observations écrites à l'issue de chaque audition : c'est le rôle « taisant » de l'avocat.

Pour éviter une justice inégale selon les moyens de l'intéressé, il faudra une forte mobilisation des barreaux, ainsi qu'une revalorisation de l'aide juridictionnelle.

En matière de terrorisme ou de grande criminalité, si l'assistance de l'avocat ne saurait être reportée, l'avocat pourrait être choisi par la personne gardée à vue sur une liste agréée par le barreau, voire, comme en Espagne, être désigné d'office par le bâtonnier.

L'audition libre répond sans doute au souci de limiter le nombre de gardes à vue, mais soulève nombre de critiques. La rédaction du projet de loi n'a pas levé toutes les ambiguïtés de l'avant-projet de réforme : l'audition libre et la garde à vue concerneraient l'une et l'autre « la personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». Ne vaudrait-il pas mieux réserver l'audition libre aux convocations, et l'exclure à l'issue d'une interpellation ?

M. Jean-Pierre Michel , co-rapporteur . - Nous demandons, comme cela a été rappelé, quatre contreparties à la suppression du juge d'instruction. Premièrement : un nouveau statut pour le parquet. Deuxièmement : un renforcement des droits de la défense, notamment lors de la garde à vue. Troisièmement : la création d'une nouvelle juridiction de contrôle. Le JEL devrait être nommé en conseil des ministres, et affecté exclusivement à sa tâche d'arbitre. Les missions du procureur de la République doivent être bien distinctes de celles du JEL. Ce dernier pourra prolonger les délais imposés au parquet, mais ne pourra lui faire d'injonction.

M. Jean-René Lecerf , co-rapporteur . - Le JEL sera le « maître du temps ».

M. Jean-Pierre Michel , co-rapporteur . - Cela suppose des moyens en personnels, des greffes pour le parquet... Pourquoi ne pas envisager une délégation de police judiciaire dans les tribunaux, sous la responsabilité du parquet, comme ce qui se fait en Italie ?

Quatrième contrepartie : la reconnaissance de la victime au sein du procès pénal. Les associations de victimes veulent pouvoir continuer à se constituer partie civile librement. Elles souhaitent également un interlocuteur unique : le procureur devrait désigner un substitut, qui mènerait l'enquête. Les personnes que nous avons entendues se sont dites favorables à l'institution d'une partie civile citoyenne, pour faciliter l'accès des victimes au procès pénal. Il faut clarifier les rôles, afin que la partie civile sache qui est responsable de l'enquête, qui du contrôle.

Si nous parvenons à traduire ces préconisations dans les faits, peut-être aurons-nous une procédure pénale enfin efficace, rapide, et respectueuse des droits des personnes.

M. Jean-René Lecerf , co-rapporteur . - Le noeud gordien, c'est la réforme du parquet. Si nous la menons à bien, il sera plus facile d'élaborer un texte sur la garde à vue. Notre rapport aborde une dizaine de points essentiels, mais n'anticipe pas sur le rapport sur le prochain projet de loi.

M. François Zocchetto . - Au fur et à mesure que tombent les jurisprudences -Cour européenne, Conseil constitutionnel, Cour de Cassation- l'édifice se fissure. On colmate les brèches, en attendant une réforme plus que jamais nécessaire. Je comprends les contraintes du calendrier politique, la priorité donnée à la réduction des déficits, mais il faut être conscient de l'urgence qu'il y a à réformer notre procédure pénale. ( Marques d'approbation ).

Le Conseil constitutionnel nous accorde un délai, jusqu'au au 1 er janvier 2011, mais sur le terrain, dans les juridictions, c'est le cafouillage complet ! On en revient toujours au statut du parquet. Le principe de la légalité des poursuites est à mon sens illusoire. Le problème est celui de la nomination des membres du parquet, de leur carrière, pas de la présence d'une hiérarchie. La situation actuelle, qui découle de l'article 30 du code de procédure pénale, doit être maintenue : c'est un des fondements de notre République.

Quant aux droits de la défense dans le cadre de la garde à vue, c'est un autre débat.

M. Jean-Jacques Hyest , président . - Vous y reviendrez, puisque vous venez d'être nommé rapporteur sur ce texte !

M. François Zocchetto . - Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale maintient le contrôle du parquet sur la garde à vue : à titre personnel, j'estime que ce n'est pas recevable. Nombreux sont ceux qui souhaitent l'assistance de l'avocat le plus en amont possible. Ce sera un défi pour le barreau : il ne suffit pas d'en faire une question de principe, il faudra assurer une assistance effective, sur tout le territoire. Quant à l'audition libre, qui pose des problèmes pratiques, elle devra être réservée à certains cas.

M. Jean-Jacques Hyest , président . - Concentrer les locaux de garde à vue dans les zones faciles d'accès pour les avocats reviendrait à dépouiller la gendarmerie de l'enquête judiciaire ! Je suis réservé sur la délégation de police judiciaire, même si j'estime que cette dernière ne doit pas rendre de comptes au seul ministère de l'Intérieur.

Nous n'échapperons pas au débat sur l'unicité de corps des magistrats. Il faudra trancher cette question sans trop tarder.

M. Alain Anziani . - Je félicite les rapporteurs pour leur travail, qui associe clarté, précision et vision globale. Je regrette toutefois que le ministre de la Justice annonce abandonner la réforme de la procédure pénale, pourtant intrinsèquement liée à celle de la garde à vue...

Le rapport rompt avec le projet de la Chancellerie sur trois points. Sur l'audition libre, tout d'abord : la Chancellerie n'en limite pas la durée, et ne permet pas le recours à l'avocat. Sur l'autorité qui place en garde à vue, ensuite : l'officier de police judiciaire pour la Chancellerie, le juge judiciaire pour vous - ce qui pose la question des moyens. Sur le régime dérogatoire enfin : vous appliquez le droit commun, qui ne prévoit d'exception qu'en cas de « nécessité impérieuse de l'enquête ».

Enfin, prévoir, pour les affaires de terrorisme ou de criminalité organisée, que l'avocat est choisi sur une liste, éventuellement par le bâtonnier, permet d'assurer le droit à l'avocat sans s'exposer à certaines dérives.

M. Laurent Béteille . - Il faut tirer toutes les conséquences de la récente jurisprudence de la CEDH et du Conseil constitutionnel, qui sépare clairement magistrats du siège et du parquet : le parquet a l'autorité de poursuite, pas l'autorité judiciaire.

L'édifice actuel s'écroule : il faut réformer, en allant jusqu'au bout de la logique, pour éviter d'avoir à y revenir.

M. François Pillet . - Je me félicite de ce rapport, et je suis résolument optimiste. Votre mission « bicéphale » met un terme à des débats passionnels, souvent mensongers, et apporte de la sérénité. Il était vital de faire comprendre que c'est tout le code de procédure pénale qui doit être réformé ! Le ministre n'a pas dit qu'il évacuait la réforme, mais qu'elle serait abordée par fragments : ce n'est pas la même chose. Vous ouvrez des pistes de consensus. Il faut dire clairement que l'on revient enfin à un débat technique, débarrassé de scories idéologiques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - Ce rapport est très intéressant, mais prend le contre-pied de la position exprimée par le gouvernement et la majorité lors de l'examen de notre proposition de loi sur la garde à vue ! Si vous aviez eu une autre attitude à l'époque, le Sénat serait aujourd'hui à l'avant-garde sur ces sujets !

Nul ne sait ce qu'il va advenir du projet du gouvernement ; c'est regrettable. Je note que vous abandonnez l'idée de collégialité, instaurée dans la loi de 2003. Sur la garde à vue, nous nous retrouvons : oui à la présence de l'avocat, quel que soit le chef d'inculpation. Reste le problème de l'audition libre. À qui sera réservée la garde à vue ? Il aurait fallu prendre en compte la peine encourue. Enfin, vous n'abordez pas le sujet des mineurs, qui me tient à coeur.

Mme Alima Boumediene-Thiery . - Je ne reviens pas sur la question des moyens, ni sur l'indispensable indépendance du parquet.

Qu'en est-il des juridictions d'exception ? L'idée d'une délégation de police judiciaire me paraît dangereuse : il faut y regarder de plus près. Enfin, qui sera concerné par l'audition libre ? Quelles en seront les modalités, la durée ? Ne s'agit-il pas avant tout d'échapper aux conditions posées à la garde à vue ?

M. François Zocchetto , vice-président . - Nous n'allons pas ouvrir un trop large débat, mais les rapporteurs peuvent peut-être répondre brièvement.

M. Jean-Pierre Michel , co-rapporteur . - Madame Boumediene-Thiery, nous avons fixé de grandes orientations, sans rentrer dans le détail de l'avant-projet de loi. En ce qui concerne l'audition libre, nous revenons sur ce que prévoit l'avant-projet.

Madame Borvo Cohen-Seat, j'étais initialement favorable au maintien du juge d'instruction, et M. Lecerf et moi-même n'avions pas du tout les mêmes idées. Nous avons travaillé ensemble, entendu des gens très divers : les syndicats, des magistrats, M me Mireille Delmas-Marty, M. Pierre Truche, ou encore M. Philippe Léger, qui s'est dit favorable à titre personnel à une modification du statut du parquet. Petit à petit, nous avons trouvé des terrains de consensus. M. Zocchetto sera en charge du rapport sur la garde à vue, mais on ne peut modifier la garde à vue sans que le reste ne suive... ( Marques d'approbation ).

Monsieur Béteille, à mon sens, la jurisprudence de la CEDH suppose que les parquetiers deviennent des magistrats. Je sais que ce n'est pas votre interprétation... Mais en faire des préfets judiciaires, c'est leur enlever toute prérogative judiciaire. Ce n'est pas l'option que nous avons retenue.

M. Jean-René Lecerf , co-rapporteur . - Je suis favorable à l'unité de corps des magistrats. Modifier le statut du parquet est une façon de préserver cette unité.

M. Jean-Jacques Hyest , président . - Je propose à la commission d'autoriser la publication de ce rapport, qui ne l'engage pas. Il contribuera utilement à la réflexion et au débat. J'ai toujours dit que l'on n'échapperait pas à une réforme du statut du parquet dès lors que l'on supprime le juge d'instruction...

La commission autorise la publication du rapport.

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