III. LA MULTIPLICATION DES CATASTROPHES NATURELLES ET TECHNOLOGIQUES

Les catastrophes naturelles et technologiques sont également des sources de désorganisation sociale majeure.

• les risques d'origine naturelle

Les risques d'origine naturelle sont devenus des facteurs de déstabilisation massive pour la population comme pour les pouvoirs publics.

La France, de par sa géographie, est confrontée à de nombreux risques naturels: les inondations, les séismes, les éruptions volcaniques, les mouvements de terrain, les avalanches, les feux de forêt, les cyclones et les tempêtes.

La récurrence d'événements majeurs et de gravité croissante s'est confirmée ces dernières années, en raison notamment de la densification de la population dans des zones à risques.

La tempête Xynthia est venue rappeler que la France compte environ 8 000 km de digues fluviales et plus de 1 000 km de digues et autres ouvrages de défense contre la mer. Elle a mis en évidence une fragilisation des barrières naturelles protégeant le littoral et de certains ouvrages qui ont cédé ou ont été submergés par la mer, inondant de vastes zones urbanisées.

La tempête Klaus avait montré combien les tempêtes pouvaient créer des dégâts durables. Le récent séisme à Haïti nous a rappelé quant à lui que les territoires des Antilles françaises situés sur une faille sismique étaient particulièrement exposés aux tremblements de terre.

Des légionnaires du 2° REG déblayent un cours d'eau dans un village de France suite à une inondation en 2002 4 ( * ) .

Ces risques sont variables selon les saisons et les régions. Ils sont recensés par les pouvoirs publics à travers de nombreux dispositifs d'alerte. Mais, malgré les mesures de prévention, les dispositifs de vigilance et d'alerte et la mobilisation des forces de secours, les expériences récentes montrent que ces catastrophes sont susceptibles de faire de nombreuses victimes dans des délais très courts.

Ainsi entre le dimanche 8 et le lundi 9 septembre 2002, des événements pluvieux se sont succédé sur les départements du Gard, de l'Hérault, du Vaucluse, des Bouches du Rhône, de l'Ardèche et de la Drôme entraînant la disparition de 23 personnes.

Dans la journée du 24 janvier 2009, la tempête Klaus a dévasté quatre régions (Aquitaine, Midi-Pyrénées, une partie du Languedoc-Roussillon et une partie du Poitou-Charentes) occasionnant 419 victimes dont 12 décédées. Plus de 1,7 million de foyers ont été privés d'électricité, des milliers de téléphone ; 1,2 à 1,4 milliard d'euros de pertes ont été constatées.

Plus récemment, le 16 juin 2010, le bilan des pluies torrentielles qui se sont abattues sur le Var est également lourd : 23 morts, 2 personnes disparues.

Les catastrophes naturelles exigent des réponses immédiates des pouvoirs publics afin de limiter les victimes et une intervention massive sur un périmètre limité pour prendre en charge l'ensemble des personnes touchées.

Ainsi, dans les départements frappées par la tempête Xynthia, sont intervenues quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS), 565 gendarmes et plus de 2 000 sapeurs-pompiers dont près de 500 venus d'autres départements. 37 000 interventions de secours ont permis de sauver 1 500 personnes, secourues et évacuées par les sapeurs-pompiers et les membres de la sécurité civile présents sur le terrain.

Les services du SAMU et des Urgences se sont mobilisés pour dispenser les soins médicaux et gérer l'évacuation des victimes dans le cadre du plan rouge vers les hôpitaux mobilisés pour l'événement. Plusieurs embarcations et nageurs de surface sont intervenus pendant les opérations. Enfin, soixante pompes ont été installées, représentant une capacité de pompage de 26 000 mètres cubes à l'heure, et constituant l'intégralité de la réserve nationale disponible.

Le lendemain de la tempête Klaus, le 23 janvier 2009, un millier de militaires ont été déployés, notamment dans les départements des Landes, du Gers et du Tarn-et-Garonne. Ils sont venus en aide aux services d'EDF et de France Télécom afin de libérer les accès permettant de réparer les réseaux électrique et téléphonique. Ils ont dégagé également les routes secondaires afin de désenclaver certaines communes isolées.

Plus de 17 000 personnes ont été mobilisées sur la zone.

- Plus de 4 000 sapeurs-pompiers;

- Plus de 1 400 militaires ;

- 600 personnes mobilisées par RTE (gestionnaire des lignes hautes tension) ;

- Plus de 6 100 personnes mobilisées par ERDF (gestionnaire du réseau local de distribution d'électricité) ;

- Plus de 2 000 personnes mobilisées par la SNCF ;

- Plus de 3 000 personnes mobilisées par France Télécom ;

Le nombre de jours/agent travaillés s'est élevé à 57 124 jours/agents pour les services de secours.

Si la France a été épargnée par des tempêtes de l'ampleur de celle de l'ouragan Katrina au sud des Etats-Unis en 2005 5 ( * ) , on ne peut exclure un tel scénario sur notre territoire dans des formes sans doute différentes.

Là encore, les moyens mis en oeuvre pour faire face à cette crise ont été considérables et insuffisants pour limiter le nombre important de victimes. En effet, malgré la mobilisation de 22 000 réservistes quatre jours après la catastrophe, de 50 000 une semaine après, en plus des 14 300 militaires déployés lors de la première semaine, il y eut 1 330 décès, 2 000 disparus, un million de déplacés.

Outre les tempêtes, la France peut être confrontée à des tremblements de terre de grande ampleur aussi bien dans les DOM-COM que sur le territoire métropolitain 6 ( * ) .

Si en France métropolitaine le risque sismique est certes "modéré", la situation est plus alarmante aux Antilles françaises, dans une zone de subduction où la plaque nord-américaine s'enfonce sous la plaque caraïbe. En 1839 et 1843, deux séismes d'une magnitude voisine de 8 avaient frappé la Martinique et la Guadeloupe, faisant respectivement 300 et 3 000 morts. Des simulations montrent que de tels événements feraient, aujourd'hui, plusieurs dizaines de milliers de victimes.

A l'activité tectonique s'ajoute, dans ces îles, la vulnérabilité des constructions, rarement aux normes parasismiques pour l'habitat individuel et souvent bâties sur des terrains instables. Malgré le « plan séisme Antilles » lancé en 2007, de très nombreux bâtiments publics scolaires, d'établissements de santé dont le CHU de Pointe-à-Pitre ne sont pas aux normes parasismiques.

En matière de risques naturels, le cas de la France est d'autant plus particulier du fait de ses départements et ses collectivités d'outre-mer. L'éloignement des DOM-COM de la métropole (7 000 km pour la Guyane, 8 000 km pour Mayotte, 18 300 km pour la Nouvelle-Calédonie) peut rendre en effet plus difficile une projection rapide de renforts, tant humains que matériels, et accroître les difficultés de gestion de la crise.

Là encore, la présence sur place de réservistes ayant une parfaite connaissance peut être un atout pour les secours.

• les risques technologiques et industriels

S'agissant des risques technologiques et industriels, l'impact d'une catastrophe serait d'autant plus profond que l'évolution démographique a entraîné des concentrations de population dans les zones urbaines, avec pour conséquence un risque d'augmentation du nombre de victimes et des difficultés majeures pour évacuer et porter assistance aux blessés.

Si contrairement au risque naturel, le risque d'occurrence d'une catastrophe technologique peut être réduit à la source par l'application stricte du régime des installations classées, de nombreux exemples de catastrophes industrielles en France montrent que ce type de risques ne peut être éliminé, comme en témoigne la récurrence des marées noires.

Ainsi le 12 décembre 1999, le pétrolier maltais Erika se brise au large des côtes du Finistère. Près de 400 km de côtes sont touchées. Cinq départements déclenchent leur plan Polmar-Terre. De même, le 19 novembre 2002, la rupture du pétrolier le Prestige provoque l'une des pires marées noires européennes.

Les marées noires, parce qu'elles exigent parallèlement à un travail de spécialistes la mobilisation d'effectifs très nombreux pour un travail de nettoyage minutieux encadré par des professionnels, constituent un scénario où les réservistes peuvent apporter un précieux renfort.

Il y a ensuite les catastrophes technologiques comme l'explosion d'AZF. Le 21 septembre 2001, une forte détonation retentit à Toulouse sur le site de l'usine de la Grande-Paroisse. Le bilan fait état de 30 morts (21 personnes sur le site, 9 hors site), 2 242 personnes blessées, 8 000 personnes atteintes de stress aigu post traumatique, et des dégâts matériels très importants (12 000 familles à reloger, 7 000 personnes au chômage technique).

Le cas d'AZF illustre combien les catastrophes industrielles exigent des moyens exceptionnels immédiatement, mais également dans la durée.

Lors de l'explosion à Toulouse, 25 médecins du service médical d'urgence (SAMU) de Haute-Garonne et de nombreux assistants sont mobilisés dès les premières heures pour les premiers soins; les SAMU d'autres départements (Ariège, Aude, Pyrénées Atlantiques, Tarn-et-Garonne) ont été associés au dispositif. Soixante médecins toulousains en stage de médecine d'urgence à Paris ont été rapatriés par moyens militaires dans l'après-midi du 21 septembre. Les divers établissements du centre hospitalier universitaire, les cliniques privées de Toulouse et de son agglomération ont été à leur niveau maximal d'activité pendant cette période, et seuls quatorze blessés ont été hospitalisés hors du département de la Haute-Garonne.

Parmi les sapeurs-pompiers et unités de la sécurité civile : 1 430 personnes ont été mobilisées pendant les 6 premiers jours, dont 460 pompiers de Haute-Garonne, 620 sapeurs-pompiers d'autres départements et 350 militaires des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC).

Pendant les quinze premiers jours suivant l'explosion, 600 hommes et femmes de la Police nationale étaient quotidiennement mobilisés. Outre leurs missions traditionnelles, leur travail a consisté à interdire les sites sinistrés pour des raisons de sécurité, faire échec aux pillages, mettre en place des gardes statiques pour protéger des sites détruits, assurer l'ordre pendant la remise des aides financières aux sinistrés.

Avec les effectifs de la Sécurité publique, 13 compagnies des compagnies républicaines de sécurité (CRS) se sont relayées depuis le début de la catastrophe, jusqu'au 3 octobre. Elles participaient également à la surveillance des sites sinistrés. Au niveau de la gendarmerie, 350 gendarmes ainsi qu'un escadron de gendarmerie mobile ont été mobilisés. Leurs missions ont consisté à gérer la circulation des renforts et des convois sanitaires, assurer les escortes des autorités se rendant sur le site, rechercher des renseignements avec trois hélicoptères, sécuriser les zones sinistrées.

Par la suite, la présence quotidienne de 50 gendarmes relevant du groupement de Haute-Garonne a permis d'assurer la sécurisation des locaux sinistrés, et les escortes ponctuelles de produits chimiques en complément des missions assurées par la Police nationale.

Sur les 13 jours qui ont suivi la catastrophe, l'armée a fourni un renfort d'une moyenne de 75 militaires par jour, l'effectif s'étant porté à 150 hommes sur le terrain au plus fort des besoins.

Les crises majeures, qu'elles soient d'origine intentionnelle ou non, peuvent affecter des populations entières, notamment dans les DOM-COM en raison de leurs caractéristiques géographiques. Elles peuvent occasionner des déplacements massifs de population, organisés ou spontanés. Les exemples récents en ont donné un ordre de grandeur (plusieurs dizaines et parfois centaines de milliers de personnes).

Les questions posées par l'évacuation des populations et ses conséquences, en termes de prise en charge des victimes, sont aujourd'hui, d'après le Livre blanc sur la Défense, très insuffisamment traitées. Une chose est sûre, ces déplacements, pour qu'ils se passent dans de bonnes conditions, doivent être encadrés. Cet encadrement nécessite la mobilisation de très nombreux effectifs. Là encore, l'existence d'effectifs de réserve encadrés et formés peut constituer un renfort précieux.

En conclusion, par ses effets, une catastrophe de grande ampleur affectant des centaines de milliers, voire quelques millions de personnes, devrait être prise en charge dans le temps :

- immédiatement, du fait de la mise en danger des personnes et de la destruction des biens et infrastructures ;

- à bref délai, du fait de conséquences potentielles en matière d'ordre public et liées à la précarité des situations et à la tentation du pillage ;

- par ses conséquences sanitaires : maladies liées à la pollution engendrée par un accident technologique, ou provoquées par la forte dégradation de l'environnement naturel rendu insalubre par la catastrophe ;

- par ses conséquences économiques et sociales : désorganisation de la vie collective de millions de personnes en termes d'emplois, de transports, d'activité économique et de cohésion sociale; évacuations massives de population, organisées ou spontanées, nécessitant au minimum l'accueil et l'hébergement d'urgence ;

- par ses conséquences environnementales : pollution de zones étendues par des produits à la toxicité avérée, insalubrité persistante, avec la difficulté de garantir à terme l'innocuité des zones et bâtiments touchés.

Dans tous ces scénarios, la présence de réservistes militaires ou civils formés peut constituer un atout pour accroître la résilience des pouvoirs publics et leur capacité à prendre en charge la situation.


* 4 (c) CC1 Jean-Jacques CHATARD / SIRPA TERRE

* 5 L'ouragan Katrina est un des ouragans les plus puissants à avoir frappé les États-Unis et surtout l'un des plus étendus avec un rayon de plus de 650 km dont 190 de vents de force cyclonique et 340 de tempête tropicale. Il a atteint les côtes à proximité de La Nouvelle-Orléans et de Biloxi le 29 août 2005. Son oeil est large de 40 kilomètres et ses vents ont pu atteindre 280 km/h. Katrina a plongé la Louisiane et La Nouvelle-Orléans dans la désolation et provoqué la mort de 1 836 personnes.

* 6 Une simulation, réalisée par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), présentée, le 7 juillet 2010, au Sénat, devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), montre sur la base de données scientifiques récentes la possibilité de séismes de magnitude 6 à 6,5 notamment dans le sud de la France. Dans cette simulation à partir d'un séisme dont l'épicentre serait situé à 2 km au sud de Menton, dans les Alpes-Maritimes, à 7 km de profondeur : les routes sont coupées par des glissements de terrain sur un rayon de 50 km, désorganisant les secours, le trafic ferroviaire est paralysé, les réseaux d'électricité et de gaz hors service. Un tsunami s'abat sur le littoral, rendant les ports inutilisables. Le bilan serait lourd : 1 500 morts, 7 000 blessés et 15 000 sans-abri en France, à Monaco et en Italie.

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