CONCLUSION : FACILITER L'ENGAGEMENT DES RÉSERVISTES EN CAS DE CRISE MAJEURE SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

Le bilan de la participation des réserves aux différentes crises récentes, l'état des lieux établi sur chacune des réserves, l'examen du cadre juridique d'emploi de ces dernières et la comparaison avec les différents dispositifs étrangers ont conduit la mission à faire trois séries de recommandations.

La première série de recommandations concerne naturellement l'emploi des réserves en temps de crise.

I. FACILITER LA MOBILISATION DES RÉSERVISTES EN CAS DE CRISE

A. MIEUX IDENTIFIER LES RÉSERVISTES POUR MIEUX GÉRER LES ENGAGEMENTS MULTIPLES

La question des engagements multiples des réservistes souligne un manque de coordination qui s'avère pénalisant tant au niveau national que local.

Il n'existe pas actuellement d'instance à même d'assurer pleinement un rôle de collecte des informations sur les réservistes.

A l'échelon central, le passage en revue de l'ensemble des réserves a montré que chacune est dirigée et gérée au sein de son ministère d'origine par une structure ad hoc, service ou mission, mais elles ne communiquent pas entre elles, ne serait-ce que pour avoir une idée des effectifs en présence.

Ainsi les réserves du ministère de la défense sont-elles encore gérées par un délégué aux réserves dans chaque armée et, peut-être demain, par un délégué interarmées. Pour la police nationale, cette gestion est assurée par une mission nationale pour la réserve civile au sein de la direction générale de la police nationale. En ce qui concerne les réserves communales, cette responsabilité incombe à l'adjoint au maire compétent et au service communal chargé de la sécurité et des risques, ou encore au service environnement santé. Quant aux réserves sanitaires, c'est un comité ad hoc placé auprès du ministre de la santé qui en effectue le pilotage stratégique tandis que l'EPRUS gère, organise et mobilise les équipes de réserve.

En puisant dans le même vivier, le recrutement des actifs et des réservistes militaires et civils devrait naturellement conduire à des recoupements. La mutation des réserves militaires et l'émergence de réserves civiles semblent tout aussi naturellement imposer une coordination, ne serait-ce que pour avoir une vision d'ensemble des effectifs, des compétences, de leur localisation.

Comme le souligne la Cour des comptes « ce problème est par nature interministériel, parce qu'il concerne des agents d'autres ministères que la défense (ministère de l'intérieur notamment) et parce que la problématique couvre des activités vitales dont plusieurs ministères civils ont la responsabilité. » 108 ( * )

La mission estime que l'accent doit être mis davantage sur l'échelon territorial déconcentré, en charge de la gestion de crise.

Or à cet échelon, le préfet de zone ne dispose pas actuellement des moyens de connaître et de recenser les réservistes civils et militaires dont les services déconcentrés ou les collectivités locales pourraient avoir besoin en cas de crise majeure. Il n'a la connaissance des réserves sanitaires que par le biais de l'EPRUS et de celles de la police nationale par l'intermédiaire du Secrétariat général pour l'administration de la police nationale qu'il dirige.

Or, de part leur fonction, les préfets de zone sont les plus à même d'assurer le suivi des effectifs des réservistes et le recoupement des fichiers. Aux termes du décret n° 2010-224 du 4 mars 2010 qui redéfinit les pouvoirs du préfet de zone de défense et de sécurité, ce dernier : « prépare l'ensemble des mesures de prévention, de protection et de secours qu'exige la sauvegarde des personnes, des biens et de l'environnement », « est responsable de la coordination avec les autorités militaires des mesures de défense et de sécurité nationale », « assure la répartition, sur le territoire de la zone de défense et de sécurité, des moyens des services chargés de la sécurité intérieure et de la sécurité civile et des moyens des armées mis à disposition par voie de réquisition ou de concours » et «  coordonne la préparation des mesures concourant à la sécurité nationale ».

La mission estime qu'à ce titre les préfets de zone de défense doivent pouvoir connaître les effectifs des réservistes de leur zone de défense, être informés par les services en charge de la gestion de ces effectifs de la situation relative de leur zone afin qu'ils puissent s'impliquer dans l'effort de recrutement des volontaires.

Par ailleurs, la mission a constaté combien la connaissance par les gestionnaires des réserves des profils des réservistes était limitée. Au delà des cercles informels de réservistes rattachés à des unités particulières ou à des états-majors de zone dont le profil, la disponibilité et les compétences sont parfaitement connus, il n'existe pas de fichiers collectifs des disponibilités et des compétences suffisamment performants.

Comme l'a souligné, lors de son audition, M. Henri-Michel COMET 109 ( * ) , secrétaire général du ministère de l'intérieur : « Il n'existe pas encore de fichier centralisé afin d'identifier le métier et les compétences de chaque réserviste afin d'établir une priorité d'emploi dans la réserve. La connaissance des compétences des uns et des autres à l'intérieur de chaque réserve civile est capitale. Dans la durée, les compétences doivent se compléter, cela fait partie de l'organisation de la gestion de crise. »

La mission estime que la modernisation des systèmes d'information, d'administration et de gestion des armées, en général, et des logiciels de gestion des réservistes, en particulier, devrait prendre en compte ce besoin et y répondre à terme dans un cadre interministériel.

Elle préconise également d'établir, de fait ou éventuellement en droit, différentes catégories de volontaires selon leur disponibilité. Aujourd'hui chaque unité ou service a une idée des réservistes qui sont facilement disponibles et ceux qui ne sont pas en mesure de se mobiliser sans un préavis d'un mois. Cette différenciation pourrait être systématisée afin d'instaurer un suivi plus fin des réservistes et le cas échéant de proposer différentes formes d'engagement selon le profil et la disponibilité des réservistes.

Les nouvelles technologies rendent possible aujourd'hui une gestion des calendriers interactive, qui permettrait aux réservistes de déclarer des plages de disponibilité de façon souple. Sans se calquer sur les dispositifs des pompiers qui gèrent des effectifs de plusieurs centaines de milliers de pompiers volontaires avec des périodes d'astreintes, il est possible de s'inspirer de leur expérience, de celle des réservistes de la gendarmerie, avec l'envoi simultané de SMS, ou de l'EPRUS qui a créé un site internet dédié à ses réservistes pour mettre un place un dispositif plus précis sur les compétences disponibles et plus réactif, ne serait-ce que pour un nombre limité de réservistes volontaires.

La mission propose donc :

1) D'établir une procédure harmonisée d'identification des réservistes militaires et civils, de leurs profils et obligations, en intégrant dans les bases de données de gestion des réservistes un profil détaillé et actualisé des compétences des réservistes, de leur profession et de leurs obligations éventuelles en cas de crise.

2) D'établir un fichier centralisé de l'ensemble des réservistes au niveau central et au niveau de chaque zone de défense en créant une base de données nationale des réservistes militaires et civils par recoupement des bases de métier afin de croiser les données. Cette base accessible au niveau des zones de défenses devrait être interfacée avec les bases de données de gestion des réservistes afin d'éviter les doubles saisies et rendre automatiques les mises à jour.

3) D'étudier l'opportunité et la possibilité pour un certain nombre de réservistes volontaires d'avoir une gestion plus interactive de leur disponibilité afin d'avoir au sein de la réserve un sous-ensemble de volontaires sur lequel les pouvoirs publics pourraient compter dans des délais rapprochés.


* 108 Rapport de la Cour des comptes, crédits de la réserve militaire, juin 2010

* 109 Cf Audition de M. Henri-Michel COMET, Secrétaire général du Ministère de l'Intérieur, Haut fonctionnaire de défense et du Préfet Yann JOUNOT, Haut fonctionnaire de défense adjoint Directeur de la Direction de la Planification de Sécurité Nationale (DPSN) le 31 mars 2010, annexe 1 page 253

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