Rapport d'information n° 518 (2010-2011) de MM. Jean-Jacques HYEST , Alain ANZIANI , Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT , MM. Pierre-Yves COLLOMBAT , Yves DÉTRAIGNE , Mme Anne-Marie ESCOFFIER et M. Jean-Pierre VIAL , fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 mai 2011

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N° 518

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) par le groupe de travail sur les conflits d' intérêts (2) ,

Par MM. Jean-Jacques HYEST, Alain ANZIANI, Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Yves DÉTRAIGNE, Mme Anne-Marie ESCOFFIER et M. Jean-Pierre VIAL,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. Yves Détraigne , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mme Jacqueline Gourault, Mlle Sophie Joissains, Mme Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung, François Zocchetto.

(2) Ce groupe de travail est composé de : MM. Jean-Jacques Hyest, Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteurs .

LES 40 RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
SUR LES CONFLITS D'INTÉRÊTS

A. Une définition des conflits d'intérêts adaptée aux missions des parlementaires

Proposition n° 1 - Définir les conflits d'intérêts pour un parlementaire de la façon suivante : « Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un parlementaire détient des intérêts privés qui peuvent indûment influer sur la façon dont il s'acquitte des missions liées à son mandat, et le conduire ainsi à privilégier son intérêt particulier face à l'intérêt général. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d'intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes. »

Proposition n° 2 - Mettre en place, autant que faire se peut, des règles de déontologie communes aux parlementaires des deux Assemblées.

Proposition n° 3 - Redéfinir le délit de prise illégale d'intérêt comme le fait de privilégier « un intérêt personnel distinct de l'intérêt général ».

B. Créer des déclarations d'intérêts pour assurer la transparence des engagements des parlementaires

Proposition n° 4 - Soumettre l'ensemble des parlementaires à l'obligation de souscrire une déclaration d'intérêts.

Proposition n° 5 - Utiliser les déclarations d'intérêts des parlementaires pour éviter la nomination comme rapporteur d'une personne ayant des intérêts dans le secteur concerné par le texte.

Proposition n° 6 - Utiliser un système de « réserves » pour éviter les conflits d'intérêts créés par les intérêts des « proches » des parlementaires.

Proposition n° 7 - Ne pas instaurer une « obligation de déport » ex ante , par laquelle l'autorité en charge de la déontologie pour une Assemblée pourrait interdire préventivement à un parlementaire de participer aux débats et au vote sur un texte.

Proposition n° 8 - Mettre en place une exigence générale de sincérité des déclarations d'intérêts.

Proposition n° 9 - Permettre à l'autorité en charge de la prévention des conflits d'intérêts de demander des éclaircissements si elle considère que l'exigence de sincérité de la déclaration d'intérêts n'a pas été respectée.

Proposition n° 10 - Limiter le champ de la déclaration d'intérêts aux intérêts matériels des parlementaires, à l'exclusion de leurs intérêts moraux.

Proposition n° 11 - Prévoir que les parlementaires déclarent en priorité leurs intérêts professionnels et financiers.

Proposition n° 12 - Retracer, au sein de la déclaration d'intérêts, le montant précis des rémunérations de toutes natures perçues au titre d'une activité accessoire au mandat parlementaire.

Proposition n° 13 - Tenir compte, pour la souscription de la déclaration d'intérêts, des intérêts détenus pendant les trois ans qui précèdent le début du mandat.

Proposition n° 14 - Intégrer les intérêts des « proches » des parlementaires (et notamment ceux de leur conjoint, de leurs ascendants et de leurs descendants) à la déclaration d'intérêts de ces derniers.

Proposition n° 15 - Prévoir une actualisation obligatoire de la déclaration d'intérêts à mi-mandat ; adresser un document proposant d'opérer des « mises à jour » chaque année aux parlementaires.

Proposition n° 16 - Permettre à chaque parlementaire de saisir l'autorité en charge de la déontologie de son Assemblée afin qu'elle vérifie les intérêts détenus par ses collègues.

Proposition n° 17 - Rendre anonymes les données relatives aux proches des parlementaires lors de la communication d'éléments de leur déclaration d'intérêts à un autre parlementaire.

Proposition n° 18 - Supprimer la déclaration d'activités, à laquelle la déclaration d'intérêts se substituerait.

C. Une autorité de déontologie ouverte sur l'extérieur

Proposition n° 19 - Prévoir que l'autorité en charge de la déontologie pour le Sénat sera composée exclusivement de sénateurs, assistés par un magistrat de l'ordre judiciaire, élu au sein de la Cour de cassation par les magistrats du siège de cette Cour et ayant notamment pour mission de saisir le parquet des éventuels manquements pénaux.

Proposition n° 20 - Prévoir que l'autorité en charge de la déontologie pour le Sénat peut se prononcer sur saisine du Président du Sénat, de chacun des membres du Bureau ou sur autosaisine.

Proposition n° 21 - Composer l'autorité en charge de la déontologie de manière pluraliste, en dotant chaque groupe politique d'au moins un représentant en son sein.

Proposition n° 22 - Retenir la règle de la majorité qualifiée pour la prise de décisions par les membres de l'autorité de déontologie du Sénat.

Proposition n° 23 - Doter l'autorité en charge de la prévention des conflits d'intérêts au Sénat :

- de pouvoirs d'investigation et de contrôle ;

- du pouvoir de saisir le parquet ;

- du pouvoir de donner un avis sur les incompatibilités ;

- d'un rôle général de conseil  aux sénateurs.

Proposition n° 24 - Préserver la compétence exclusive du Bureau en matière disciplinaire.

D. Étendre les incompatibilités parlementaires pour mieux prévenir les conflits d'intérêts

Proposition n° 25 - Rendre l'exercice de fonctions de conseil nouvelles incompatibles avec le mandat parlementaire, même lorsque ces fonctions sont exercées dans le cadre d'une profession réglementée.

Proposition n° 26 - Rendre les fonctions de professeur associé, de maître de conférences et de maître de conférences associé compatibles avec le mandat parlementaire.

Proposition n° 27 - Rendre la présidence d'un syndicat professionnel incompatible avec le mandat parlementaire.

Proposition n° 28 - Rendre l'exercice de fonctions de direction, d'administration ou de surveillance dans des entreprises percevant des subventions d'un État étranger incompatibles avec le mandat parlementaire.

Proposition n° 29 - Rendre l'exercice de fonctions de direction, d'administration ou de surveillance dans des sociétés-mères des sociétés visées par le code électoral incompatibles avec le mandat parlementaire.

Proposition n° 30 - Plafonner à la moitié de l'indemnité parlementaire, le montant des rémunérations perçues par les parlementaires au titre d'une activité professionnelle accessoire.

E. Mieux encadrer les relations entre les parlementaires et les entités extérieures aux Assemblées

Proposition n° 31 - Mettre en place une déclaration de dons et d'avantages en nature, souscrite par les sénateurs pour tous les concours dont le montant dépasse 150 euros.

Proposition n° 32 - Exempter les cadeaux d'usage et les cadeaux offerts par des « proches » de l'obligation de déclaration.

Proposition n° 33 - Appliquer les règles de publicité, de contrôle et de conservation prévues pour les déclarations d'intérêts aux déclarations de dons et d'avantages en nature.

Proposition n° 34 - Encadrer la présence des sénateurs dans des groupes de travail ou des colloques à financement privé.

Proposition n° 35 - Renforcer les incompatibilités professionnelles pour les assistants parlementaires.

Proposition n° 36 - Dégager une définition des organismes extra-parlementaires afin d'établir les critères constitutifs pour en diminuer le nombre.

Proposition n° 37 - Limiter les indemnités que peuvent percevoir les parlementaires au titre de leur activité au sein d'un organisme extra-parlementaire au seul défraiement des dépenses engagées pour participer aux travaux de l'organe.

Proposition n° 38 - Inclure dans le plafond prévu pour les rémunérations accessoires les indemnités perçues par les parlementaires au titre de leur activité dans un organisme extra-parlementaire.

F. Garantir l'effectivité des sanctions

Proposition n° 39 - Sanctionner les parlementaires qui :

- n'auraient pas déposé une déclaration d'intérêts ;

- auraient déposé une déclaration d'intérêts mensongère ;

- n'auraient pas répondu aux demandes d'éclaircissements formulées par l'autorité en charge des conflits d'intérêts ;

- n'auraient pas respecté une observation ou une recommandation de cette autorité ;

- se seraient placés en situation de conflit d'intérêts « réel » grave.

Proposition n° 40 - Autoriser le Bureau à prononcer tous les types de sanctions disciplinaires prévues par le Règlement du Sénat pour sanctionner les sénateurs ayant contrevenu à leurs obligations déontologiques.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Créé le 9 novembre 2010 en réponse à une demande du Bureau du Sénat, le groupe de travail sur les conflits d'intérêts a été chargé de dégager des modalités de prévention et de gestion des conflits d'intérêts pour les membres du Parlement.

En effet, après le lancement des travaux de la Commission pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé et qui avait pour but de formuler des propositions afin de renforcer la déontologie des membres du gouvernement et des personnes rattachées au pouvoir exécutif (notamment les hauts fonctionnaires), les deux Assemblées ont estimé nécessaire de mettre en place, chacune en son sein, des groupes de travail en vue de conduire une réflexion autonome et adaptée aux spécificités du Parlement sur la problématique des conflits d'intérêts. Si l'Assemblée nationale a souhaité que ce groupe de travail soit rattaché au Bureau, la Haute Assemblée a quant à elle voulu que ces travaux soient menés par votre commission des lois -ce qui lui a semblé susceptible de garantir que les recommandations retenues par le Sénat aient une traduction législative rapide.

La réflexion de votre commission s'inscrit donc dans un contexte où les conflits d'intérêts ont fait l'objet, depuis quelques mois, de toute l'attention du public et de la presse, et où ils ont conduit à des prises de position aussi nombreuses que variées. En plus des ouvrages rédigés par des journalistes, des intellectuels ou des responsables publics, d'importants travaux ont été menés par les pouvoirs publics : pour le pouvoir exécutif, le rapport de la Commission « Sauvé » a été remis au Président de la République le 26 janvier dernier ; au sein de l'Assemblée nationale, une décision du Bureau du 6 avril 2011, adossée à un code de déontologie, mènera dès juin 2012 à la nomination d'un « déontologue » ; enfin, à l'intérieur du Sénat, le Comité de déontologie présidé par notre excellent collègue Robert Badinter avait, bien avant que la presse ne s'intéresse à la question des conflits d'intérêts, débattu de la mise en place de « bonnes pratiques » en matière de déontologie et s'était interrogé sur les carences des incompatibilités parlementaires.

Bien que le groupe de travail ait élaboré ses propositions de manière indépendante et qu'il n'ait souhaité s'inscrire ni en continuité, ni en opposition vis-à-vis des travaux menés par d'autres, force est de constater que ces travaux ont souvent été une source de débats pour vos co-rapporteurs et qu'ils lui ont, ce faisant, permis d'enrichir et d'affiner ses recommandations.

Le premier constat auquel sont parvenus les membres du groupe de travail est que les conflits d'intérêts, loin d'être un problème spécifique au monde politique ou même à la sphère publique, sont potentiellement présents dans n'importe quel secteur où il existe un intérêt collectif.

L'émergence d'un conflit d'intérêts est possible dès lors que plusieurs intérêts distincts coexistent. Or, cette multiplicité d'intérêts est inhérente à la vie de chaque individu puisque toute personne, bien que détentrice d'intérêts privés (familiaux, financiers, patrimoniaux, etc.), doit également, dans le cadre des fonctions qu'elle exerce -et quelle que soit la nature de ces fonctions- être porteuse d'intérêts collectifs (à savoir ceux de l'entreprise qui l'emploie ou de l'institution à laquelle elle appartient). Toute contradiction entre ces intérêts, même si elle ne conduit pas l'individu à adopter une conduite frauduleuse, est constitutive d'un conflit d'intérêts : on conçoit donc à quel point cette notion est vaste, et combien les situations de conflit d'intérêts peuvent être diverses et fréquentes.

Ainsi, force est de constater que la notion de « conflit d'intérêts » inclut des situations très hétérogènes, allant des plus bénignes aux plus lourdes, et qu'elle ne fait pas l'objet d'une définition précise dans la doctrine (et encore moins en droit). Il existe ainsi plusieurs types de conflits d'intérêts, dont la gravité est extrêmement inégale : on distingue, à cet égard, le conflit d'intérêts « réel » (c'est-à-dire le cas où une personne a effectivement fait primer son intérêt privé sur un intérêt collectif, au détriment de ce dernier -ce qui peut d'ores et déjà, sous certaines conditions, être réprimé en France au titre de la législation pénale) du conflit d'intérêts « apparent » (où une personne paraît avoir fait primé son intérêt personnel, mais où cette apparence ne se traduit pas par des faits tangibles) et du conflit d'intérêts « potentiel » (où l'intérêt privé d'une personne s'oppose à l'intérêt collectif qu'elle doit défendre par ailleurs, sans que cette opposition ait poussé la personne en cause à privilégier son intérêt individuel).

Originaire des pays anglo-saxons et profondément liée à la « théorie des apparences », la notion de conflit d'intérêts s'acclimate en fait difficilement au contexte juridique et philosophique français.

D'une part, pour le juriste, elle met à mal la conception française de la norme, incarnée par l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et selon laquelle « tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché » : cette conception légaliste implique l'existence d'une ligne de partage stricte et imperméable entre le domaine pénal, dans lequel la norme a vocation à prohiber les actions qui sont effectivement et directement nuisibles à la société -et qui peuvent seules faire l'objet de sanctions-, et le domaine déontologique, qui relève du non-pénal et qui peut au mieux donner lieu à des sanctions symboliques. Les conflits d'intérêts, qui se placent dans une « zone grise » entre le pénal et le non-pénal, imposent donc une remise en cause de cette conception : leur prise en compte impliquera de sanctionner des faits qui, bien qu'ils confinent à des infractions pénales (corruption et trafic d'influence, notamment) sont clairement distincts de ces mêmes infractions et n'impliquent ni un comportement frauduleux, ni une intention coupable.

D'autre part, du point de vue de la philosophie politique, la notion de conflit d'intérêts s'inscrit difficilement dans la vision française de l'intérêt général, portée par une conception élitiste du pouvoir : en posant que l'intérêt général est distinct de la somme des intérêts particuliers, la France a fait de celui-ci un concept transcendant. L'intérêt général est ainsi conçu comme étant inviolable et suppose, presque par hypothèse, des dirigeants vertueux et prompts à sacrifier leur intérêt personnel si celui-ci entre en contradiction avec l'intérêt général.

L'intégration des conflits d'intérêts au droit français implique donc un véritable changement de culture, et non pas seulement un changement de règles. Ce changement de culture, pour complexe qu'il soit à mettre en place, est une impérieuse nécessité : les conflits d'intérêts prennent en effet un degré de gravité inacceptable lorsque l'intérêt auquel s'oppose l'intérêt individuel est non pas celui d'une entité privée, mais l'intérêt général -et que, ce faisant, ils portent atteinte à la confiance des citoyens en ceux qui sont chargés de les représenter.

Dans ce cadre, vos co-rapporteurs soulignent qu'il serait illusoire de prétendre que les réformes qui seront mises en oeuvre au sein des institutions publiques seront suffisantes pour éviter l'apparition de nouveaux scandales et pour garantir que l'ensemble des acteurs publics soient probes et intègres. L'expérience des États étrangers démontre d'ailleurs -s'il en était besoin- qu'en matière de déontologie, la loi peut toujours être contournée et qu'aucune norme, aussi rigoureuse soit-elle, ne peut interdire l'émergence de conflits d'intérêts réels.

Néanmoins, pour paraphraser l'écrivain Albert Camus, vos co-rapporteurs sont donc convaincus que, contre ceux qui n'ont pas de principes, il faut avoir des règles.

En conséquence, il a semblé essentiel à vos co-rapporteurs de trouver des mécanismes qui, tout en permettant de prévenir effectivement les conflits d'intérêts et tout en concourant à l'apparition de la nouvelle culture de la déontologie qu'ils appellent de leurs voeux, ne transforment pas les acteurs publics en suspects permanents qui seraient tenus à une transparence totale. Le contrôle de la probité des membres du Parlement, qui est indispensable et qui sera à terme un gage d'approfondissement de la démocratie, ne doit pas basculer dans un voyeurisme qui serait à l'inverse un facteur d'affaiblissement de la dignité et de la légitimité des représentants du peuple. Ainsi, le devoir d'exemplarité des responsables publics, s'il doit être réaffirmé et conforté, ne doit pas mener à une intrusion constante et malsaine qui les priverait du droit de voir, comme les autres citoyens, leur vie privée respectée.

Le sujet des conflits d'intérêts, tant par son importance que par son caractère sensible, imposait au Sénat de mener une réflexion consensuelle qui se détache des clivages partisans. Pour ce faire, votre commission des lois a nommé sept co-rapporteurs, représentant tous les groupes politiques constitués au sein de la Haute Assemblée et comprenant deux représentants de chacun des deux groupes qui comprennent le plus de membres (le groupe de l'Union pour un mouvement populaire et le groupe socialiste). Elle a également chargé son président, M. Jean-Jacques Hyest, de présider le groupe de travail.

Fort de sa composition pluraliste, le groupe de travail a mené, en son sein, de très nombreux débats qui ont permis à chacun de préciser son opinion et qui ont permis l'émergence, sur la plupart des sujets, d'un consensus entre la majorité des membres du groupe -voire, dans certains cas, entre tous les membres du groupe, sans exception.

Afin d'avoir une vision complète du problème des conflits d'intérêts, vos co-rapporteurs avaient souhaité entendre des acteurs nombreux et variés. Professeurs de droit, représentants de professions particulièrement concernées par les conflits d'intérêts, porte-paroles d'associations ou d'organisations non-gouvernementales attachées à promouvoir la déontologie dans la sphère publique, etc. : chacune des 47 personnes entendues par le groupe de travail, en donnant un éclairage particulier sur la question des conflits d'intérêts, a contribué à élargir et à nourrir la réflexion de vos co-rapporteurs.

Ces auditions ont d'ailleurs incité les membres du groupe de travail à s'intéresser non seulement aux conflits d'intérêts stricto sensu , mais aussi à des thèmes connexes (comme les incompatibilités parlementaires, l'influence des lobbies ou encore les infractions pénales comparables à certaines formes de conflit d'intérêts) : les propositions qui figurent dans le présent rapport, plus encore qu'à prévenir les conflits d'intérêts, visent donc à renforcer, de manière globale, la déontologie des membres du Parlement.

I. LA PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS POUR LES PARLEMENTAIRES

Si les régimes de prévention des conflits d'intérêts demeurent rares et marginaux en France, où prime une culture de la répression, force est de constater que le Parlement fait exception à cette règle et qu'il s'est, depuis les débuts de la République, doté d'outils essentiellement préventifs afin de préserver la probité de ses membres.

Ainsi, le seul outil répressif des conflits d'intérêts auquel sont soumis les parlementaires est le dispositif prévu à l'article 432-12 du code pénal de prise illégale d'intérêt, qui ne leur est pas spécifique, et qui est d'une faible utilisation à leur égard.

Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « la Loi est l'expression de la volonté générale ». Dans la conception française du régime parlementaire, on postule donc que le législateur a pour vocation d'incarner l'intérêt général et ne saurait représenter des intérêts particuliers. Cette vocation justifie le régime des immunités parlementaires -inviolabilité et irresponsabilité- figurant à l'article 26 de la Constitution qui protège la personne, la parole et le vote des membres du Parlement, et qui interdit que les membres du Parlement puissent être poursuivis ou jugés en raison des opinions ou des votes émis dans le cadre de leur mandat. Ces dispositions rendent difficile toute répression (au moins pénale) des conflits d'intérêts pour les parlementaires 1 ( * ) , et ont conduit à la mise en place d'un régime préventif de gestion de ces conflits .

Ainsi, pour garantir la poursuite de l'intérêt général, des règles tant législatives qu'internes aux assemblées ont été instituées pour protéger les parlementaires des intérêts particuliers, de sorte qu'elles ont pour effet de prévenir les conflits d'intérêts, alors même que cette notion n'existait pas le plus souvent lorsqu'elles ont été conçues. Qu'il s'agisse d'incompatibilités parlementaires ou d'obligations déclaratives, ou encore en raison de leur statut matériel, les membres des assemblées sont préservés par la loi du risque de se trouver en situation de dépendre ou d'être sous l'influence d'intérêts privés.

A. LA PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊT : UN OUTIL RÉPRESSIF PEU UTILISÉ À L'ENCONTRE DES PARLEMENTAIRES

Le délit de prise illégale d'intérêt apparaît comme le pivot de l'ensemble des dispositifs de répression des conflits d'intérêts en France et s'applique à l'ensemble des acteurs concourant à l'exercice de la puissance publique. C'est d'ailleurs par le biais de ce délit qu'est prise en compte la notion de conflit d'intérêts, qui ne fait par ailleurs l'objet d'aucune définition juridique. Définie dès 1810 sous le nom de délit d'ingérence 2 ( * ) , la prise illégale d'intérêt figure aujourd'hui sous sa forme moderne à l'article 432-12 du code pénal. Pourtant, force est de constater que son utilisation est rare, notamment à l'encontre des parlementaires.

Le premier alinéa de l'article 432-12 précité dispose que « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ».

Ainsi, trois catégories de personnes exerçant des fonctions publiques peuvent faire l'objet d'une condamnation au titre de la prise illégale d'intérêt :

- celles qui sont dépositaires de l'autorité publique, c'est-à-dire investies d'un pouvoir de contrainte ou de décision (fonctionnaires) ;

- celles qui sont chargées d'une mission de service public (collaborateurs de service public) ;

- enfin, celles qui sont investies d'un mandat électif public, aussi bien les élus locaux que les parlementaires.

Le délit de prise illégale d'intérêt n'est donc pas propre aux parlementaires mais concerne en réalité un ensemble d'acteurs concourant à l'exercice de la puissance publique.

La constitution d'un délit de prise illégale d'intérêt nécessite la réunion de deux conditions. Tout d'abord, la personne incriminée doit avoir, au moment de l'acte, la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement de l'affaire dans laquelle elle a pris un intérêt. Si les notions d'administration, de surveillance et de liquidation sont facilement identifiables, celle de surveillance a fait l'objet d'une jurisprudence abondante de la Cour de cassation qui en a donné une définition très large . La surveillance peut se réduire aux simples pouvoirs de préparation ou de proposition de décisions prises par d'autres 3 ( * ) . Le juge judiciaire estime également que la participation au vote d'un organe collectif vaut administration ou surveillance au sens de l'article 432-12 du code pénal, qu'il s'agisse d'un vote dans le cadre d'une délibération du conseil municipal 4 ( * ) , d'une commission permanente départementale 5 ( * ) ou d'une commission d'appel d'offres 6 ( * ) . Le juge a une interprétation identique en cas de participation de l'élu à la réunion de l'organe délibérant alors même qu'il reste en dehors de tout vote 7 ( * ) . Il apparaît ainsi que la fonction de la personne incriminée prime sur son comportement ou sa motivation dans l'affaire en question.

La deuxième condition exige que la personne concernée ait pris, obtenu ou conservé, un intérêt quelconque dans l'opération considérée. La notion « d'intérêt quelconque », particulièrement floue, est également à l'origine d'une jurisprudence abondante de la Cour de Cassation qui en a défini les trois critères constitutifs ; ainsi, l'intérêt :

- peut être matériel ou moral, direct ou indirect 8 ( * ) ;

- est pris en compte indépendamment de la recherche d'un gain ou de tout autre avantage personnel 9 ( * ) ;

- n'est pas nécessairement en contradiction avec l'intérêt local 10 ( * ) .

Dès lors, la prise illégale d'intérêt n'exige nullement une intention frauduleuse : l'intention coupable d'une personne disposant d'une fonction publique est caractérisée dès lors que l'acte a été accompli sciemment (Cass. Crim., 27 novembre 2002). Par ailleurs, la matérialité de la prise illégale d'intérêt est largement admise , puisqu'elle peut couvrir des hypothèses dans lesquelles l'intérêt pris ou conservé par les élus ne se manifeste pas par un enrichissement personnel et peut répondre à l'intérêt de la collectivité, comme le démontrent les décisions les plus récentes de la Cour de cassation.

Cass. Crim., 22 octobre 2008, Janine X., pourvoi n° 08-82068

Dans cette décision, la Cour de cassation a jugé que la participation d'élus aux délibérations et aux votes attribuant des subventions à des associations municipales ou intercommunales qu'ils président par ailleurs constitue un délit de prise illégale d'intérêt. Le fait que les élus n'en ont retiré aucun profit personnel (en l'espèce, ils ne perçoivent aucune rémunération à ce titre) et que l'intérêt pris et conservé n'est pas en contradiction avec l'intérêt communal (en l'espèce, l'insertion des jeunes des communes) est sans incidence sur la qualification du délit. Ainsi, « la prise illégale d'intérêt couvre donc non seulement le conflit d'intérêts, mais aussi la convergence d'intérêts » 11 ( * ) .

L'infraction est constituée par le seul fait qu'un élu local, en tant que président d'une association municipale ou intercommunale, détient un intérêt dans le fonctionnement de celle-ci. L'objectif poursuivi par le juge pénal est ainsi de veiller « à la neutralité des décisions d'attribution des subventions à ces associations », afin d'assurer « une probité exemplaire dans l'exercice des fonctions et des mandats publics locaux » 12 ( * ) .

Les peines encourues lors d'une condamnation au titre de la prise illégale d'intérêt s'élèvent à cinq ans d'emprisonnement et à une amende de 75 000 euros . Il convient de préciser que des peines complémentaires, prévues à l'article 432-17 du code pénal, peuvent être prononcées pour des atteintes à l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique 13 ( * ) .

Les dérogations applicables aux communes de moins de 3 500 habitants

Afin de prendre en compte la situation particulière des communes de moins de 3 500 habitants, le législateur a prévu des dérogations aux dispositions du premier alinéa de l'article 432-12 du code pénal, précisées aux alinéas 2 et suivants du même article.

Les cas de dérogations

Dans les communes de moins de 3 500 habitants, les maires, les adjoints et les conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec leur commune pour :

- des opérations mobilières ou immobilières ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel de 16 000 euros ;

- l'acquisition d'une parcelle d'un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou conclure des baux d'habitation avec la commune pour leur propre logement. Cet assouplissement est encadré par le respect de deux conditions : d'une part, le bien concerné doit avoir été estimé par le service des Domaines ; d'autre part, l'acte doit avoir été autorisé par une délibération motivée du conseil municipal ;

- l'acquisition d'un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle : là encore, cette dérogation est liée au respect de deux conditions : premièrement, le prix ne peut être inférieur à l'évaluation du service des Domaines ; deuxièmement, l'acte doit être autorisé, quelle que soit la valeur du bien, par une délibération motivée du conseil municipal, au même titre que l'acquisition d'une parcelle d'un lotissement communal pour y édifier une habitation personnelle.

L'encadrement de ces dérogations

Le législateur a prévu deux principes permettant d'encadrer l'application des dérogations précédemment décrites :

- la transparence des décisions motivées du conseil municipal, qui interdit la tenue des délibérations du conseil municipal à huis clos ;

- le retrait de l'élu intéressé lors de la délibération du conseil municipal consacrée à la décision dont il est partie. C'est pourquoi deux séries d'obligations incombent à la commune : ainsi, le conseil municipal doit désigner un autre de ses membres pour représenter la commune dans les contrats en question en remplacement du maire si son intérêt particulier est en opposition avec ceux de la commune (article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales) ; en outre, l'intéressé doit s'abstenir de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l'approbation du contrat. Le non-respect de ce garde-fou peut être un élément constitutif d'une prise illégale d'intérêt (Cass. Crim., 29 juin 2005).

Il convient toutefois de rappeler que le nombre de condamnations au titre de la prise illégale d'intérêt demeure modeste . En 2006, seules 51 condamnations ont été prononcées, 49 en 2007 et elles concernaient respectivement 19 et 10 élus ; ces condamnations ne comportaient d'ailleurs aucune sanction de prison ferme. Aucun parlementaire n'a été condamné ces dernières années à ce titre, dans le cadre de son mandat national 14 ( * ) .

Cependant, malgré la faiblesse du nombre de condamnations et du niveau des peines prononcées (emprisonnement avec sursis ou amendes modérées), le nombre de poursuites est en augmentation constante, au point qu'il devient aujourd'hui difficile de trouver des candidats à certaines élections locales, comme le constate notre collègue Anne-Marie Escoffier dans son rapport 15 ( * ) . La faiblesse du nombre de condamnations et, à l'inverse, l'importance du nombre de poursuites au titre de la prise illégale d'intérêt montrent également les limites des « vertus dissuasives » de ce délit , qui ne semble pas avoir d'impact positif sur la prévention des conflits d'intérêts.

C'est pourquoi le Sénat a adopté en première lecture et à l'unanimité une proposition de loi déposée par notre collègue M. Bernard Saugey 16 ( * ) , visant à préciser la définition de prise illégale d'intérêt, le 24 juin 2010, en la limitant aux situations dans lesquelles un élu privilégie un « intérêt personnel distinct de l'intérêt général ».

B. DES DISPOSITIFS DE PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS SPÉCIFIQUES AUX PARLEMENTAIRES

1. Le statut matériel du parlementaire, garantie de son indépendance financière

Apparue dès la Révolution, l'indemnité parlementaire constitue un dédommagement de l'impossibilité d'exercer normalement une activité professionnelle en pourvoyant aux besoins matériels du titulaire du mandat et de sa famille. Elle assure ainsi l'indépendance financière du parlementaire , qui n'a besoin pour vivre, en exerçant son mandat, ni d'une fortune personnelle ni de ressources extérieures. Dans un régime de suffrage universel, elle garantit l'accès de tous au mandat en permettant à chacun d'en vivre.

L'ordonnance organique n° 58-1210 du 13 décembre 1958 17 ( * ) établit le montant de l'indemnité parlementaire à la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé de la catégorie des fonctionnaires de l'État dite « hors échelle » ; s'y ajoute une indemnité de fonction égale au quart de l'indemnité parlementaire. L'ordonnance pose également des règles limitant le cumul de l'indemnité parlementaire avec d'autres revenus d'origine publique : elle prohibe le cumul avec toute rémunération publique -ce qui correspond à l'incompatibilité du mandat parlementaire avec toute fonction publique non élective 18 ( * ) -, elle autorise le cumul avec des pensions de retraite ainsi que les traitements afférents à la Légion d'honneur et à la médaille militaire. Depuis 1992, l'ordonnance encadre également le cumul entre des indemnités perçues au titre de mandats électifs locaux et l'indemnité parlementaire à une fois et demie le montant de cette dernière.

En plus des indemnités parlementaires et de fonction, les membres des deux Assemblées reçoivent une indemnité représentative de frais de mandat, ainsi que des indemnités propres à certaines fonctions exercées au sein de l'Assemblée.

Ainsi, n'ayant pas besoin de se procurer des revenus, le parlementaire n'a pas à se rendre dépendant d'intérêts privés qui pourraient lui en fournir. Il faut cependant noter que le mandat parlementaire n'est pas incompatible avec toute activité professionnelle , de sorte qu'un parlementaire peut exercer ou poursuivre des activités professionnelles privées dès lors qu'elles ne sont pas déclarées incompatibles (voir infra ).

De plus, il est interdit à tout parlementaire de faire état de sa qualité à des fins publicitaires au bénéfice d'une entreprise financière, industrielle ou commerciale (article L.O. 150 du code électoral), sous peine de six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende pour les dirigeants de la société 19 ( * ) et de la démission d'office pour le parlementaire, prononcée par le Conseil constitutionnel sur requête du Bureau de l'Assemblée concernée ou du garde des Sceaux (avant-dernier alinéa de l'article L.O. 151).

Enfin, l'article 12 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires dispose que les parlementaires ne peuvent être décorés de la Légion d'honneur, de la médaille militaire ou de quelque décoration que ce soit, sauf pour faits de guerre ou actions d'éclat assimilables. L'attribution d'une décoration relevant du pouvoir exécutif, cette interdiction préserve l'indépendance des parlementaires à son égard puisqu'ils ne peuvent chercher à en obtenir.

2. L'encadrement du financement des candidats et des partis politiques

Le droit français se distingue, par ailleurs, par un encadrement strict du financement des partis et groupements politiques et des campagnes électorales : la France est ainsi le seul pays d'Europe occidentale à avoir interdit tout financement de la vie politique par des personnes morales de droit privé, c'est-à-dire par des entreprises. Comme le soulignait le Service central de prévention de la corruption, cette prohibition vise principalement à « diminuer les risques de ploutocratie et prévenir l'instrumentalisation des campagnes électorales par des groupements économiques » 20 ( * ) : en ce sens, la législation française sur le financement de la vie publique est un instrument de prévention des conflits d'intérêts, puisqu'elle empêche que les candidats à une élection ou les partis politiques ne soient financièrement redevables envers des intérêts privés et que, une fois arrivés au pouvoir, ils ne cherchent à les favoriser de manière indue.

3. Des obligations déclaratives déjà fortes

Alors que certains proposent de mettre en place une obligation de dépôt d'une déclaration d'intérêts pour tous les détenteurs d'une fonction publique élective importante, il convient de rappeler que le code électoral impose déjà aux sénateurs comme aux députés deux types de déclarations, qui contribuent largement à la prévention des conflits d'intérêts.

a) Les déclarations de situation patrimoniale

Instituée en 1988 par la loi organique et la loi ordinaire du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique 21 ( * ) , la déclaration de patrimoine permet de s'assurer qu'un parlementaire ne s'est pas enrichi de façon illégitime au regard de ses revenus officiels, par l'examen de sa situation patrimoniale. Au-delà des seuls conflits d'intérêts, ces dispositions font partie de l'arsenal de lutte contre la corruption des élus et dirigeants publics .

L'article L.O. 135-1 du code électoral dispose que les députés, et en application de l'article L.O. 297 les sénateurs également, sont tenus de déposer une déclaration de situation patrimoniale au début et à la fin de leur mandat auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. L'article L.O. 128 sanctionne d'une inéligibilité d'un an l'absence de dépôt de la déclaration.

Il s'agit d'une « déclaration certifiée sur l'honneur exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant notamment la totalité de ses biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l'article 1538 du code civil ». Outre les biens propres du parlementaire, sont ainsi également visés les biens de la communauté des époux si le parlementaire est marié. L'évaluation des biens mentionnés dans la déclaration est faite « à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droit de mutation à titre gratuit ».

En pratique, une déclaration doit être déposée dans les deux mois qui suivent le début du mandat ; une nouvelle déclaration doit être déposée deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant la fin du mandat. Elle peut être accompagnée d'observations sur l'évolution du patrimoine. Pendant la durée de leur mandat, les membres du Parlement doivent également signaler toute modification substantielle de leur patrimoine, « chaque fois qu'ils le jugent utile ».

La Commission pour la transparence financière de la vie politique doit ainsi être en mesure d'apprécier l'existence éventuelle d'une évolution anormale ou inexpliquée du patrimoine d'un parlementaire au regard de ses activités et de ses revenus. Ce contrôle nécessite de pouvoir justifier de l'origine des éléments nouveaux de patrimoine et des éventuels revenus qui ont permis de les constituer, ce qui tend à dissuader tout enrichissement illégitime qui pourrait résulter de la dépendance à l'égard d'intérêts privés.

De plus, la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l'élection des députés et sénateurs prévoit de punir de 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, de l'interdiction des droits civiques et de l'interdiction d'exercer une fonction publique le fait d'établir une déclaration de situation patrimoniale mensongère, soit en omettant sciemment de déclarer une part substantielle du patrimoine, soit en fournissant une évaluation mensongère. Dans l'état actuel du droit, il n'existe pas de sanction en cas de déclaration mensongère, mais seulement en cas d'absence de dépôt de la déclaration. Une telle disposition permettrait de renforcer la rigueur de l'obligation déclarative et donc la capacité de contrôle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Les pouvoirs de la Commission pour la transparence financière de la vie politique

Créée en 1988, la Commission pour la transparence financière de la vie politique est aujourd'hui composée du vice-président du Conseil d'État, qui en assure la présidence, du premier président de la Cour de cassation et du premier président de la Cour des comptes, ainsi que de membres de ces trois institutions.

Les déclarations de situation patrimoniale des parlementaires sont déposées auprès de la Commission, qui reçoit également les déclarations établies par les autres élus ou dirigeants publics soumis à cette obligation.

Selon l'article L.O. 136 du code électoral, ces déclarations peuvent être transmises aux autorités judiciaires, à leur demande, « lorsque leur communication est nécessaire à la solution du litige ou utile pour la découverte de la vérité ».

En dehors de ce cas, seul le parlementaire ayant déposé la déclaration ou ses ayants-droit peuvent obtenir communication de cette déclaration. Le contrôle que vise à permettre cette obligation déclarative, à la charge de la Commission, ne nécessite pas la publicité des déclarations pour être efficace. La publication ou divulgation de tout ou partie des déclarations est d'ailleurs punie d'un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, au titre de l'atteinte à la vie privée (article 226-1 du code pénal).

En vertu du second alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, lorsqu'un parlementaire n'a pas déposé sa déclaration de patrimoine, la Commission saisit le Bureau de l'Assemblée concernée, lequel saisit le Conseil constitutionnel, qui constate l'inéligibilité prévue à l'article L.O. 128 et prononce la démission d'office du parlementaire. Cette situation ne s'est jamais produite depuis la mise en place de la législation sur la déclaration de situation patrimoniale.

Selon l'article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, il appartient à la Commission d'apprécier la variation de la situation patrimoniale entre le début et la fin du mandat, « telle qu'elle résulte des déclarations » et des observations des élus intéressés. Puisqu'il ne s'appuie aujourd'hui que sur les seules informations déclarées, ce contrôle devrait se trouver renforcé du fait de la sanction des déclarations mensongères, prévue par le projet de loi organique relatif à l'élection des députés et des sénateurs, tel qu'il a été adopté par le Sénat le 2 mars 2011, et de la mise en place d'un « droit de communication » permettant à la Commission de prendre connaissance des déclarations d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune souscrites par les assujettis -et donc de vérifier la sincérité et la véracité des données transmises par les déclarants.

b) La déclaration d'activités

Pour permettre l'application de la législation sur les incompatibilités concernant certaines activités professionnelles ou certaines fonctions (voir infra ), l'article L.O. 151 du code électoral dispose que tout parlementaire doit déposer sur le Bureau de l'assemblée dont il est membre, dans les trente jours suivant son entrée en fonction, une « déclaration certifiée sur l'honneur exacte et sincère comportant la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, qu'il envisage de conserver ou attestant qu'il n'en exerce aucune ». Cette déclaration n'est pas publique. Toute modification intervenant en cours de mandat doit être signalée dans les mêmes formes.

L'absence de dépôt de la déclaration d'activités est sanctionnée par la démission d'office, prononcée par le Conseil constitutionnel sur requête du Bureau de l'Assemblée concernée ou du garde des Sceaux. Il s'agit donc d'une sanction lourde et particulièrement dissuasive.

La déclaration d'activité exige ainsi de chaque parlementaire la transparence sur ses éventuelles activités professionnelles lucratives , sous le contrôle de ses pairs au sein du Bureau. A l'instar de la déclaration de situation patrimoniale, l'enjeu n'est pas la publicité de la déclaration vis-à-vis de l'opinion publique, mais la réalité du contrôle des informations qu'elle contient. La jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de contrôle des incompatibilités au vu des déclarations d'activité illustre bien la réalité de ce contrôle, le Conseil ayant rendu 28 décisions depuis 1958. De la sorte, un certain nombre de conflits d'intérêts, dans les cas prévus par la législation sur les incompatibilités, sont évités.

Le rôle des Bureaux en matière de contrôle
des déclarations d'activités et de patrimoine

En application de l'article L.O. 151 du code électoral, le Bureau de chaque Assemblée exerce un rôle en matière de résolution des incompatibilités avec certaines fonctions et activités : il examine les déclarations d'activités déposées en début de mandat par les membres de l'Assemblée , afin de s'assurer de leur compatibilité avec le mandat parlementaire. En cas de doute ou de contestation, le Bureau est tenu de saisir le Conseil constitutionnel 22 ( * ) , ce qui se produit régulièrement. Le garde des Sceaux et l'intéressé lui-même peuvent également saisir le Conseil constitutionnel.

Le Bureau de chaque Assemblée, qui exerce une forme de contrôle par les pairs des activités compatibles ou non, permet très vraisemblablement de dissuader ou d'empêcher l'exercice d'un certain nombre de fonctions ou d'activités incompatibles, sans nécessité de saisir le Conseil constitutionnel.

Lorsqu'un parlementaire ne dépose pas la déclaration d'activités dans le délai prévu, le Bureau de l'Assemblée concernée doit saisir le Conseil constitutionnel (avant-dernier alinéa de l'article L.O. 151 du code électoral).

Par ailleurs, lorsque la Commission pour la transparence financière de la vie politique lui signale qu'un parlementaire n'a pas déposé sa déclaration de situation patrimoniale, le Bureau de l'assemblée concernée doit aussi saisir le Conseil constitutionnel (second alinéa de l'article L.O. 136-1).

Ainsi, toute carence constatée dans les obligations déclaratives des parlementaires suppose l'intervention, certes sans marge d'appréciation, des Bureaux des Assemblées, aux fins de saisine du Conseil constitutionnel. Si le garde des Sceaux dispose aussi de cette compétence de saisine en lieu et place du Bureau, comme en matière d'incompatibilités, il ne l'exerce jamais : la saisine du garde des sceaux, à supposer qu'il soit informé de la situation, permet de s'assurer que le Bureau ne négligera pas de procéder lui-même à la saisine.

4. Les incompatibilités parlementaires : une prévention radicale des conflits d'intérêts

Le régime des incompatibilités parlementaires constitue le volet le plus strict et efficace des règles visant les parlementaires et s'apparentant à la prévention des conflits d'intérêts. En établissant des interdictions d'exercer certaines activités ou d'occuper certaines fonctions, les incompatibilités rendent impossible tout conflit d'intérêts dans de nombreux domaines . Elles garantissent ainsi l'indépendance du parlementaire à l'égard des intérêts privés et constituent donc des mesures particulièrement efficaces de protection de l'intérêt général qui doit guider la délibération parlementaire.

Cette protection est d'autant plus efficace que la sanction des incompatibilités est lourde : tout parlementaire se trouvant en situation d'incompatibilité et n'ayant pas renoncé aux fonctions incompatibles avec son mandat dans un délai de trente jours est déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel.

Dans son Traité de droit politique, électoral et parlementaire , Eugène Pierre expliquait, aux débuts de la III ème République :

« L'incompatibilité s'appuie sur le principe de la séparation des pouvoirs ; elle a pour but de garantir à l'électeur l'indépendance de l'élu ; l'inéligibilité relative a pour but de protéger l'électeur contre les tentatives de corruption du candidat. »

Ainsi, certaines incompatibilités sont anciennes dans l'histoire de la République, liées à l'histoire même du parlementarisme français, par exemple l'interdiction de cumul avec une fonction publique non-élective, apparue dès les débuts de la Révolution 23 ( * ) . L'interdiction de plaider contre l'État pour un avocat détenant un mandat parlementaire remonte quant à elle à l'entre-deux-guerres, lorsque de très nombreux parlementaires exerçaient la profession d'avocat et que certains d'entre eux furent mis en cause dans des scandales.

D'autres incompatibilités sont d'origine plus récente, ayant parfois été instituées en réponse à un scandale ou un fait d'actualité. Ainsi, le scandale dit de la Garantie foncière, en 1971, a conduit à une importante réforme des incompatibilités. Société civile de placement immobilier (SCPI 24 ( * ) ) qui sollicitait l'épargne publique par voie de publicité dans la presse et dans laquelle était associé le député de Paris André Rives-Henrys, également homme d'affaires, la Garantie foncière se révéla être une escroquerie pour ses actionnaires, attirés par des taux de rentabilité artificiellement élevés. Ce scandale a conduit à l'adoption de la loi organique n° 72-64 du 24 janvier 1972 modifiant la législation relative aux incompatibilités parlementaires, à l'origine entre autres des dispositions qui constituent l'actuel 4° de l'article L.O. 146 du code électoral, rendant incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de direction dans « les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ». Ce texte a surtout institué l'obligation pour tout parlementaire de déclarer au bureau de l'assemblée à laquelle il appartient toute activité professionnelle antérieure à son mandat qu'il envisage de conserver et toute activité professionnelle nouvelle qu'il envisage d'exercer au cours de son mandat, afin que le bureau puisse apprécier la compatibilité de ces activités avec le mandat parlementaire, le Conseil constitutionnel devant être saisi en cas de doute.

a) Les incompatibilités avec des fonctions publiques : des règles liées à l'impératif de séparation des pouvoirs

La plupart des incompatibilités ont été édictées par le législateur français pour préserver l'indépendance du Parlement face aux autres pouvoirs.

Aussi le code électoral pose-t-il une incompatibilité entre le mandat parlementaire et une fonction publique non-élective 25 ( * ) (article L.O. 142) en vue d'assurer l'indépendance du parlementaire à l'égard notamment du gouvernement, autorité hiérarchique des agents de l'État 26 ( * ) . Les agents de la fonction publique territoriale ou hospitalière sont également concernés. Le code vise aussi explicitement la fonction de magistrat 27 ( * ) (article L.O. 140), en miroir de la loi organique portant statut de la magistrature, au titre de la séparation des pouvoirs.

Outre la préservation de l'indépendance des membres du Parlement à l'égard de l'exécutif, ces dispositions évitent nécessairement tout conflit d'intérêts entre l'intérêt national recherché par les parlementaires et les intérêts propres des administrations et de leurs dirigeants.

Il existe également une incompatibilité relative avec l'état militaire, prévue aux articles 10 et 11 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires : en temps de paix, les parlementaires ne peuvent accomplir aucun service militaire sans leur consentement (dans ce cas, ils ne participent pas aux délibérations de leur Assemblée et sont tenus de déléguer leur vote), alors qu'en temps de guerre, ils demeurent en fonction mais peuvent demander à remplir des obligations militaires, y compris dans des zones de combat, sans devoir démissionner.

Par ailleurs, le mandat parlementaire est incompatible avec l'exercice de fonctions attribuées et rémunérées par un État étranger ou une organisation internationale (article L.O. 143 du code électoral). Chargé de l'intérêt national, un parlementaire ne peut dépendre en aucun cas d'intérêts étrangers : le conflit d'intérêts serait manifeste.

b) Les incompatibilités avec des activités économiques, au coeur de la prévention des conflits entre intérêt général et intérêts privés

L'effet préventif en matière de conflits d'intérêts de la législation sur les incompatibilités est encore plus net en ce qui concerne les fonctions de direction 28 ( * ) ou de conseil dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux 29 ( * ) (article L.O. 145) : tout en assurant l'indépendance des parlementaires à l'égard de l'exécutif, qui exerce la tutelle sur ces organismes, cette incompatibilité permet d'éviter toute confusion avec l'intérêt particulier de ces structures , certes publiques, mais qui ont des intérêts autonomes qui peuvent tout à fait être distincts de l'intérêt général.

Il en est de même pour les fonctions de direction 30 ( * ) , y compris de fait, dans des entreprises ou sociétés 31 ( * ) qui ont un lien de dépendance financière avec l'État ou une personne publique 32 ( * ) , font appel public à l'épargne ou exercent une activité de promotion immobilière, ainsi que dans les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations des sociétés ou entreprises précédentes (article L.O. 146).

Il est ajouté que ne peuvent être acceptées en cours de mandat des fonctions de membre du conseil d'administration ou de surveillance dans ces mêmes sociétés (article L.O. 147), ce qui signifie a contrario qu'elles peuvent être conservées si elles sont détenues avant le début du mandat.

Ces incompatibilités visent un grand nombre de sociétés 33 ( * ) et préviennent de façon radicale tout conflit d'intérêts entre l'intérêt général et des intérêts privés , dès lors que le parlementaire ne peut avoir aucun intérêt personnel dans la direction des sociétés concernées.

Sociétés et entreprises visées par les incompatibilités prévues
aux articles L.O. 146 et L.O. 147 du code électoral

« 1° les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'État ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ;

« 2° les sociétés ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et les organes de direction, d'administration ou de gestion de ces sociétés ;

« 3° les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger ;

« 4 ° les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ;

« 5° les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus. »

Les activités d'avocat et de conseil sont également visées par des incompatibilités, qui permettent d'éviter tout conflit d'intérêts entre l'intérêt général et les intérêts des clients de ces activités.

Il est interdit de commencer à exercer une activité de conseil que l'on n'exerçait pas avant le début de son mandat, sauf s'il s'agit d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (article L.O. 146-1). Visant en principe les experts-comptables aussi bien que les notaires, par exemple, l'exception concerne quasi-exclusivement, en pratique, la profession d'avocat , du fait des modalités d'accès à la profession pour les parlementaires : sont effectivement dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat « les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public » 34 ( * ) .

Cette facilité d'accès, qui n'existe pas dans les autres professions relevant de l'exception, a suscité récemment d'importantes controverses , plusieurs députés en fonctions ayant fait le choix de devenir avocat en prêtant serment devant le barreau de Paris et d'exercer parallèlement à leur mandat cette nouvelle profession. Ils ont ainsi pu être accusés de « monnayer leur carnet d'adresses » au profit des clients privés des cabinets qui les accueillaient.

Pour autant, en dépit de ces polémiques, le bâtonnier Wickers, président du Conseil national des barreaux, a estimé qu'il serait discutable d'interdire l'exercice de la profession d'avocat par un parlementaire en exercice ou d'empêcher un parlementaire en exercice de devenir avocat. Lors de son audition par vos co-rapporteurs, il a ajouté que l'interdiction particulièrement large de plaider contre l'État ou pour certaines catégories de sociétés, notamment celles liées à l'État ou exerçant dans le domaine immobilier, permettait d'éviter tout conflit d'intérêts pour un parlementaire exerçant la profession d'avocat.

Retenant une interprétation particulièrement extensive du code, il a d'ailleurs considéré que cette interdiction s'étendait à l'ensemble du cabinet d'avocats au sein duquel exerce le parlementaire.

En effet, lorsqu'un avocat détient un mandat parlementaire, il est soumis à d'importantes interdictions (article L.O. 149 du code électoral). Il ne peut accomplir dans certains dossiers les actes de la profession, ni directement ni par l'intermédiaire d'un associé, collaborateur ou secrétaire, ce qui ne paraît pas devoir signifier que les associés ou collaborateurs sont soumis aux mêmes interdictions dans leurs propres dossiers. Il ne peut plaider en cas de poursuites contre des crimes ou délits contre l'État ou en matière de presse ou d'atteinte au crédit ou à l'épargne. De même, il ne peut plaider pour les entreprises nationales et établissements publics nationaux (organismes visés à l'article L.O. 145) ni pour les entreprises et sociétés qui ont un lien de dépendance financière avec l'État, font appel public à l'épargne ou exercent une activité de promotion immobilière (sociétés visées à l'article L.O. 146 du code, au sein desquelles un parlementaire ne peut exercer de fonctions de direction ou accepter de fonctions d'administration ou de surveillance), sauf s'il était déjà leur avocat avant le début de son mandat. Enfin, il ne peut plaider contre l'État ou toute autre personne publique.

Toute violation de ces interdictions est sanctionnée par la démission d'office, prononcée par le Conseil constitutionnel sur requête du Bureau de l'Assemblée concernée ou du garde des Sceaux.

Ces interdictions de plaider permettent au parlementaire avocat, qui participe à la représentation de l'intérêt général dans le cadre de son mandat, de ne pas avoir, au titre de sa profession, à s'opposer à l'intérêt public, au nom d'intérêts privés. Il s'agit là encore d'une protection pour les parlementaires.

Article L.O. 149 du code électoral

Il est interdit à tout avocat inscrit à un barreau, lorsqu'il est investi d'un mandat de député, d'accomplir directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un associé, d'un collaborateur ou d'un secrétaire, sauf devant la Haute Cour de justice et la cour de justice de la République, aucun acte de sa profession dans les affaires à l'occasion desquelles des poursuites pénales sont engagées devant les juridictions répressives pour crimes ou délits contre la nation, l'État et la paix publique ou en matière de presse ou d'atteinte au crédit ou à l'épargne ; il lui est interdit, dans les mêmes conditions, de plaider ou de consulter pour le compte de l'une de ces sociétés, entreprises ou établissements visés aux articles L.O. 145 et L.O. 146 dont il n'était pas habituellement le conseil avant son élection, ou contre l'État, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics, à l'exception des affaires visées par la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant aux tribunaux judiciaires compétence pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne morale de droit public.

Les débats actuels sur les conflits d'intérêts portent avant tout sur la suspicion de conflit entre l'intérêt général et des intérêts privés économiques, c'est-à-dire l'influence des intérêts économiques sur la décision publique et, singulièrement, parlementaire. Le régime rigoureux des incompatibilités avec de nombreuses activités économiques ou professionnelles privées est pourtant de nature à prévenir efficacement un grand nombre de conflits d'intérêts potentiels, même s'il n'est pas à même de supprimer tout risque de conflit d'intérêts.

5. Des dispositions réglementaires internes aux assemblées

Les Assemblées se sont également dotées, plus récemment, de normes visant à réguler l'activité des lobbies au sein du Parlement.

a) La prohibition des groupes parlementaires de défense d'intérêts particuliers

Le sixième alinéa de l'article 5 du Règlement du Sénat, qui concerne la constitution des groupes politiques, interdit la constitution de « groupes tendant à défendre des intérêts particuliers, locaux ou professionnels », tandis que le premier alinéa de l'article 23 du Règlement de l'Assemblée nationale interdit la constitution, sous quelque forme que ce soit, de « groupes de défense d'intérêts particuliers, locaux ou professionnels (...) entraînant pour leurs membres l'acceptation d'un mandat impératif ». Ces dispositions, qui résultent de la tradition parlementaire française de prohibition du mandat impératif et découlent du premier alinéa de l'article 27 de la Constitution, traduisent clairement l'idée classique selon laquelle la représentation nationale incarne l'intérêt général 35 ( * ) .

b) La récente réglementation des activités de « lobbying » au sein des assemblées

Les groupes de pression sont souvent perçus comme suscitant des conflits d'intérêts, par les sollicitations qu'ils peuvent adresser aux membres des Assemblées en vue de défendre les intérêts particuliers dont ils ont la charge. Dès lors qu'elles s'exercent dans un cadre déontologique clair et ne consistent pas à procurer des avantages matériels indus, ces activités de « lobbying » ne sont bien sûr pas répréhensibles et sont tout à fait légales. À la suite de divers incidents ou controverses, l'Assemblée nationale puis le Sénat ont cependant jugé que ces activités, dans l'enceinte des Assemblées et dans les rapports avec leurs membres, méritaient d'être mieux encadrées pour assurer leur plus grande transparence et lever les soupçons qui pourraient peser sur les relations entre parlementaires et groupes d'intérêts.

Chargés de l'intérêt général, les membres du Parlement doivent être protégés de l'influence intrusive ou occulte de tout groupe de pression, afin de ne pas être eux-mêmes soupçonnés de négliger l'intérêt général au profit de certains intérêts particuliers dont les représentants cherchent à être les plus convaincants. Ceci suppose en particulier de limiter les moyens susceptibles d'être employés par les groupes de pression pour tenter de convaincre les parlementaires du bien-fondé de leur position (déjeuners, cadeaux, voyages d'études...).

Ainsi, le 7 octobre 2009, le Bureau du Sénat a adopté une série de mesures en vue de mieux encadrer l'activité des groupes d'intérêts .

En premier lieu, il a introduit un chapitre XXII bis dans l'Instruction générale du Bureau, selon lequel « Le droit d'accès au Sénat est accordé, dans les conditions déterminées par les Questeurs, aux représentants des groupes d'intérêts inscrits sur un registre public et qui s'engagent à respecter un code de conduite défini par le Bureau. »

En second lieu, il a élaboré le code de conduite applicable aux représentants des groupes d'intérêts dans leurs relations avec les sénateurs. Outre les modalités de tenue du registre 36 ( * ) , ce code prévoit diverses obligations et interdictions à caractère déontologique ; il interdit notamment l'utilisation de « moyens frauduleux ou déloyaux » ou la présentation aux sénateurs d'informations « volontairement incomplètes ou inexactes destinées à les induire en erreur ». Le code de conduite prévoit également la publication sur le site Internet du Sénat des invitations pour des déplacements à l'étranger adressées aux sénateurs, à leurs collaborateurs et aux fonctionnaires du Sénat 37 ( * ) .

Code de conduite applicable aux groupes d'intérêts au Sénat

Article 1 er

Le registre des représentants des groupes d'intérêts comprend les informations suivantes :

- leur nom et leurs coordonnées,

- le nom et les coordonnées de leur employeur,

- leur domaine d'intervention,

- ainsi que, le cas échéant, le nom des clients pour le compte desquels ils exercent leur activité.

Ce registre est rendu public sur le site Internet du Sénat.

Article 2

Dans leurs contacts avec les sénateurs, les représentants des groupes d'intérêt doivent indiquer leur identité, l'organisme pour lequel ils travaillent et les intérêts qu'ils représentent. Ils doivent s'abstenir de chercher à rencontrer ou contacter les sénateurs de façon importune.

Article 3

Les représentants des groupes d'intérêt se conforment à la réglementation du Sénat applicable aux personnes admises dans ses locaux.

Article 4

Les représentants des groupes d'intérêt se conforment aux règles applicables aux colloques, manifestations et autres réunions organisées au Sénat. Ils s'interdisent notamment d'organiser des colloques, manifestations ou réunions dans lesquels les modalités de prise de parole sont liées au versement d'une participation financière sous quelque forme que ce soit.

Article 5

Toute démarche publicitaire ou commerciale est interdite aux représentants des groupes d'intérêt dans les locaux du Sénat.

Article 6

Il leur est interdit d'utiliser le logo du Sénat, sauf autorisation expresse délivrée par le service de la Communication.

Article 7

Il leur est interdit d'engager toute démarche en vue d'obtenir des informations ou documents par des moyens frauduleux ou déloyaux.

Article 8

Il leur est interdit de céder à titre onéreux, ou contre toute forme de contrepartie, des documents parlementaires ainsi que tout autre document du Sénat.

Article 9

Les représentants des groupes d'intérêt doivent s'abstenir de fournir aux sénateurs des informations volontairement incomplètes ou inexactes destinées à les induire en erreur.

Les informations qu'ils communiquent doivent être accessibles à tous les sénateurs qui le demandent.

Article 10

Les représentants des groupes d'intérêt s'engagent à communiquer par voie électronique aux services compétents, en vue de leur publicité sur le site Internet du Sénat, toute information sur les invitations à des déplacements à l'étranger qu'ils adressent aux sénateurs, à leurs collaborateurs, aux fonctionnaires du Sénat et aux instances du Sénat.

Par ailleurs, les Questeurs du Sénat ont réglementé 38 ( * ) l'accès au Palais du Luxembourg des représentants des groupes d'intérêt, à l'aide d'une carte d'accès annuelle spécifique, qui doit être portée de façon apparente. Cette carte doit faire l'objet d'une demande motivée par l'organisme concerné, après signature du code de conduite, et peut être retirée en cas de manquement grave. Elle donne libre accès aux tribunes de l'hémicycle, aux réunions de commission lorsqu'elles sont ouvertes au public ainsi qu'à la Salle des Conférences. La délivrance de cette carte entraîne inscription sur le registre public. En d'autres termes, le registre est alimenté par les demandes de carte d'accès : on peut donc considérer que les groupes d'intérêt n'ont pas nécessairement besoin qu'un de leurs représentants soit titulaire d'une carte d'accès au Sénat pour exercer leur activité, car il leur est loisible de rencontrer des sénateurs à l'extérieur du Palais du Luxembourg ou d'être invités par les sénateurs au sein de l'enceinte parlementaire. Ainsi, il est vraisemblable qu'une partie seulement des groupes d'intérêt agissant auprès des sénateurs est enregistrée.

Applicable depuis le 1 er janvier 2010, cette réglementation répond à un objectif d'encadrement et de moralisation des pratiques ainsi qu'à un souci de transparence. Elle doit faire l'objet d'une évaluation qui pourra le cas échéant conduire à la renforcer. Certains représentants de groupes d'intérêt, entendus par vos co-rapporteurs, ont d'ailleurs estimé que cette réglementation n'était pas assez rigoureuse pour assurer le respect par tous des obligations déontologiques de la profession, malgré l'existence d'une sanction de retrait de la carte d'accès.

Le Bureau de l'Assemblée nationale avait adopté des règles analogues le 2 juillet 2009 pour encadrer et rendre plus transparentes les activités des représentants d'intérêts publics ou privés (modification de l'Instruction générale du Bureau et élaboration d'un code de conduite) 39 ( * ) : badges d'accès quotidiens à certaines salles du Palais-Bourbon pour les personnes figurant sur une liste arrêtée par le Bureau ou sa délégation chargée des représentants d'intérêts, souscription à un code de conduite pour bénéficier de cette facilité, publication sur Internet de la liste des représentants d'intérêts.

c) Les initiatives déontologiques des professionnels du « lobbying »

Les professionnels du lobbying cherchent eux-mêmes à mieux s'organiser d'un point de vue déontologique, au travers notamment de l'Association française des conseils en lobbying, qui a établi une charte de déontologie à l'intention de ses membres. Cette charte évoque la question des rapports avec les élus et les parlementaires et prohibe le versement de toute rémunération à des collaborateurs politiques. Elle repose sur le principe selon lequel le lobbying répond à une obligation de moyens et non de résultat à l'égard des clients, de sorte que ne sauraient être employés tous les moyens possibles de persuasion ou de pression.

De son côté, l'Association professionnelle des responsables des relations avec les pouvoirs publics, qui regroupe des personnes chargées, au sein d'entreprises publiques et privées et de divers organismes professionnels, d'entretenir un dialogue entre la structure qui les emploie et les pouvoirs publics, également entendue par vos rapporteurs, a aussi établi une charte de déontologie à destination de ses adhérents.

On peut néanmoins observer que ces initiatives relèvent de la bonne conduite et de l'autorégulation de la profession , et ne comportent donc pas de réelles sanctions de nature à dissuader les comportements déviants.

C. LES SYSTÈMES DE PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS À L'ÉTRANGER : Y A-T-IL UN « RETARD » FRANÇAIS ?

Pour que son efficacité soit appréciée à sa juste valeur, le régime français de prévention des conflits d'intérêts doit être mis en regard avec les mécanismes prévus par les autres pays occidentaux. C'est pourquoi les membres du groupe de travail ont souhaité étudier, en vue de forger leurs recommandations, les systèmes de prévention des conflits d'intérêts existants à l'étranger.

Cette étude, qui s'appuie notamment sur les travaux réalisés par la division de la législation comparée, est particulièrement porteuse d'enseignements dans un contexte où de nombreux médias ont présenté la France comme étant « en retard » en matière de gestion des conflits d'intérêts : notre législation a ainsi été décrite comme peu efficace, voire inexistante en comparaison de celle des pays anglo-saxons, et notre pays a fréquemment été montrée comme un pays « laxiste » qui aurait négligé de se doter de règles permettant d'éviter l'apparition de conflits d'intérêts réels.

Or, s'il ne fait aucun doute que la législation française est perfectible et qu'elle pourrait gagner à s'inspirer, sur certains points, des règles édictées par ses voisins, force est de constater que la presse a parfois donné une image excessivement favorable des États étrangers. Le groupe de travail souligne ainsi que les règles édictées par les pays dont il a étudié la législation (les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne) sont, en règle générale, aussi sévères que celles qui ont été mises en place par le législateur français : comme le soulignait le professeur Guy Carcassonne lors de son audition par le groupe de travail, la France n'est « ni en retard, ni laxiste » par rapport à ses voisins en matière de prévention des conflits d'intérêts.

L'étude des régimes de préventions des conflits d'intérêts et de leur application concrète dans les Parlements occidentaux révèle ainsi que le système français est, globalement, plus performant que celui de nombreux États.

En effet, même les États les plus rigoureux sont confrontés à la nécessité de concilier deux impératifs contradictoires : s'ils doivent garantir la probité apparente de leurs parlementaires afin de maintenir la confiance du peuple en ses représentants, ils doivent également, dans le même temps, ne pas les priver de la liberté inhérente à l'exercice d'un mandat représentatif. Dans tous les pays étudiés, la conciliation de ces objectifs a interdit la mise en place d'obligations plus rigoureuses.

À cet égard, le groupe de travail constate que les régimes de prévention des conflits d'intérêts des pays occidentaux reposent non pas sur un principe de contrainte, mais sur un principe de transparence . Concrètement, ce principe emporte trois conséquences :

- en premier lieu, les obligations posées par les législations des pays étudiés sont essentiellement déclaratives : rares sont les États qui ont mis en place des mécanismes contraignants interdisant aux parlementaires, contre leur gré, de prendre part aux débats ou au vote dans les domaines qui pourraient les placer en situation de conflit d'intérêts ;

- en outre, les déclarations d'intérêts n'ont pas, par elles-mêmes, une vocation punitive : elles doivent avant tout permettre d'informer les citoyens ou l'Assemblée des intérêts substantiels détenus par l'élu, et de responsabiliser les parlementaires en leur faisant prendre conscience de ces mêmes intérêts ;

- enfin, les législations étrangères étudiées tiennent le plus grand compte du principe d'autonomie du Parlement face aux autres pouvoirs : ainsi, l'intervention d'un acteur extérieur au Parlement pour punir l'élu fautif est le plus souvent exclue, et les sanctions sont en général prononcées par l'Assemblée concernée elle-même.

En tout état de cause, le groupe de travail souligne qu'il n'existe aucun régime pleinement efficace de prévention des conflits d'intérêts , et que la probité -apparente ou réelle- des parlementaires n'est pas proportionnelle à la rigueur des normes mises en place ou à l'intensité du contrôle qui s'exerce sur eux : la question des conflits d'intérêts étant avant tout liée à l'éthique individuelle et aux moeurs politiques, il apparaît que l'impact de la culture politique nationale est supérieur à celui d'une éventuelle régulation juridique pour inciter les responsables publics à adopter un comportement exemplaire et conforme aux attentes des citoyens et que, dans quelque pays que ce soit, le droit ne suffit pas à créer l'honnêteté.

1. Le conflit d'intérêts : une notion d'origine nord-américaine

Originaire des États-Unis, la notion de conflit d'intérêts repose sur un contexte politique et institutionnel particulier.

En effet, si la démocratie américaine se caractérise par une présence très forte des intérêts privés, elle repose également sur l'importance de la théorie des apparences (qui a conduit à la mise en place d'obligations lourdes à la charge des parlementaires) et sur une forte autonomie du pouvoir législatif (qui a mené, quant à elle, à ce que les sanctions prévues pour punir les élus s'étant placés en situation de conflit d'intérêts soient essentiellement symboliques).

a) Le conflit d'intérêts : une notion inspirée par le concept de « représentation réelle »

Comme le soulignait Mme Elisabeth Zoller, professeure de droit constitutionnel et de droit public comparé à l'université Paris-II et directrice du Centre de droit américain dans cette même université, il existe, en matière de prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, une opposition non pas entre le modèle anglo-saxon et le modèle de l'Europe continentale, mais entre le modèle américain et celui de l'ensemble des États européens . Lors de son audition par le groupe de travail, elle rappelait ainsi que jusqu'au milieu des années 2000, les États-Unis étaient le seul pays à disposer de règles prescriptives et efficaces (prohibition des cadeaux, des avantages en nature et des libéralités ; plafonnement du montant des rémunérations accessoires, etc.) visant à éviter l'apparition de conflits d'intérêts chez les responsables publics, et que ce n'était qu'à l'occasion de réformes récentes que d'autres États (notamment le Canada, en 2004, et la Grande-Bretagne, en 2005) avaient doté leurs Parlements d'un régime similaire à celui qui existe au Congrès depuis les années 1970.

Cette différence de culture entre les États-Unis et l'Europe repose, tout d'abord, sur des facteurs conjoncturels : il s'agit notamment de la puissance des médias américains et, pour reprendre les termes employés par Mme Élisabeth Zoller, d'un « effondrement des repères moraux dans la société civile » qui « semble avoir généré dans l'opinion une surenchère dans la moralité exigée de la société politique ».

Toutefois, les spécificités de la prise en compte des conflits d'intérêts aux États-Unis s'expliquent avant tout par l'existence d'une différence entre les conceptions européenne et américaine de la démocratie.

En premier lieu, le système politique américain s'est construit sur un soupçon permanent de conflit entre l'intérêt public et l'intérêt privé du dirigeant : les responsables publics, qu'ils soient membres du Congrès ou du gouvernement, sont ainsi supposés avoir naturellement tendance à utiliser les moyens dont ils disposent du fait de leurs fonctions à leur profit personnel. En d'autres termes, le conflit d'intérêts est considéré comme inhérent à la vie politique, ou plutôt à la détention de fonctions publiques. Illustrant cette méfiance du peuple vis-à-vis de ses dirigeants, le XXVII e amendement de la Constitution américaine, proposé dès 1789 et ratifié en 1992, interdit aux membres du Congrès de bénéficier immédiatement d'une augmentation de leur propre indemnité dont ils auraient eux-mêmes décidé 40 ( * ) .

En second lieu, le système politique des États-Unis repose sur une vision particulière de l'intérêt de l'État , qui diffère sensiblement du concept européen d'intérêt général.

En effet, alors que les pays européens se sont généralement construits sur une conception abstraite de la démocratie (c'est-à-dire une « représentation virtuelle » des intérêts, dans laquelle l'intérêt général est distinct de la somme des intérêts particuliers), les institutions des États-Unis sont marquées par le concept de « représentation réelle » des intérêts, qui suppose que les élus représentent effectivement et concrètement les intérêts des hommes et des femmes qui les ont désignés : l'enjeu principal du processus démocratique est ainsi la mise en place d'un équilibre entre ces intérêts divers -et parfois antagonistes.

Dès lors, la vision de la démocratie comme une « représentation concrète » des intérêts implique une présence très forte des représentants des intérêts privés, ou lobbies , qui doivent permettre aux responsables publics de rester en contact avec les intérêts de leurs mandants 41 ( * ) . Cette pratique n'est pas, comme en Europe, seulement tolérée : elle est considérée comme faisant partie intégrante du processus législatif et démocratique . Le Service central de prévention de la corruption rappelait à ce titre, en 2009, que les États-Unis avaient, depuis leur fondation, considéré que le lobbying « n'[était] qu'une manière parmi d'autres de favoriser la représentation d'un maximum d'intérêts pour aboutir à une décision satisfaisante » 42 ( * ) .

b) Une définition maximaliste des conflits d'intérêts

Cette implication forte et permanente des intérêts privés dans la vie publique, si elle est idéologiquement acceptée par les États nord-américains, n'en est pas moins strictement encadrée .

Principe cardinal dans la structuration des institutions, la « théorie des apparences » impose à chaque responsable public de donner de lui-même une image de parfaite indépendance et de probité afin de combattre la méfiance naturelle du peuple. L'objectif principal des règles de prévention des conflits d'intérêts dans les États d'Amérique du Nord est donc de renforcer la légitimité de l'institution à laquelle ils s'appliquent en incitant ses membres à adopter une attitude qui les place au-dessus de tout soupçon : dès lors, les parlementaires ne doivent pas se contenter de respecter les normes fixées par chaque Chambre, mais se montrer irréprochables tant dans l'exercice de leurs fonctions publiques que dans leur vie privée.

Le code de conduite sur les conflits d'intérêts des députés au Canada s'ouvre ainsi par un paragraphe rappelant que « le présent code a pour objet de préserver et d'accroître la confiance du public dans l'intégrité des députés ainsi que le respect et la confiance de la société envers la Chambre des communes en tant qu'institution ; de montrer au public que les députés doivent respecter des normes qui font passer l'intérêt public avant leurs intérêts personnels ». De même, le premier principe fixé par ce code est que « la Chambre des communes reconnaît et déclare qu'on s'attend à ce que les députés [...] remplissent leurs fonctions avec honnêteté et selon les normes les plus élevées de façon à éviter les conflits d'intérêts réels ou apparents » et « exercent leurs fonctions officielles et organisent leurs affaires personnelles d'une manière qui résistera à l'examen public le plus minutieux, allant au-delà d'une stricte observation de la loi » 43 ( * ) .

Ainsi que l'observait Mme Élisabeth Zoller, il découle de ce constat que le conflit d'intérêts dans les pays nord-américains est « une situation objective qui peut n'impliquer aucun enrichissement personnel, aucun profit matériel, aucune intention criminelle chez celui ou celle qui en est le centre » et qu'« ainsi entendu, un conflit d'intérêts peut être commis de bonne foi ».

Le conflit d'intérêts fait donc l'objet d'une définition large dans les États d'Amérique du Nord : à titre d'exemple, la loi canadienne sur les conflits d'intérêts du 12 décembre 2006 le définit comme toute « situation dans laquelle un titulaire de charge publique exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami, ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne » 44 ( * ) .

Le champ d'application de la législation est, lui aussi, extrêmement vaste : à quelques rares exceptions près, les mêmes règles s'appliquent à toutes les personnes travaillant au sein du Parlement , qu'il s'agisse des élus eux-mêmes, de leurs collaborateurs ou des fonctionnaires.

c) Des obligations lourdes : le cas du Congrès américain

Les codes de conduite applicables dans les États d'Amérique du Nord imposent aux membres du Parlement des obligations lourdes, qui touchent tous les domaines de leur vie publique -comme en témoigne la longueur du manuel d'éthique de la Chambre des représentants (c'est-à-dire le document de soft law qui décline et explicite les règles fixées par le code de conduite officiel), qui compte pas moins de 456 pages.

* Les règles relatives aux conflits d'intérêts

Tout d'abord, la législation applicable au Congrès américain contient de nombreuses règles relatives à la prévention des conflits d'intérêts stricto sensu . Le code de conduite de la Chambre des représentants interdit ainsi aux parlementaires d'utiliser leur position pour leur bénéfice personnel.

Plus en détail, cette prohibition des conflits d'intérêts réels se traduit par :

- l'interdiction de participer au vote si le parlementaire en cause détient un intérêt direct, intense, personnel ou pécuniaire dans la décision ; cette obligation n'est toutefois pas sanctionnée par une obligation de déport a priori , par laquelle il pourrait effectivement être interdit au parlementaire de participer aux débats et au vote sur un sujet donné ;

- l'interdiction, pour chaque parlementaire de favoriser les membres de sa famille ou de les employer comme leurs collaborateurs ;

- l'obligation de signaler, le cas échéant, les activités de lobbying exercées par le conjoint ou les membres de la famille du parlementaire ;

- l'obligation de souscrire une déclaration d'intérêts particulièrement précise et qui doit être actualisée chaque année.

Le contenu des déclarations d'intérêts souscrites
par les membres du Congrès américain

Mises en place par le Congrès dès 1978 sur le fondement d'une loi fédérale (le Financial disclosure Act ), les déclarations d'intérêts doivent, pour reprendre les termes employés par le code d'éthique de la Chambre des représentants, être un outil de surveillance et de dissuasion, et donc de prévention des conflits d'intérêts. Souscrites par le parlementaire et par certaines personnes employées au sein du Congrès chaque année, avant le 15 juin, elles font l'objet d'un rapport publié chaque 1 er août. Elles concernent non seulement le déclarant lui-même, mais aussi son conjoint et ses enfants à charge.

La prise en compte des proches peut toutefois être évitée lorsque trois conditions sont remplies :

- le bien en cause est sous la seule responsabilité du proche et le déclarant n'a pas d'informations sur la question ;

- le bien ne découle pas d'un bien détenu par le déclarant ;

- le déclarant ne tire pas profit ou ne s'attend pas à tirer profit du bien détenu par le proche.

Les déclarations d'intérêts doivent notamment retracer :

- les revenus du déclarant, s'ils représentent plus de 200 dollars dans l'année. Le déclarant doit indiquer la provenance, le type et le montant exact de ce revenu ; il doit également déclarer les revenus de son conjoint, si ceux-ci excèdent un montant annuel de 1 000 dollars. Toutefois, les revenus des enfants à charge ne doivent pas être déclarés, quel que soit leur montant ;

- les compensations versées à la suite d'un honorarium (v. supra) : le montant des fonds versés à une oeuvre de bienfaisance à laquelle des fonds ont été versés, ainsi que l'identité du donateur, doivent être indiqués ;

- les actifs et dividendes perçus par le déclarant, si la valeur de l'actif est supérieure à 1 000 dollars ou s'ils ont généré un revenu financier de plus de 200 dollars pendant l'année écoulée. La liste des entreprises dans lesquelles le déclarant détient des parts d'une valeur supérieure à 1 000 dollars doit également être déclarée ;

- les biens immobiliers possédés par le déclarant, avec leur adresse et une description suffisante pour permettre leur identification. Cette obligation ne s'applique pas aux résidences personnelles qui ne produisent aucun revenu de location ;

- les comptes bancaires rémunérés quand ils contiennent plus de 5 000 dollars ;

- les revenus financiers tirés d'un trust ;

- les prêts consentis par le déclarant, sauf si le bénéficiaire de ces prêts est le conjoint, un parent ou un enfant du déclarant ;

- les transactions effectuées par le déclarant. Celles-ci doivent être brièvement décrites (date, catégorie et valeur de tout achat, vente ou échange de biens immobiliers ou de biens financiers dont la valeur excède 1 000 dollars, sauf quand la transaction porte sur la vente de la résidence principale ou sur la fermeture d'un compte bancaire personnel) ;

- les obligations ( liabilities ) qui représentent un montant supérieur à 10 000 dollars et qui sont dues à un créditeur à n'importe quel moment de l'année. Cette obligation ne s'applique qu'au déclarant lui-même, et non à ses proches, et ne tient pas compte des sommes exposées pour des prêts relatifs à l'achat d'une résidence principale, de meubles, de véhicules personnels, etc. ;

- les cadeaux d'une valeur annuelle supérieure à un seuil prédéterminé (335 dollars pour l'année 2008), lorsqu'ils proviennent d'une personne qui ne fait pas partie de la famille proche du déclarant. Les cadeaux d'une valeur inférieure à un plancher (134 dollars pour 2008) ne sont pas pris en compte par la déclaration. Des seuils similaires sont prévus pour la déclaration des frais de déplacement pris en charge ou remboursés par un tiers ;

- les activités exercées dans les deux ans qui précèdent la déclaration, ainsi que celles qui sont exercées au moment de la déclaration. Les activités exercées dans des organisations à but non-lucratif, dans des syndicats, etc., doivent également être déclarées. A l'inverse, il n'est pas nécessaire de faire état des activités exercées dans des entités politiques, religieuses, sociales. Cette obligation ne touche que le déclarant lui-même, et ne concerne pas ses proches ;

- les compensations pour des services rendus à une entreprise lorsque leur montant excède 5 000 dollars dans l'année ;

- les négociations et les accords concernant une éventuelle activité future. Le nom des parties, la date et les termes de l'accord doivent être clairement indiqués.

* Les règles encadrant le lobbying

Malgré leur « bienveillance naturelle » 45 ( * ) à l'égard des lobbies , les États-Unis se sont dotés d'un système encadrant strictement les relations que les parlementaires peuvent lier avec les représentants d'intérêts.

En premier lieu, la législation américaine oblige les lobbyistes (c'est-à-dire toute personne ou entité prenant ou tentant de prendre un « contact privilégié » 46 ( * ) avec un détenteur de charge publique afin d'influencer ses décisions) à s'inscrire sur une base de données , mise à jour deux fois par an, et dans laquelle sont répertoriés les noms de chaque employé ainsi que, le cas échéant, les fonctions publiques qu'ils ont exercées au cours des vingt dernières années. Le non-respect de ces obligations fait, par ailleurs, l'objet de sanctions lourdes : une amende civile d'un montant maximal de 50 000 dollars peut être prononcée pour sanctionner le lobbyiste qui aurait négligé de se déclarer.

En outre, les lobbyistes eux-mêmes doivent souscrire une déclaration d'intérêts tous les six mois dès lors qu'ils consacrent au moins 20 % de leur temps à cette activité ou qu'ils ont engagé ou reçu plus de 20 000 dollars à ce titre : ils doivent alors indiquer leurs intérêts financiers, leurs principales dépenses et les lois sur lesquelles ils se sont mobilisés.

Pour compléter ce dispositif, les règlements intérieurs de la Chambre des représentants et du Sénat interdisent non seulement aux lobbyistes d'offrir des cadeaux ou d'offrir des avantages en nature (repas, déplacements, etc.) aux parlementaires, mais aussi aux élus d'accepter de telles offres.

Ainsi, comme le souligne le Service central de prévention de la corruption dans son rapport précité, « la législation américaine [en matière de lobbying], tolérante idéologiquement à cette pratique, n'en est pas moins scrupuleuse dans son encadrement ».

* Les règles relatives aux cadeaux et libéralités

En matière de cadeaux et de libéralités, la législation américaine repose sur le principe d'indépendance totale des parlementaires. Dès lors, outre la prohibition totale des cadeaux et des avantages en nature proposés par des lobbyistes , le code de conduite applicable aux parlementaires leur interdit d'accepter tout cadeau, de quelque source que ce soit.

Ce principe est toutefois assorti de plusieurs exceptions qui en limitent la portée. En effet, le code tolère que les parlementaires acceptent :

- les cadeaux dont la valeur est inférieure à 10 dollars ;

- les cadeaux des membres de la famille proche (les relatives ) et des autres parlementaires, sans limitation de montant ;

- les cadeaux offerts par des amis, dans un cadre privé. Néanmoins, les cadeaux dont la valeur excède 250 dollars ne pourront être valablement acceptés que si le parlementaire a obtenu, par écrit, une autorisation du comité compétent ;

- les cadeaux « mémoriels » (plaques, médailles).

De la même manière, les parlementaires ne peuvent être invités à des réceptions organisées par une entité autre que leur Assemblée que si cette invitation n'émane pas de l'entité qui parraine (ou « sponsorise ») l'évènement et si la réception en cause ne leur apporte pas d'avantage matériel 47 ( * ) .

Ici encore, des dérogations sont cependant prévues pour atténuer la rigueur de la législation. Ainsi, les membres du Congrès peuvent être invités par un « sponsor » si :

- de nombreuses personnes sont présentes à l'évènement en cause (c'est-à-dire si au moins une vingtaine de personnes n'ayant aucun lien avec le Congrès sont présentes, ou si la réception est ouverte au public) et si elle est reliée aux devoirs officiels du parlementaire. Dans ce cadre, le code de conduite permet aux élus de se voir offrir un repas, si celui-ci est offert à l'ensemble des participants, et de voir leurs frais de transports pris en charge par le « sponsor », mais leur interdit de recevoir de quelconques autres avantages ;

- l'évènement vise à lever des fonds pour une oeuvre de charité ;

- l'évènement a trait à une campagne politique ( meetings , réunions pour lever des fonds, etc.).

Par ailleurs, les voyages de parlementaires ne peuvent être pris en charge financièrement par des acteurs privés que si cette prise en charge a été préalablement approuvée par le comité compétent de leur Assemblée, la demande devant être présentée au moins quatorze jours avant le départ. Un compte-rendu du voyage doit également être présenté au même comité dans les quinze jours qui suivent le retour.

* Les restrictions aux activités exercées pendant le mandat

Le code de conduite pose le principe selon lequel les parlementaires ont le droit d'être employés ou d'effectuer des actions de volontariat pour des entités extérieures au Congrès.

Cette autorisation de principe est, néanmoins, adossée à de multiples exceptions. Ainsi, les membres du Congrès (ou les personnes travaillant en son sein) ne peuvent :

- exercer des fonctions impliquant une obligation de loyauté vis-à-vis d'un client 48 ( * ) , ce qui inclut les fonctions d'avocat, d'agent immobilier, des fonctions de conseil, ou certaines fonctions dans des sociétés d'assurance et dans des sociétés financières. De même, le parlementaire ne peut ni être rémunéré par une société qui a pour objet principal d'effectuer de tels services, ni permettre à une telle société d'utiliser son nom ;

- exercer des fonctions rémunérées en tant qu'ordonnateur ou que membre du conseil d'administration d'une quelconque organisation ;

- utiliser les ressources officielles du Congrès (à savoir les salles, bureaux, équipement, adresse électronique, listes de courriels - mailing lists -, papier à en-tête, etc.) ;

- toucher une rémunération pour des prestations qui sont effectuées ès qualité, c'est-à-dire qui ont été demandées au parlementaire en raison de son appartenance au Congrès ( honoraria ban ) : en contrepartie de leurs efforts, les parlementaires ne peuvent ainsi que demander à la personne au profit de laquelle ils ont effectué des actes d' honoraria (discours, tribune, participation à un évènement, etc.) de faire une donation, d'un montant maximal de 2 000 dollars, à une oeuvre de bienfaisance 49 ( * ) .

Comme vos co-rapporteurs ont pu le constater lors d'un déplacement à Washington, ces limitations ont de facto pour effet d'interdire l'exercice de toute activité régulière pendant la durée du mandat : dans les faits, le mandat parlementaire est donc incompatible avec la quasi-intégralité des activités professionnelles (même lorsqu'elles n'ont aucun lien avec le mandat, comme les activités de médecin), avec d'ailleurs des interprétations divergentes entre le Sénat et la Chambre des représentants 50 ( * ) . En d'autres termes, le mandat parlementaire est considéré comme une activité à plein temps qui n'admet pas, pour des raisons qui dépassent le strict cadre de la prévention des conflits d'intérêts, l'exercice simultané d'une quelconque autre fonction.

Le groupe de travail souligne, enfin et surtout, que la rémunération annuelle tirée des activités extérieures au mandat est strictement plafonnée : en 2009, aucun membre du Congrès ne pouvait percevoir plus de 26 550 dollars au titre de ses éventuelles fonctions accessoires 51 ( * ) .

* Les restrictions aux activités exercées après le mandat

Les activités exercées par les membres du Congrès après la fin de leur mandat sont, elles aussi, soumises à d'importantes restrictions, prévues par le code criminel des États-Unis. Il est ainsi interdit aux anciens parlementaires :

- d'exercer des fonctions de lobbyiste (c'est-à-dire de prendre contact, pour le compte d'un tiers, avec un parlementaire, un fonctionnaire ou un employé du Congrès avec l'intention d'influencer une décision officielle). Cette interdiction est valable un an pour les membres de la Chambre des représentants et deux ans pour les membres du Sénat ;

- d'exercer des fonctions de représentation ou de conseil auprès d'un gouvernement ou d'un parti politique étranger.

* Le dispositif canadien : des règles largement similaires à celles des États-Unis

Les règles prévues par le Parlement canadien pour prévenir les conflits d'intérêts sont, sur le fond, largement similaires à celles du Congrès américain.

Le système canadien pose ainsi de lourdes obligations déclaratives, accompagnées d'une prohibition de la participation aux débats dans lesquels le parlementaire a un intérêt personnel fort, et prévoit une large publicité des intérêts divulgués par les membres du Parlement.

Code régissant les conflits d'intérêts des députés (extraits)

Principes

(2)  [...] sont de nature à favoriser les intérêts personnels d'une personne, y compris ceux du député, les actes de celui-ci qui ont pour effet, même indirectement :

a)  d'augmenter ou de préserver la valeur de son actif ;

b)  de réduire la valeur de son passif ou d'éliminer celui-ci ;

c)  de lui procurer un intérêt financier ;

d)  d'augmenter son revenu à partir d'une source visée au paragraphe 21 ;

e)  d'en faire un dirigeant ou un administrateur au sein d'une personne morale, d'une association ou d'un syndicat ;

f)  d'en faire un associé au sein d'une société de personnes.

[...]

Application

7.  Le présent code n'a pas pour effet d'empêcher les députés qui ne sont pas ministres ou secrétaires parlementaires, dès lors qu'ils s'y conforment :

a)  d'occuper un emploi ou d'exercer une profession;

b)  d'exploiter une entreprise;

c)  d'être un dirigeant ou un administrateur au sein d'une personne morale, d'une association, d'un syndicat ou d'un organisme à but non lucratif;

d)  d'être un associé au sein d'une société de personnes.

Règles de déontologie

8.  Le député ne peut, dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité.

9.  Le député ne peut se prévaloir de sa charge pour influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité.

10. (1)  Le député ne peut utiliser les renseignements qu'il obtient dans le cadre de sa charge et qui ne sont généralement pas à la disposition du public pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité.

(2)  Le député ne peut communiquer ces renseignements s'il sait ou devrait raisonnablement savoir que ceux-ci peuvent servir à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille ou encore, d'une façon indue, ceux de toute autre personne ou entité.

11.  Le député ne peut tenter de se livrer à aucune des activités interdites aux termes des articles 8 à 10.

12. (1)  Lorsqu'il participe à l'étude d'une question dont la Chambre ou un comité dont il est membre est saisi, le député est tenu de divulguer dans les plus brefs délais, verbalement ou par écrit, la nature générale des intérêts personnels qu'il détient dans cette question et qui pourraient être visés. Le greffier de la Chambre doit sans délai être avisé par écrit de la nature générale des intérêts personnels.

[...]

(3)  Le greffier de la Chambre fait inscrire la divulgation dans les Journaux et communique ces renseignements au commissaire, qui les classe avec les documents du député relatifs à la divulgation publique.

[...]

13.  Le député ne peut participer à un débat ou voter sur une question dans laquelle il a un intérêt personnel.

[...]

14. (1)  Le député ou un membre de sa famille ne peut accepter, même indirectement, de cadeaux ou d'autres avantages, sauf s'il s'agit d'une rétribution autorisée par la loi, qu'on pourrait raisonnablement donner à penser qu'ils ont été donnés pour influencer le député dans l'exercice de sa charge de député.

[...]

15. [...] le député peut accepter, pour lui-même et ses invités, des déplacements parrainés liés à sa charge de député ou découlant de celle-ci.

(1) Si les frais de déplacement dépassent 500 $ et ne sont pas entièrement ou en grande partie pris en charge par le Trésor, par lui-même ou son parti, ou par un groupe d'amitié ou une association interparlementaire reconnu par la Chambre, le député dépose auprès du commissaire une déclaration faisant état du déplacement, dans les soixante jours qui en suivent la fin.

(2)  La déclaration comporte le nom de la personne ou de l'organisation qui prend en charge les frais de déplacement, le nom de toute personne accompagnant le député, la ou les destinations, le but et la durée du déplacement, la nature des avantages reçus et leur valeur, ainsi que des documents justificatifs pour les frais de transport et de logement.

(3)  Au plus tard le 31 mars de chaque année, le commissaire établit une liste de tous les déplacements parrainés de l'année civile précédente, en y incluant les détails prévus au paragraphe (2), et le Président la dépose sur le Bureau à la prochaine séance de la Chambre.

[...]

17. (1)  Le député peut posséder des titres dans une société publique ayant des liens d'affaires avec le gouvernement du Canada, sauf si le commissaire estime, en raison de l'importance de la quantité de ces titres, que le député risque de manquer à ses obligations aux termes du présent code.

[...]

20. (1)  Dans les soixante jours qui suivent l'annonce de son élection dans la Gazette du Canada et tous les ans par la suite, au plus tard à la date fixée par le commissaire, le député dépose auprès de celui-ci une déclaration complète de ses intérêts personnels et des intérêts personnels des membres de sa famille.

(2)  L'information concernant les intérêts personnels des membres de la famille est fournie au mieux de la connaissance du député. Le député doit faire des efforts raisonnables en ce sens.

(3)  Le commissaire assure la confidentialité de la déclaration.

21. (1)  La déclaration contient les renseignements suivants :

a)  les éléments d'actif et de passif du député et des membres de sa famille, ainsi que la valeur de ces éléments qui :

(i) dans le cas d'un solde de carte de crédit, dépasse 10 000 $ et est en souffrance depuis plus de six mois ;

(ii) dans tout autre cas, dépasse 10 000 $ ;

b) le montant et la source de tout revenu de plus de 1 000 $ que le député et les membres de sa famille ont touché au cours des douze mois précédents et sont en droit de recevoir au cours des douze prochains mois ;

c)  tout avantage que le député et les membres de sa famille, ainsi que toute société privée dans laquelle lui ou un membre de sa famille détient un intérêt, ont reçu au cours des douze mois précédents ou sont en droit de recevoir au cours des douze prochains mois du fait d'être partie, directement ou par voie de sous-contrat, à un contrat conclu avec le gouvernement du Canada, et une description de l'objet et de la nature du contrat ou du sous-contrat ;

d)  si [la déclaration] fait mention d'une société privée :

(i)  les renseignements sur ses activités et les sources de ses revenus que le député peut raisonnablement obtenir ;

(ii)  le nom des autres personnes morales affiliées à cette société ;

(iii)  le nom et l'adresse des personnes qui détiennent des intérêts dans cette société ;

(iv) les biens réels ou les immeubles dont cette société est propriétaire.

e) les postes de dirigeant ou d'administrateur que le député ou un membre de sa famille occupe au sein d'une personne morale, d'une association commerciale ou professionnelle et d'un syndicat, ainsi que les noms des sociétés de personnes dont le député ou un membre de sa famille est un associé ;

f)  tout autre renseignement que le commissaire peut exiger.

[...]

23. (1)  Le commissaire établit à partir de la déclaration du député un sommaire qu'il soumet à l'examen de celui-ci.

(2) Le sommaire est gardé au bureau du commissaire et rendu accessible au public pour examen pendant les heures normales d'ouverture et il est affiché sur le site Web du commissaire. Chaque sommaire est aussi accessible au public, sur demande, par télécopieur ou par courrier.

[...]

Avis

26. (1)  Sur demande écrite d'un député, le commissaire donne un avis, assorti des recommandations qu'il juge indiquées, sur toute question concernant les obligations du député aux termes du présent code.

d) Des sanctions faibles et essentiellement symboliques

Malgré la rigueur des obligations posées par le Congrès américain et par le Parlement canadien, les sanctions prévues à l'encontre des élus qui auraient négligé de les respecter sont particulièrement faibles : au Canada, seule une amende de 500 dollars est ainsi prévue.

De même, aux États-Unis, la Constitution permet à chaque Assemblée de sanctionner ses membres en cas de manquement aux règles déontologiques et, avec un vote des deux tiers des membres, d'expulser un parlementaire fautif. Toutefois, en règle générale, seules des sanctions disciplinaires (censure, réprimande, amende, etc.) sont encourues. Ces sanctions ne sont d'ailleurs que rarement prononcées : selon les déclarations des représentants du Select committee on ethics (c'est-à-dire le comité en charge des questions d'éthique au Sénat américain) que les membres du groupe de travail ont pu interroger lors de leur déplacement à Washington, 85 % du temps de ce comité est consacré à donner des conseils aux parlementaires, et seulement 15 % du temps à la répression.

Des sanctions sont également prévues en cas de manquement à l'obligation de souscrire une déclaration d'intérêts : pour les membres du Congrès, un retard est ainsi puni par une amende de 200 dollars et, en cas de déclaration mensongère ou frauduleuse, le procureur général des États-Unis peut, sur le fondement de dispositions fédérales, poursuivre un parlementaire, qui encourt alors une amende civile d'un montant maximal de 11 000 dollars.

La faiblesse de ces sanctions s'explique par l'importance de la déontologie dans la culture politique des États d'Amérique du Nord : l'élu fautif, à défaut d'être frappé par des sanctions disciplinaires ou pénales, sera ainsi sanctionné par les électeurs ou par le parti politique auquel il appartient , qui refuseront de lui accorder leurs suffrages ou leur investiture lors des prochaines échéances électorales.

Enfin, vos co-rapporteurs notent que les modalités de mise en oeuvre des sanctions aux États-Unis diffèrent sensiblement de celles qui ont été prévues par le législateur canadien : alors que les membres du Congrès américain sont soumis à l'autorité d'un comité ( committee ) propre à chaque Chambre (le Standards Committee pour la Chambre des représentants 52 ( * ) et le Select Committee on ethics pour le Sénat) et composé exclusivement de parlementaires 53 ( * ) , les membres des Assemblées canadiennes sont, comme tous les responsables publics du pays, placés sous l'autorité du Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, qui est compétent pour connaître des problèmes déontologiques rencontrés par l'ensemble des « titulaires d'une charge publique » 54 ( * ) . Même dans ce dernier cas, toutefois, la Chambre conserve un rôle décisionnel fort : sauf en cas de manquement à une loi fédérale, aucune sanction ne peut être prononcée à l'encontre de l'un de ses membres sans son approbation 55 ( * ) .

2. L'absence d'approche unifiée des conflits d'intérêts à l'échelle européenne

Bien qu'elles soient fréquemment citées en exemple, les règles applicables aux parlementaires des pays d'Amérique du Nord sont d'une sévérité exceptionnelle à l'échelle occidentale : le groupe de travail souligne ainsi que la rigueur de ces règles ne connaît aucun équivalent en Europe -à l'exception du système anglo-saxon qui, comme on l'a indiqué, a connu une profonde réforme inspirée du régime américain en 2005 56 ( * ) .

Ainsi, à l'opposé du régime nord-américain de gestion des conflits d'intérêts, fondé sur la prévention et sur la conviction que le conflit d'intérêts est inévitable et naturel, les États européens ont eu tendance à considérer le conflit d'intérêts comme une anomalie, comme une déviance grave à laquelle il convenait de répondre par la sanction 57 ( * ) , et non par la prévention.

Ainsi, si les États d'Europe ne sont pas dotés, jusqu'à présent, de mécanismes spécifiquement dédiés à la gestion des conflits d'intérêts, ce n'est pas par tolérance à l'égard de tels conflits, mais en raison d'une vision spécifique des charges électives et de la démocratie : alors que les pays d'Amérique du Nord ont, très tôt, dû faire face aux situations nées de la proximité entre les élus et les intérêts privés, les États d'Europe continentale ont à l'inverse tenté d'édifier un système dans lequel les élus seraient rendus indifférents à ces mêmes intérêts.

Les régimes des Parlements européens sont ainsi marqués par le caractère souple et peu contraignant des règles qu'ils prévoient, voire par une absence totale de règles spécifiquement consacrées à la prévention des conflits d'intérêts -ce qui s'explique, comme le groupe de travail l'a déjà observé, par une tradition politique fondée sur une conception « abstraite » de l'intérêt général, dans laquelle le Parlement doit transcender les intérêts particuliers et non les concilier.

a) Des points communs sur la forme, qui ne doivent pas masquer l'existence d'importantes disparités

* Plusieurs points communs à l'échelle de l'Europe continentale

Le premier point commun à l'ensemble des codes de conduite édictés dans les États européens est leur brièveté : comme le soulignait M. Yves Mény lors de son audition par le groupe de travail, les réglementations européennes en matière de conflits d'intérêts sont souvent « sommaires » et se bornent à définir les grands principes opposables aux parlementaires.

Les codes de conduite applicables aux Assemblées européennes sont ainsi longs de trois ou quatre pages, même dans les États les plus rigoureux 58 ( * ) .

Sur le fond, plusieurs points communs peuvent être dégagés :

- tout d'abord, les législations européennes analysées ne comportent aucune définition du conflit d'intérêts et, en général, elles n'interdisent pas aux parlementaires de se trouver dans des situations où leur intérêt personnel pourrait porter atteinte à l'indépendance de leur jugement ;

- ensuite, les codes de conduite européens reposent sur une vision « statique » du conflit d'intérêts : celui-ci est conçu comme une situation, et non comme un comportement (on parle alors d'approche « dynamique » du conflit d'intérêts). Ainsi, dans les pays d'Europe continentale étudiés (à savoir l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne), seul le conflit d'intérêts réel est susceptible de faire l'objet d'une sanction ;

- dans tous les pays, les parlementaires sont tenus de déclarer les activités qu'ils exercent simultanément à leur mandat et certains de leurs intérêts, les informations ainsi recueillies étant généralement mises à disposition du public (soit dans des registres ad hoc , soit par voie électronique). Des déclarations de patrimoine -identiques à celles qui existent en France depuis 1988- doivent également être souscrites, mais elles restent confidentielles ;

- aucun des pays étudiés n'interdit à ses parlementaires d'exercer certaines fonctions après la fin du mandat, ni ne plafonne les rémunérations perçues au titre d'activités exercées en sus du mandat ;

- enfin, les sanctions prévues en cas de manquement aux obligations édictées pour la prévention des conflits d'intérêts sont purement disciplinaires et sont prononcées par l'Assemblée elle-même : à titre d'exemple, les membres du Bundestag allemand ayant contrevenu aux obligations du code de conduite peuvent ainsi voir le montant de leur indemnité parlementaire diminué jusqu'à 50 %, mais ne sont pas susceptibles d'être touchés par des sanctions judiciaires ou pénales.

* Des obligations déclaratives dont la portée est extrêmement variable

Par-delà ces points communs, les régimes européens restent marqués par des divergences fortes , qui concernent notamment deux sujets : il s'agit, d'une part, du contenu et de la portée des déclarations d'intérêts et, d'autre part, de l'importance des incompatibilités entre l'exercice de fonctions privées et le mandat parlementaire.

En effet, le contenu des déclarations d'intérêts varie très fortement d'un pays à l'autre. Selon les éléments communiqués au groupe de travail par la division de la législation comparée, les Sénats espagnol et italien n'imposent à leurs membres que des obligations minimales, qui ont trait au contrôle des incompatibilités et non à la divulgation des intérêts détenus par les parlementaires : il s'agit donc de déclarations d'activités (qui font état, en Espagne, des activités qui peuvent relever d'éventuelles incompatibilités et dont les sénateurs peuvent tirer des revenus et, pour l'Italie, des charges et fonctions exercées à titre gratuit ou onéreux) plutôt que de véritables déclarations d'intérêts .

A l'inverse, en Allemagne, le champ de la déclaration est vaste : les membres du Bundestag 59 ( * ) doivent ainsi déclarer :

- la dernière activité professionnelle qu'ils ont exercée ;

- les activités qu'ils ont exercées, dans les deux ans précédant le début du mandat, en tant que membre d'un directoire, d'un conseil de surveillance, d'un conseil d'administration, d'un conseil ou autre comité d'une société ou d'une entreprise ayant une autre forme juridique, ou encore d'un organisme ou d'un établissement de droit public. Ces mêmes activités doivent également être déclarées si elles sont exercées simultanément au mandat ;

- les activités rémunérées exercées parallèlement au mandat à titre indépendant ou comme employé ;

- les fonctions de membre d'un conseil d'administration ou d'un comité, lorsque ces entités participent à la direction ou qu'elles conseillent des associations, des fédérations ou des organisations analogues, et lorsque l'importance de ces dernières n'est pas exclusivement locale ;

- les accords sur le fondement desquels le député se voit transférer des activités déterminées ou octroyer des avantages patrimoniaux ;

- la participation dans une entreprise, si le parlementaire possède plus de 25 % des droits de vote.

Aucune activité ne doit être déclarée si elle ne produit pas un revenu au moins égal à 1 000 euros par mois ou à 10 000 euros par an.

Dans le cadre de sa déclaration, le député doit également indiquer le montant de ses revenus selon un système de seuils . Il doit ainsi préciser, pour chaque activité déclarée, si ses revenus mensuels sont compris entre 1 000 et 3 500 euros, entre 3 501 et 7 000 euros, ou s'ils sont supérieurs à 7 000 euros : en d'autres termes, le montant exact des sommes perçues n'est pas déclaré au Bundestag.

En sus de la déclaration d'intérêts, le code de conduite du Bundestag oblige les députés à faire connaître leurs intérêts lors des délibérations en commission : l'article 6 de ce code prévoit ainsi que tout député « qui, contre rémunération, travaille sur une question faisant l'objet de délibérations dans une commission doit, en tant que membre de cette commission, faire connaître avant les délibérations ses intérêts éventuels dans ce domaine dans la mesure où ils ne découlent pas manifestement des indications publiées » dans leur déclaration d'intérêts. Aucune obligation de « déport » n'est donc prévue, que ce soit en commission ou lors des débats et du vote en séance publique.

Le groupe de travail souligne, enfin, que les dons de toute nature sont parfaitement tolérés par la législation allemande, qui se borne à imposer aux députés de déclarer les dons au Président du Bundestag lorsque leur montant est supérieur à 5 000 euros pour une année civile. Celui-ci doit, par ailleurs, publier le montant exact et l'origine des dons dont le montant est supérieur à 10 000 euros par an 60 ( * ) .

* Des divergences notables en matière d'incompatibilités

Dans la même optique, le groupe de travail observe que la portée des incompatibilités parlementaires est extrêmement variable, et qu'elle diffère fortement selon les États : ainsi, aucune incompatibilité entre le mandat parlementaire et l'exercice de fonctions privées n'est prévue en Allemagne 61 ( * ) , et les incompatibilités applicables aux sénateurs espagnols et italiens sont nettement moins rigoureuses que celles qui figurent dans le code électoral français 62 ( * ) .

b) L'exception anglo-saxonne : une divulgation maximale des intérêts

Le Royaume-Uni fait toutefois exception dans ce panorama : en effet, les membres de la Chambre des communes et de la Chambre des Lords sont soumis à des règles particulièrement strictes 63 ( * ) , et qui rappellent celles qui ont été mises en place par le législateur américain.

Le code de conduite des membres de la Chambre des communes, approuvé en juillet 2005, fixe ainsi sept « principes généraux de conduite » que les parlementaires doivent respecter, sous le contrôle du Parliamentary Commissioner for Standards et du Committee for standards and priviledges , dans tous les aspects de leur vie publique 64 ( * ) . Il s'agit :

- du désintéressement : le code précise que les détenteurs de charge publique ne doivent fonder leurs décisions que sur l'intérêt général ; il interdit également à tout parlementaire d'« agir comme un partisan rémunéré » ( act as a paid advocate ), c'est-à-dire de défendre un intérêt déterminé en échange d'un avantage matériel quelconque ;

- de l' intégrité : ce principe impose aux parlementaires de ne pas se placer dans une situation comportant des obligations, notamment financières, à l'encontre d'individus ou d'organisations extérieures et qui pourraient influer sur l'exécution de leurs devoirs ;

- de l' objectivité , qui s'applique seulement dans certaines matières (nominations, passation de marchés, recommandation de personnalités pour des récompenses, etc.) et qui impose aux parlementaires de fonder leurs choix sur le mérite, et non sur des liens personnels ;

- de la capacité à rendre compte de ses actes ( accountability ) : les parlementaires sont ainsi tenus d'accepter que leurs décisions soient soumises à l'examen du public et d'en rendre compte auprès des citoyens ;

- de la transparence : les membres de la Chambre des communes doivent justifier leurs décisions auprès du public ; en outre, ils ne doivent refuser de transmettre certaines informations que si ce refus est « dicté par un intérêt général supérieur » ;

- de l' honnêteté : ce principe oblige les parlementaires à déclarer tous les intérêts privés qui ont un rapport avec les devoirs découlant de leur mandat et de résoudre d'éventuels conflits d'intérêts « d'une manière qui protège l'intérêt public ». Plus précisément, le paragraphe V du code de conduite impose aux parlementaires d'« éviter tout conflit entre leur intérêt personnel et l'intérêt public et de résoudre tout conflit de ce type sans délai et en faveur de l'intérêt public » :

- de l' exemplarité , qui suppose une adhésion parfaite aux principes déjà énumérés.

Les membres des deux Chambres sont, en outre, soumis à de larges obligations déclaratives .

En premier lieu, ils doivent déclarer l'ensemble des intérêts qu'ils détiennent, par écrit, selon un système de catégories qui permettent de retracer l'ensemble des intérêts financiers ou immobiliers des parlementaires et de leurs proches. Ces intérêts doivent être déclarés dans le mois qui suit le début du mandat, et toute modification doit être enregistrée dans un délai de quatre semaines à compter de l'évènement déclencheur.

Les déclarations ainsi établies sont publiées sur les sites Internet des deux Chambres et font l'objet d'une actualisation régulière.

Les catégories d'intérêts pris en compte par les déclarations d'intérêts
des membres de la Chambre des Communes

Les membres de la Chambre des Communes sont tenus, aux termes du code de conduite qui leur est applicable, de déclarer leurs intérêts selon plusieurs catégories qui diffèrent légèrement de celles retenues pour leurs homologues de la Chambre des Lords 65 ( * ) .

Ainsi, le formulaire d'enregistrement des intérêts des députés britanniques classe les intérêts en douze catégories :

- catégorie 1 : les fonctions d'administrateur ou de directeur de sociétés publiques ou privées, y compris à des postes dans lesquels le titulaire est payé par une autre société du groupe ;

- catégorie 2 : tous les emplois rémunérés ou dans lesquels le parlementaire reçoit un avantage pécuniaire ;

- catégorie 3 : les clients auxquels le parlementaire a personnellement procuré des services ou des conseils, dans le cadre de l'une des fonctions déclarées au titre des catégories 1 et 2 ;

- catégorie 4 : les sponsors ou toute forme de soutien financier ou matériel reçu par le parlementaire dont le montant dépasse la somme de 1 000 £ (environ 1 172 €) par « sponsor » ; le montant précis de ces avantages doit être indiqué dans la déclaration. Les députés doivent en outre préciser, au sein de cette catégorie, tous les dons qu'ils ont reçus pour le financement de leur campagne dans les douze mois qui ont précédé la déclaration ;

- catégorie 5 : les cadeaux, les avantages, les repas et hébergements dont profite le parlementaire ou son conjoint en raison des fonctions occupées au sein de la Chambre ou d'un parti politique, et provenant de n'importe quelle société, organisation ou personne, au Royaume-Uni, dès lors que leur montant est supérieur à 1 % de l'indemnité parlementaire annuelle (ce qui correspond, pour 2009, à 650 £, soit environ 762 €) ;

- catégorie 6 : les visites à l'étranger faites par le parlementaire ou son conjoint, lorsqu'elles sont liées aux fonctions parlementaires et que le coût de la visite excède 1 % du montant de l'indemnité parlementaire. Toutefois, les visites totalement prises en charge par le parlementaire lui-même ou les fonds publics ne doivent pas être déclarées ;

- catégorie 7 : les cadeaux et les avantages dont profite le parlementaire ou son conjoint, provenant d'une société, organisation ou personne à l'étranger, dans les mêmes conditions que pour la catégorie 5 ;

- catégorie 8 : les terres et immeubles qui ont une « valeur substantielle » (supérieure au montant de l'indemnité parlementaire annuelle), à l'exception des résidences personnelles du parlementaire ou de son conjoint, ou qui produisent un « revenu substantiel » (plus de 10 % de l'indemnité parlementaire annuelle) ;

- catégorie 9 : détention d'actions représentant plus de 15 % du capital de l'entité en cause, ou dont la valeur est supérieure au montant de l'indemnité parlementaire ;

- catégorie 10 : les crédits et les prêts d'une valeur supérieure à 1 000 £ et qui sont liées aux activités politiques du parlementaire ;

- catégorie 11 : les autres intérêts, financiers ou non financiers, n'entrant pas dans les précédentes catégories ;

- catégorie 12 : les noms et fonctions des membres de la famille du parlementaire qui sont employées par ce dernier et rémunérés sur les fonds de la Chambre.

En second lieu, les codes de conduite des deux Chambres prévoient que, lorsqu'ils prennent la parole dans le débat public ou dans un quelconque autre cadre interne à leur Chambre, les parlementaires doivent déclarer oralement tout intérêt pertinent lié au sujet qui fait l'objet du débat ou des discussions . Ils doivent alors déclarer non seulement leurs intérêts actuels, mais aussi leurs intérêts passés et leurs intérêts potentiels (c'est-à-dire liés à des fonctions qu'ils espèrent occuper ou à un avantage qu'ils espèrent recevoir à l'avenir). Ils sont également tenus de déclarer leurs intérêts indirects et leurs intérêts non-financiers.

La portée de la divulgation orale est donc bien plus large que le champ de la déclaration d'intérêts écrite, puisqu'elle oblige les parlementaires à déclarer l'ensemble des intérêts dont « on pourrait raisonnablement penser qu'ils exercent une influence » sur leur position.

Le « guide » qui accompagne le code de conduite de la Chambre des Communes prévoit que, sur la forme, cette déclaration orale doit avoir lieu juste avant la prise de parole en séance publique ou en commission, qu'elle doit être brève, mais qu'elle doit donner des éléments précis sur la nature de l'intérêt en cause.

Le groupe de travail souligne qu'aucune de ces déclarations n'est susceptible de priver le parlementaire du droit de participer aux débats ou au vote, fût-ce de sa propre initiative : les codes de conduite britanniques ne comprennent ainsi aucune obligation de « déport » , et n'incitent même pas les parlementaires à se retirer des débats pour lesquels ils pourraient être influencés par leurs intérêts privés (ou paraître l'être). En d'autres termes, le système britannique repose sur une divulgation maximale des intérêts, dans laquelle tous les intérêts personnels détenus par le parlementaire doivent être portés à la connaissance de ses collègues, mais où cette divulgation est sans impact sur l'exercice du mandat législatif : la transparence est ainsi considérée comme un instrument suffisant pour garantir la probité des parlementaires.

3. Les règles de prévention des conflits d'intérêts dans les Parlements étrangers : une application parfois « molle »

Les règles en vigueur dans les États étrangers doivent néanmoins être analysées en tenant compte non seulement de leur lettre, mais aussi de la manière dont elles sont mises en pratique : une rédaction sévère peut, en effet, cacher des pratiques « molles » et finalement peu susceptibles de prévenir effectivement l'émergence de conflits d'intérêts.

a) La prévalence de la liberté parlementaire : l'exemple allemand

Le groupe de travail a constaté, lors d'un déplacement à Berlin, que les modalités de mise en oeuvre des règles relatives aux conflits d'intérêts des membres du Bundestag (et qui semblent, « sur le papier », particulièrement rigoureuses) laissaient de très grandes marges de manoeuvre aux députés , si bien que ceux-ci étaient de facto laissés libres de se placer en situation de conflit d'intérêts.

En effet, toutes les personnes entendues à Berlin par le groupe de travail (membres de la commission de validation des élections, de l'immunité et du Règlement du Bundestag, représentants du Bundesrat, fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, universitaires, etc.) ont souligné que le régime de prévention des conflits d'intérêts du Parlement allemand était principalement structuré non par la volonté d'assurer la probité apparente des parlementaires, mais par le principe de « liberté du mandat » , qui figure à l'article 38 de la Loi fondamentale allemande. Cet article, qui dispose que les députés « ne sont liés ni par des mandats ni par des instructions et ne sont soumis qu'à leur conscience », limite très nettement la possibilité du législateur ou du juge constitutionnel de restreindre l'exercice d'activités en sus du mandat.

Ainsi, les députés allemands rencontrés par vos co-rapporteurs, et qui représentaient chacun des groupes politiques présents au sein du Bundestag, ont tous estimé que la gestion des conflits d'intérêts ne devait pas faire obstacle à la liberté absolue que la Loi fondamentale donne aux parlementaires pour l'exercice de leur mandat : la transparence est, dès lors, interprétée comme une modalité d'expression de la liberté des députés, qui sont totalement maîtres des éléments qu'ils déclarent 66 ( * ) et des données qui peuvent être rendues publiques. M. Dieter Wiefelspütz, membre du SPD (parti social-démocrate) et ancien président de la commission de validation des élections, de l'immunité et du Règlement, estimait d'ailleurs que le système allemand reposait sur un « processus démocratique d'auto-vérification » au cours duquel les députés devaient conserver une complète liberté. De la même manière, M. Michael Grosse-Brömer, membre de la CDU (parti conservateur), affirmait que le député devait être seul juge de ses propres motivations , et qu'il devait déterminer lui-même s'il s'exprimait par conviction ou en raison d'une dépendance par rapport à des intérêts extérieurs à son mandat.

Vos co-rapporteurs ont pu constater que ce principe de « liberté du mandat » était considéré comme crucial par l'ensemble des représentants des groupes politiques, qui ont tous jugé impensable que la liberté des députés puisse être remise en cause, fût-ce à la marge, pour permettre une meilleure prévention des conflits d'intérêts.

Le principal objet des mécanismes mis en place par le Bundestag n'est donc pas d'empêcher l'apparition effective de conflits d'intérêts, mais de permettre aux électeurs -qui sont informés des intérêts détenus par leur député- de demander des comptes à ce dernier et, éventuellement, de le sanctionner dans les urnes aux prochaines élections.

De manière générale, le groupe de travail a observé que le système allemand de prévention des conflits d'intérêts était marqué par de nombreuses lacunes :

- ce système, qui repose à la fois sur un objectif de transparence et sur un impératif de liberté, pose tout d'abord problème dans son application : en l'absence de contrainte réelle, rares sont les députés qui se soumettent pleinement à l'exercice d'autocontrôle prévu par le Règlement . À cet égard, M. Thomas Strobl, membre de la CDU et président de la commission de validation des élections, de l'immunité et du Règlement, rappelait que le code de conduite du Bundestag faisait obligation aux députés susceptibles d'être en situation de conflit d'intérêts de déclarer oralement leurs intérêts lors des délibérations en commission ; dans le même temps, il avouait toutefois qu'à sa connaissance, ce cas ne s'était jamais présenté depuis l'entrée en vigueur de la loi en 2005 ;

- la déclaration des revenus tirés, par les députés, de leurs activités annexes se fait selon un système de trois « paliers ». Or, les montants retenus pour ces paliers (de 1 000 à 3 500 euros 67 ( * ) ; de 3 501 à 7 000 euros ; plus de 7 000 euros) ne permettent pas aux autorités en charge de la déontologie de disposer d'informations suffisantes sur les rémunérations perçues par les députés : nombreux sont ainsi les observateurs qui estiment que le dernier palier est excessivement flou et ne garantit pas que les électeurs puissent exercer un contrôle démocratique sur l'activité des parlementaires 68 ( * ) ;

- l'opacité globale de ce système est renforcée par la possibilité qu'ont les députés et les partis politiques allemands de recevoir des dons de personnes morales de droit privé, sans plafond ;

- enfin, les sanctions pénales applicables aux députés sont légères -et donc peu dissuasives- : comme le rappelait M. Yoan Vilain, chercheur en droit public comparé au centre Marc Bloch, l'incrimination pénale spécifique que le législateur allemand a mis en place en 1994 pour punir les députés s'étant rendus coupables de corruption prévoit une sanction relativement faible (cinq ans d'emprisonnement, contre dix en France) et est rédigée en des termes si restrictifs 69 ( * ) qu'elle semble peu susceptible d'être jamais mise en oeuvre -elle n'a d'ailleurs, à ce jour, jamais été appliquée.

b) Les États-Unis : des règles rigoureuses, une application discutable

De la même manière, lors de leur déplacement à Washington, vos co-rapporteurs ont observé que la rigueur législation américaine était largement apparente et que les membres du Congrès n'étaient pas mieux prémunis que les parlementaires européens contre les conflits d'intérêts. Le contrôle de la probité des parlementaires semble ainsi passer par la pression exercée par le public, qui peut pousser certains responsables publics à quitter les fonctions dans le cadre desquelles ils se sont mis en situation de conflit d'intérêts, et non par les règles de hard et de soft law édictées par le Congrès qui n'ont, par elles-mêmes, qu'une efficacité limitée.

En effet, dans le système américain de prévention des conflits d'intérêts, le principe de transparence semble être considéré comme suffisant pour obliger les parlementaires à adopter des comportements conformes à l'exigence de probité. À cet égard, le groupe de travail souligne que, comme l'a reconnu l'assistant de M. Patrick Leahy, président du Judiciary committee (c'est-à-dire de la commission permanente en charge des questions pénales), les parlementaires qui ont déclaré sincèrement leurs intérêts ne sont pas susceptibles de se voir appliquer une sanction, même si les intérêts qu'ils ont déclarés ont été à l'origine d'un conflit d'intérêts réel 70 ( * ) : la déclaration semble donc paralyser la sanction .

Le manque global d'efficacité de la législation américaine est aussi attesté par le très faible nombre de sanctions prononcées : ainsi, depuis plus de trente ans, seules deux expulsions ont été prononcées sur le fondement des règles relatives à l'éthique, et l'une d'entre elles était consécutive à des faits de harcèlement sexuel. En d'autres termes, depuis 1978 et la création de normes visant à prévenir et à réprimer les manquements au devoir de probité, seul un parlementaire a été expulsé pour s'être placé en situation de conflit d'intérêts. De même, le nombre de condamnations pour des faits de corruption reste faible dans la mesure où, comme dans les pays d'Europe, le vote des parlementaires est protégé par la Constitution, si bien qu'il ne peut pas être utilisé comme un moyen de preuve et qu'il ne peut pas, à lui seul, justifier le déclenchement de poursuites judiciaires.

Enfin et surtout, vos co-rapporteurs ont constaté que la législation américaine, rigoureuse (même si cette rigueur est toute théorique) sur certains sujets, ignorait totalement des pans entiers de la vie publique : en particulier, elle ne tient aucun compte des conflits d'intérêts qui peuvent être posés par le financement, par des entreprises privées, de la vie politique et des campagnes électorales 71 ( * ) .

On soulignera ainsi que, dans un arrêt Citizens united v. Federal Election Commission du 21 janvier 2011, la Cour suprême a jugé que la liberté d'expression, garantie par le Premier amendement de la Constitution des États-Unis, interdisait qu'une quelconque limitation soit apportée à la participation des organismes privés aux campagnes électorales. Le financement de la vie politique par des entreprises ne connaît donc aucune barrière. Cette jurisprudence se cumule d'ailleurs avec l'absence de plafond global de dépenses électorales : les fonds engagés par le candidat pour faire campagne sont donc théoriquement illimités, de même que les sources de financement auxquelles il peut faire appel. On imagine aisément quelles peuvent être les conséquences de cette situation sur la probité des parlementaires (puisqu'il est douteux que les entités qui ont contribué à faire élire un candidat puissent, en dépensant pour son compte des sommes colossales, n'en attendre aucune contrepartie si ce dernier est effectivement élu), et en quoi la position de la Cour suprême peut en pratique contribuer à créer de graves conflits d'intérêts...

Il semble donc que les solutions retenues par le législateur américain, pourtant fréquemment cité en exemple auprès des pays européens, ne soient pas suffisantes pour prévenir l'émergence de conflits d'intérêts -voire, dans certains domaines, qu'elles en favorisent l'apparition.

II. DES MÉCANISMES DE GESTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS EFFICACES, TRANSPARENTS ET PRAGMATIQUES

Plus encore que sur des règles juridiques, la prévention effective des conflits d'intérêts au sein du Parlement doit reposer sur la promotion d'une probité individuelle allant au-delà du droit.

Tirant les conséquences de ce constat, vos co-rapporteurs ont formulé deux séries de propositions :

- d'une part, ils ont estimé que les dispositions prévues par le droit en vigueur et qui ont pour effet, directement ou indirectement, de lutter contre les conflits d'intérêts, devaient être étendues et renforcées . Ils préconisent ainsi de durcir certaines des prohibitions applicables aux activités accessoires des parlementaires ou relatives à leurs relations avec des intérêts extérieurs au Parlement. Ceci impliquera une extension des incompatibilités, mais aussi un encadrement plus étroit des liens que les membres des Assemblées peuvent entretenir avec des acteurs économiques privés ;

- d'autre part, ils ont jugé qu'une véritable « culture de la prévention des conflits d'intérêts », conduisant l'ensemble des parlementaires à adopter des comportements conformes à l'impératif de probité de la représentation nationale, devait être créée au sein des Assemblées. Ainsi, afin de dégager un équilibre la responsabilité individuelle des parlementaires -qui doit, selon vos co-rapporteurs, rester au coeur de l'exercice du mandat- et l'institution d'un système de contrôle efficace, des mécanismes favorisant la transparence des intérêts détenus par les membres des Assemblées devront être mis en place.

A. UNE DÉFINITION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS ADAPTÉE AUX MISSIONS DES PARLEMENTAIRES

1. Une définition souple et pragmatique

Vos co-rapporteurs ont relevé l'existence de nombreuses définitions relatives aux conflits d'intérêts, émanant soit de pays ayant mis en place une législation de prévention des conflits d'intérêts, à l'image des États-Unis ou du Canada, dont les dispositifs ont été présentés précédemment, soit d'institutions internationales ayant engagé une réflexion sur le sujet, telles que l'OCDE. Aucune définition « universelle » de ce concept n'existe actuellement. Il convient toutefois de rappeler, à l'instar du rapport précité de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, qu'elles comportent un certain nombre de caractéristiques communes, dont l'importance diffère selon la définition considérée 72 ( * ) .

Toutefois, l'ensemble de ces définitions ne prend pas en compte les spécificités du mandat parlementaire et leur application stricto sensu à la situation des députés et des sénateurs pourrait entraver l'exercice de leur mandat national.

Tout d'abord, contrairement aux membres du Gouvernement et aux fonctionnaires qui disposent d'un pouvoir personnel et discrétionnaire dans la prise d'une décision publique, les parlementaires ont un pouvoir législatif collectif . Par conséquent, toutes les idées exprimées publiquement par un parlementaire sont licites, même celles exprimant ou défendant des intérêts personnels ou particuliers. Pour que des décisions soient adoptées par le Parlement, elles doivent au préalable faire l'objet d'un débat public, collectif et souvent contradictoire avant de trouver une traduction juridique. En conséquence, le groupe de travail estime que la prévention des conflits d'intérêts pour les parlementaires doit avoir pour objectif l'encadrement du débat parlementaire afin que ce dernier ne soit pas biaisé au profit d'intérêts particuliers.

Il convient ensuite de noter le caractère généraliste des questions sur lesquelles les parlementaires doivent se prononcer. C'est pourquoi vos co-rapporteurs ont souhaité que les intérêts privés susceptibles de créer des situations de conflits d'intérêts fassent l'objet d'une définition précise, afin de limiter le champ de ces intérêts. En d'autres termes, une acception trop extensive de la notion d'intérêt personnel des parlementaires ne peut être retenue en raison du caractère généraliste des questions sur lesquelles ils sont appelés à se prononcer.

Au vu des particularités du mandat parlementaire, la majorité de vos co-rapporteurs n'a pas souhaité retenir la définition de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique 73 ( * ) -qui a vocation à s'appliquer spécifiquement aux membres de l'exécutif, à leurs collaborateurs et aux fonctionnaires, comme l'a d'ailleurs rappelé M. Sauvé, lors de son audition par vos co-rapporteurs-, qui leur a semblé inadaptée à la situation des parlementaires. Il en est de même de celle proposée par le Conseil de l'Europe qui concerne au premier chef le cas spécifique des agents publics et qui inclut, de fait, celui des élus parlementaires sans toutefois prendre en compte les spécificités de leurs missions 74 ( * ) .

Par ailleurs, les définitions existantes des conflits d'intérêts abordent la question des situations de conflits d'intérêts « apparents » .

A titre d'illustration, ce type de situation renvoie aux cas où l'intérêt privé d'un parlementaire pourrait apparaître comme étant en contradiction avec l'intérêt général de son mandat bien que, de facto , un tel conflit puisse ne pas exister. Cette question peut également renvoyer à la situation d'un parlementaire à l'origine d'un amendement ou d'une proposition de loi, visant à attribuer un avantage fiscal à des associations oeuvrant dans un secteur dans lequel le parlementaire est également très actif, sans que l'octroi de cet intérêt privé soit en contradiction avec l'intérêt général. La notion de conflit d'intérêts potentiel inclut donc une part de subjectivité qui contient un risque non-négligeable : celui de détourner de son objectif premier la recherche de la probité des parlementaires en donnant lieu à une « chasse aux sorcières » qui pourrait être utilisée à des fins politiques et entraverait l'exercice du mandat des députés et des sénateurs. En d'autres termes, la potentialité d'un conflit d'intérêts non-avéré comme élément de sanction peut être une source d'insécurité juridique pour les parlementaires, en raison de la dimension subjective qui serait attachée à cette sanction et qui conduirait à stigmatiser tout parlementaire qui détiendrait un intérêt privé qui pourrait potentiellement entrer en conflit avec l'intérêt général. C'est pourquoi la majorité de vos co-rapporteurs n'a pas retenu la définition proposée par le Conseil de l'Europe. Il en a été de même des définitions proposées par l'OCDE 75 ( * ) et le Service Central de Prévention de la Corruption 76 ( * ) , pour les raisons précédemment évoquées.

Vos co-rapporteurs ont donc recherché une définition souple et pragmatique des conflits d'intérêts, destinée à apporter aux parlementaires les moyens d'apprécier leur propre situation au regard de cette définition. Cette souplesse vise à préserver leur responsabilité individuelle, qui est au coeur de l'exercice de leur mandat, tout en leur assurant une certaine sécurité juridique nécessaire pour qu'ils assument sereinement leur mandat électif et pour leur permettre d'être les principaux acteurs du renforcement de la probité et de l'indépendance du Parlement.

Par ailleurs, vos co-rapporteurs ont considéré qu'il serait peu judicieux et complexe de vouloir énumérer l'ensemble des situations qui pourraient être qualifiées de conflits d'intérêts : une définition normative ne saurait en effet prévoir, a priori , l'ensemble des cas d'espèce possibles.

La définition proposée par M. Jean Gicquel, professeur émérite à l'Université Paris-I, lors de son audition par votre groupe de travail, permet cette souplesse tout en valorisant, dans le même temps, la responsabilité individuelle des parlementaires. Selon M. Gicquel, « il y a conflit d'intérêts quand une personne dépositaire de l'intérêt général bénéficie directement ou indirectement d'un intérêt particulier dans une opération dont elle a la charge ».

La majorité de vos co-rapporteurs a souhaité compléter cette définition par le dernier alinéa de la définition de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, selon lequel ne peuvent être considérés comme des intérêts pouvant entrer en conflits avec les intérêts d'ordre public d'un parlementaire, les intérêts qui sont en cause dans des décisions de portée générale et celles qui concernent un large groupe de personnes qui dépasse largement un seul parlementaire.

Ainsi, la définition retenue par la majorité des membres du groupe de travail, qui pourrait servir de fondement à la prévention des conflits d'intérêts au Sénat, et à l'ensemble des dispositifs proposés, serait la suivante :

« Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un parlementaire détient des intérêts privés qui peuvent indûment influer sur la façon dont il s'acquitte des missions liées à son mandat, et le conduire ainsi à privilégier son intérêt particulier face à l'intérêt général. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d'intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes . »

Proposition n° 1

Définir les conflits d'intérêts pour un parlementaire de la façon suivante : « Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un parlementaire détient des intérêts privés qui peuvent indûment influer sur la façon dont il s'acquitte des missions liées à son mandat, et le conduire ainsi à privilégier son intérêt particulier face à l'intérêt général. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d'intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes. »

2. Les questions liées à une définition des conflits d'intérêts

De cette proposition de définition découle un certain nombre de précisions et de conséquences.

Les membres de votre groupe de travail se sont également interrogés sur la mise en place de dispositifs préventifs des conflits d'intérêts différents pour les sénateurs et pour les députés. Cette option n'a pas été retenue dans la mesure où, selon la majorité de vos co-rapporteurs, les parlementaires, détenteurs d'une part de représentation nationale, doivent être soumis, quelle que soit la Chambre à laquelle ils appartiennent, à une culture déontologique identique. Certains thèmes, qui sont communs aux deux Chambres, pourraient faire l'objet d'une modernisation et d'un renforcement ; à titre d'exemple, il pourrait s'agir des incompatibilités parlementaires (pour lesquelles vos co-rapporteurs proposent d'ailleurs des améliorations notables). Les propositions du groupe de travail relatives aux rémunérations accessoires et aux organismes extra-parlementaires participent de ce même esprit et devraient être appliquées indifféremment aux sénateurs et aux députés.

Proposition n° 2

Mettre en place, autant que faire se peut, des règles de déontologie communes aux parlementaires des deux Assemblées.

Le groupe de travail a par ailleurs débattu de l'instauration de dispositifs renforçant la prévention des conflits d'intérêts pour les sénateurs qui auraient, au sein de la Haute Assemblée, des responsabilités particulières : présidents de commissions, présidents de groupes politiques, rapporteurs généraux des commissions des finances et des affaires sociales, rapporteurs spéciaux, etc. En effet, de par leurs fonctions, ces sénateurs (qui disposent d'une influence substantielle sur l'issue du travail législatif) peuvent sembler davantage exposés aux risques de conflits d'intérêts. Cette proposition n'a finalement pas été retenue par une majorité de membres du groupe de travail dans la mesure où l'obligation de souscription des déclarations d'intérêts par les sénateurs, au début et au cours de leur mandat, devrait prévenir les situations de conflits d'intérêts en évitant, par exemple, qu'un sénateur ne soit nommé rapporteur sur un texte de loi relatif à un domaine dans lequel il (ou un de ses proches) détient ou aurait détenu des intérêts.

Enfin, la recherche d'une définition adaptée aux spécificités parlementaires a été l'occasion, pour l'ensemble de vos co-rapporteurs, de réaffirmer la nécessité de réviser les dispositifs pénaux réprimant les conflits d'intérêts . A cet égard, il convient de rappeler que le Sénat a adopté, le 24 juin 2010, en première lecture, une proposition de loi de notre excellent collègue M. Bernard Saugey, qui redéfinit le délit de prise illégale d'intérêt, en le limitant aux situations dans lesquelles un élu privilégie un « intérêt personnel distinct de l'intérêt général ». Votre groupe de travail rappelle que la nouvelle définition ainsi proposée est soutenue par la majorité des magistrats, qui estime que le champ trop large couvert actuellement par les dispositions actuelles de l'article 432-12 du code pénal génère une insécurité juridique pour les élus locaux.

Proposition n° 3

Redéfinir le délit de prise illégale d'intérêt comme le fait de privilégier « un intérêt personnel distinct de l'intérêt général ».

B. CRÉER DES DÉCLARATIONS D'INTÉRÊTS POUR ASSURER LA TRANSPARENCE DES ENGAGEMENTS DES PARLEMENTAIRES

En vue de garantir la confiance des citoyens en leurs représentants et de renforcer la crédibilité de l'action menée par les Assemblées, le groupe de travail a estimé nécessaire d' assurer la transparence des intérêts détenus par les parlementaires .

Dans cette optique, vos co-rapporteurs se sont prononcés, de manière unanime, en faveur de l'institution de déclarations d'intérêts. De telles déclarations, loin d'avoir une vocation punitive ou stigmatisante, devront avoir pour objectif d'inciter les parlementaires à s'interroger sur l'incidence des intérêts qu'ils détiennent en dehors de leur mandat sur les décisions qu'ils prennent dans le cadre de ce même mandat : elles seront donc non seulement un instrument de contrôle, mais aussi un outil pédagogique.

Proposition n° 4

Soumettre l'ensemble des parlementaires à l'obligation de souscrire une déclaration d'intérêts.

Ainsi, afin de garantir à la fois la sincérité et la précision des déclarations d'intérêts dont ils recommandent la création, vos co-rapporteurs ont estimé nécessaire de dresser une typologie des intérêts qui devront y être retracés -et qui répondent à la définition des conflits d'intérêts qu'ils ont élaborée- : les déclarations devront ainsi faire état des intérêts matériels des parlementaires, présents et passés, et de certains des intérêts détenus par leurs proches.

1. La portée de la déclaration d'intérêts

La forme et le contenu de la déclaration d'intérêts découlant des objectifs qui lui seront assignés, il convient avant tout de définir la portée de cette nouvelle déclaration.

* Éviter la nomination de personnes ayant des intérêts forts dans les domaines concernés par un texte

Si un parlementaire n'a, en votant individuellement, qu'une emprise limitée sur la décision prise in fine par le Parlement, certains membres des Assemblées ont à l'inverse un pouvoir décisif sur le contenu du texte : tel est notamment le cas des personnes nommées rapporteurs sur une proposition ou sur un projet de loi.

Dans cette optique, le groupe de travail estime que les déclarations d'intérêts devront permettre, dans toute la mesure du possible, d'éviter qu'une personne ayant des intérêts forts dans un secteur ne soit nommée sur un texte concernant ce même secteur : il s'agit, ce faisant, de faire en sorte qu'aucun soupçon de partialité ne vienne troubler la légitimité des choix du législateur, et qu'il ne puisse pas être contesté que ceux-ci sont la traduction de l'intérêt général. Cette mesure devra donc assurer la totale crédibilité des décisions prises par les Assemblées.

Proposition n° 5

Utiliser les déclarations d'intérêts des parlementaires pour éviter la nomination comme rapporteur d'une personne ayant des intérêts dans le secteur concerné par le texte.

Cette interdiction de principe ne doit toutefois pas interdire à un parlementaire détenteur d'intérêts dans un domaine d'intervenir dans des débats portant sur ce domaine : il serait en effet paradoxal que, au nom de la prévention des conflits d'intérêts, on empêche les parlementaires les mieux informés sur les problématiques d'un secteur de contribuer à l'élaboration de la norme et que l'on prive le législateur des compétences et des connaissances des membres du Parlement. La majorité de vos co-rapporteurs plaide donc pour que l'impératif d'impartialité des parlementaires soit interprété de manière rigoureuse, mais non rigoriste : l'application de ce principe devra donc être souple et adaptée à chaque cas particulier , sous peine d'empêcher de facto tous ceux qui ont eu une carrière professionnelle dans le secteur privé ou dans la sphère concurrentielle avant d'être élus d'avoir une carrière éminente au sein de leur Assemblée.

* Permettre l'instauration d'un contrôle par les pairs

Par ailleurs, il ne serait pas compréhensible qu'aucun mécanisme de contrôle ne soit instauré à l'encontre des parlementaires qui n'exercent, à un moment donné, aucune responsabilité particulière au sein de leur Assemblée. Ainsi, selon vos co-rapporteurs, le caractère collectif du pouvoir parlementaire (et donc la « dilution des intérêts) ne doit pas servir de prétexte à l'instauration d'un système dans lequel l'immense majorité des députés et des sénateurs ne serait soumise à aucune contrainte et ne ferait l'objet d'aucun mécanisme de contrôle.

Dès lors, les membres du groupe de travail ont estimé nécessaire que les parlementaires puissent, lorsqu'un amendement leur est présenté par un de leurs collègues, se faire une idée sur les raisons qui l'ont poussé à proposer l'adoption d'une telle disposition : il s'agit donc de renforcer la transparence du processus législatif en dévoilant l'origine et la portée des dispositions dont l'adoption est proposée au Parlement, et de permettre aux parlementaires de savoir si les propos tenus par l'un de leurs collègues ou les amendements qu'il dépose révèlent l'existence de liens d'intérêts avec une entité privée.

Les déclarations d'intérêts seront un outil précieux dans ce cadre, puisqu'elles permettront aux membres du Parlement de connaître les intérêts détenus par leurs pairs , et donc de s'assurer que l'action de certains de leurs pairs ne découle pas de causes extérieures à leur mandat 77 ( * ) .

Vos co-rapporteurs estiment que ce contrôle par les pairs ne doit pas créer une atmosphère de suspicion généralisée mais doit, au contraire, amener à un renforcement de l'autodiscipline : il semble en effet peu légitime que des parlementaires acceptent, quelle qu'en soit la cause, de déposer ou de soutenir des amendements rédigés par des groupes de pression ou par des organismes privés et qui ont pour seul but de favoriser un intérêt particulier.

* Traiter la question des « proches » des parlementaires

Vos co-rapporteurs estiment également que la déclaration d'intérêts doit être un outil privilégié pour éviter les conflits d'intérêts impliquant non pas le parlementaire lui-même, mais l'un de ses « proches ».

Ainsi, comme l'avait proposé M. Olivier Fouquet lors de son audition, un système proche du mécanisme des « réserves » utilisé par la commission de déontologie (et par lequel il est demandé, par exemple, à deux époux de s'abstenir chacun de réaliser certaines opérations ou certaines actions qui pourraient avoir une incidence directe sur les intérêts de l'autre) pourrait être mis en place. Ces réserves prendraient, concrètement, la forme d'une recommandation de l'autorité en charge de la déontologie, qui demanderait au parlementaire susceptible d'être placé en situation de conflit d'intérêts du fait des activités de l'un de ses proches, d'éviter de prendre position sur certains sujets.

Proposition n° 6

Utiliser un système de « réserves » pour éviter les conflits d'intérêts créés par les intérêts des « proches » des parlementaires.

* Sanctionner les élus s'étant placés en situation de conflit d'intérêts réel et grave

Les déclarations d'intérêts permettront également à l'organe en charge de la déontologie au Sénat de repérer les situations de conflit d'intérêts réel et grave et, le cas échéant, de les sanctionner. Elles ne seront toutefois qu'un outil parmi d'autres -et certainement pas le plus efficace, dans la mesure où un élu souhaitant favoriser son intérêt personnel s'attachera probablement à dissimuler ce même intérêt- et ne doivent en aucun cas être réduites à cette visée punitive.

* Refuser la mise en place d'une obligation de déport ex ante

En revanche, vos co-rapporteurs se sont majoritairement opposés à ce que les déclarations d'intérêts puissent être le support d'une obligation de déport, prononcée ex ante par l'organe en charge de la déontologie au Sénat.

Plusieurs personnes entendues par le groupe de travail ont en effet préconisé que l'autorité en charge de la déontologie pour le Sénat puisse, au vu des éléments contenus dans les déclarations d'intérêts, imposer à un sénateur de s'abstenir de participer au débat et au vote sur les textes qui concerneraient les intérêts qu'il détient et qui pourraient donc être directement à l'origine d'un bénéfice personnel ; cette proposition a été formulée par MM. Guy Carcassonne et Daniel Lebègue, président de la section française de Transparency international (ce dernier ayant toutefois reconnu, au cours de son audition, que la mise en application d'une telle obligation de déport serait extrêmement lourde et complexe).

Néanmoins, force est de constater que l'obligation de déport soulève, en fait comme en droit, de nombreux problèmes .

En premier lieu, et comme l'a particulièrement souligné M. Olivier Fouquet, la mise en place d'une obligation de déport (qui s'assimilerait, en pratique, à une véritable interdiction de voter) viderait le mandat parlementaire d'une large partie de son contenu : il semble ainsi difficilement imaginable qu'une autorité de déontologie, aussi légitime soit-elle, puisse interdire à un parlementaire, représentant de la souveraineté nationale, de faire ce pour quoi il a été élu. C'est d'ailleurs cet argument qui a, jusqu'à présent, interdit la mise en place d'une telle obligation de déport dans les pays étrangers : le groupe de travail relève à cet égard que, même dans les pays où une procédure de déport est prévue, le déport ne peut jamais être imposé à un parlementaire 78 ( * ) .

En outre, vos co-rapporteurs ont estimé qu'une procédure de déport obligatoire, loin de renforcer la transparence des procédures parlementaires, pourrait être utilisée de manière « politicienne » -notamment parce qu'il sera forcément complexe d'apprécier si l'intérêt détenu par l'élu est suffisamment fort, personnalisé ou intense pour justifier qu'il soit tenu écarté des débats et du vote. La mise en oeuvre de l'obligation de déport pourrait donc être vue, par l'opinion publique comme par certains parlementaires, comme une manière de manipuler les majorités en empêchant quelques élus de voter sur des textes ou sur des dispositions sensibles et dont l'adoption est incertaine : elle aurait donc probablement pour effet non pas d'améliorer la crédibilité du Parlement, mais de créer de nouvelles suspicions.

Enfin, l'obligation de déport poserait de lourds problèmes juridiques, dans la mesure où, en contraignant les parlementaires à se conduire d'une manière prédéterminée, elle s'apparente à un mandat impératif prohibé par l'article 27 de la Constitution . Une telle mesure risquerait donc d'être censurée par le Conseil constitutionnel.

Proposition n° 7

Ne pas instaurer une « obligation de déport » ex ante , par laquelle l'autorité en charge de la déontologie pour une Assemblée pourrait interdire préventivement à un parlementaire de participer aux débats et au vote sur un texte.

Toutes ces raisons ont incité vos co-rapporteurs, à une large majorité, à renoncer à instaurer une obligation de déport ex ante : il leur a ainsi semblé préférable de laisser les élus libres de choisir, ou non, de se déporter , et de prévoir que ceux qui auraient négligé d'utiliser cette possibilité alors même que leur participation aux débats les plaçait, de manière grave et manifeste, dans une situation de conflit d'intérêts, pourraient être sanctionnés.

2. Le contenu des déclarations d'intérêts : des déclarations sincères et précises

Sur le fondement de ces objectifs, vos co-rapporteurs ont déterminé le contenu des futures déclarations d'intérêts.

a) Une obligation générale de sincérité de la déclaration

En premier lieu, le groupe de travail a souhaité que la déclaration d'intérêts soit un outil souple, capable de s'adapter à la situation particulière de tous les parlementaires et leur permettant de prendre leurs responsabilités face à leurs pairs et aux citoyens. Dès lors, dans un souci de pragmatisme, les membres du groupe de travail ont majoritairement considéré que, si des exigences minimales devaient être définies par les textes (c'est-à-dire par la loi ou par une instruction du Bureau), il serait vain de vouloir énumérer, dans une norme figée, l'ensemble des éléments qui doivent figurer dans la déclaration d'intérêts : en effet, le législateur ne saurait tout prévoir, si bien que toute énumération limitative des intérêts soumis à une obligation de déclaration risque, à l'usage, de s'avérer incomplète ou de donner lieu à des stratégies de contournement.

Vos co-rapporteurs estiment donc que la solution la plus efficace pour garantir l'exhaustivité de la déclaration est de faire la liste des éléments « de base » devant y être retracés et d'y superposer une exigence générale de sincérité de la déclaration . Ce choix non seulement garantirait que les membres du Parlement soient confrontés à des règles claires et à des indications précises sur l'étendue de leurs obligations (ce qui assurerait la lisibilité et l'objectivité de la norme), mais surtout permettrait à l'organisme destinataire des déclarations d'intérêts de demander des éclaircissements sur les déclarations qui lui sembleraient inexactes, lacunaires ou incomplètes, ou encore d'en solliciter la rectification.

Propositions n°s 8 et 9

Mettre en place une exigence générale de sincérité des déclarations d'intérêts.

Permettre à l'autorité en charge de la prévention des conflits d'intérêts de demander des éclaircissements si elle considère que cette exigence n'a pas été respectée.

b) La typologie des intérêts soumis à déclaration

* La nature des intérêts soumis à l'obligation de déclaration

Conformément aux principes qu'ils ont retenus pour la définition du « conflit d'intérêts », vos co-rapporteurs ont, à une très large majorité, estimé que seuls les intérêts matériels des parlementaires devaient être retracés au sein de leur déclaration d'intérêts. Leurs intérêts « moraux » (c'est-à-dire spirituels, religieux, politiques, associatifs, etc.) ne seraient donc soumis à aucune obligation de déclaration.

Proposition n° 10

Limiter le champ de la déclaration d'intérêts aux intérêts matériels des parlementaires, à l'exclusion de leurs intérêts moraux.

Vos co-rapporteurs rappellent également que la description des intérêts devant figurer dans la déclaration ne doit pas être interprétée en des termes restrictifs : en vertu de l'exigence générale de sincérité de la déclaration que le groupe de travail souhaite mettre en place, il incombera à chaque parlementaire de déclarer les intérêts qui, bien qu'ils ne répondent pas aux critères cités plus haut, sont susceptibles selon lui d'influer sur la manière dont il s'acquitte de ses missions. La typologie dressée par le groupe de travail n'est donc pas exclusive, mais vise à cibler les intérêts qui, aux yeux de vos co-rapporteurs, sont les plus susceptibles de donner lieu à des difficultés : dès lors, ils estiment que ces intérêts devront être déclarés en priorité, mais sans préjudice de la déclaration d'autres intérêts potentiellement litigieux.

La majorité des membres du groupe de travail a ainsi considéré que devraient principalement être déclarés, les intérêts qui peuvent créer un lien de dépendance économique, financière ou matérielle du parlementaire vis-à-vis d'un organisme extérieur au Parlement. Par conséquent, les intérêts professionnels et financiers -qui semblent les plus susceptibles de donner lieu à un conflit d'intérêts- devront faire l'objet d'une attention particulière et être déclarés en priorité.

Proposition n° 11

Prévoir que les parlementaires déclarent en priorité leurs intérêts professionnels et financiers.

A minima , cette exigence obligerait les sénateurs à déclarer :

- les participations qu'ils détiennent dans des sociétés ou entreprises de toute nature, lorsque ces participations dépassent un certain seuil en euros ou en pourcentage du capital de l'entité en cause 79 ( * ) ;

- l'ensemble des activités ou fonctions qu'ils exercent ou ont exercé pendant la période couverte par la déclaration d'intérêts ; cette obligation s'appliquerait aussi bien aux activités rémunérées qu'aux activités bénévoles, et toucherait tous les types de fonctions, qu'il s'agisse de fonctions publiques non-électives ou de fonctions exercées dans le secteur privé.

Dans ce cadre, vos co-rapporteurs estiment que les éventuels gains tirés d'une activité professionnelle, quelle qu'elle soit, devraient être déclarés de manière précise et transparente. Majoritairement, ils proposent donc que les membres du Parlement détenant, parallèlement à leur mandat, des fonctions rémunérées soient tenus de déclarer le montant précis de leur rémunération et sa source (c'est-à-dire le nom de leur employeur) au sein de leur déclaration d'intérêts.

Proposition n° 12

Prévoir que la déclaration d'intérêts doit retracer le montant précis des rémunérations de toutes natures perçues au titre d'une activité accessoire au mandat parlementaire.

- les liens qu'ils entretiennent, dans le cadre des activités ou fonctions qu'ils exercent en-dehors du Parlement, avec des entités privées et qui sont créatrices d'un véritable « intérêt », c'est-à-dire qui peuvent conduire à mettre le parlementaire dans une situation de dépendance. C'est d'ailleurs dans cet élément que réside l'originalité de la déclaration d'intérêts par rapport aux déclarations actuelles 80 ( * ) , puisque le champ de la notion d'« intérêt » dépasse les seules fonctions ou le simple patrimoine : à titre d'illustration, et comme le soulignait M. Guy Carcassonne lors de son audition par vos co-rapporteurs-, le parlementaire qui est en même temps avocat et dont le principal client est un grand groupe pétrolier est aujourd'hui tenu, dans le cadre d'une déclaration d'activités, seulement de déclarer ses fonctions d'avocat ; à l'inverse, s'il doit souscrire une déclaration d'intérêts, il devra faire état de ses liens particuliers avec le secteur énergétique 81 ( * ) .

* La prise en compte des intérêts passés

En outre, vos co-rapporteurs ont estimé nécessaire que la déclaration d'intérêts retrace non seulement les intérêts détenus par les parlementaires au moment où ils souscrivent cette déclaration, mais aussi leurs intérêts passés : il serait en effet peu légitime et peu compréhensible pour l'opinion publique que les déclarations d'intérêts se bornent à faire état des intérêts détenus par un député ou par un sénateur au moment où commence son mandat, et ne tiennent aucun compte des activités ou des fonctions qu'il a pu exercer avant d'accéder au Parlement.

Dans ce cadre, la majorité des membres du groupe de travail a souhaité que les parlementaires déclarent, en plus de leurs intérêts présents, les intérêts qu'ils ont acquis préalablement à leur élection ; la période de référence devrait, selon vos rapporteurs, être fixée à trois ans.

Proposition n° 13

Tenir compte des intérêts détenus pendant les trois ans qui précèdent le début du mandat.

* L'intensité des intérêts soumis à l'obligation de déclaration

Par ailleurs, le groupe de travail a considéré, en cohérence avec la définition du « conflit d'intérêts » qu'il a retenue, que seuls les intérêts les plus importants (c'est-à-dire ceux qui sont intenses et spécifiques) devraient être retracés au sein de la déclaration d'intérêts. Pour prendre un exemple concret, si un parlementaire exerce, simultanément à son mandat, une activité de recherche médicale qui l'amène à être en relation avec des grands groupes pharmaceutiques privés, ce parlementaire sera tenu de déclarer ses relations avec les groupes qui le soutiennent financièrement dès lors que le montant des subventions qu'il reçoit est tel que celles-ci sont indispensables à la poursuite de ses travaux ; toutefois, si le groupe en cause n'est qu'un financeur parmi d'autres et que sa participation financière n'a pas d'impact décisif sur le cours des recherches, il ne devra pas être cité dans la déclaration d'intérêts du parlementaire.

Rappelons que cette prise en compte des intérêts les plus importants est justifiée, aux yeux de vos co-rapporteurs, par le caractère généraliste des questions traitées par les parlementaires : les députés et les sénateurs ont en effet vocation à intervenir dans l'ensemble des politiques publiques nationales, si bien qu'il semble difficile de leur demander de faire, dans tous les secteurs de la vie publique, la liste de tous leurs intérêts -même les plus « mineurs ».

À l'inverse, il semble légitime que les membres du gouvernement (dont le champ de compétence est précisément défini et nettement plus étroit que celui des parlementaires) soient soumis à des obligations déclaratives plus lourdes.

Le contenu de la déclaration d'intérêts des membres du gouvernement

Aux termes d'une instruction du Premier ministre, M. François Fillon, du 16 mars 2011, les déclarations d'intérêts des membres du gouvernement (dont le contenu s'inspire largement des préconisations du rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, dit « rapport Sauvé ») doivent retracer :

- les responsabilités exercées par un membre du gouvernement en sus de ses fonctions ministérielles (fonctions électives, responsabilités dans le secteur associatif, etc.) ; sont concernées par cette rubrique, les activités exercées simultanément aux fonctions au sein du gouvernement ;

- les responsabilités et les activités exercées par le membre du gouvernement pendant les trois années précédant le début de ses fonctions (fonctions électives, activités professionnelles et autres « responsabilités publiques ») ;

- les instruments financiers détenus par un membre du gouvernement. Dans ce cadre, il est précisé que les parts ou actions d'organismes de placement collectif (de type SICAV ou FCP) ne doivent pas être déclarées, « sauf si elles se rapportent à un secteur d'activité particulier, précisément défini », et que seules les participations de plus de 5 000 euros ou de 5 % du capital de la structure concernée doivent figurer dans la déclaration. La gestion de ces instruments financiers est confiée, pendant la durée des fonctions ministérielles, à un intermédiaire agréé : on retrouve ici l'une des propositions du rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, qui préconisait la mise en place d'un « mandat de gestion sans droit de regard » pour les participations financières détenues par les membres du gouvernement. Toutefois, les propriétés immobilières ne font l'objet d'aucune déclaration ;

- les « autres intérêts » des membres du gouvernement : cette catégorie « balai » doit notamment permettre aux membres du gouvernement de déclarer les intérêts de leurs proches (qui sont décrits comme des « intérêts familiaux »).

Les déclarations d'intérêts des ministres et des secrétaires d'État ont été mises en ligne, sur le site du gouvernement, le 21 avril dernier ; depuis cette date, elles sont librement consultables par le public. Pour des raisons évidentes, en ont toutefois été retirées les « informations pouvant concerner la vie privée de personnes tierces ».

c) Les modalités de prise en compte des intérêts des « proches » des parlementaires

Se pose également la question de la prise en compte des intérêts détenus non par le parlementaire lui-même, mais par des personnes si proches de lui que leurs intérêts se confondent partiellement avec les siens. En effet, il est évident que les intérêts des « proches » sont cruciaux au regard des conflits d'intérêts dans la mesure où un responsable public peut être tenté de détourner ses fonctions à son propre profit, mais aussi au bénéfice de ses amis ou des membres de sa famille.

Vos co-rapporteurs soulignent que cette question fait partie des plus délicates et des plus complexes à traiter en matière de prévention des conflits d'intérêts : ainsi, toutes les personnes qu'ils ont entendues ont mis en lumière les problèmes qu'une prise en compte trop étendue des intérêts des « proches » pourraient poser au regard du principe de respect de la vie privée (non pas du parlementaire, mais de ses « proches »).

Car la question des intérêts des « proches » soulève deux difficultés principales :

- tout d'abord, la déclaration des intérêts des « proches » conduit à dévoiler des informations qui concernent des personnes privées n'ayant, dans la plupart des cas, aucune carrière élective ou aucune responsabilité publique (c'est-à-dire n'ayant, individuellement, aucune raison valable d'être soumises à des obligations déclaratives d'une telle ampleur). Il s'agit donc d'appliquer, par capillarité, le régime applicable aux parlementaires à des personnes qui n'ont qu'un lien ténu (et qui relève strictement de la sphère privée) avec le Parlement ;

- surtout, la nécessité de tenir compte des intérêts des proches peut mener à forcer des personnes extérieures au Parlement à faire état de données qui relèvent de leur vie privée , alors même qu'elles n'ont pas choisi une carrière publique. Concrètement, l'application aux intérêts des proches de la règle d'exhaustivité et d'exactitude que vos co-rapporteurs proposent d'appliquer aux parlementaires pourrait avoir pour conséquence d'obliger les enfants et les conjoints des membres du Parlement à déclarer à l'auteur initial de la déclaration (c'est-à-dire à leur père ou à leur mère, ou à leur époux ou à leur épouse) les participations financières qu'ils détiennent, l'ensemble de leurs activités, leurs principaux clients ou le montant de leur salaire. Ainsi, M. Guy Carcassonne s'est déclaré opposé à une prise en compte trop étendue et excessivement autoritaire des proches, notamment pour les enfants majeurs des parlementaires, et M. Robert Badinter a estimé, lors de son audition par le groupe de travail, que la déclaration obligatoire de tous les intérêts des proches majeurs des parlementaires était à la fois « absurde et irréaliste » pour les parlementaires et « chimérique et presque blessant » pour les proches. Ce constat est d'ailleurs également celui auquel est parvenu la Commission pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, qui relevait qu'il était impossible d'« exiger du déclarant qu'il ait connaissance d'informations que ses proches ne lui auraient pas divulguées, ni a fortiori [d']exiger des proches de lui en adresser communication ».

Vos co-rapporteurs ont donc jugé que la prise en compte des intérêts des proches, pour indispensable qu'elle soit, devait être régie par des principes moins exigeants que ceux qu'ils ont prévu pour la déclaration des intérêts des parlementaires eux-mêmes.

C'est pourquoi la majorité du groupe de travail a estimé que, si les parlementaires devaient être tenus de déclarer les intérêts de leurs proches (et en priorité leurs intérêts professionnels et financiers), cette obligation ne serait valable que pour autant qu'ils connaissent l'existence des intérêts en cause . Il ne pourra donc pas être reproché à un parlementaire de n'avoir pas déclaré tous les intérêts de ses « proches », sauf si les intérêts non-déclarés sont notoires ou s'il existe une preuve qu'ils étaient connus du parlementaire.

Vos co-rapporteurs ont, en outre, jugé qu'il serait contre-productif qu'une liste précise des personnes qui doivent être considérées comme des « proches » soit établie, puisque cette liste serait par définition limitative et aurait donc mécaniquement pour effet d'exclure des personnes qui, bien que n'ayant pas de lien familial étroit avec le parlementaire, entretiennent avec lui des liens affectifs qui peuvent raisonnablement créer un conflit d'intérêts 82 ( * ) . Ils ont dès lors souhaité que chaque parlementaire puisse librement choisir qui, parmi les personnes qui l'entourent, doit être vu comme étant l'un de ses « proches ».

Cette liberté ne doit toutefois pas être interprétée comme un blanc-seing donné aux parlementaires : ainsi, vos co-rapporteurs ont souhaité fixer un socle minimal pour la déclaration des intérêts des proches.

Selon la majorité de vos co-rapporteurs, les déclarations d'intérêts devraient donc, à tout le moins, retracer :

- les intérêts détenus par les membres du « noyau dur » de la famille (à savoir le conjoint, le partenaire de PACS ou le concubin, ainsi que les enfants à charge). La déclaration ferait alors état, de manière précise (mais toujours dans la limite des éléments dont le parlementaire a connaissance), des intérêts professionnels et financiers des personnes en cause ;

- les intérêts détenus par les ascendants et les descendants majeurs du parlementaire. En vue d'assurer le respect de la vie privée de ces personnes, il semble toutefois nécessaire de prévoir que la description de leurs intérêts ne devra pas être trop détaillée : le parlementaire se bornera donc à indiquer dans quel secteur d'activités ses parents et ses enfants travaillent, mais ne sera pas tenu de préciser quelle est l'entreprise qui les emploie ni de faire état de leurs intérêts financiers.

Proposition n° 14

Intégrer les intérêts des « proches » des parlementaires (et notamment ceux de leur conjoint, de leur partenaire de PACS ou de leur concubin, ainsi que de leurs ascendants et de leurs descendants) à leur déclaration d'intérêts.

d) La forme des déclarations d'intérêts

Enfin, pour garantir que les parlementaires déclarent l'ensemble de leurs intérêts pertinents, le groupe de travail estime que la déclaration pourrait prendre la forme d'un formulaire qui ferait la liste des catégories d'intérêts qui doivent être retracés et que le parlementaire devrait simplement remplir. Cette présentation (d'ailleurs classique en France pour les déclarations complexes 83 ( * ) ) permettra d'éviter que le contenu de la déclaration ne soit soumis à la subjectivité de chaque parlementaire et sera de nature à renforcer la vertu pédagogique de la déclaration.

3. La périodicité de souscription des déclarations d'intérêts

Le groupe de travail s'est également interrogé sur la périodicité de souscription de la déclaration d'intérêts.

En la matière, deux modèles s'opposent à l'échelle occidentale. Ainsi, dans tous les États où les membres du Parlement sont tenus de souscrire une déclaration d'intérêts, une première déclaration doit être remise au début du mandat ; toutefois, les modalités d'actualisation des informations retracées dans la déclaration sont extrêmement variables :

- dans certains États, l'actualisation est périodique : une nouvelle déclaration doit obligatoirement être souscrite à intervalles réguliers. Tel est notamment le cas au Canada et aux États-Unis, où une nouvelle déclaration doit être souscrite chaque année ;

- dans d'autres pays (notamment l'Allemagne et le Royaume-Uni), une actualisation « au fil de l'eau » a été privilégiée : la déclaration d'intérêts doit donc être modifiée dès lors que survient un évènement ayant un impact sur son contenu. Cette règle d'actualisation continue prévaut également en France, en l'état actuel du droit 84 ( * ) .

La majorité des membres du groupe de travail a estimé qu'aucun de ces deux systèmes n'était pleinement satisfaisant. Ainsi, ils ont craint que l'actualisation annuelle de la déclaration d'intérêts soit excessivement lourde pour les parlementaires comme pour la future autorité de contrôle des conflits d'intérêts ; parallèlement, ils ont considéré que la règle d'actualisation « au fil de l'eau » risquait d'être peu respectée puisque, en l'absence d'une « piqûre de rappel » régulière et d'obligations claires et précises, les déclarants pourraient aisément négliger de modifier leur déclaration d'intérêts lorsque survient un évènement qui devrait les y pousser.

Pour garantir la faisabilité et l'efficacité du système de déclaration des intérêts, la majorité des membres du groupe de travail a donc souhaité que les parlementaires soient tenus de souscrire une déclaration d'intérêts au début de leur mandat, puis à mi-mandat (c'est-à-dire selon une périodicité triennale pour les sénateurs) ; par ailleurs, un document leur serait adressé chaque année par leur Assemblée pour leur proposer d'apporter des modifications à leur dernière déclaration.

En outre, pour que cette proposition d'actualisation annuelle ne soit pas seulement formelle, vos co-rapporteurs proposent que le document adressé chaque année aux parlementaires doive, dans tous les cas, être renvoyé à l'organe compétent en matière de déontologie : il porterait donc la mention « néant » si aucun évènement de nature à créer un intérêt nouveau pour le parlementaire ou à modifier ses intérêts préexistants n'a eu lieu au cours de l'année.

Proposition n° 15

Prévoir une actualisation obligatoire de la déclaration d'intérêts à mi-mandat et adresser un document proposant d'opérer des « mises à jour » chaque année aux parlementaires.

Enfin, on soulignera que bien que le groupe de travail n'ait pas souhaité opter pour une mise à jour de la déclaration au gré des évènements, le système qu'il a retenu laisserait les parlementaires libres de signaler, entre deux déclarations, toute modification de leurs intérêts.

4. Des déclarations accessibles à l'ensemble des sénateurs

La problématique du degré de publicité de la déclaration d'intérêts est, elle aussi, une question centrale, puisqu'elle détermine le type de contrôle des conflits d'intérêts qui sera instauré par le Parlement. En effet, le degré de publicité des déclarations d'intérêts est étroitement lié au type de contrôle des conflits d'intérêts qui sera instauré : ainsi, alors que la surveillance directe par les citoyens (qui prévaut dans de nombreuses démocraties) impose que les déclarations d'intérêts fassent l'objet d'une communication aussi large que possible, un système de discipline interne n'implique pas de recourir à de tels moyens.

L'étude de droit comparé réalisée par le groupe de travail a révélé que, dans la majorité des pays occidentaux, le principal objectif des pouvoirs publics dans la mise en place de déclarations d'intérêts avait été de permettre l'instauration d'un contrôle direct de la probité des parlementaires par les citoyens : tel est notamment le cas aux États-Unis, au Canada, en Allemagne et au Royaume-Uni. Cette conception des déclarations d'intérêts explique que celles-ci soient, dans les pays précités, rendues accessibles au public soit par voie électronique (les déclarations sont publiées sur Internet en Allemagne et au Royaume-Uni), soit sur demande des citoyens 85 ( * ) .

Lors de leurs déplacements à Berlin et à Washington, les membres du groupe de travail ont ainsi pu constater que les parlementaires allemands et américains tendaient à se reposer sur la régulation du « tribunal extérieur » que semble former, à leurs yeux, l'opinion publique, plutôt que sur une quelconque discipline interne à leur Assemblée. La plupart des personnes rencontrées à l'occasion de ces déplacements ont ainsi estimé -dans des termes d'ailleurs très similaires des deux côtés de l'Atlantique- qu'il appartenait aux électeurs de sanctionner, le cas échéant, le parlementaire s'étant placé en situation de conflit d'intérêts ou ayant manqué à son devoir de probité en votant contre lui lors des prochaines élections 86 ( * ) , et que le Parlement lui-même n'avait que peu de légitimité à intervenir contre ses propres membres. Amenés à exercer des responsabilités publiques par la démocratie, les parlementaires ne peuvent être sanctionnés que par cette même démocratie, dans les urnes : telle a paru être la conviction des personnes entendues par le groupe de travail.

Or, cette conception du contrôle des conflits d'intérêts (qui fait peser sur les citoyens la responsabilité d'assurer la probité des parlementaires et des responsables publics en général) semble, dans les faits, peu efficace. À cet égard, lors de leurs déplacements, vos co-rapporteurs ont constaté que le système de contrôle « par le peuple » instauré aux États-Unis et en Allemagne était largement défectueux -comme en témoigne le faible nombre d'expulsions prononcées, au Congrès comme au Bundestag, pour des faits ayant trait aux conflits d'intérêts 87 ( * ) - et que l'une de ses conséquences directes était la quasi-absence de sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des parlementaires « fautifs » par leur Assemblée. En d'autres termes, le contrôle des parlementaires par le peuple reste largement théorique et ce, même dans des pays qui ont une forte tradition de « surveillance » des élites par le peuple, comme les États-Unis, si bien que les systèmes de « contrôle populaire » sont en réalité des systèmes où il n'existe aucun organe de contrôle. Ce contrôle a également des effets pervers, comme le groupe de travail a pu l'observer en Allemagne : partant de l'idée que la seule sanction valable pour punir un manquement aux règles de déontologie commis par un parlementaire est celle des citoyens et que ceux-ci peuvent l'exprimer lors des prochaines élections, les parlementaires des pays qui pratiquent un contrôle « par le peuple » ont tendance à considérer que la réélection vaut absolution et que, en votant pour un élu ayant eu une conduite discutable sur le plan des conflits d'intérêts, le citoyen a notamment voulu montrer que l'élu en cause était honnête et attaché à la défense de l'intérêt général.

À la majorité, vos co-rapporteurs n'ont donc pas souhaité s'inspirer du modèle américain et se sont opposés à ce que les déclarations d'intérêts des membres du Parlement soient communiquées au public ; ils ont jugé préférable que les déclarations soient transmises à l'organe en charge de la déontologie au Sénat, et qu'elles soient ensuite rendues accessibles à l'ensemble des sénateurs .

Cette solution est pleinement cohérente avec les objectifs assignés à la déclaration d'intérêts (voir infra ), qui doit permettre la mise en place d'un système de vigilance et de prévention des conflits d'intérêts interne à chaque Assemblée 88 ( * ) .

Concrètement, cette publicité interne se traduirait non pas par un accès direct des sénateurs aux déclarations (ce qui s'apparenterait de facto à une publicité totale, puisque rien ne les empêcherait alors de diffuser lesdites déclarations auprès du public -potentiellement pendant la période électorale et pour des raisons politiques), mais par la possibilité de poser des questions à l'autorité de déontologie , seule destinataire des déclarations d'intérêts. Ainsi, un parlementaire remarquant que les réformes défendues par l'un de ses collègues ont fréquemment pour effet d'avantager une certaine entité privée et soupçonnant, en conséquence, que celui agisse par intérêt personnel plutôt que par conviction pourrait s'adresser à l'autorité en charge de la déontologie afin qu'elle vérifie si ce parlementaire (ou l'un de ses proches) a un lien d'intérêt avec l'entité privée en cause.

Proposition n° 16

Permettre à chaque parlementaire de saisir l'autorité en charge de la déontologie de son Assemblée sur les intérêts détenus par ses collègues.

En outre, pour préserver la vie privée des parlementaires, une très large majorité des membres du groupe de travail a estimé nécessaire que, lors de la communication d'informations contenues dans la déclaration d'intérêts à un autre parlementaire, les informations relatives aux proches du déclarant soient anonymisées.

Proposition n° 17

Rendre anonymes les données relatives aux proches des parlementaires lors de la communication d'éléments de leur déclaration d'intérêts à un autre parlementaire.

Le groupe de travail souligne que cette « publicité interne » n'est pas sans exemple à l'étranger. En effet, les pays qui ont mis en place des systèmes de contrôle institutionnalisés (par opposition aux systèmes de « contrôle populaire », qui sont par définition diffus) n'obligent généralement pas les membres du Parlement à publier leurs déclarations d'intérêts, mais seulement à les remettre à l'organisme ou à l'entité chargée de la prévention des conflits d'intérêts : ainsi en Suède, où la préservation de la probité des parlementaires est principalement assumée par les partis politiques auxquels ils appartiennent.

La mise en place d'une publicité au sein du Parlement, mais non auprès des citoyens, a été appuyée par une large majorité des personnes entendues par le groupe de travail . Elle a notamment été soutenue par MM. Olivier Fouquet, qui a estimé qu'une publicité totale pouvait dissuader les parlementaires de déclarer l'intégralité de leurs intérêts, et Robert Badinter, président du comité de déontologie du Sénat.

De la même manière, lors de son audition par le groupe de travail, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État et président de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, a jugé qu'au vu de la largeur du champ couvert par la déclaration d'intérêts des parlementaires (qui, rappelons-le, devrait concerner les intérêts qu'ils détiennent dans les domaines afférents à toutes les politiques publiques nationales), une diffusion de cette dernière auprès du public pourrait constituer une atteinte grave à leur vie privée . Cette opinion est d'ailleurs conforme aux préconisations qui figurent dans le rapport de la commission, où elle avait jugé que « seules les déclarations des membres du gouvernement, compte tenu de la nature de leurs fonctions, devraient être rendues publiques » et que, pour les autres catégories de responsables publics, « l'atteinte à la liberté individuelle et au respect de la vie privée que constituerait la publication des déclarations [semblait] trop importante au regard du bénéfice qu'apporterait une telle publicité ».

5. L'intégration des déclarations d'intérêts dans l'architecture prévue par le droit en vigueur

Ainsi conçue et définie, la déclaration d'intérêts doit être intégrée à l'architecture actuelle des dispositifs déclaratifs prévus par le droit en vigueur pour les parlementaires. Vos co-rapporteurs ont donc souhaité déterminer comment la nouvelle déclaration d'intérêts s'articulerait avec les déclarations que les parlementaires sont aujourd'hui tenus de souscrire périodiquement : la déclaration d'activité et la déclaration de situation patrimoniale.

À cet égard, les membres du groupe de travail ont considéré que la déclaration d'intérêts avait vocation à se substituer à la déclaration d'activités dans la mesure où le contenu de ces deux déclarations est largement connexe (elles concernent toutes deux -exclusivement pour la déclaration d'activités, et partiellement pour la déclaration d'intérêts- les fonctions et activités exercées par le parlementaire en même temps que son mandat) et où la déclaration d'intérêts, telle qu'elle a été conçue par vos co-rapporteurs, aurait un champ plus vaste que celui de la déclaration d'activités 89 ( * ) .

Proposition n° 18

Supprimer la déclaration d'activités, à laquelle la déclaration d'intérêts se substituerait.

Néanmoins, la majorité de vos co-rapporteurs n'a pas souhaité que la déclaration de patrimoine soit intégrée à la déclaration d'intérêts : celle-ci resterait donc souscrite sous sa forme actuelle (c'est-à-dire au début et à la fin du mandat), serait contrôlée par la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Ce choix a été principalement motivé par le souhait de préserver la stricte confidentialité des éléments contenus dans la déclaration de patrimoine : en effet, le groupe de travail souhaite que la déclaration d'intérêts de chaque parlementaire soit accessible à l'ensemble de ses collègues (voir supra ), si bien que la mise en place d'une « super-déclaration » retraçant à la fois les intérêts et le patrimoine permettrait à chaque député et à chaque sénateur de prendre connaissance de la situation patrimoniale de tous les membres de son Assemblée, alors même que cette information ne semble, en elle-même, pas susceptible de donner un éclairage pertinent sur le fait qu'un parlementaire se soit ou non placé en situation de conflit d'intérêts.

En outre, l'intégration de la déclaration de patrimoine au sein de la déclaration d'intérêts serait discutable au vu de la vocation de chacun de ces documents : il convient en effet de rappeler que, alors que la déclaration d'intérêts est justifiée par un objectif déontologique de prévention des conflits d'intérêts, la déclaration de patrimoine répond, quant à elle, à un objectif de révélation et de répression de la corruption (c'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans une optique pénale). La fusion de ces deux déclarations pourrait donc avoir pour effet de priver chaque type de contrôle (le contrôle des intérêts et celui de l'évolution du patrimoine) de sa spécificité, ou de favoriser l'un au détriment de l'autre.

Toutefois, il ne serait pas acceptable que le maintien de la déclaration de situation patrimoniale comme document séparé et soumis à des règles de confidentialité strictes ait des conséquences néfastes sur l'exhaustivité des déclarations d'intérêts. Il convient ainsi de souligner que, dans l'esprit de vos co-rapporteurs, la non-intégration de la déclaration de patrimoine au sein de la déclaration d'intérêts n'implique pas que toutes les informations qui y figurent soient, par principe, tenues secrètes. Par conséquent, les intérêts patrimoniaux qui pourraient avoir un impact direct sur les décisions prises par un parlementaire devront impérativement figurer dans sa déclaration d'intérêts : tel sera notamment le cas des intérêts financiers, qui ont été identifiés par vos co-rapporteurs comme faisant partie des types d'intérêts les plus susceptibles de donner lieu à un conflit d'intérêts.

C. METTRE EN PLACE UNE AUTORITÉ DE DÉONTOLOGIE OUVERTE SUR L'EXTÉRIEUR

La prévention des conflits d'intérêts au sein du Parlement implique un véritable changement de culture et la mise en place, à l'échelle individuelle, de comportements conformes à l'impératif de probité ; elle impose également, à une échelle plus collective, l'institution d'un organe capable de conseiller et de guider les parlementaires confrontés à des conflits d'intérêts potentiels ou confrontés à des interrogations sur des questions d'éthique.

1. Un organe de déontologie propre à chaque Assemblée, mais associant à ses travaux des acteurs extérieurs au Parlement

Tout d'abord, une large majorité de vos co-rapporteurs a souhaité que la prévention des conflits d'intérêts pour les parlementaires soit assurée par une autorité de déontologie propre à chaque Assemblée.

En effet, bien que quelques personnes entendues par le groupe de travail aient proposé que l'Autorité de déontologie de la vie publique 90 ( * ) , autorité administrative indépendante dont le rapport « Sauvé » préconise la création et qui serait compétente pour tous les membres du pouvoir exécutif lato sensu , cette proposition a été combattue par la quasi-intégralité des spécialistes auditionnés ; plus particulièrement, elle a été fortement critiquée par tous les professeurs de droit interrogés par le groupe de travail.

Ainsi, vos co-rapporteurs soulignent que, si la prévention des conflits d'intérêts au sein du Parlement était confiée à un organe extérieur (et a fortiori à une autorité qui serait susceptible d'être affectée par des décisions rendues par le gouvernement), cette situation poserait trois problèmes majeurs :

- elle serait contraire à une tradition républicaine constante, établie depuis la Révolution française, et qui consacre l'autonomie totale de chaque Assemblée en matière disciplinaire 91 ( * ) . À cet égard, lors de leur audition par le groupe de travail, MM. Guy Carcassonne et Jean Gicquel ont fait valoir que la discipline parlementaire devait impérativement être assurée par le Parlement lui-même, sous peine de porter gravement atteinte au principe de séparation des pouvoirs et à l'indépendance du législateur ;

- elle serait, en pratique, une source de difficultés, dans la mesure où les conflits d'intérêts des parlementaires sont d'une nature différente de ceux des personnes qui ressortissent au pouvoir exécutif -et qui ont, comme vos co-rapporteurs l'ont déjà relevé, un champ de compétence restreint qui s'oppose à la compétence générale du législateur. Ainsi, au vu de la spécificité des parlementaires par rapport aux autres acteurs publics (et notamment à ceux qui sont rattachés au gouvernement) en matière de déontologie, il est probable qu'un système de prévention et de contrôle des conflits d'intérêts interne au Parlement sera plus efficace qu'un système de contrôle externe. On soulignera d'ailleurs que ce contrôle interne a été retenu par la quasi-intégralité des pays étrangers : à l'exception du Canada, où l'ensemble des responsables publics sont soumis à l'autorité du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, tous les États étudiés par le groupe de travail ont ainsi prévu que les conflits d'intérêts de leurs parlementaires seraient prévenus, contrôlés et sanctionnés par un organe propre à l'Assemblée à laquelle ils appartiennent ;

- enfin, la majorité des membres du groupe de travail considère que le statut particulier des parlementaires (qui sont élus au suffrage universel, qui représentent la nation et qui sont dépositaires de la souveraineté des citoyens et de la source de leur légitimité) implique qu'ils ne puissent être jugés que par des personnes ayant une légitimité au moins équivalente à la leur : il pourrait en effet être problématique, au regard des principes démocratiques, qu'une autorité composée de membres nommés discrétionnairement puisse décider de sanctionner une personne régulièrement élue par les citoyens et qu'elle puisse, le cas échéant, la priver temporairement de son droit de vote 92 ( * ) .

Dès lors, vos co-rapporteurs se sont prononcés en faveur de la mise en place d'une autorité propre au Sénat et composée exclusivement de sénateurs en exercice.

Par ailleurs, vos co-rapporteurs ont souhaité que le système de « contrôle interne » des conflits d'intérêts pour lequel ils ont opté ne soit pas, pour le Parlement, un synonyme de repli sur soi et de manque d'ouverture. À une large majorité, ils ont donc voulu enrichir la composition de l'autorité de déontologie et prévoir que celle-ci serait assistée par un magistrat de l'ordre judiciaire . Selon vos co-rapporteurs, ce magistrat devrait être issu de la Cour de cassation (les conflits d'intérêts sont, en effet, un domaine qui confine à la matière pénale) ; pour assurer la totale légitimité de sa désignation, il devrait être élu par les magistrats du siège de cette Cour 93 ( * ) et parmi les magistrats en exercice. Il serait, comme tous les membres de l'autorité, tenu à une stricte obligation de confidentialité sur le contenu des déclarations d'intérêts.

La majorité de vos co-rapporteurs ont estimé que le magistrat ainsi désigné devait non pas participer à la prise de décisions au sein de l'autorité, mais assister les membres de cette dernière dans l'exercice de leurs missions : ils ont donc souhaité qu'il ne dispose pas d'une voix délibérative, mais d'une voix consultative .

Plus précisément, le magistrat serait doté de plusieurs rôles au sein de l'autorité :

- en premier lieu, il serait chargé de rappeler le droit en vigueur et les règles applicables à la situation dont l'autorité a à connaître et de plaider, en conséquence, en faveur de l'adoption d'une certaine solution : un système de présentation de conclusions -comparables à celles que le rapporteur public présente devant la juridiction administrative- pourrait ainsi être envisagé ;

- en second lieu, il serait chargé de faire le partage entre les cas qui relèvent de la déontologie (et donc de la compétence de l'autorité) et ceux qui relèvent du domaine pénal, et donc du juge judiciaire : il pourrait donc saisir le parquet lorsque l'autorité soupçonne l'existence d'une atteinte au devoir de probité (corruption, trafic d'influence, etc.). Ce pouvoir de saisine devrait être, selon vos co-rapporteurs, un pouvoir autonome , qui pourrait être exercé par le magistrat sans obtenir l'aval des membres de l'autorité : il devrait ainsi mettre cette compétence en oeuvre dès lors qu'il constate que les faits reprochés à un parlementaire constituent une infraction pénale.

Cette association d'un magistrat aux décisions d'une Assemblée, bien qu'inédite, permettra de conforter la légitimité de l'autorité de déontologie et d'assurer la prééminence des poursuites pénales sur l'action disciplinaire ; certainement contribuera-t-elle aussi à donner, auprès du public, une image de plus grande impartialité.

Proposition n° 19

Prévoir que l'autorité en charge de la déontologie pour le Sénat sera composée exclusivement de sénateurs, assistés par un magistrat de l'ordre judiciaire, élu au sein de la Cour de cassation par les magistrats du siège de cette Cour et ayant notamment pour mission de saisir le parquet des éventuels manquements pénaux.

Pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à préférer la mise en place d'une autorité de déontologie propre à chaque assemblée, vos co-rapporteurs ont également voulu que la possibilité de saisir cette autorité soit réservée aux membres du Parlement. L'autorité en charge des conflits d'intérêts devrait ainsi pouvoir se prononcer sur saisine du Président du Sénat ou de n'importe quel membre du Bureau .

Le groupe de travail rappelle que la possibilité accordée à tous les membres du Bureau de saisir l'autorité sera un gage d'ouverture et de pluralisme, puisque chacun des groupes politiques constitués au sein du Sénat est représenté au Bureau.

Afin d'assurer l'indépendance et la totale impartialité de l'autorité et de garantir la crédibilité de son action, vos co-rapporteurs ont aussi souhaité, à l'unanimité, qu'elle soit dotée d'un pouvoir d'autosaisine .

Proposition n° 20

Prévoir que l'autorité en charge de la déontologie pour le Sénat peut se prononcer sur saisine du Président du Sénat, de chacun des membres du Bureau ou sur autosaisine.

2. Une autorité pluraliste assurant la légitimité de ses décisions

Vos co-rapporteurs ont estimé que, pour garantir la pleine légitimité des décisions prises par l'autorité en charge de la déontologie pour le Sénat, il était indispensable qu'elle ne puisse pas être soupçonnée de se fonder sur des critères partisans et que ses positions soient consensuelles et pluralistes : dès lors, sa composition devra être équilibrée entre les groupes politiques présents au sein de la Haute Assemblée et devra éviter de donner la majorité à un seul d'entre eux. Elle devra également garantir que tous les groupes politiques constitués disposent d'au moins un représentant au sein de l'autorité.

Proposition n° 21

Composer l'autorité en charge de la déontologie de manière pluraliste en dotant chaque groupe politique d'au moins un représentant en son sein et en faisant en sorte que les membres d'un seul groupe politique ne puissent pas y disposer d'une majorité.

Le groupe de travail a estimé que deux structures pouvaient répondre à cette préoccupation :

- l'autorité pourrait, tout d'abord, être une émanation du Bureau (par exemple, une délégation de ce dernier). Cette solution, qui a été soutenue par de nombreuses personnes entendues par le groupe de travail (et notamment par MM. Guy Carcassonne, Jean Gicquel et Olivier Fouquet) aurait pour avantage de conforter le Bureau dans son rôle traditionnel de garant de la discipline au sein des Assemblées, et de prolonger la compétence qu'il exerce actuellement en matière d'incompatibilités : il s'agirait donc d'un choix de continuité et de simplicité ;

- de manière plus novatrice, le groupe de travail a aussi envisagé que l'autorité soit une entité ad hoc , dont les membres seraient élus à la majorité qualifiée (par exemple, une majorité des deux tiers) par l'ensemble des membres de la Haute Assemblée et sur des listes comprenant des représentants de chaque groupe 94 ( * ) ; ces modalités de désignation devraient mener à l'élection de « sages » dont la compétence et la probité sont reconnues par tous. Cette option permettrait, en outre, de faire en sorte que les personnes chargées de la prévention et du contrôle des conflits d'intérêts se consacrent spécifiquement à cette tâche, si bien qu'elles seraient théoriquement moins susceptibles de subir des pressions.

En tout état de cause, le mandat des sénateurs désignés pour siéger au sein de l'autorité de déontologie serait lié au rythme électoral du Sénat : ils auraient donc un mandat de trois ans , l'autorité étant renouvelée après chaque renouvellement sénatorial.

Il appartiendra au Sénat de choisir entre ces deux options, que vos co-rapporteurs jugent également satisfaisantes et qui lui semblent, l'une autant que l'autre, susceptibles de garantir que l'autorité soit à la fois indépendante, pluraliste et pleinement légitime aux yeux des sénateurs.

Dans tous les cas, et afin d'éviter que des majorités puissent émerger sur des critères partisans, vos co-rapporteurs ont souhaité que les décisions de l'autorité soient prises à la majorité qualifiée .

Proposition n° 22

Retenir la règle de la majorité qualifiée pour la prise de décisions par les membres de l'autorité de déontologie du Sénat.

3. Des prérogatives larges permettant à l'organe en charge de la déontologie de prévenir effectivement les conflits d'intérêts

Comme le soulignait M. Robert Badinter lors de son audition par le groupe de travail, le premier gage de crédibilité du système de contrôle des conflits d'intérêts sera l'importance des pouvoirs confiés à l'organe en charge de cette mission.

S'associant pleinement à cette opinion, vos co-rapporteurs ont voulu que l'autorité en charge de la déontologie au Sénat soit dotée de prérogatives aussi larges que possible et que ses compétences lui permettent d'exercer un triple rôle de prévention, de contrôle et de sanction des conflits d'intérêts.

Dès lors, ils ont estimé que cette autorité devait disposer des pouvoirs suivants :

- du pouvoir d'émettre des recommandations ou des observations : ce pouvoir permettra notamment à l'autorité en charge de la déontologie de demander des éclaircissements aux auteurs de déclarations lacunaires ou dont l'exactitude paraît douteuse, mais aussi de donner, de manière préventive, des conseils aux parlementaires détenant des intérêts forts et précis dans un secteur dont ils peuvent être amenés à connaître dans le cadre de leurs fonctions au Sénat. Ces recommandations ou ces observations ne doivent toutefois pas avoir pour effet de déstabiliser les parlementaires ou de troubler l'exercice du mandat : la majorité des membres du groupe de travail estime donc qu'elles devraient être émises dans un délai court (deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intérêts initiale ou de la modification de cette dernière) ;

- de pouvoirs d'investigation et de contrôle , qui sont le corollaire de son statut de destinataire des déclarations d'intérêts, dont elle doit pouvoir s'assurer de la sincérité ;

- du pouvoir de saisir le parquet , si ses investigations ou l'exercice normal de ses missions font apparaître une infraction de nature pénale : la mise en oeuvre de cette compétence serait facilitée par la présence, au sein de l'autorité, d'un magistrat de l'ordre judiciaire (voir supra ) ;

- elle pourrait également seconder le Bureau dans son rôle de mise en oeuvre des règles relatives aux incompatibilités parlementaires en donnant un avis sur ces incompatibilités ;

- enfin et surtout, l'autorité aurait un rôle de conseil : elle pourrait être saisie par tous les sénateurs s'interrogeant sur des questions relatives aux conflits d'intérêts lato sensu et leur apporterait, de manière confidentielle, des réponses circonstanciées ; plus généralement, elle aurait également à charge de diffuser les « bonnes pratiques » en matière de déontologie. Cette compétence est, aux yeux de vos co-rapporteurs, cruciale : comme l'ont souligné toutes les personnes entendues par le groupe de travail, il est en effet fondamental que les parlementaires ne soient pas laissés seuls face à leur conscience et qu'ils puissent s'appuyer, s'ils sont confrontés à des problèmes déontologiques, sur l'expertise et les conseils de leurs pairs.

Proposition n° 23

Doter l'autorité en charge de la prévention des conflits d'intérêts au Sénat :

- de pouvoirs d'investigation et de contrôle ;

- du pouvoir de saisir le parquet ;

- du pouvoir de donner un avis sur les incompatibilités ;

- d'un rôle général de conseil  aux sénateurs.

Soucieux de ne pas porter une atteinte excessive à la structure actuelle des Assemblées, les membres du groupe de travail ont toutefois, à la majorité, souhaité préserver la compétence disciplinaire exclusive du Bureau .

Ainsi, si l'autorité de déontologie était distincte du Bureau (voir supra ), il conviendrait, selon vos co-rapporteurs, que l'autorité ne dispose pas d'un pouvoir de sanction autonome. En conséquence, si ses travaux faisaient apparaître l'existence d'un conflit d'intérêts, elle devrait saisir le Bureau pour solliciter l'application de sanctions disciplinaires.

Proposition n° 24

Préserver la compétence exclusive du Bureau en matière disciplinaire.

D. ÉTENDRE LES INCOMPATIBILITÉS PARLEMENTAIRES POUR MIEUX PRÉVENIR LES CONFLITS D'INTÉRÊTS

Par leur existence, les incompatibilités parlementaires empêchent les parlementaires de se trouver dans un certain nombre de situations susceptibles de générer des conflits d'intérêts. En prohibant l'exercice de certaines activités ou professions, elles empêchent les parlementaires de dépendre financièrement de certains intérêts privés pour leurs revenus. L'incompatibilité s'avère donc un mécanisme très efficace de prévention des conflits d'intérêts.

Aussi certains membres de votre groupe de travail ont-ils plaidé en faveur du principe maximaliste de l'incompatibilité absolue du mandat parlementaire avec toute activité professionnelle ou fonction extérieure, tout en admettant la difficulté à faire partager cette position à une majorité de leurs collègues. Au demeurant, un tel principe pourrait conduire à devoir considérer le mandat parlementaire comme exclusif de tout autre engagement, et donc incompatible, par exemple, avec un mandat électif local. Il serait difficile en effet de soutenir que le mandat parlementaire doit être exclusif de toute activité professionnelle, mais qu'il peut être cumulé avec des mandats locaux voire une fonction exécutive locale. Cette question relève en réalité davantage de la réflexion sur la disponibilité des élus -qu'il n'appartient pas à votre groupe de travail de conduire- que du débat sur la prévention des conflits d'intérêts.

A cet égard, votre groupe de travail tient fermement à rappeler que la notion de conflit d'intérêts n'est en aucun cas pertinente pour caractériser une situation de cumul de plusieurs mandats électifs : le conflit d'intérêts vise la divergence entre l'intérêt général et des intérêts privés et ne saurait concerner plusieurs intérêts publics, qu'ils soient nationaux ou locaux.

Il n'a pas paru raisonnable à votre groupe de travail, dans sa majorité, de proposer d'interdire l'exercice de toute activité professionnelle durant le mandat parlementaire au motif que cela permettrait de supprimer tout risque de conflit d'intérêts. Le mandat est par nature temporaire et il n'est pas une profession. Le parlementaire doit donc être en mesure, à l'issue du mandat, de pouvoir reprendre une activité professionnelle. Dans son principe, le cumul encadré de certaines activités professionnelles avec le mandat doit permettre ce retour à la vie professionnelle, dès lors qu'est prohibé l'exercice des activités ou fonctions qui peuvent porter atteinte à l'exercice du mandat. A titre d'exemple, on n'imagine pas qu'un chirurgien devenant parlementaire ne soit pas autorisé à continuer à exercer sa profession pendant toutes les années que dure son mandat puis soit capable de reprendre son activité sans avoir pu la pratiquer pendant ces années. Ainsi, une incompatibilité absolue avec toute activité professionnelle ne serait pas souhaitable car elle conduirait à exclure de facto du Parlement les membres de certaines professions qui requièrent une certaine continuité dans leur pratique. L'encadrement par des incompatibilités nouvelles ne doit donc concerner que les activités susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts.

Comme l'illustre l'actualité récente, la législation actuelle en matière d'incompatibilités a montré certaines insuffisances pour prévenir correctement le risque de conflit d'intérêts, insuffisances que certains aménagements permettraient de résoudre de manière satisfaisante. Les membres du groupe de travail estiment unanimement qu'il est nécessaire aujourd'hui de moderniser et renforcer le droit des incompatibilités parlementaires.

Votre groupe de travail propose par conséquent, d'une part, d'étendre la liste des activités professionnelles incompatibles par nature et, d'autre part, de plafonner les rémunérations et autres revenus perçus au titre de fonctions ou d'activités accessoires.

1. Étendre les incompatibilités parlementaires
a) Le cumul du mandat avec une activité de conseil et l'exercice d'une profession libérale réglementée

La possibilité pour des parlementaires en exercice d'accéder à la profession d'avocat et de l'exercer parallèlement à leur mandat a suscité des polémiques dans l'opinion publique. Ce cumul est autorisé actuellement par le code électoral et ne concerne d'ailleurs pas la seule profession d'avocat.

Le premier alinéa de l'article L.O. 146-1 du code électoral énonce en effet qu'un parlementaire ne peut « commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat ». Le second alinéa y apporte une dérogation pour les parlementaires qui sont « membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ». Ces professions libérales réglementées englobent tant les notaires, les experts-comptables, les géomètres-experts, les architectes, les administrateurs et mandataires judiciaires, les huissiers de justice, les pharmaciens ou les médecins que les avocats. Ainsi, un parlementaire peut commencer à exercer au cours de son mandat une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat s'il elle est exercée dans le cadre d'une de ces professions. Puisqu'il s'agit d'une fonction de conseil, la principale profession libérale concernée est celle d'avocat.

Pour les raisons évoquées plus haut, votre groupe de travail a estimé, dans sa majorité, qu'il fallait permettre à un parlementaire ayant exercé une fonction de conseil de pouvoir continuer à l'exercer au cours de son mandat. Il serait en revanche contestable qu'un parlementaire puisse commencer une fonction de conseil pendant son mandat, considérant que le mandat pourrait être utilisé pour faciliter ces activités de conseil. Aussi votre groupe de travail propose-t-il de ne pas modifier le premier alinéa de l'article L.O. 146-1.

La problématique n'est pas la même pour les professions libérales réglementées, et singulièrement la profession d'avocat, qui peuvent, en l'état actuel de la législation, être exercées alors même qu'elles ne l'étaient pas avant le début du mandat. Le problème réside autant dans la compatibilité entre le mandat et l'exercice de la profession que dans la facilité d'accès à la profession pour les parlementaires (voir supra ). Ainsi, dans la période récente, le barreau de Paris a vu un certain nombre de parlementaires prêter le serment d'avocat alors qu'ils n'exerçaient pas cette profession avant leur mandat.

Autant il est improbable qu'un parlementaire puisse devenir médecin, notaire ou expert-comptable s'il ne l'était pas avant le début de son mandat, autant, du fait de cette réglementation propre à la profession d'avocat, il a la possibilité de devenir avocat relativement facilement. Cette facilité d'accès, qui n'est pas illégitime pour un ancien parlementaire, peut potentiellement conduire à des conflits d'intérêts entre l'intérêt général que doit poursuivre le parlementaire dans l'exercice de son mandat et les intérêts particuliers de ses clients dans l'exercice de sa profession d'avocat. L'article L.O. 149 du code électoral, qui interdit à un parlementaire avocat de plaider dans une affaire où est partie une personne publique ou une personne ayant des liens financiers avec l'État, ne résout évidemment pas cette difficulté.

Considérant qu'il n'y a pas lieu de modifier les conditions d'accès à la profession d'avocat 95 ( * ) , qui revêtent au demeurant une nature réglementaire, les membres unanimes de votre groupe de travail jugent nécessaire de supprimer la dérogation à l'incompatibilité avec l'exercice d'une fonction de conseil dont bénéficient les professions réglementées (et donc la profession d'avocat). Une partie des membres de votre groupe s'est interrogée sur l'éventualité d'un traitement différent des avocats d'affaires par rapport aux autres avocats, étant entendu que les avocats d'affaires ne forment pas une catégorie juridique définie par la loi.

Toutefois, la majorité des membres de votre groupe de travail a estimé que les parlementaires qui étaient membres d'une profession libérale réglementée avant le début du mandat devaient pouvoir, s'ils le souhaitent, continuer leur activité professionnelle. Certaines professions requièrent un savoir-faire technique qu'une longue absence de pratique ferait disparaître au point d'empêcher de facto le parlementaire de reprendre son activité professionnelle à l'issue de son mandat.

La situation particulière des avocats a toutefois été réservée, pour les parlementaires qui exercent cette profession avant le début de leur mandat. Une partie des membres de votre groupe de travail a considéré qu'il fallait rendre absolument incompatible le mandat parlementaire, ou seulement certaines fonctions exercées au sein du Sénat, avec l'exercice de la profession d'avocat. Une majorité des membres du groupe a souhaité qu'un parlementaire souhaitant poursuivre son activité d'avocat devrait demander une autorisation à cet effet, soit au Bureau du Sénat soit à l'autorité de déontologie compétente pour le Sénat. Cette autorisation de plaider -qui ne remettrait pas en cause les interdictions de plaider déjà prévues par le code électoral- pourrait être soit générale soit concerner des types particuliers de contentieux (affaire familiales par exemple). Elle pourrait aussi être limitée dans le temps et renouvelable.

Sur la question du cumul du mandat avec une activité de conseil ou l'exercice d'une profession libérale réglementée, la position, majoritaire voire unanime selon le cas, du groupe de travail se résume ainsi :

- maintien de l'interdiction de l'exercice de toute activité de conseil pendant la durée du mandat pour les parlementaires qui ne l'exerçaient pas avant le début du mandat ;

- possibilité de poursuivre pendant la durée du mandat l'exercice d'une fonction de conseil pour les seuls parlementaires qui l'exerçaient avant le début du mandat ;

- interdiction de l'exercice de toute profession libérale réglementée pour les parlementaires qui ne l'exerçaient pas avant le début du mandat ;

- possibilité de poursuivre pendant la durée du mandat l'exercice d'une profession libérale réglementée, hors la profession d'avocat, pour les seuls parlementaires qui l'exerçaient avant le début du mandat ;

- possibilité, sur autorisation expresse, de poursuivre pendant la durée du mandat l'exercice de la profession d'avocat pour les seuls parlementaires qui l'exerçaient avant le début du mandat.

Cette position conduit à proposer la suppression du second alinéa de l'article L.O. 146-1 du code électoral.

Proposition n° 25

Rendre l'exercice de nouvelles fonctions de conseil incompatibles avec le mandat parlementaire, même lorsque ces fonctions sont exercées dans le cadre d'une profession réglementée.

b) Le cumul du mandat avec une autre activité professionnelle

Pour les raisons de principe évoquées plus haut, dans sa majorité, votre groupe de travail n'a pas souhaité rendre incompatible toute activité professionnelle ou toute fonction extérieure avec le mandat parlementaire.

Une large majorité des membres de votre groupe de travail est favorable au maintien de la possibilité pour un parlementaire de conserver sa fonction de professeur d'université (article L.O. 142 du code électoral). Une majorité est également favorable à l'extension de cette dérogation au principe de l'incompatibilité du mandat parlementaire avec toute fonction publique aux fonctions connexes de professeur associé, maître de conférences et maître de conférences associé. Sur ce point, votre groupe de travail propose donc, par souci de cohérence, d'aménager la dérogation existante, qui se justifie par le principe constitutionnel d'indépendance des professeurs d'université et les franchises universitaires.

Proposition n° 26

Rendre les fonctions de professeur associé, de maître de conférences et de maître de conférences associé compatibles avec le mandat parlementaire.

En revanche, en vue de mieux prévenir les conflits d'intérêts, votre groupe de travail propose d'intégrer de nouvelles incompatibilités dans le code électoral concernant certaines activités professionnelles.

Ainsi, une large majorité des membres de votre groupe de travail est favorable à l'incompatibilité entre le mandat parlementaire et la présidence d'un syndicat professionnel. Par la représentation d'intérêts économiques qu'elle suppose, une telle fonction crée par nature de potentiels conflits d'intérêts entre l'intérêt général et les intérêts des entreprises regroupées dans cet organisme professionnel chargé de défendre leurs intérêts.

Proposition n° 27

Rendre la présidence d'un syndicat professionnel incompatible avec le mandat parlementaire.

Concernant les fonctions de direction, d'administration ou de surveillance dans une entreprise, en complément des incompatibilités prévues aux articles L.O. 143, L.O. 145, L.O. 146 et L.O. 147 du code électoral, les membres unanimes de votre groupe de travail ont considéré qu'il convenait d'interdire l'exercice de telles fonctions dans une entreprise recevant des subventions d'un État étranger comme dans une entreprise étrangère recevant des subventions de l'État français.

Proposition n° 28

Rendre l'exercice de fonctions de direction, d'administration ou de surveillance dans des entreprises percevant des subventions d'un État étranger incompatibles avec le mandat parlementaire.

En outre, ils ont également proposé que les incompatibilités de l'article L.O. 146, qui concernent les entreprises bénéficiant d'avantages de la part d'une personne publique ou travaillant pour une personne publique, les sociétés financières ou faisant appel public à l'épargne ainsi que les sociétés ayant un objet immobilier, soient étendues à toutes les sociétés-mères qui détiennent des participations dans ces sociétés et pas seulement, comme c'est le cas actuellement, aux seules sociétés dont la moitié du capital est constituée de participations dans de telles sociétés. Il s'agirait ainsi d'élargir le champ des sociétés-mères à toutes les sociétés « holding » quel que soit leur niveau de participation dans les sociétés visées à l'article L.O. 146.

Proposition n° 29

Rendre l'exercice de fonctions de direction, d'administration ou de surveillance dans des sociétés-mères des sociétés visées par le code électoral incompatibles avec le mandat parlementaire.

Il paraissait curieux en effet à votre groupe de travail que, du fait de ces dispositions, des fonctions exercées dans des sociétés se trouvant en réalité dans des situations très proches ne soient pas soumises au même régime.

En revanche, une large majorité de votre groupe de travail a jugé qu'il n'y avait pas lieu de rendre incompatible le mandat parlementaire avec des fonctions de direction exercées dans un parti politique, quelles qu'elles soient. En effet, la finalité politique du mandat parlementaire doit être, par nature, compatible avec l'exercice de telles fonctions.

Enfin, une majorité des membres de votre groupe de travail s'est montrée favorable à une nouvelle incompatibilité avec la présidence d'une autorité administrative indépendante, certains souhaitant la limiter aux seules autorités de régulation d'un secteur économique. Ne serait pas incompatible dans ces conditions l'appartenance au collège d'une telle autorité.

2. Encadrer les rémunérations perçues par les parlementaires au titre de leurs activités professionnelles accessoires

Une large majorité des membres de votre groupe de travail a estimé que les rémunérations que les parlementaires peuvent tirer de l'exercice d'une activité professionnelle compatible avec leur mandat devaient être plafonnées. La majorité des membres a considéré, par analogie avec le mécanisme de plafonnement des indemnités en cas de cumul de mandats électifs, que ces rémunérations accessoires devaient être limitées à la moitié du montant de l'indemnité parlementaire . Ces deux dispositifs de plafonnement ne seraient pas confondus : un parlementaire pourrait percevoir, d'une part, une indemnité au titre d'un mandat local plafonnée à la moitié de l'indemnité parlementaire et, d'autre part, une rémunération au titre d'une activité professionnelle accessoire plafonnée elle aussi à la moitié de l'indemnité parlementaire.

Proposition n° 30

Plafonner à la moitié de l'indemnité parlementaire, les rémunérations perçues par les parlementaires au titre d'une activité professionnelle accessoire.

Cette proposition est à mettre en parallèle avec le maintien de la faculté pour un parlementaire de continuer à exercer la fonction de conseil ou la profession libérale réglementée qui était la sienne avant le début du mandat, et plus largement avec la faculté d'exercer pendant son mandat toute activité professionnelle qui n'est pas incompatible. En effet, dès lors que l'activité professionnelle ou la fonction conservée doit demeurer accessoire afin de ne pas susciter de conflits d'intérêts entre le mandat et l'intérêt privé représenté par cette activité ou fonction, votre groupe de travail a estimé cohérent que cette activité ne puisse pas procurer des revenus plus importants que le mandat. Il propose donc de plafonner tout revenu perçu au titre d'une activité professionnelle ou d'une fonction compatible avec le mandat, quelle que soit la nature de l'activité ou de la fonction. Par exemple, les jetons de présence perçus au titre d'un mandat d'administrateur de société compatible avec le mandat parlementaire seraient soumis à ce plafond. Ce plafond concernerait globalement toutes les rémunérations accessoires.

Selon l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, un parlementaire peut cumuler des indemnités au titre d'autres mandats électifs ou de fonctions exercées au titre de ces autres mandats avec son indemnité parlementaire dans la limite d'une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire de base. La même règle serait ainsi applicable pour l'ensemble des revenus tirés des activités accessoires compatibles avec le mandat 96 ( * ) .

Par ailleurs, une majorité des membres de votre groupe de travail a jugé que les parlementaires devaient pouvoir être rémunérés pour la rédaction d'articles ou la participation à des colloques, à raison du travail effectif que ces activités représentent. Ces revenus seraient toutefois soumis au plafond global qui s'appliquerait aux rémunérations accessoires. Certains membres ont estimé cependant que toute activité trouvant son origine dans l'activité parlementaire devait être considérée comme indemnisée par l'indemnité parlementaire dans le cadre du mandat, par exemple la participation à un colloque sur des travaux législatifs auxquels le parlementaire a participé.

Enfin, les membres unanimes de votre groupe de travail ont écarté l'idée de confier, en vue d'éviter tout conflit d'intérêts potentiel entre les positions qu'ils sont amenés à prendre dans les débats financiers ou ayant un impact financier et leurs intérêts financiers personnels, la gestion du patrimoine financier des parlementaires à un tiers pendant la durée de leur mandat.

E. MIEUX ENCADRER LES RELATIONS ENTRE LES PARLEMENTAIRES ET LES ENTITÉS EXTÉRIEURES AUX ASSEMBLÉES

1. La création d'une déclaration des dons et cadeaux

La souscription des déclarations d'intérêts et de patrimoine contribue au renforcement de la probité des parlementaires en les incitant à s'interroger sur l'incidence de leurs intérêts personnels sur l'exercice de leur mandat national.

Toutefois, ces deux déclarations ne prennent pas en compte les avantages que les parlementaires peuvent percevoir, de la part de groupements privés, au cours de leur mandature. Les parlementaires peuvent en effet recevoir des cadeaux ou des dons de la part de certains groupes de pression que ces derniers adressent en vue de défendre les intérêts particuliers qu'ils représentent. Dans la grande majorité des cas, comme l'a déjà rappelé votre groupe de travail précédemment, l'obtention de tels dons ne s'apparente pas à des tentatives de corruption si elle s'exerce dans un cadre déontologique clair et transparent. C'est pourquoi, dans le cadre d'une probité exemplaire et d'un renouvellement de la confiance entre les citoyens et leurs représentants nationaux, vos co-rapporteurs estiment indispensable que soient mis en oeuvre de nouveaux dispositifs destinés à lever les soupçons qui peuvent peser sur les sénateurs dans le cadre de leur activité parlementaire.

Ainsi, une majorité des membres de votre groupe de travail propose la souscription , par chaque sénateur, d'une déclaration de dons et d'avantages en nature , qui complèterait utilement les champs couverts par les déclarations de patrimoine et d'intérêts.

Vos co-rapporteurs estiment que le régime applicable à cette nouvelle déclaration devrait être identique à celui précisé précédemment pour la déclaration d'intérêts. En effet, la déclaration de dons aurait, à l'instar de la déclaration d'intérêts, une vocation pédagogique et reposerait sur une « exigence générale de sincérité ».

Vos co-rapporteurs proposent ainsi que tous les cadeaux et avantages en nature d'une valeur au moins égale à 150 euros soient retracés au sein de la déclaration de dons. Cette règle s'appliquerait également aux cadeaux qui, bien que d'une valeur individuelle inférieure à 150 euros, ont une valeur cumulée de plus de 150 euros sur l'année : il s'agit d'éviter qu'un sénateur bénéficiant de multiples cadeaux d'une même entité, inférieurs à 150 euros, mais dont la somme serait largement supérieure à ce seuil, soit exempté de déclarer l'ensemble de ces dons. En revanche, la déclaration des cadeaux d'une valeur inférieure à 150 euros par an provenant d'une même entité serait facultative, laissée à la libre appréciation du sénateur. Il convient également de préciser que seraient concernés par la déclaration de dons aussi bien les avantages matériels qu'immatériels (invitations à déjeuner, places pour un spectacle, voyages d'études, etc.).

Proposition n° 31

Mettre en place une déclaration de dons et d'avantages en nature, souscrite par les sénateurs pour tous les concours dont le montant dépasse 150 euros.

Les sénateurs seraient tenus de préciser un certain nombre d'informations dans ladite déclaration de dons : nom de l'entité à l'origine des cadeaux et avantages perçus en nature, l'adresse du siège social, le nom de la personne ayant effectivement remis le cadeau au parlementaire, ainsi que la nature des cadeaux et leur valeur.

S'est toutefois posée la question des cadeaux d'usage , échangés lors d'un déplacement auprès de représentants officiels d'un État étranger ou dans le cadre de l'accueil d'une délégation étrangère. Sur le plan diplomatique, l'échange de tels cadeaux est destiné à renforcer les liens entre les parlements de pays étrangers. Par ailleurs, les parlementaires bénéficiaires sont invités à les remettre à leur Assemblée ou, parfois, à leur commission permanente pour les archiver. Vos co-rapporteurs ont donc estimé que, en raison de leur caractère particulier et, souvent, de leur faible valeur, ces cadeaux ne devaient pas être soumis à déclaration par les parlementaires.

Votre groupe de travail s'est également interrogé sur les cadeaux perçus par les parlementaires de la part de leurs proches. Face aux difficultés liées à la définition du caractère privé de certains cadeaux indépendants, par définition, de l'exercice du mandat parlementaire, vos co-rapporteurs ont souhaité que soient définies au préalable les catégories d'acteurs dont les avantages et cadeaux devraient être exemptés de la souscription de la déclaration de dons.

Proposition n° 32

Exempter les cadeaux d'usage et les cadeaux offerts par des « proches » de l'obligation de déclaration.

La déclaration de dons serait souscrite chaque année , sous la forme d'un formulaire qui proposerait les catégories de cadeaux ou de dons qui devraient être déclarés, cette liste n'étant toutefois pas limitative. Il s'avère en effet difficile de définir au préalable l'ensemble des avantages qui peuvent être perçus par les parlementaires. Par ailleurs, une telle liste, par essence incomplète, pourrait induire des comportements de contournement de la part de certains lobbies afin de ne pas apparaître sur la déclaration de dons des parlementaires.

Les membres unanimes de votre groupe de travail estiment que les modalités de publication de la déclaration de dons doivent être identiques à celles prévues pour la déclaration d'intérêts , précédemment abordées. Ce choix se justifie dans la mesure où les objectifs assignés aux deux déclarations sont similaires. Dès lors, vos co-rapporteurs n'ont pas jugé utile de définir un dispositif de publicité qui soit différent pour les deux déclarations. La déclaration de dons serait envoyée à l'autorité de déontologie propre au Sénat qui en serait la seule destinataire : elle aurait pour mission d'en assurer la conservation, le contrôle et la publicité auprès des sénateurs.

Proposition n° 33

Appliquer les règles de publicité, de contrôle et de conservation prévues pour les déclarations d'intérêts aux déclarations de dons et d'avantages en nature.

2. Un renforcement de l'encadrement de l'influence des lobbies au sein du Sénat

Bien que l'encadrement de l'influence des groupes de pression et des acteurs économiques privés soit une compétence exclusive du Bureau du Sénat, vos co-rapporteurs ont souhaité aborder cette question dans le cadre de leur réflexion sur la prévention des conflits d'intérêts, afin de définir des pistes de travail qui pourraient être, par la suite, approfondies.

Le groupe de travail estime que le bilan des dispositifs précédemment présentés et mis en place par la décision du Bureau du 7 octobre 2009, notamment l'inscription des lobbies sur un registre, est satisfaisant, mais mérite toutefois d'être amélioré 97 ( * ) . En effet, certains représentants de groupes d'intérêts, entendus par votre groupe de travail, considèrent que la réglementation actuelle pourrait être renforcée : à titre d'exemple, la sanction visant à retirer aux lobbies la carte d'accès au Sénat n'est pas, à leurs yeux, assez dissuasive pour réprimer les éventuels comportements inappropriés de certains organismes ou de leurs représentants.

En outre, une large majorité de vos co-rapporteurs propose de limiter la présence des sénateurs au sein de groupes d'études ou de colloques à financement privé . Les groupes privés peuvent mettre en place des groupes d'études indépendants du Parlement, au sein desquels siègent des parlementaires. Qualifiés de « clubs » ou de « clubs parlementaires », ils sont souvent constitués dans un objectif de lobbying auprès des parlementaires. Bien que leur activité soit souvent proche et leur organisation semblable, ils sont à distinguer des groupes d'études, au nombre de vingt-huit au Sénat, dont le statut est défini par l'arrêté n° 84-63 du Bureau du Sénat, qui sont créés par les commissions permanentes des deux Assemblées afin de suivre et d'étudier des questions spécifiques. Ces groupes de travail, ouverts à l'ensemble des sénateurs, assurent une veille juridique et technique sur des questions particulières afin d'informer les parlementaires. La proposition de votre groupe de travail ne vise pas ces groupes d'études ; seuls seraient concernés les clubs organisés et entièrement financés par des groupes privés, dans la mesure où ils apparaissent comme un instrument de lobbying de ces derniers envers les parlementaires.

Cet encadrement concernerait également la participation des parlementaires à des colloques à financement privé , organisés par des groupes privés, qui sont souvent une prolongation de l'existence des clubs parlementaires. Comme l'a rappelé l'Association française des conseils en lobbying (AFCL), lors de son audition par votre groupe de travail, il peut arriver que des colloques soient organisés, non sur la base de la compétence technique des intervenants, mais sur la base de leur contribution financière : en d'autres termes, ceux qui payent le plus sont ceux qui disposent du temps de parole le plus long, si bien qu'en réalité la présence des parlementaires dans ces colloques est monnayée par l'entité organisatrice auprès des acteurs d'un secteur (ce qui s'apparente, dans certains cas, à un véritable « racket »).

Dès lors, vos co-rapporteurs estiment qu'il est nécessaire de mieux réguler la participation des parlementaires à des clubs ou des colloques à financement privé.

Proposition n° 34

Encadrer la présence des sénateurs dans des groupes de travail ou des colloques à financement privé.

Enfin, l'encadrement de l'activité des lobbies nécessite également une réflexion relative à la situation particulière des assistants parlementaires . Lors de son audition par le groupe de travail, M. Vincent Nouzille, journaliste, rappelait que de nombreux assistants parlementaires, en raison de leur contrat à temps partiel auprès de certains députés, travaillaient également pour des organismes financiers privés ou d'intérêts économiques divers. En effet, les agents publics titulaires ou contractuels exerçant leur activité pour une durée égale ou inférieure à la moitié de la durée légale du travail sont autorisés à cumuler leur emploi avec une activité salariée de droit privé, dans la limite de la durée légale du travail et dans les conditions prévues par le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif aux cumuls d'activités et de rémunérations des agents publics. Ainsi, l'existence de ces doubles rémunérations peut placer les parlementaires dans une situation de conflit d'intérêts via leurs collaborateurs, ces derniers pouvant apparaître comme un « outil » de lobbying de la part des groupes privés les employant -situation d'ailleurs souvent indépendante de la responsabilité des parlementaires employeurs.

Il convient de rappeler que le « statut » des assistants parlementaires est de la compétence du Bureau : un arrêté n° 95-190 du 12 décembre 1995 du Bureau du Sénat fixe les conditions dans lesquelles les Sénateurs peuvent recruter et employer les assistants chargés de les seconder dans les tâches personnelles directement liées à l'exercice de leur mandat. Cette décision du Bureau est complétée par un certain nombre d'arrêtés des Questeurs : à titre d'exemple, il est interdit aux assistants parlementaires de poursuivre des actes de commerce.

Par conséquent, vos co-rapporteurs estiment que les arrêtés des questeurs pourraient prévoir de renforcer les incompatibilités déjà prévues à l'encontre des assistants parlementaires.

Proposition n° 35

Renforcer les incompatibilités professionnelles pour les assistants parlementaires.

À l'unanimité, le groupe de travail a également souhaité que les hauts fonctionnaires parlementaires soient soumis au régime de droit commun applicable à l'ensemble des hauts fonctionnaires ; ce régime devrait être défini lors de l'examen du projet de loi sur la déontologie de la vie publique, dont le gouvernement a annoncé le dépôt.

3. Le plafonnement des indemnités perçues au titre des organismes extraparlementaires

Une large majorité des membres de votre groupe de travail a souhaité engager une réflexion sur la présence des parlementaires au sein des organismes extraparlementaires (OEP) en vue de diminuer leur nombre. Il n'existe, à l'heure actuelle, aucune définition juridique de ces organismes : comme le rappelle le rapport d'activité du Sénat 2010, « sont regroupés sous la dénomination « organismes extraparlementaires » toute une série de conseils d'administration ou de surveillance d'établissements publics, d'entreprises publiques ou d'autorités indépendantes qui ont pour caractéristique commune de compter en leur sein la présence de parlementaires, désignés soit par le président du Sénat ou de l'Assemblée nationale soit par l'une ou l'autre des assemblées », en vertu soit de textes législatifs, soit de textes réglementaires. En d'autres termes, l'absence de critères précis permettant de définir les OEP apparaît comme la cause essentielle de leur nombre élevé.

En effet, au 30 septembre 2010, le nombre des organismes extraparlementaires s'élevait à 187, représentant 367 mandats de sénateurs (309 titulaires et 58 suppléants), sans prise en compte des députés. Si certains organismes ont été récemment supprimés, d'autres sont régulièrement créés par le législateur et, parfois, par le pouvoir réglementaire, contribuant ainsi à la hausse tendancielle de leur nombre. Il convient en effet de rappeler que ces organismes étaient au nombre de 147 au 30 septembre 2004, soit une augmentation de 1 à 2,5 en 6 ans, comme le rappelle le tableau récapitulatif ci-dessous :

Évolution du nombre des organismes extraparlementaires

Année

Nombre
d'organismes
nouveaux

Nombre total
d'organismes

Nombre de mandats (titulaires et suppléants)

Nombre de nominations effectuées

2003-2004

10

147

332 (265, 67)

65

2004-2005

20

151

333 (263, 70)

129

2005-2006

19

169

360 (300, 60)

89

2006-2007

8

175

380 (318, 62)

61

2007-2008

5

170

381 (320, 61)

62

2008-2009

9

183

357 (301, 53*)

174

2009-2010

14

187

367 (309, 58)

53

* 3 mandats non renseignés.

Source : Rapport d'activité du service de la séance du Sénat, 2009-2010.

On constate qu'au cours de la session 2009-2010, 14 organismes nouveaux ont été créés, liés à l'adoption de projets de loi majeurs. Il convient toutefois de noter que leur progression est limitée par les dispositions du décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, qui prévoient :

- une durée d'existence limitée à cinq ans pour les organismes créés en vertu d'un texte règlementaire à partir de 2006 ;

- la suppression, à l'échéance de trois ans à compter de la date de publication du décret précité, des organismes existants dont l'existence n'aurait pas été validée.

L'application de ces dispositions a permis la suppression de sept organismes au cours de la session parlementaire précédente.

Face à la croissance de ces OEP, votre groupe de travail a estimé qu'une définition claire de ces organismes dans lesquels siègent des parlementaires ès qualité devait être dégagée afin de disposer de critères objectifs permettant d'en limiter le nombre. Il convient à cet égard de rappeler qu'une réflexion est actuellement menée par le Secrétaire général du Sénat, à l'initiative de la présidence du Sénat, portant sur les conditions de création de ces organismes et l'analyse de la pertinence de leur existence.

Proposition n° 36

Dégager une définition des organismes extra-parlementaires afin d'en établir les critères constitutifs et d'en diminuer le nombre.

En effet, la présence de parlementaires dans ces organismes extérieurs, chargés de la protection des libertés publiques, de la surveillance de secteurs économiques ou d'un rôle de conseil ou de proposition à l'égard du Gouvernement, peut poser problème, tant au regard des conflits d'intérêts stricto sensu que pour le bon exercice de la mission de contrôle de l'action du gouvernement et d'évaluation des politiques publiques. Ainsi, le rapport d'activité du Sénat pour l'année 2010 constate que la « participation [des parlementaires] à ces travaux constitue [...] une obligation supplémentaire qui peut parfois être difficile à concilier avec l'exercice du mandat parlementaire ». C'est pourquoi vos co-rapporteurs se sont interrogés sur l'édiction d'une interdiction générale applicable aux parlementaires d'appartenir à un organisme extra-parlementaire. Votre groupe de travail a finalement jugé peu opportun de définir une telle prohibition : la participation des parlementaires à l'activité des OEP leur permet, comme l'ont rappelé certains membres de votre groupe de travail, de recueillir un certain nombre d'informations utiles pour mener à bien leurs missions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques dans certains domaines sensibles (notamment celui des libertés publiques).

En revanche, au sein des OEP, votre groupe de travail a distingué le cas particulier des autorités administratives indépendantes (AAI), pour lesquelles il propose que la fonction de président soit incompatible avec le mandat de parlementaire , en raison de la difficulté de concilier ces fonctions avec l'exercice du mandat parlementaire, tant sur le plan matériel que sur le plan déontologique. Cette incompatibilité n'empêcherait pas un parlementaire d'être désigné par son assemblée comme commissaire d'une AAI, l'interdiction portant uniquement sur la présidence qui ne pourrait plus revenir à un député ou un sénateur (voir supra ) 98 ( * ) .

En tout état de cause, quelle que soit la catégorie d'OEP à laquelle appartiendrait un parlementaire, les membres unanimes du groupe de travail ont prôné le plafonnement des indemnités susceptibles de leur être versées à ce titre, en le limitant au seul défraiement des dépenses engagées par le parlementaire pour participer aux travaux de l'organisme .

Proposition n° 37

Limiter les indemnités que peuvent percevoir les parlementaires au titre de leur activité au sein d'un organisme extra-parlementaire au seul défraiement des dépenses engagées pour participer aux travaux de l'organe.

Il convient toutefois de préciser que de nombreux OEP ne proposent aucune compensation financière pour les parlementaires au titre de leur participation aux travaux de ces instances. Certains, en revanche, prévoient, dans leurs règlements intérieurs, des indemnités forfaitaires au titre de la participation effective des parlementaires aux séances de l'OEP auquel ils appartiennent sous la forme, par exemple, de jetons de présence. Ces indemnités sont parfois considérées comme des salaires perçus et sont, à ce titre, soumis à l'impôt sur le revenu. Il en est ainsi des indemnités dont bénéficient les membres de la Commission nationale du débat public (CNDP) 99 ( * ) .

D'autres OEP ont fixé les conditions et les modalités d'indemnités de déplacements, à l'instar du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou 100 ( * ) . Toutefois, les sénateurs et députés renoncent souvent au bénéfice de ces indemnités.

Enfin, des indemnités et des vacations liées directement à l'activité de leurs membres peuvent être allouées aux commissaires présents dans certains organismes. Ainsi, les commissaires de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) 101 ( * ) perçoivent des indemnités forfaitaires, liées à leur présence aux séances de la Commission ; ils perçoivent aussi des vacations, versées à l'occasion de chaque rapport établi et de chaque mission assurée par les membres de la Commission. En revanche, les frais de déplacement sur le territoire national ne sont pas remboursés par la CNIL, dans la mesure où ses membres bénéficient d'un remboursement de la part de l'Assemblée dont ils sont issus. Il n'en est pas de même pour les déplacements à l'étranger dont les dépenses sont prises en charge par la CNIL.

Il s'ensuit que le bénéfice de ces indemnités est souvent facultatif et laissé à la libre appréciation des parlementaires eux-mêmes ou des OEP via leurs règlements intérieurs.

Enfin, votre groupe de travail propose que les indemnités perçues par les sénateurs au titre de leur activité dans un organisme extra-parlementaire soient incluses dans le plafond que les membres du groupe de travail souhaitent appliquer aux rémunérations accessoires.

Proposition n° 38

Inclure dans le plafond prévu pour les rémunérations accessoires les indemnités perçues par les parlementaires au titre de leur activité dans un organisme extra-parlementaire.

F. GARANTIR L'EFFECTIVITÉ DES SANCTIONS

Pour garantir l'effectivité de l'ensemble de ces obligations, vos co-rapporteurs ont souhaité mettre en place des sanctions dissuasives, adaptées et proportionnées à la nature et à la gravité des fautes commises.

À titre liminaire, on rappellera que ces sanctions seraient prononcées sans préjudice des sanctions encourues en cas non pas de conflit d'intérêts, mais de faits plus graves et déjà réprimés par le code pénal (trafic d'influence, corruption, etc.) : comme le groupe de travail l'a indiqué, il appartiendra ainsi au magistrat chargé d'assister l'autorité de déontologie du Sénat de saisir le parquet si les travaux de cette dernière font apparaître l'existence d'une atteinte au devoir de probité. Dès lors, vos co-rapporteurs soulignent que les sanctions qu'ils proposent n'ont pas vocation à se substituer à l'action pénale, mais doivent à l'inverse permettre de répondre à des comportements qui ne sont actuellement pas pris en compte par le droit et qui ne font donc l'objet d'aucune sanction.

1. Les types de manquements sanctionnés

À la majorité, les membres du groupe de travail ont souhaité que des sanctions puissent être prononcées pour réprimer les manquements suivants :

- le non-dépôt de la déclaration d'intérêts auprès de l'autorité chargée des conflits d'intérêts ;

- le dépôt d'une déclaration d'intérêts mensongère , i.e. d'une déclaration que le parlementaire aurait volontairement rédigée de manière inexacte ou lacunaire. La création d'une sanction dans ce cas est directement inspirée de la récente réforme des déclarations de situation patrimoniale -à l'occasion de laquelle le Parlement a prévu de punir ceux qui auraient « [omis] sciemment de déclarer une part substantielle de [leur] patrimoine ou [qui en auraient fourni] une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de [leur] déclaration » 102 ( * ) - et a semblé nécessaire à vos co-rapporteurs pour garantir le respect de l'exigence de sincérité des déclarations d'intérêts. De même, ceux qui auraient refusé de répondre à une demande d'éclaircissements qui leur aurait été adressée par l'autorité en charge de la déontologie pourraient également être sanctionnés ;

- en cas de non-respect d'une observation ou d'une recommandation de l'autorité en charge de la prévention des conflits d'intérêts (étant entendu que, comme le groupe de travail l'a déjà indiqué, ces observations ou ces recommandations ne sauraient avoir pour effet d'instaurer une obligation de déport a priori ) ;

- si un conflit d'intérêts « réel » grave est découvert a posteriori .

Proposition n° 39

Sanctionner les parlementaires qui :

- n'auraient pas déposé une déclaration d'intérêts ;

- auraient déposé une déclaration d'intérêts mensongère ;

- n'auraient pas répondu aux demandes d'éclaircissements formulées par l'autorité en charge des conflits d'intérêts ;

- n'auraient pas respecté une observation ou une recommandation de cette autorité ;

- se seraient placés en situation de conflit d'intérêts « réel » grave.

Vos co-rapporteurs ont estimé que l'ouverture de sanctions pour l'ensemble de ces cas permettrait d'apporter une réponse à tous les types de manquements aux devoirs déontologiques des parlementaires et mettrait le Parlement en mesure de réprimer, à l'avenir, tout comportement qui ne serait pas conforme aux exigences du mandat parlementaire.

2. Les sanctions encourues : privilégier la voie disciplinaire

En outre, la majorité des membres du groupe de travail a jugé que les sanctions prononcées par l'autorité en charge des conflits d'intérêts devraient être de nature exclusivement disciplinaire.

Ils souhaitent donc que toutes les sanctions prévues par le Règlement du Sénat 103 ( * ) puissent être prononcées à l'encontre d'un sénateur s'étant rendu coupable des manquements évoqués supra . Ainsi, il pourrait s'agir :

- d'un rappel à l'ordre adressé, par l'autorité, à un parlementaire ; il prendrait la forme d'un courrier envoyé au parlementaire ;

- d'une censure, c'est-à-dire d'une interdiction de s'exprimer en séance publique (article 94 du Règlement) ;

- d'une censure avec exclusion temporaire du Palais, qui entraînerait pour l'intéressé « l'interdiction de prendre part aux travaux du Sénat et de reparaître dans le Palais du Sénat jusqu'à l'expiration du quinzième jour de séance qui suit celui où la mesure a été prononcée » (article 95).

Proposition n° 40

Autoriser le Bureau à prononcer tous les types de sanctions disciplinaires prévues par le Règlement du Sénat pour sanctionner les sénateurs ayant contrevenu à leurs obligations déontologiques.

On soulignera que ces deux dernières sanctions sont publiques : elles pourront ainsi être portées à la connaissance des citoyens. À l'inverse, on peut imaginer que le simple rappel à l'ordre par courrier ne fera l'objet d'aucune mesure de publicité et restera confidentiel.

Comme il est d'usage en matière disciplinaire, ces sanctions seraient prononcées par le Bureau (voir supra ) et ne seraient pas susceptibles de faire l'objet d'un recours.

*

* *

Votre commission des lois a autorisé la publication du rapport d'information.

Contribution de M. Alain Anziani,
sénateur de Gironde

Tout en me félicitant de la qualité du travail et des échanges au sein du groupe de travail et en approuvant l'essentiel de ses conclusions, je souhaite faire les observations suivantes :

1° Deux systèmes de contrôle des conflits d'intérêts peuvent être observés. Le premier consiste en un contrôle interne confié à une autorité déontologique qui n'a de compte à rendre qu'à son assemblée. Aux États-Unis comme en Allemagne, il ne se conclut qu'exceptionnellement par des mesures réglementaires. Le second, qui s'apparente à un contrôle par l'opinion, est fondé sur la transparence et donc sur des déclarations d'intérêts rendues accessibles au public sur internet. Il s'accompagne de fait d'une vérification par la presse ou par des associations. Dans les deux pays cités, ce contrôle médiatique aboutit à des démissions que le contrôle interne n'avait pas envisagées. Je considère qu'un double « verrouillage » consistant à s'auto-contrôler tout en refusant toute publication des déclarations n'est pas compatible avec une véritable prévention des conflits d'intérêts.

2° Si l'autorité de déontologie constate qu'un parlementaire en situation de conflit d'intérêts ne se déporte pas spontanément, elle doit imposer une non-participation aux débats et au vote, ou du moins signaler publiquement l'existence d'un conflit d'intérêts. A défaut, elle s'exposera à perdre toute crédibilité. Le législateur a imposé un tel déport obligatoire dans les assemblées locales dès lors qu'un conseiller municipal ou plus généralement un élu local peut être intéressé personnellement par les conséquences d'une délibération (article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales).

3° Pour donner toute sa force à l'autorité de déontologie, cette dernière ne doit pas apparaître comme une simple délégation du Bureau du Sénat, mais constituer un organe distinct, élu à la majorité qualifiée et comprenant nécessairement des représentants de tous les groupes politiques du Sénat. Cette autorité comprendrait également un magistrat ayant le rôle de « rapporteur public », c'est-à-dire présentant ses propres conclusions devant l'autorité sans prendre ensuite part au vote. En cas d'infractions pénales, il disposerait de la possibilité de saisir le procureur de la République. L'autorité de déontologie proposerait à la majorité simple des mesures au Bureau du Sénat, qui ne pourrait les modifier qu'à la majorité qualifiée après avoir entendu la personne concernée.

Contribution de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat,
sénatrice de Paris

Le rapport d'information du Sénat sur les conflits d'intérêts est un travail sérieux et approfondi. L'approche sans tabou de nombreuses questions relatives aux rapports entre l'argent et les parlementaires est à souligner.

Je suis en accord avec de nombreuses propositions : le plafonnement des rémunérations, la transparence en matière de libéralité et donations, l'instauration d'une incompatibilité entre le mandat parlementaire et la fonction de conseil, le principe d'une déclaration d'intérêts, principalement.

Cependant, mon approche de la notion de « conflit d'intérêts » diverge de celle adoptée par la majorité du groupe de travail.

Le fait d'écarter d'emblée la notion de conflit « apparent » et de ne considérer finalement le conflit d'intérêts que lorsqu'il est avéré dans un cas particulier, limite considérablement la portée d'une réglementation du conflit d'intérêts, qui à mon sens devrait être préventive.

Je suis en conséquence favorable à une extension des incompatibilités, ce qui n'a pas été retenu par le groupe de travail. On constate en effet que nombre de parlementaires sont dans des situations peu compatibles avec leur mandat. J'aurais souhaité que soit au moins retenue l'obligation de déport dans les cas avérés de conflits d'intérêts.

Pour ma part, je souhaitais une incompatibilité entre le mandat parlementaire et toute activité professionnelle, sauf dérogation expresse accordée par une autorité unique et indépendante de déontologie de la vie politique.

Troisième point de divergence : le maintien d'une autorité spécifique de déontologie dans chaque Assemblée.

Les conflits d'intérêts peuvent intervenir, sur le plan gouvernemental, au sein de la fonction publique, sur le plan parlementaire ou dans le cadre de fonction élective locale.

Aussi, pour garantir l'efficacité de la prévention, du contrôle et des sanctions des conflits d'intérêts, ainsi que pour tendre à une unité de traitement, n'aurait-il pas été souhaitable d'établir une autorité unique, indépendante, à l'image de l'autorité envisagée par M. Jean-Marc Sauvé dans son rapport remis au Président de la République ?

Comment ne pas craindre que le choix d'une autorité spécifique à chaque Assemblée ne soit interprété comme la volonté de rester « entre soi » ?

À cet éclatement des structures de contrôle des conflits d'intérêts, correspond logiquement la forte limitation de la publicité de la déclaration d'intérêts, innovation importante en elle-même, qui perd de sa force du fait du déficit de transparence annoncé.

Je me prononce pour la publication de la déclaration d'intérêts au Journal officiel et sur le site internet du Sénat.

Je propose également que cette déclaration soit annuelle, et non pas triennale, pour permettre son adaptation à l'évolution de l'actualité législative.

En outre, je regrette que ne soit prévue aucune sanction pénale, que ce soit au sujet de la déclaration d'intérêts (omissions, mensonges, etc...) ou des conflits d'intérêts eux-mêmes. Cette absence de sanction pénale dans ce domaine m'apparaît surprenant au regard du droit commun, et pour le moins contreproductive, si l'objectif est d'afficher une volonté de mettre un terme à des pratiques qui participent à discréditer l'action politique dans notre pays.

Par ailleurs, je ne partage pas l'idée que le Bureau reste le seul décideur en manière de sanction disciplinaire.

Cinq points principaux sont donc à l'origine de mon désaccord avec les recommandations du rapport :

- champ trop restrictif du conflit d'intérêts ;

- champ des incompatibilités toujours trop limité ;

- absence de publication des déclarations d'intérêts, même partielle ;

- instauration d'une autorité déontologique distincte selon les institutions concernées plutôt qu'une autorité unique et indépendante ;

- absence de sanctions pénales.

Enfin, je m'interroge sur l'absence de coordination entre le Sénat et l'Assemblée Nationale, cette dernière ayant déjà arrêté les décisions en matière de conflits d'intérêts lors de sa réunion du Bureau du 6 avril 2011.

Contribution de M. Pierre-Yves Collombat,
sénateur du Var

Pour être efficace un ensemble de propositions doit faire système.

S'agissant de la régulation des conflits d'intérêts, celui des États-Unis, pays où la réflexion sur ce sujet est engagée depuis le plus longtemps, associe (comme en Allemagne sous une forme atténuée) à l'obligation extensive de transparence publique des intérêts des parlementaires (durant leur mandat), un contrôle interne peu regardant. En fait, la véritable autorité de déontologie est censée être l'opinion publique, autrement dit, les médias qui détiennent l'essentiel du pouvoir de transformer l'information en arme politique

S'y ajoute, aux États-Unis, l'interdiction totale (au Sénat) ou très stricte (à la Chambre des représentants) d'exercer une profession.

En renforçant fortement les incompatibilités professionnelles avec le mandat parlementaire et en plafonnant les revenus tirés du cumul des activités parlementaires et professionnelles, le groupe de travail s'est inscrit dans cette logique. S'il n'est pas allé aussi loin qu'aux États-Unis, c'est qu'il a considéré qu'interdire tout cumul d'activités revenait de fait à réserver le Parlement aux fonctionnaires et aux rentiers.

Par contre, pour le reste, le choix de la majorité du groupe de travail a été, tout en renforçant les obligations de transparence pour les parlementaires (obligation nouvelle de déclaration d'intérêts) de limiter son champ publicitaire.

Je partage ce choix mais, sous condition de mise en place d'une instance déontologique de contrôle incontestable. Une instance extérieure aux Assemblées, forcément nommée, n'étant pas plus indépendante qu'un organe interne, la moins mauvaise solution serait que celui-ci soit élu à la majorité qualifiée. La présence d'un magistrat en son sein serait un gage supplémentaire d'indépendance et d'impartialité.

Pour ce qui me concerne, cette instance déontologique devrait pouvoir être saisie par tout parlementaire et dotée de moyens d'investigation et du pouvoir disciplinaire.

Le Bureau des Assemblées ne saurait en tenir lieu et encore moins d'instance d'appel surtout si ses décisions sont prises à la majorité simple.

EXAMEN EN COMMISSION

M. Jean-Jacques Hyest , co-rapporteur. - A la demande du Bureau du Sénat, un groupe de travail, représentant chacun des groupes politiques de notre Haute Assemblée et que j'ai eu l'honneur de présider, a été créé le 9 novembre dernier. Notre mission était de dégager les modalités de prévention et de gestion des conflits d'intérêts pour les sénateurs.

Je tiens à souligner l'esprit consensuel dans lequel se sont déroulés nos travaux et je remercie Mmes Borvo Cohen-Seat et Escoffier, MM. Vial, Anziani, Collombat et Détraigne, pour leur participation et leur contribution à ce groupe de travail. L'état d'esprit qui a guidé nos travaux nous a permis de dégager 41 propositions majoritaires, qui témoignent d'une volonté transpartisane de renforcer la confiance de nos concitoyens dans le Parlement.

La France est souvent accusée de laxisme en matière de prévention des conflits d'intérêts. Or, notre analyse nous a conduits à un constat plus nuancé. Contrairement à l'idée qu'il n'existerait pas de dispositifs préventifs dans notre pays, les parlementaires sont soumis à des obligations déclaratives fortes, déclarations de patrimoine et d'activités. De même, les incompatibilités parlementaires prévues par le code électoral constituent le volet le plus strict et le plus efficace de la prévention des conflits d'intérêts. Les incompatibilités valent par rapport aux fonctions ministérielles, à celles rémunérées par un État étranger ou une organisation internationale ; mais aussi par rapport aux fonctions de direction ou de conseil dans les entreprises nationales ou les établissements publics nationaux. Il est également interdit de commencer à exercer une activité de conseil en cours de mandat, sauf si elle est exercée dans le cadre d'une profession réglementée telle que celle des avocats.

Par ailleurs, les deux Assemblées ont mis en place des dispositifs internes destinés à réguler l'activité des lobbies au sein du Parlement. En octobre 2009, le Bureau du Sénat a mis en place un registre public sur lequel doivent s'inscrire les représentants des groupes d'intérêt, qui s'engagent ainsi à respecter un code de conduite.

Notre groupe de travail a comparé les situations de divers pays occidentaux ; nous nous sommes rendus aux États-Unis et en Allemagne. La France n'est ni en retard, ni laxiste, et le système français est globalement plus performant que celui de nombreux États. Tous doivent concilier deux impératifs contradictoires : garantir la probité apparente des parlementaires et ne pas les priver de la liberté inhérente à l'exercice de leur mandat.

Pour cette raison, les obligations créées par les pays étrangers ne sont pas trop rigoureuses. La prévention repose non sur la contrainte mais sur la transparence. Les obligations sont généralement déclaratives, n'ont pas une vocation punitive mais informent les citoyens et responsabilisent les parlementaires. Enfin, par respect de l'autonomie du Parlement, les sanctions sont généralement prononcées par l'assemblée concernée. La probité des parlementaires n'est pas proportionnelle à la rigueur des normes ni à l'intensité du contrôle. Je vous renvoie au rapport pour les détails et je laisse nos collègues présents à Washington et à Berlin faire un bilan éventuel de l'application -parfois molle- des normes de déontologie qui y ont cours.

Nous avons élaboré 41 propositions ; je vous présenterai les principales. Le premier objectif a consisté à définir la notion de conflits d'intérêts, afin de prendre en compte les spécificités du mandat parlementaire. Rappelons en effet que les parlementaires bénéficient d'un pouvoir législatif collectif et se prononcent sur des questions générales touchant l'ensemble des politiques publiques ; ils n'ont pas de « portefeuille » prédéfini. Nous vous proposons une définition souple et pragmatique : « un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un parlementaire détient des intérêts privés qui peuvent indûment influer sur la façon dont il s'acquitte des missions liées à son mandat, et le conduire ainsi à privilégier son intérêt particulier face à l'intérêt général. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d'intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes. »

Notre deuxième objectif est d'assurer la transparence des engagements des parlementaires. Les déclarations d'intérêts inciteront les parlementaires à s'interroger et seront aussi bien un instrument de contrôle qu'un outil pédagogique. Le rôle régulateur n'est pas non plus à négliger, par exemple pour les nominations de rapporteurs. Concrètement, la déclaration d'intérêts prendrait la forme d'un formulaire afin d'éviter un contenu subjectif. Elle serait souscrite en début de mandat et actualisée à mi-mandat.

Les parlementaires devraient déclarer leurs intérêts professionnels et financiers et l'ensemble des intérêts susceptibles de créer un lien de dépendance économique, financière ou matérielle vis-à-vis d'un organisme extérieur au Parlement. Seraient naturellement exclus les intérêts moraux. Notre groupe de travail s'est interrogé sur la déclaration des intérêts détenus par les proches des parlementaires. Nous nous sommes accordés sur l'idée que les « proches » sont les personnes constituant le « noyau dur » de la famille, à savoir le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin, ainsi que les ascendants et les descendants majeurs. Toutefois, au nom du respect de la vie privée des proches, la description de leurs intérêts serait moins détaillée que celles des intérêts des parlementaires.

Les déclarations d'intérêts seraient accessibles à l'ensemble des sénateurs, et chacun d'eux aurait le pouvoir d'interroger l'autorité en charge de la déontologie sur les intérêts détenus par ses collègues. En revanche, nous ne souhaitons pas que les déclarations soient communiquées au public : nous vous proposons donc un contrôle fondé sur la publicité interne. En espérant qu'une consultation ne donnera pas lieu immédiatement après à une diffusion sur Internet...

Enfin, le groupe de travail n'a pas souhaité instaurer une procédure de déport, qui interdirait préventivement à un parlementaire de participer aux débats et au vote sur un texte : ce dispositif nous a en effet paru poser des lourds problèmes juridiques, au regard notamment de l'article 27 de la Constitution.

J'en viens à notre troisième objectif : la création d'une autorité de déontologie chargée du contrôle. Nous avons retenu une autorité propre au Sénat, chargée du contrôle des déclarations et du conseil. Elle disposerait de pouvoirs d'investigation et de contrôle. Elle serait composée exclusivement de sénateurs et constituée de manière pluraliste -chaque groupe politique y aurait au moins un représentant et aucun groupe politique ne disposerait d'une majorité. Il s'agit d'éviter tout soupçon de décisions fondées sur des critères partisans.

Cette autorité pourrait prendre deux formes : une émanation du Bureau aurait l'avantage de conforter celui-ci dans son rôle traditionnel de garant de la discipline au sein des assemblées et de prolonger sa compétence en matière d'incompatibilités ; ou une entité ad hoc, plus novatrice, dont les membres seraient élus à la majorité qualifiée par l'ensemble des sénateurs sur des listes comprenant des représentants de chaque groupe. Il appartiendra à notre Haute Assemblée de choisir entre ces deux options. L'autorité doit, selon le groupe de travail, être assistée par un magistrat de l'ordre judiciaire, issu de la Cour de Cassation, élu par les magistrats du siège et parmi les magistrats en exercice.

Notre quatrième objectif est de renforcer la liste des activités professionnelles incompatibles par nature avec le mandat parlementaire et de plafonner les rémunérations et autres revenus au titre de fonctions ou d'activités accessoires. Ainsi, nous proposons notamment que seuls les parlementaires qui exerçaient une fonction de conseil avant le début de leur mandat puissent continuer d'exercer cette activité pendant le mandat, et de supprimer la dérogation applicable aux professions réglementées.

Nous préconisons également l'intégration de nouvelles incompatibilités parlementaires : présidence d'un syndicat professionnel, et fonctions de direction, d'administration ou de surveillance dans les sociétés-mères des entreprises visées par le code électoral, par exemple.

Notre cinquième objectif est de mieux encadrer les relations entre les parlementaires et les entités extérieures aux assemblées. Nous proposons une déclaration des dons et avantages en nature d'un montant supérieur à 150 euros. Seraient exemptés les cadeaux d'usage entre délégations parlementaires et les cadeaux des proches.

Afin de mieux réguler l'influence des lobbies au sein du Parlement, nous proposons d'encadrer, voire de prohiber, la présence de sénateurs dans des groupes de travail ou des colloques à financement privé, en tant qu'ils apparaissent comme des outils d'influence de grands groupes privés à destination des parlementaires.

De même, les incompatibilités professionnelles applicables aux assistants parlementaires pourraient être renforcées : il est arrivé, à l'Assemblée nationale au moins, que des assistants aient aussi une activité salariée auprès de groupes de conseil privés et exercent sans la déclarer une activité de lobbying auprès des parlementaires...

Enfin, notre sixième objectif est de garantir des sanctions effectives, dissuasives, adaptées et proportionnées. Feraient l'objet de sanctions le non-dépôt de la déclaration d'intérêts, le dépôt d'une déclaration d'intérêts mensongère, l'absence de réponse aux demandes d'éclaircissements formulées par l'autorité, le non-respect de ses observations ou encore, la découverte d'une situation de conflit d'intérêts réel grave. Les sanctions seraient principalement disciplinaires.

M. Alain Anziani , co-rapporteur. - Il existe deux façons de gérer les éventuels conflits d'intérêts. Soit la régulation se fait par la transparence et la communication à une autorité des informations, ensuite diffusées par internet, charge revenant au public -groupes de pression, presse, associations- de contrôler les éventuels conflits. C'est le système américain ou allemand, qui s'accompagne d'incompatibilités fortes et de dérogations limitées -aux Etats-Unis, un parlementaire ne peut être enseignant ni avocat. Soit le contrôle est effectué par un tiers, dans un système de contrôle externe. Mais c'est un non-sens de prévoir un double verrouillage. Il en résulterait dans l'opinion l'idée de « petits arrangements entre amis ». Il faut donc trouver une voie médiane.

Je comprends mal le sort qui est réservé aux avocats. Tous ne sont pas avocats d'affaires ! Prenons l'exemple de Mme Gisèle Halimi. Elle a été avocate et députée ; au nom de quel principe aurait-on pu lui interdire de mener, et comme avocate et comme députée, son combat pour le droit à l'avortement ? Autre exemple, un avocat de la cause anti-OGM, devenu parlementaire, ne pourrait plus plaider ? Au nom de quel conflit d'intérêts ?

Je suis globalement favorable au rapport, mais je suis également favorable à la mise en place d'une obligation de déport. Le parlementaire ne saurait être seul juge des conflits d'intérêts qu'il peut connaître. La proposition n° 14 concerne les proches du parlementaire : nous avons considéré qu'il n'avait pas à décider lui-même qui est proche et qui ne l'est pas.

La formulation de la proposition n° 17 ne reproduit pas exactement ce que le groupe de travail a voulu dire : pour nous, il s'agissait de pouvoir saisir une autorité de déontologie qui opère le contrôle -mais, sans que ce parlementaire ne soit personnellement destinataire des informations concernant son collègue. Sinon, chacun voit bien la publicité qui sera donnée par ce biais.

La proposition n° 19 indique que l'autorité de déontologie est composée de sénateurs ; la proposition n° 23 mentionne l'assistance d'un magistrat. Mieux vaut fusionner ces deux propositions pour bien souligner notre volonté de ne pas créer une structure renfermée sur elle-même. Le magistrat aurait un rôle similaire à celui du rapporteur public devant la juridiction administrative ; il donnerait son avis mais ne prendrait pas part au vote.

La proposition n° 25, qui donne une compétence au Bureau en matière de conflits d'intérêts, donner le sentiment qu'in fine, nous refermons les portes. Nous devons trouver une solution qui correspond à nos objectifs : lutter contre le sentiment de parlementaires qui s'arrangent entre eux.

M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur. - Nous avons confronté nos points de vue et nos idées ont évolué. Peut-être reste-t-il à régler sinon des problèmes, des confusions, dans les dénominations ou les concepts. Nous nous sommes intéressés à un certain type de conflits, celui qui oppose l'intérêt public et un intérêt privé. Nous avons laissé de côté les conflits entre intérêts publics concurrents.

Le conflit d'intérêts -qui est une situation pas forcément répréhensible- n'est pas la prise illégale d'intérêt, qui est un acte délictueux. La presse confond allègrement les deux.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Nous proposons d'ailleurs de modifier la définition du délit de prise illégale d'intérêt.

M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur. - Au cas présent, il s'agit d'éviter une situation de conflit d'intérêts ; et les corrections ou les sanctions relèvent d'une autorité disciplinaire, non de la procédure pénale.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur. - S'il y a délit, l'article 40 du code de procédure pénale s'applique.

M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur. - Les parlementaires ne prennent pas de décisions individuelles, ne votent pas des subventions spécifiques, ils font la loi, ce qui ne les expose guère à la prise illégale d'intérêt. Il est utile de savoir qui sont les personnes qui s'expriment, mais la discussion parlementaire réside dans le choc des arguments et la loi est issue de ce processus. Afin de ne pas biaiser la discussion, il est préférable que le rapporteur ne soit pas trop impliqué dans des affaires en rapport avec le texte discuté. Mais pour le reste, c'est la confrontation des arguments qui compte ! Et une bonne connaissance du secteur objet du texte de loi ne nuit pas à la qualité du débat. Nous sommes « partis joyeux pour des courses lointaines », mais il n'en résulterait qu'une pure hypocrisie si nous décidions de soumettre les parlementaires à des formulaires interminables sans prévoir de sanction pour les comportements contraires à la déontologie. Aux Etats-Unis, en trente ans, seulement deux sanctions ont été prononcées, dont une pour harcèlement sexuel.

Nous avons aujourd'hui un dispositif en quelques points, avec des incompatibilités renforcées : mais si des intérêts dans certaines sociétés interdisent l'accès au mandat de parlementaire, soyez le grand chef de la holding qui contrôle ces sociétés et vous n'aurez aucun obstacle !

Pour certaines professions, nous avons beaucoup hésité. Les professions de conseil posent problème. Mais on ne saurait interdire l'exercice de toutes les professions : si l'on interdit à un médecin d'exercer, que lui restera-t-il à la fin de son mandat ? Nous proposons une régulation par la rémunération, comme pour le cumul des mandats ; aux Etats-Unis, un parlementaire médecin ne peut exercer sa profession qu'à titre bénévole, sans en tirer de bénéfice financier.

Je déplore que l'on n'ait pas réglé le problème du pantouflage. Tant que l'on est parlementaire, on est très surveillé, mais ensuite, liberté totale ! Mais nous avons laissé ce point de côté, estimant que notre sujet était suffisamment complexe.

Nous avons des désaccords essentiellement de détail, sauf sur l'organe de contrôle. Je suis favorable à la mise en place d'un organe interne, solution à laquelle nous sommes parvenus. Et j'ajoute que l'on n'est pas plus honnête, plus compétent ou plus indépendant parce que l'on n'est pas élu !

Bureau ou commission ad hoc : notre groupe a laissé la question ouverte. Je préfère pour ma part une commission élue à la majorité qualifiée. La présence d'un magistrat, c'est l'avantage d'un oeil extérieur, d'une ouverture. Je suis favorable à une saisine par tous les parlementaires et non seulement les membres du Bureau.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat , co-rapporteur. - Nous avons des idées communes sur de nombreux points. Je n'ai pas partagé toutes les préconisations. Mais tous nous avions le sentiment que le conflit d'intérêts n'est pas une notion française, qu'elle vient d'ailleurs. La France a une autre conception de l'exercice des fonctions publiques et de l'intérêt général, cela est écrit dans le rapport d'une façon extraordinaire. « Le conflit d'intérêts s'inscrit difficilement dans la vision française, issue d'une conception élitiste du pouvoir. L'intérêt général est distinct de la somme des intérêts particuliers, c'est un concept transcendant ». Les missions d'intérêt général sont confiées à des fonctionnaires intègres, non corrompus -grâce à leur statut et pas à leur vertu. Quant aux parlementaires, ils doivent respecter un régime d'incompatibilités.

Mais tout ceci appartient à une autre époque. Aujourd'hui, l'imbrication est de plus en plus grande entre les fonctions politiques et les fonctions privées. De nombreux députés et sénateurs ont à titre personnel ou familial des intérêts dans des entreprises, des banques, des établissements financiers. Il y a une certaine contradiction entre des préconisations qui visent le conflit d'intérêts apparent et des situations de conflit d'intérêts sous-jacent.

On pourrait durcir le régime des incompatibilités, d'autant que les parlementaires ne sont pas des ministres, ils ne prennent pas des décisions mais votent la loi. Cependant, il est vrai qu'ils sont entourés par les lobbies, les groupes d'intérêt ou d'amitié...

Je ne me reconnais pas dans cette conception du conflit d'intérêts. Je ne partage pas votre refus de toute publicité. Sans adopter le système américain, je suis partisane en revanche d'une publicité étendue. Vous vous méfiez de la presse mais tous les jours déjà elle révèle des cas de conflits d'intérêts ! Il faut savoir quels sont les intérêts de chaque parlementaire.

On veut rester entre soi. Le Bureau serait saisi des cas de possible faute. Cela ne débouchera sur rien : dans le passé déjà il a été saisi à répétition concernant certains sénateurs, et avec quel résultat ? Aucun ! L'entre soi ne permet pas le contrôle du conflit d'intérêts. Je suis d'accord pour que l'on remplisse des déclarations, que l'on signale les dons, mais on nous dit aussi qu'il faut savoir si le conflit d'intérêts se pose réellement.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur. - Le conflit apparent n'est pas le conflit réel...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - Je m'abstiendrai sur le rapport.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur. - Le groupe de travail a très bien fonctionné. Le rapport est le reflet d'un travail commun, même si toutes les propositions n'ont pas fait l'unanimité. Mais ne nous culpabilisons pas : nous ne partons pas de rien ! Je songe à la réglementation des incompatibilités, aux déclarations de patrimoine, aux vérifications par le Bureau du Sénat, à la réglementation des financements politiques, qui n'existe pas ailleurs. Le système américain, dans lequel les élus font de copieuses déclarations, publiques et épluchées par les associations, n'aboutit pas à des résultats spectaculaires. Et les financements politiques y sont totalement libres. Des millions de dollars sont versés par les entreprises sans que les bénéficiaires aient de compte à en rendre. Nous ne sommes pas plus mauvais que de nombreux pays !

Le débat de l'été dernier concernant un ministre, la méfiance chronique de l'opinion publique et des électeurs, nous ont conduits à mettre en place un groupe de travail pluraliste pour réfléchir à ces questions. Cela était indispensable.

J'approuve la plupart des propositions. Nous n'avons pas retenu les déclarations sur la place publique comme les Américains ou les Allemands. Cela me paraît sage. Livrer en pâture à l'opinion le patrimoine, les revenus des uns et des autres ne réconcilierait pas les citoyens et leur classe politique, au contraire. Nous vivons dans un pays de liberté, Mme Escoffier et moi avions du reste présenté une proposition de loi -adoptée par le Sénat- sur la protection de la vie privée contre la diffusion via internet et les réseaux sociaux.

Mais allons-nous assez loin dans le traitement en interne des déclarations ? Je rejoins M. Anziani : on pourrait aller plus loin. Ne donnons surtout pas le sentiment de vouloir laver notre linge sale en famille, de nous autoamnistier. Est-ce le parlementaire qui doit juger de la nécessité de se déporter ? Le Bureau doit-il être l'instance d'appel ? Le magistrat doit-il être cantonné dans un rôle marginal ? Je souhaiterais qu'on lui donne une mission plus importante, dans le cadre d'une commission ad hoc, où il apporterait ses compétences.

Bref, des améliorations sont possibles, mais ce travail très intéressant traite des questions que nous ne nous étions jamais posées auparavant.

Mme Anne-Marie Escoffier , co-rapporteur. - Nous devons protéger les parlementaires en leur disant, au moment de leur prise de fonction, ce qu'ils peuvent faire et ne pas faire. Le parlementaire doit être protégé contre lui-même. Il y a des parlementaires qui ont agi sans savoir exactement ce qu'ils faisaient. Bien évidemment, il y en a d'autres qui franchissent la ligne jaune sciemment.

S'agissant de dons et de cadeaux, j'ai eu à en connaître en tant que préfet : lorsqu'on vous offre une caisse de vin, vous l'inscrivez à l'inventaire de la préfecture. Mais quand il s'agit de deux bouteilles, vous les buvez !

Enfin, le seuil proposé dans le rapport pour la déclaration des dons -150 euros- me semble ridiculement bas : il mériterait d'être relevé.

M. Jean-Pierre Vial , co-rapporteur. - Je souscris aux interventions de mes collègues. Une remarque sur la compatibilité des cumuls. A Berlin, nous avons rencontré des parlementaires allemands qui ont échangé sur la chasse : l'un, passionné par ce sport, s'estimait pleinement investi de son mandat en défendant la cause de la chasse alors qu'un autre, qui représentait les intérêts économiques des professionnels, aurait pu tomber sous le coup du conflit d'intérêts.

Aux États-Unis, un parlementaire ne peut pas avoir d'autre mandat. Ainsi, un médecin peut continuer à exercer son art à condition qu'il n'en tire aucun revenu. Ces règles ont été posées à la suite de certains scandales et imposent aux parlementaires d'exercer leur mandat à temps complet -et ce mandat seul.

Deuxième remarque sur les proches : il faut être extrêmement précis et limitatif. Ainsi, je pense qu'il ne faudra viser que les descendants mineurs et les seuls conjoints ou partenaires de PACS.

Et puis, n'oublions pas le cas des assistants : certains peuvent se retrouver dans une situation identique à celle du parlementaire. Là aussi, des règles précises devront être édictées pour éviter aux parlementaires de se trouver dans des conflits d'intérêts à cause de leurs collaborateurs.

M. Patrice Gélard , président. - La proposition n° 3 qui oppose intérêt personnel à intérêt général n'est pas d'une grande clarté.

M. Jean-Jacques Hyest , co-rapporteur. - Il faut lire tout le texte !

M. Patrice Gélard , président. - Il faudra une définition stricte des proches : on ne doit pas pouvoir reprocher aux descendants majeurs leur activité professionnelle.

Autre remarque : constitutionnellement, on ne peut poursuivre un parlementaire pour les votes et les opinions qu'il a émis dans le cadre de son mandat. Il faudra rappeler cela.

La proposition n° 32 prévoit la mise en place d'une déclaration de dons et d'avantages en nature : il faudrait préciser.

M. Jean-Jacques Hyest , co-rapporteur. - Par exemple, un billet d'avion gratuit, c'est un avantage en nature.

M. Patrice Gélard , président. - Ce n'est pas si simple : lorsque vous êtes invité à un colloque et que le billet d'avion est payé, s'agit-il d'un avantage en nature ?

M. Jean-Jacques Hyest , co-rapporteur. - C'est le cas si vous passez ensuite huit jours au soleil.

M. Patrice Gélard , président. - Et puis, quand on fait référence aux colloques ou aux groupes de travail financés sur fonds privés, c'est totalement irréaliste ! La quasi-totalité des colloques sont financés ainsi.

M. François Pillet . - La notion de conflit d'intérêts est extrêmement complexe à manier et elle n'est pas encadrée juridiquement. J'ai écouté avec grand intérêt le président Hyest présenter le rapport du groupe de travail et j'ai été rassuré d'apprendre que la situation en France n'était pas si mauvaise que cela. Arrêtons de nous auto-flageller ! Je suis très réservé sur certaines des propositions qui nous sont faites. Ainsi, la notion de conflit d'intérêts est bien difficile à mesurer : l'intérêt collectif peut très bien se doubler d'un intérêt personnel, notamment lorsqu'un parlementaire viticulteur intervient sur la loi Evin.

M. Pierre-Yves Collombat , co-rapporteur. - Le rapport exclut ce cas.

M. François Pillet . - Ce qui prouve bien qu'on arrive aux limites de la logique.

M. Jean-Jacques Hyest , co-rapporteur. - Je vous renvoie à la rédaction de la proposition n° 32 qui est très claire : « un conflit d'intérêts est la situation dans laquelle un parlementaire détient des intérêts privés qui peuvent indûment influer sur la façon dont il s'acquitte des missions liées à son mandat ».

M. François Pillet . - Et que se passe-t-il si je possède dans le cadre de mon PEA 25 % des actions du laboratoire Servier ?

M. Jean-Jacques Hyest , co-rapporteur. - Vous devrez les déclarer.

M. François Pillet . - L'intérêt est une notion très infiltrante !

Par ailleurs, la définition des proches ne prend pas en compte les amis ou les concubins provisoires qui parfois peuvent être bien encombrants...

Vous réglez la question des incompatibilités par les rémunérations, mais celles-ci peuvent prendre des formes diverses. Certes, la question des salaires est assez facile à régler. Mais comment faire pour les bénéfices agricoles des personnes qui travaillent en entreprise individuelle ? Celui qui voudra s'exonérer de ses obligations pourra parfaitement privilégier temporairement l'investissement et récupérer ses gains en fin de mandat. Même chose pour ceux qui travaillent en entreprise individuelle : ils n'auront qu'à se verser des dividendes plutôt que des salaires pour ne pas être soumis aux obligations que vous voulez édicter.

Enfin, je n'envisagerai de voter vos propositions que lorsqu'on abordera la question du statut de l'élu. Un avocat qui se consacrerait exclusivement à son mandat se retrouverait sans clientèle, et donc sans revenus, au bout de six ans. Quelle différence de traitement par rapport aux fonctionnaires !

Et puis, va-t-on m'interdire de participer à des colloques pour expliquer le rôle du législateur sous prétexte qu'ils sont financés par des fonds privés ?

Je regrette que l'histoire se répète à cause de quelques élus défaillants. Par leur faute, on est en train de rejouer Les animaux malades de la peste de La Fontaine.

M. Jean-Pierre Vial , co-rapporteur. - Lors de l'audition des représentants des assureurs, ces derniers nous ont dit qu'ils n'invitaient plus les parlementaires à leurs groupes de travail : c'est une décision radicale ! A l'inverse, d'autres groupes importants continuent à nous convier. Ne pourrait-on pas encadrer, en toute transparence, ces participations ?

M. Alain Anziani , co-rapporteur. - Je comprends les réticences de certains de nos collègues, mais je ne les partage pas. On ne peut pas prétendre que la question des conflits d'intérêts ne se pose pas dans notre pays. D'ailleurs, le Président de la République lui-même a souhaité que nous avancions sur le sujet. Ayons le courage d'agir et arrêtons de prétendre que nous faisons mieux que les autres.

M. Pierre-Yves Collombat , co-rapporteur. - Faut-il anticiper ou attendre des scandales pour procéder à la régulation ? La réponse s'impose d'elle-même.

Sur les conflits d'intérêts, je crois que la définition à laquelle nous sommes parvenus est satisfaisante ; elle précise : « ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d'intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes ». Pour le cas de l'élu viticulteur, une loi sur la viticulture n'entre ainsi pas dans la catégorie des conflits d'intérêts alors qu'un texte favorisant tel ou tel cépage serait susceptible d'être concerné.

M. Jean-Jacques Hyest , co-rapporteur. - Jusqu'à présent, tout notre système reposait sur les incompatibilités, et non pas sur la soft law. Nous sommes donc bien loin de la pratique anglo-saxonne. Si nous devions la mettre en oeuvre, il s'agirait de dispositions organiques. Ici, il ne s'agit que d'incompatibilités renforcées. Les conflits d'intérêts ne peuvent être tous réglés par les incompatibilités. Nous allons être saisis d'un projet de loi sur les fonctionnaires et sur les ministres. L'Assemblée nationale a décidé, quant à elle, de mettre en place un « déontologue ». Les conflits d'intérêts existent, mais la majorité d'entre nous ne sait pas ce que c'est. Ainsi, depuis que je suis parlementaire, je n'y ai jamais été exposé.

Certains voudraient que la Commission de déontologie -ou l'Autorité de déontologie de la vie publique dont le rapport Sauvé préconise la création- gère toutes ces questions mais je les mets en garde : il ne faut pas remettre en cause le principe de l'autonomie du Parlement. L'organisation que le Sénat va mettre en place devra être pluraliste pour ne pas prêter le flanc à la critique et elle devra prévoir et appliquer des sanctions disciplinaires -ce qui n'est pas le cas, je le rappelle, malheureusement, des sanctions prévues pour absentéisme.

Sur les colloques, vous savez bien que deux ou trois cabinets spécialisés invitent des parlementaires pour ensuite exhiber leurs noms auprès de partenaires privés en vue d'en obtenir des financements : ce n'est pas moral.

J'en viens au rapport : nous allons le présenter au Bureau du Sénat, sans doute le 25 mai. D'ici là, je vous demande la plus grande discrétion sur nos conclusions. Je remercie mes collègues pour l'excellence de ce rapport. In fine, tout ne sera pas retenu, et c'est bien normal.

M. Hugues Portelli . - Je demande que l'on reporte le vote sur ce rapport, car il faut nous donner le temps de réfléchir à son contenu.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - On ne vous demande pas d'approuver ses conclusions, mais d'autoriser sa publication.

La publication du rapport est autorisée.

ANNEXE 1
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Conseil d'Etat

- M. Jean-Marc Sauvé , vice-président du Conseil d'État, président de la « commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique »

Commission de déontologie de la fonction publique

- M. Olivier Fouquet , conseiller d'État, président

Cour de cassation

- M. Jacques Mouton , président de chambre, directeur du service de documentation, des études et du rapport

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

- M. François Logerot , président

Commission pour la transparence financière de la vie politique

- M. Brice Bohuon , secrétaire général

Service central de prévention de la corruption

- M. François Badie , chef de service

Personnalités qualifiées

- M. Robert Badinter , président du comité de déontologie du Sénat

- M. Jean-Olivier Viout , procureur général près la cour d'appel de Lyon

- M. Martin Hirsch , auteur d'un ouvrage sur les conflits d'intérêts : « Pour en finir avec les conflits d'intérêts » en 2010

Enseignants

- M. Guy Carcassonne , professeur à l'université Paris X

- M. Jean Gicquel , professeur émérite à l'université Paris I

- M. Yves Meny , directeur du centre d'études européennes Robert Schumann

- Mme Elisabeth Zoller , professeur à l'université Paris II

Journalistes

- M. Vincent Nouzille , journaliste, auteur d'un ouvrage sur les conflits d'intérêts : « Députés sous influences » en 2006

- Mme Dominique Pradalié , secrétaire générale du syndicat national des journalistes

Autorité des marchés financiers

- M. Jean-Pierre Jouyet , président

Avocats

- M. Thierry Wickers , président du conseil national des barreaux

- M. Pierre Berger , président de la commission règles et usages au conseil national des barreaux

Compagnie nationale des commissaires aux comptes

- M. François Hurel , délégué général

- Mme Francine Bobet , membre du bureau et présidente de la commission des études juridiques

Association française des conseils en lobbying

- Mme Capucine Fandre , présidente

- M. Pascal Tallon, vice-président

- M. Nicolas Bouvier

Association professionnelle des responsables des relations avec les pouvoirs publics

- Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante , présidente

- Mme Valérie Alain, vice-présidente

- M. Nicolas de Warren , vice-président

Fédération bancaire française

- Mme Ariane Obolensky , directrice générale

- Mme Annie Bac, directrice du département expertise juridique et conformité

- Mme Estelle Toullec-Marquot, chargée des relations institutionnelles

- Mme Laurence May , directrice de la conformité et de la sécurité chez BPCE

Fédération française des sociétés d'assurances

- M. Jean-François Lequoy , délégué général

- M. Philippe Poijet , directeur des affaires juridiques

- M. Jean-Paul Laborde , directeur des affaires parlementaires

- Mme Annabelle Jacquemin-Guillaume , attachée parlementaire

Fédération française du bâtiment

- M. Bruno Dumas , vice-président

- M. Bernard Coloos , directeur des affaires économiques

- M. Séverin Abbatucci , directeur des affaires juridiques

- M. Benoît Vanstavel, responsable relations parlementaires

Fédération nationale des travaux publics

- Mme Dominique Devilder , directrice des affaires juridiques

- M. Jean-Christophe Angenault , responsable des relations institutionnelles du réseau des fédérations régionales

Leem

- Mme Blandine Fauran , directeur des affaires juridiques

- M. Jean de Roquette-Buisson , chargé de mission affaires Publiques

MEDEF

- M. Robert Leblanc , président du comité d'éthique

- M. Nicolas Stoop, membre de la direction des affaires juridiques

- M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques

Transparency International France

- M. Daniel Lebègue , président

Réseau associatif ETAL (pour l'encadrement et la transparence des activités de lobbying )

- Mme Yveline Nicolas

- Mme Severine Tessier

ANNEXE 2
LES CONFLITS D'INTÉRÊTS DANS LE SECTEUR PRIVÉ

Vos co-rapporteurs ont souhaité enrichir leur réflexion par l'analyse des expériences de prévention mises en place dans certaines autorités françaises ou au sein de certaines professions règlementées en raison des risques potentiels de conflits d'intérêts auxquelles elles sont soumises et alors que leur mission implique un magistère moral reconnu et irréprochable.

Dans ce cadre, de nombreuses fédérations professionnelles ont été entendues par vos co-rapporteurs : le groupe de travail a ainsi recueilli l'expérience et les observations de l'Association française des conseils en lobbying, de la Fédération nationale des travaux publics, de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, des représentants des avocats, de la Fédération bancaire française, de la Fédération française des sociétés d'assurances, de l'Association professionnelle des responsables des relations avec les pouvoirs publics, de la Fédération des entreprises du médicament (Leem), de la Fédération française du bâtiment, du Syndicat national des journalistes et du Mouvement des entreprises de France (Medef).

Ces auditions ont permis à vos co-rapporteurs de distinguer trois modalités de création des dispositifs de prévention des conflits d'intérêts, dont la mise en oeuvre répond à des problématiques différentes :

- les secteurs ayant bénéficié d'un cycle vertueux , initié par une structure publique dont les missions reposent sur une impartialité renforcée, telle que l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour les activités bancaires et financières, dont les outils de déontologie ont été ensuite appliqués au niveau des entreprises du secteur ;

- les secteurs ayant été amené à mettre en place des dispositifs de prévention des conflits d'intérêts en raison de l'évolution législative de l'Union européenne , comme l'illustrent les exemples des commissaires aux comptes et des sociétés d'assurances ;

- les institutions qui, en raison d'évolutions sociétales et à la suite de scandales révélant des conflits d'intérêts, ont été amenées à se saisir de cette question pour permettre à leurs membres de disposer des outils de réflexion et d'action nécessaires ; le Medef en est l'exemple le plus emblématique.

A) Le développement de la prévention dans les autorités administratives indépendantes : l'exemple de l'Autorité des marchés financiers

La création des autorités administratives indépendantes, calquées sur le modèle des agences anglo-saxonnes, répond à une démarche pragmatique visant à assurer une intervention préventive dans un secteur sensible, ayant fait l'objet de scandales révélant l'existence de conflits d'intérêts, voire de collusion d'intérêts, qui sont apparus choquants pour l'opinion publique.

Pour être efficace, l'action des AAI doit reposer sur un magistère reconnu, dont l'indépendance est une des composantes. C'est pourquoi les salariés des AAI sont soumis à des règles déontologiques précises afin que les missions qu'ils accomplissent ne soient pas entachées d'un quelconque soupçon de partialité. La finalité est donc de renforcer « l'irréprochabilité » de l'institution pour laquelle ils travaillent.

C'est pourquoi, en raison de ses missions touchant à des sujets sensibles que sont la protection de l'épargne et le bon fonctionnement des marchés financiers, l'Autorité des marchés financiers (AMF) 104 ( * ) a mis en place un corpus de règles déontologiques exigeantes s'adressant aussi bien aux salariés de l'Autorité qu'aux experts membres des différentes formations la composant.

Les missions de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF)

Créée par la loi n° 2003-706 de sécurité financière du 1 er août 2003, l'Autorité des marchés financiers (AMF) est née de la fusion de trois anciennes AAI : la Commission des opérations de bourse (COB) 105 ( * ) , le Conseil des marchés financiers (CMF) 106 ( * ) et le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF) 107 ( * ) . L'objectif de ce rapprochement est de renforcer l'efficacité et la visibilité de la régulation de la place financière française. Elle dispose, à l'image de la Financial Services Authority instituée en Grande-Bretagne en 2001, d'attributions étendues en matière de protection de l'épargne investie en produits financiers, d'information des investisseurs et de régulation des marchés financiers.

L'AMF comprend :

- un collège de 16 membres : il est l'organe décisionnel (budget, règlement intérieur, règles de déontologie, prise des décisions individuelles). Il examine les rapports de contrôle et d'enquête qu'il peut, le cas échéant, transmettre au procureur de la République. Il prend également des décisions individuelles, portant, par exemple, sur la conformité des offres ou l'octroi d'agréments, et peut également ordonner qu'il soit mis fin aux pratiques contraires aux lois ou règlements si ils sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le marché ;

- une commission des sanctions de 12 membres distincts de ceux du Collège : elle a l'exclusivité du pouvoir de sanction, dont l'ouverture de la procédure revient à l'AMF ;

- des commissions spécialisées et des commissions consultatives .

Le Collège peut déléguer certaines de ses compétences à des commissions spécialisées , constituées en son sein. Elles sont aujourd'hui au nombre de trois et sont spécialisées dans l'ouverture des procédures de sanction.

Les commissions consultatives ont pour mission la préparation des réflexions relatives à l'évolution des marchés. Elles sont au nombre de cinq (organisation et fonctionnement du marché ; activités de compensation, de conservation et de règlement-livraison ; activités de gestion individuelle et collective ; opérations et information financières des émetteurs ; épargnants) et sont composées d'experts nommés pour trois ans.

Selon le règlement intérieur de l'AMF, il est interdit à tout salarié de l'Autorité de posséder un portefeuille actif de valeurs mobilières gérées en direct . Les salariés sont également soumis à l'obligation de déclarer à leur chef de service « toute relation professionnelle étroite » qui serait susceptible de les positionner dans une situation apparente de conflit d'intérêts. Par ailleurs, les décisions prises par certaines directions de l'AMF (direction des prestataires et des produits d'épargne 108 ( * ) et direction des émetteurs 109 ( * ) ) font l'objet d'une double, triple, voire quadruple vérification, tout au long de la chaîne hiérarchique. De même, un collaborateur quittant l'AMF est soumis aux mêmes règles s'imposant aux agents de la fonction publique souhaitant poursuivre leur activité dans le secteur privé, avec notamment un contrôle de la part de la Commission de déontologie, qui examine si les futures activités privées ne sont pas incompatibles avec les précédentes fonctions exercées au sein de l'Autorité.

La principale novation de l'AMF en matière de prévention des conflits d'intérêts repose sur l' existence d'un déontologue 110 ( * ) qui lui est spécifiquement attaché. Sa mission principale est de veiller au respect des règles de déontologie applicables à la gestion des patrimoines financiers des salariés de l'AMF. Ces derniers remplissent chaque année une déclaration faisant le détail de leur patrimoine financier. Le déontologue dispose également de la faculté d'accéder aux comptes bancaires de chaque agent. Le non-respect des règles de déontologie peut être un motif de rupture de contrat entre les deux parties et peut s'accompagner de sanctions pénales à l'encontre du salarié.

Pour les membres de la Commission des sanctions et du Collège de l'AMF, a été mis en place un corpus particulier de règles de prévention des conflits d'intérêts. En effet, les membres de ces deux organes peuvent être amenés à prendre des décisions à l'encontre de sociétés auxquelles ils ont été liés ou continuent de l'être. Pour éviter que cette situation ne nuise à l'objectivité des membres, ces derniers doivent, une fois leur mandat confirmé, faire état auprès du président de l'AMF des fonctions ou mandats qu'ils ont exercés au cours des deux dernières années . Par ailleurs, un membre du collège détenant un portefeuille de titres financiers négociables doit en confier la gestion à un prestataire extérieur, par mandat. De même, toutes les opérations d'achat ou de vente effectuées doivent donner lieu à une information du Président du Collège.

L'AMF a également mis en place une procédure de déport pour les membres du Collège, d'une commission spécialisée, de la Commission des sanctions ou d'une section de celle-ci ; cette procédure doit être mise en oeuvre à chaque fois que, en raison de liens passés ou présents, un membre constate que sa participation à la délibération peut entacher d'irrégularité la décision de l'organe. Ce dispositif a été renforcé par le règlement général de l'AMF qui a introduit l'obligation, pour tout membre de l'AMF, d'informer le président lorsque, au vu de l'ordre du jour de l'organe auquel il appartient, il constate qu'il ne peut délibérer en raison des intérêts détenus par son conjoint, son partenaire lié à un pacte civil de solidarité, son concubin, ses parents (en ligne directe et en ligne collatérale) ou alliés.

Enfin, lors de son audition par le groupe de travail, M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, a indiqué que l'Autorité mettait actuellement en oeuvre de nouvelles dispositions relatives aux opérations financières afin de mieux en assurer la traçabilité par les membres du Collège.

Vos co-rapporteurs observent que ces pratiques se sont largement diffusées hors de l'AMF : ainsi, les représentants de la Fédération bancaire française ont informé le groupe de travail que les problématiques de conflits d'intérêts faisaient l'objet d'une prise en charge spécifique au niveau des grandes banques françaises, qui se sont largement inspirées des dispositifs de prévention mis en place par l'AMF. Ainsi, à titre d'exemple, chaque banque dispose, au niveau national, d'un déontologue chargé du respect et de la surveillance des règles de déontologie et de leur application par ses salariés. Il s'ensuit qu'un cycle vertueux, initié par l'AMF, s'est mis en place dans le secteur bancaire, qui a intégré la nécessité de définir des règles déontologiques strictes afin d'éviter tout conflit d'intérêts, inhérent même à l'activité bancaire, ce qui permet également de renforcer la confiance des clients envers leurs conseillers financiers.

B) Les règles de déontologie s'appliquant à certaines professions sensibles : l'exemple des commissaires aux comptes

Le deuxième exemple de prévention des conflits d'intérêts qui a retenu l'attention de vos co-rapporteurs est l'ensemble des dispositifs mis en place par la profession des commissaires aux comptes.

Institué par la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés anonymes avec l'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes, de l'établissement d'un rapport par celui-ci et de sa présentation en assemblée générale, le commissariat aux comptes a vu ses missions consacrées et renforcées, ce qui a induit la nécessité d'augmenter la transparence de la profession 111 ( * ) .

La principale mission des commissaires aux comptes est de certifier que les comptes annuels de l'entité contrôlée sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice. Or, l'une des originalités de la fonction de commissaire aux comptes provient du fait que « celui qui est contrôlé est celui qui paye » : dans un contexte de recherche de baisse des coûts, cette situation peut inciter à une diminution de l'intensité ou de la qualité des contrôles. En effet, les dirigeants d'entreprises peuvent être tentés soit de diminuer le temps de prestation des commissaires aux comptes, soit, au contraire, de proposer une rémunération très élevée afin d'orienter les conclusions du contrôle à leur avantage. Ce risque avait déjà été relevé par le Service central de prévention de la corruption dans son rapport annuel de 2005 112 ( * ) .

Afin d'assurer au mieux leurs missions, les commissaires aux comptes sont donc soumis à un certain nombre de dispositifs qui visent à renforcer l'objectivité de leurs travaux et à éviter toute collusion d'intérêts avec les entités contrôlées. Il convient de rappeler que ces dispositifs de prévention figurent déjà dans une directive du Parlement européen et du Conseil de l'Europe concernant le contrôle légal des comptes annuels et comptes consolidés du 16 mars 2004.

Le dispositif de prévention qui s'applique aux commissaires aux comptes repose principalement sur un code de déontologie , publié par un décret du 16 novembre 2005 113 ( * ) et modifié par un second décret d'avril 2006 114 ( * ) , qui précise les conditions d'exercice des missions des commissaires aux comptes. Le respect des dispositions de ce code est assuré par le Haut Conseil du commissariat aux comptes, créé en 2003 115 ( * ) , placé sous l'autorité du garde des Sceaux, composé de douze membres, parmi lesquels trois commissaires aux comptes et trois magistrats et présidé par un haut magistrat. Pour assurer ses missions de surveillance et de respect des règles déontologiques, le Haut conseil procède à des inspections, des contrôles périodiques et des contrôles occasionnels et peut également donner des avis, par exemple, sur la justification des appréciations des commissaires aux comptes.

L'article 1 er du code de déontologie des commissaires aux comptes rappelle que ces derniers ont une mission d'intérêt général, ce qui leur donne des marges d'action appréciables pour effectuer leurs missions, mais qu'ils sont, dans le même temps, soumis à des obligations et des contraintes fortes, qui s'accompagnent de contrôles et de sanctions en cas de non-respect des dispositions du code de déontologie.

Le code rappelle également les principes fondamentaux sur lesquels reposent les missions des commissaires aux comptes -à savoir l'impartialité, l'indépendance, la discrétion avec le secret professionnel, l'absence de conflit d'intérêts, la confraternité et la compétence.

En outre, l'article 29 interdit la prise de fonctions lorsque le « futur » commissaire aux comptes a réalisé au cours des deux dernières années une mission pour l'entreprise portant sur des montages financiers qu'il serait conduit à évaluer, sur des évaluations comptables, financières ou prévisionnelles, ou sur des prestations de conseil ou comptables.

Enfin, le titre VI donne aux commissaires aux comptes les moyens en termes d'honoraires de disposer d'un budget financier suffisant pour leur permettre d'accomplir leur mission et, en contrepartie, leur interdit toute insuffisance pour un motif financier .

L'exemple du secteur des assurances présente de nombreuses similarités avec celui des commissaires aux comptes. Sous l'impulsion de la directive européenne « Solvabilité II » adoptée en 2009, et qui consacre la notion de conflits d'intérêts dans ce secteur, les sociétés d'assurances ont développé en leur sein des dispositifs préventifs avec, entre autres, la présence d'un déontologue au sein de chaque société au niveau national ou la déclaration de cadeaux perçus d'un montant au moins égal à 40 euros, envoyée au déontologue précité.

C) Des préconisations transversales : l'exemple du Medef

Enfin, le groupe de travail note que le Medef a publié, en février 2011, un guide destiné aux dirigeants d'entreprises afin de les sensibiliser à la question de la prévention et de la gestion des conflits d'intérêts au sein de leurs entreprises. Ce guide a pour objectif de leur donner des outils, issus de bonnes pratiques, pour les aider à résoudre les conflits d'intérêts auxquels eux-mêmes ou leurs salariés peuvent faire face.

Le guide précise qu'une telle démarche vise à protéger les dirigeants et « à améliorer l'image de l'entreprise et sa réputation », dans la mesure où la réputation du dirigeant « détermine largement celle de l'entreprise et de [ses] collaborateurs ».

Ainsi, le guide s'articule autour de cinq recommandations qui sont :

- l'organisation d'une réflexion sur la question des conflits d'intérêts en interne ;

- l'identification des conflits d'intérêts potentiels ;

- la transparence avec la mise en place d'une déclaration d'intérêts ;

- la définition des autorisations, des abstentions et des interdictions à prendre lors de la survenance d'un conflit d'intérêts réel ou potentiel ;

- la mise en place des structures et des moyens nécessaires à la mise en oeuvre, au contrôle, à la sanction du non-respect des mesures prises .

ANNEXE 3
ETUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE
SUR LA PRÉVENTION, LE CONTRÔLE ET LES SANCTIONS DU CONFLIT D'INTÉRÊTS

Cette étude a été réalisée par la division de législation comparée du Sénat.

ALLEMAGNE

I. Le Bundesrat

Il n'existe pas de dispositions sur le sujet. Le Bundesrat étant composé de membres du gouvernement des Länder, cette question est en général abordée dans les règles du Land régissant ceux-ci. C'est pourquoi on présente, à défaut, ci-après des éléments concernant le Bundestag.

II. Le Bundestag

Les dispositions relatives à la conduite des membres du Bundestag figurent dans la loi sur la situation juridique des membres du Bundestag du 18 février 1977 modifiée (Abgeordnetengesetz) et dans l'annexe 1 du règlement intérieur de cette assemblée du 2 juillet 1980 modifié, en dernière date, le 16 juillet 2010, prise en application de l'article 44b de la loi précitée. Les conditions d'application des règles de l'annexe 1 ont été précisées par le président du Bundestag en 2005.

1°) Les incompatibilités

La loi sur la situation juridique des membres du Bundestag du 18 février 1977 modifiée ne prévoit pas d'incompatibilités.

Son article 44 pose comme principe que l'exercice du mandat doit être le centre de l'activité du député et que, dès lors que ce principe est respecté, les activités professionnelles ou autres menées en parallèle sont autorisées.

Il ajoute que le député n'est pas autorisé à percevoir des rétributions qui ne seraient pas prévues par la loi ainsi que d'autres avantages patrimoniaux, en particulier de l'argent qui lui serait versé afin de représenter ou de faire valoir les intérêts du donateur au Bundestag ou qui lui serait versé sans qu'il fournisse une contrepartie raisonnable.

2°) Les déclarations de patrimoine

Les règles de conduite figurant dans l'annexe 1 du règlement intérieur du Bundestag n'obligent pas les députés à déclarer leur patrimoine, mais seulement leurs activités passées et présentes, ainsi que les donations et cadeaux reçus. La plupart des informations déclarées font l'objet d'une publication.

Ces déclarations doivent être faites dans les trois mois suivant l'investiture ou la modification de la situation du parlementaire.

Les députés sont également tenus de faire connaître les intérêts qu'ils peuvent avoir lors de travaux en commission auxquels ils participent dès lors que ces intérêts n'auraient pas fait l'objet d'une publication.

Nature et étendue

Le député doit adresser une déclaration écrite au président du Bundestag relatant, pour la période qui ne couvre pas le mandat :

- la dernière activité professionnelle exercée ;

- les activités de membre d'un directoire, d'un conseil de surveillance, d'un conseil d'administration, d'un conseil ou autre comité d'une société ou d'une entreprise ayant une autre forme juridique ou encore d'un organisme ou d'un établissement de droit public.

Le député est dispensé de déclarer les activités qu'il n'exerce plus depuis au moins deux ans.

Il doit faire une déclaration écrite au président du Bundestag relatant, pour la durée du mandat :

- les activités rémunérées exercées parallèlement au mandat à titre indépendant ou comme employé, par exemple des activités de conseil, de représentation, d'expertise, de rédaction de publications et de conférences (pour ces trois dernières, l'obligation de déclaration disparaît si les revenus correspondant à chacune d'elle ne dépassent pas 1 000 € par mois ou 10 000 € par an) ;

- les activités de membre d'un directoire, d'un conseil de surveillance, d'un conseil d'administration, d'un conseil ou autre comité d'une société ou d'une entreprise ayant une autre forme juridique ou encore d'un organisme ou d'un établissement de droit public ;

- les activités de membre d'un conseil d'administration ou d'un comité ayant des fonctions de direction ou de conseil dans une association, une fédération ou toute autre organisation analogue (fondation...) dont l'importance n'est pas exclusivement locale ;

- la conclusion d'accords en vertu desquels le député se voit, pendant ou après son mandat, transférer des activités déterminées ou octroyer des avantages patrimoniaux ;

- et la participation dans une entreprise si elle confère une influence économique de poids dans l'exploitation de celle-ci (le parlementaire doit posséder plus de 25 % des droits de vote).

L'ensemble de ces déclarations font l'objet d'une publication dans un recueil administratif ainsi que sur le site Internet du Bundestag.

L'activité d'avocat fait enfin l'objet de dispositions particulières. Le parlementaire doit déclarer au président du Bundestag qu'il se charge personnellement de la représentation, judiciaire ou non, dans une affaire pour ou contre la République fédérale d'Allemagne, si ses honoraires sont supérieurs à 1 000 €.

Les dons que reçoivent les députés font l'objet d'une réglementation spécifique. Ceux d'un montant supérieur à 5 000 €, en relation avec des activités politiques, doivent être déclarés au président du Bundestag. Ceux d'un montant supérieur à 10 000 € font l'objet d'une publication. Quant aux cadeaux d'un montant supérieur à 200 € reçus en raison du mandat, ils doivent être remis au président du Bundestag (le parlementaire peut toutefois les racheter).

Contrôle et sanctions

Si un député est présumé avoir enfreint une de ses obligations, le président du Bundestag recueille la position de celui-ci sur cette accusation et mène une enquête en fait et en droit. Il peut, à cette occasion, exiger que le député lui fournisse des explications et solliciter l'avis du chef du parti politique auquel le parlementaire appartient.

Si le président du Bundestag est convaincu qu'il s'agit d'une violation mineure, il se contente d'admonester l'intéressé, sinon il transmet les résultats de son enquête au Präsidium (le président du Bundestag et les cinq vice-présidents) qui procède à l'audition de l'intéressé et rend une décision sur l'existence éventuelle d'une infraction. Cette décision fait l'objet d'une publication.

Des sanctions peuvent être également prises. Ainsi en cas de violation d'une obligation de déclaration, le Bureau peut procéder à une seconde audition et infliger au parlementaire une amende dont le montant varie en fonction de la gravité de l'infraction commise et peut aller jusqu'à la moitié du montant annuel de ses émoluments.

3°) Les codes de conduite

Les règles de conduite exposées ci-dessus figurent à l'annexe 1 du règlement intérieur du Bundestag précité et ont la même valeur juridique que celui-ci.

ESPAGNE (Senado)

1°) Les incompatibilités

Nature et étendue

Les incompatibilités avec le mandat sénatorial concernent aussi bien, en Espagne, les fonctions publiques que les fonctions privées. L'article 157 de la loi organique n° 5 du 19 juin 1985 sur le régime électoral général précise en effet que le mandat sénatorial est exclusif de toute autre activité et qu'il est, de ce fait, incompatible avec l'occupation, directe ou indirecte, de tout poste, profession ou activité, publique ou privé, à compte propre ou étranger, rétribué par appointement, salaire, droit ou honoraire de quelle que forme que ce soit.

Les articles 70 de la constitution, 6 et 154 et 155 de la loi organique n° 5 du 19 juin 1985 disposent, en premier lieu, qu'un certain nombre de motifs d'inégibilité constituent aussi des motifs d'incompatibilité entre une fonction et le mandat sénatorial.

L'article 70 de la constitution espagnole prévoit que la loi détermine les incompatibilités qui concernent notamment :

- la fonction de membre du Tribunal constitutionnel ;

- les hautes charges de l'administration de l'État ;

- le défenseur du peuple, équivalent du médiateur de la République ;

- les magistrats du siège et ceux du parquet ;

- les militaires professionnels et les membres des forces de sécurité et de police ;

- et les membres des conseils électoraux.

Les articles 6 et 155 de la loi organique n° 5 du 19 juin 1985 ont ajouté aux nombre des personnes dont les fonctions sont incompatibles avec le mandat sénatorial :

- les membres de la famille royale et leurs conjoints ;

- les présidents du Tribunal constitutionnel, du Tribunal suprême, équivalent de la Cour de Cassation, du Conseil d'État et de la Cour des Comptes ;

- les membres du conseil général du pouvoir judiciaire, les membres titulaires du Conseil d'État, les conseillers à la Cour des Comptes et les membres du conseil chargé de coordonner les projets de planification économique en vertu de l'article 131 de la constitution ;

- les adjoints du défenseur du peuple ;

- les sous-secrétaires, secrétaires généraux, directeurs généraux des départements ministériels et leurs équivalents (directeurs de cabinet des ministres et secrétaires d'État...) ;

- les chefs de mission accrédités auprès d'un État étranger et d'un organisme international ;

- les délégués du Gouvernement dans les autonomies, les gouverneurs et leurs équivalents ;

- le directeur général de la radio-télévision espagnole et les directeurs des sociétés de ce groupe public ;

- les présidents, directeurs et assimilés des établissements publics à compétence nationale et les commissaires du gouvernement qui les contrôlent ;

- les présidents et directeurs généraux des organismes de sécurité sociale à compétence nationale ;

- le directeur du bureau chargé de l'établissement des listes électorales ;

- le gouverneur et le sous-gouverneur de la Banque d'Espagne et les présidents et directeurs des institutions de crédit publiques ;

- le président, les conseillers et le secrétaire général du Conseil général de Sécurité nucléaire.

Sont également incompatibles avec les fonctions de sénateur dans une circonscription donnée les fonctions de :

- ministre du gouvernement d'une entité locale dont relève la circonscription ;

- président, directeur et assimilé des établissements publics locaux compétents dans la circonscription ;

- délégués territoriaux de la radio-télévision espagnole et directeurs des sociétés de télévisions qui dépendent des communautés autonomes ;

- présidents et directeurs des organismes décentralisés de sécurité sociale compétents dans la circonscription ;

- secrétaires généraux de l'équivalent des services qui représentent l'État dans les autonomies ;

- et délégués territoriaux du bureau chargé de l'établissement des listes électorales.

En vertu de l'article 154 de la loi organique précitée, constituent en deuxième lieu, des fonctions incompatibles avec le mandat sénatorial sans être un motif d'inéligibilité celles conférées ou rémunérées par un État étranger ainsi que celles de :

- président de l'équivalent de l'Autorité de régulation de la concurrence ;

- membre du conseil d'administration de la radio-télévision espagnole ;

- membre du cabinet du Premier ministre, d'un secrétaire d'État ou d'un ministre ;

- commissaires du gouvernement dans les ports autonomes, les organismes gestionnaires de l'eau et les sociétés concessionnaires des autoroutes à péage ;

- présidents, directeurs généraux, conseillers et administrateurs des entités publiques, monopoles d'État, entreprises à participation publique majoritaire, directe ou indirecte, quelle que soit leur forme et des caisses d'épargne publiques.

En vertu de l'article 156 de la loi organique, les sénateurs ne peuvent faire partie que d'au plus deux conseils d'administration d'entités publiques ou d'entreprises à participation majoritairement publiques si leur désignation relève du Sénat. Ils ne peuvent percevoir que des indemnités qui correspondent à ces fonctions et qui ne dépassent pas celles prévues par la loi pour l'administration. Les montants supérieurs à ces plafonds sont reversés au Trésor public.

La seule exception à cette interdiction générale concerne les professeurs d'université qui peuvent poursuivre leurs recherches et leur enseignement dans l'établissement où ils exercent leur activité, sans que celle-ci puisse concerner la direction ou le contrôle des services de cet établissement. Ils perçoivent à ce titre les indemnités correspondantes à ces activités.

De ce fait, les sénateurs ne peuvent percevoir, conformément à l'article 158 de la même loi, plus d'une rémunération d'origine publique et pas davantage de pension de retraite. Ils retrouvent ce droit au terme de leur mandat.

L'article 159 de la loi organique précitée souligne que, conformément à l'interdiction générale de cumul d'activités privées prévue par l'article 157 du même texte, le mandat sénatorial est incompatible avec :

- les activités de gestion, de défense, direction ou délivrance de consultations pour tout organisme du secteur public d'État, d'une autonomie ou d'une collectivité locale au sujet de faits dont ils ont à connaître, qui ont directement trait au fonctionnement d'un service public, à l'obtention d'une subvention ou à la délivrance d'une garantie publiques, hormis le cas où ces subventions ou garanties sont automatiquement obtenues en vertu des lois en vigueur ;

- les activités d'entrepreneur, maître d'oeuvre, fournisseur de services ou de fournitures et la conclusion de tout contrat dont les prestations sont payées au moyen de fonds émanant d'organismes ou d'entreprises de l'État, des autonomies ou des collectivités locales, ainsi que l'exercice de fonctions de direction, de représentation ou de conseil dans des entreprises qui exercent ces activités ;

- l'exercice de fonctions de direction, représentation, conseil ou prestation de services dans des entreprises qui gèrent un monopole public ;

- la prestation de services de conseil ou de tout autre nature à titre individuel ou de façon partagée, pour des entreprises du secteur public de l'État, des autonomies ou des collectivités locales ;

- l'acquisition en tout ou partie postérieure à l'élection, d'une participation supérieure à 10 %, sauf en cas d'héritage, dans des entreprises qui fournissent des biens ou des services payés au moyen de fonds provenant d'organismes ou d'entreprises du secteur public de l'État, des autonomies ou des collectivités locales ;

- les fonctions de président du conseil d'administration, de conseiller, d'administrateur, de directeur général, de gérant ou toute autre équivalente, dans des établissements de crédit ou d'assurances qui font publiquement appel public à l'épargne ou accordent des crédits ;

- et toute autre activité qui contreviendrait au caractère exclusif du mandat parlementaire.

Ne sont exclus des incompatibilités que :

- l'administration du patrimoine personnel dès lors qu'elle concerne des entreprises précitées dans lesquelles le sénateur et sa famille détiennent moins de 10 % du capital ;

- la production ou la création littéraire, scientifique, artistique ou technique ;

- et les activités qui seront autorisées par la commission compétente du Sénat à la suite d'une demande de l'intéressé, sous réserve qu'elles ne contreviennent pas aux interdictions précitées.

Contrôle et sanctions

Les incompatibilités entre le mandat sénatorial et les fonctions précitées sont appréciées par la commission des incompatibilités constituée au Sénat. Celle-ci intervient aussi bien au début de la législature qu'en cours de mandat.

Si elle estime qu'un sénateur encourt une incompatibilité, elle émet avis soumis au Sénat qui statue sur l'existence de l'incompatibilité en séance plénière. Le sénateur concerné, qui peut prendre la parole à cette occasion, ne participe pas au vote.

Si le Sénat estime que l'incompatibilité est avérée, le sénateur doit, dans les huit jours suivant la notification de la décision de l'assemblée, opter pour la fonction incompatible ou pour son mandat parlementaire. À défaut, il est présumé renoncer à ce mandat.

2°) Les déclarations de patrimoine et déclarations d'intérêts

En vertu de l'article 160 de la même loi organique, les sénateurs sont tenus, lors de leur entrée en fonction et au terme de leur mandat, de déclarer les activités qui peuvent relever d'éventuelles incompatibilités dont ils peuvent tirer des revenus. La déclaration est établie sur la base d'un formulaire approuvé conjointement par les bureaux du Congrès des députés et du Sénat. Les déclarations sont réunies dans un registre des intérêts, établi sous l'autorité du président du Sénat.

Ce registre, rendu public par voie électronique sauf en ce qui concerne les biens patrimoniaux des sénateurs comprend, outre un document de synthèse, les déclarations des sénateurs et leurs mises à jour. À l'issue du mandat parlementaire, il ne peut être consulté qu'après autorisation du bureau du Sénat.

Le contrôle et la sanction du non respect des règles applicables aux déclarations du patrimoine relèvent de la commission des incompatibilités du Sénat puis du Sénat lui même, dans les mêmes conditions que pour les autres incompatibilités (avis de la commission suivi d'un examen en séance plénière par le Sénat pour savoir si l'incompatibilité est avérée, délai de huit jours ouvert au sénateur pour choisir entre mandat et activité incompatible et, à défaut, déchéance du mandat parlementaire).

3°) Les codes de conduite

Il n'existe pas de code de conduite.

ITALIE (Senato della Repubblica)

1°) Les incompatibilités

Nature et étendue

Sont, en vertu de la loi n° 60 du 13 février 1950, incompatibles avec le mandat sénatorial :

- les charges électives et fonctions exercées dans des organismes publics ou privés en vertu d'une nomination faite par le Gouvernement ou une administration de l'État, y compris sur proposition d'une association professionnelle. Peuvent cependant être exercées les charges concernant des organismes culturels, d'assistance, de culte ou celles accomplies soit pour l'organisation des foires-expositions soit dans des universités et des établissements d'enseignement supérieur en vertu d'une désignation par un corps académique ;

- les charges électives et les fonctions d'administrateur, de président, de liquidateur, de commissaire aux comptes, de consultant juridique ou administratif qui effectue des prestations de façon permanente :

- - dans des associations ou des entités qui gèrent un service de quelque nature que ce soit pour le compte de l'État ou de l'administration, ou que l'État finance d'une façon ordinaire (in)directement ;

- - dans des institutions bancaires ou des sociétés par actions dont le but principal est la mise en oeuvre d'activités financières, hormis les instituts de crédit coopératif dont l'activité a un ressort limité ;

- les fonctions tendant à défendre, à prêter assistance ou à formuler des conseils à des entreprises financières ou économiques au sujet de leurs différends ou de leurs rapports d'affaires avec l'État ;

Quiconque est ou a été sénateur et entre au Gouvernement ne peut exercer, dans l'une des entités pour lesquelles la loi prévoit une incompatibilité avec le mandat parlementaire, les fonctions d'administrateur, de président, de liquidateur, de commissaire aux comptes, de consultant juridique ou administratif effectuant des prestations de façon permanente, avant une durée d'un an à compter de la cessation de ses fonctions gouvernementales.

Contrôle et sanctions

Le contrôle des incompatibilités relève, dit l'article 8 de la même loi, de la commission des élections créée dans chacune des chambres du Parlement.

En vertu de l'article 18 du règlement sur la vérification des pouvoirs du Sénat italien, les sénateurs doivent transmettre à la Commission des élections créée en son sein, dans les trente jours suivant leur élection, la liste des charges et fonctions qu'ils exercent à titre gratuit ou onéreux. Ils lui communiquent, en cours de mandat, toute charge ou fonction nouvelle dans les trente jours suivant la date à laquelle ils y ont accédé.

Si la commission constate que la liste est inexacte, son président en informe le président du Sénat et constitue un comité ad hoc, sous la présidence d'un vice-président, lequel établit des propositions qu'il transmet à la commission des élections. Puis celle-ci, après avoir le cas échéant entendu le sénateur concerné ou recueilli ses observations écrites, statue sur la compatibilité des charges et fonctions. Si elle relève une incompatibilité, le président de la commission met le sénateur concerné en demeure d'opter, dans un délai qu'elle détermine, entre son mandat et la charge ou la fonction.

À défaut d'option avant le terme de ce délai, elle met en oeuvre la procédure de déchéance du mandat parlementaire. En vertu de celle-ci, elle détermine le jour d'une audition publique au cours de laquelle le rapporteur présente les faits sans exprimer d'appréciation à leur sujet. Le sénateur mis en cause peut intervenir ou se faire représenter par un avocat. À l'issue des débats publics, la commission se réunit à huis-clos et adopte, le cas échéant, une proposition de décision de déchéance du mandat qui est soumise au Sénat accompagnée d'un rapport écrit.

Si la Commission des élections estime à l'unanimité que l'incompatibilité est avérée, elle peut décider de ne pas recourir à la procédure d'audition publique mais doit cependant transmettre au Sénat sa proposition de décision de déchéance du mandat, accompagnée d'un rapport écrit.

Selon un article du Corriere della Sera, l'application de ces dispositions aurait parfois été « élastique », les incompatibilités frappant trois sénateurs ayant été déclarées le dernier jour de la précédente législature116 ( * ).

2°) La déclaration du patrimoine et des revenus

La loi n° 441 du 5 juillet 1982 détermine le régime de la déclaration de patrimoine applicable aux sénateurs.

Nature et étendue

Doivent être déposées à la Présidence du Sénat dans les trois mois suivant la proclamation de l'élection :

- une déclaration relative aux droits réels sur les immeubles et les biens meubles inscrits dans des registres publics (voitures...) aux actions de sociétés et parts sociales détenues par le sénateur ainsi qu'à l'exercice par celui-ci des fonctions d'administrateur et de gérant de société ou de commissaire aux comptes  ;

- une copie de la dernière déclaration relative à l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Ces deux déclarations concernent également la situation patrimoniale du conjoint et des enfants à charge si ceux-ci l'acceptent.

En cas de modification des éléments contenus dans la déclaration, celle-ci est mise à jour dans le mois qui suit la date à laquelle la déclaration d'impôt sur le revenu doit être déposée. Le sénateur communique copie de sa déclaration annuelle de revenus.

Dans les trois mois suivant le terme de son mandat, chaque sénateur est tenu de déposer une déclaration concernant les modifications survenues dans sa situation patrimoniale puis, dans le mois qui suit la date limite de dépôt de la déclaration annuelle de revenus, une copie de celle-ci.

Contrôle et sanctions

Les déclarations de patrimoine sont insérées dans un bulletin publié par les services de la Présidence du Sénat que tous les citoyens inscrits sur les listes électorales pour les élections au Parlement peuvent consulter.

Si un sénateur ne respecte pas les règles prévues par la loi, le président du Sénat le met en demeure de s'y conformer sous quinze jours. Si le sénateur persiste, le président en informe le Sénat.

3°) Les codes de conduite

Il n'existe pas de code de conduite.

L'article 54 de la constitution dispose cependant que « Les citoyens auxquels sont confiées des fonctions publiques ont le devoir de les remplir avec discipline et honneur, en prêtant serment dans les cas prévus par la loi. »

ROYAUME UNI (Chambre des Lords)

Les dispositions relatives à la conduite des membres de la Chambre des Lords figurent dans le code de conduite adopté par une résolution du 30 novembre 2009 et amendé le 30 mars 2010. Ce code est complété par un guide adopté par une résolution du 30 mars 2010. Ces deux documents lient les membres de la Chambre des Lords. Ils sont entrés en vigueur le 18 mai 2010.

1°) Les incompatibilités

Le code de conduite et son guide d'accompagnement ne prévoient pas d'incompatibilités. Toutefois, son §8(c) déclare que les membres de la Chambre des Lords ne doivent jamais accepter de rétribution pour user de leur influence parlementaire.

Le §8(d) leur interdit de tirer avantage de leur position et d'accepter une rétribution en échange de « conseils ou de services parlementaires ». Ils ne doivent pas agir comme des « consultants parlementaires », par exemple en indiquant à des organisations ou des personnes extérieures comment faire du lobbying ou exercer une influence sur le travail parlementaire. Il leur est interdit de se servir de leur position en vue de faciliter des entrevues ayant pour objet du lobbying.

Le §14 interdit aux Lords d'agir comme « un avocat rémunéré » dans un débat parlementaire. Cela signifie qu'ils ne doivent pas, en intervenant dans ces travaux, chercher à conférer « un avantage exclusif » à des organisations ou à des personnes extérieures dont ils reçoivent une rétribution. L'intervention dans ces travaux parlementaires est entendue au sens large : les Lords ne doivent pas participer aux délibérations de la commission, intervenir dans la discussion générale, déposer un amendement, prendre part au vote, ou encore poser une question écrite ou orale.

« L'avantage exclusif » est entendu dans un sens restrictif. Ainsi un parlementaire qui serait payé par une entreprise pharmaceutique pourrait néanmoins participer à un débat sur les dépenses pharmaceutiques du National Health Service (Sécurité sociale) ou sur un projet de loi sur les brevets pharmaceutiques. Celui qui cherche à conférer un avantage à un organisme dans lequel il a un intérêt financier mais qui considère qu'il ne s'agit pas d'« un avantage exclusif » doit établir clairement dans le débat auquel il participe qu'il n'agit pas seulement dans l'intérêt de l'organisme en question mais aussi de celui de l'ensemble du secteur d'activité dont l'organisme fait partie.

2°) Les déclarations de patrimoine

Le code de conduite et son guide d'accompagnement ne prévoient pas de déclaration de patrimoine mais un enregistrement des intérêts pertinents des Lords ainsi qu'une déclaration de ces mêmes intérêts dans le débat.

Les Lords doivent résoudre tout conflit entre un intérêt personnel et l'intérêt public, « sur le champ et en faveur de l'intérêt public ».

Même si l'intérêt est enregistré ou déclaré, les membres de la Chambre des Lords doivent être particulièrement prudents lorsqu'ils prennent la parole ou participent à un vote si cet intérêt est « direct, pécuniaire et partagé avec un petit groupe de personnes » en vertu du §15 du même code.

L'inscription au registre des intérêts

Le code de conduite prévoit que les Lords sont tenus de faire porter au registre des intérêts tous les intérêts pertinents dans le délai d'un mois suivant la proclamation de leur élection, ainsi que toute modification éventuelle dans le délai d'un mois suivant sa survenance. Un intérêt est « pertinent » si un membre du public qualifié de raisonnable, c'est-à-dire bien informé et impartial, peut considérer qu'il pourrait avoir une influence sur l'action des Lords, leurs discours, leurs votes ou sur les initiatives prises en qualité de parlementaires. Il peut s'agir d'intérêts financiers ou non.

Le formulaire d'enregistrement classe les intérêts en dix catégories :

- catégorie 1 : administrateur ou directeur de sociétés publiques ou privées y compris à des postes dans lesquels le titulaire n'exerce pas de véritables fonctions de direction ainsi que ceux où le titulaire est payé par une autre société du groupe ;

- catégorie 2 : tous les emplois rémunérés ou dans lesquels le parlementaire reçoit un avantage pécuniaire ;

- catégorie 3 : services et conseils à une clientèle dans le domaine des affaires publiques ;

- catégorie 4 : détention d'actions donnant un pouvoir de contrôle dans une société ou si tel n'est pas le cas, d'une valeur supérieure à 50 000 £, (environ 58 600 €) ;

- catégorie 5 : terres et immeubles dont la valeur en capital est supérieure à 250 000 £, soit environ 293 000 € (à l'exception des biens servant au logement du parlementaire et de son épouse) ou qui produisent un revenu annuel supérieur à 5 000 £, (environ 5 860 €) ; la nature et l'adresse de la propriété en question suffisent, sa valeur et son rendement n'ont pas à être mentionnés ;

- catégorie 6 : les sponsors ou toute forme de soutien financier ou matériel reçu par le parlementaire dont le montant dépasse la somme de 500 £ (environ 586 €) par « sponsor » ;

- catégorie 7 : les visites à l'étranger faites par le Lord ou son épouse liées aux fonctions parlementaires sauf celles totalement prises en charge par le parlementaire lui-même ou les fonds publics ;

- catégorie 8 : les cadeaux, les avantages, les repas et hébergements dont profite le parlementaire ou son épouse en raison des fonctions parlementaires occupées et provenant de n'importe quelle société, organisation ou personne, au Royaume-Uni ou à l'étranger, dès lors que leur montant est supérieur à 500 £ (environ 586 €) ;

- catégorie 9 : les autres intérêts financiers n'entrant pas dans les précédentes catégories ;

- catégorie 10 : les intérêts non financiers tels que les fonctions de directeur, d'administrateur et autres emplois non rémunérés, de membre d'organismes publics (hôpitaux, universités, écoles, autorités locales par exemple), de membre du conseil d'administration d'un musée, du comité directeur d'un groupe de pression, d'un syndicat ou d'une association.

Chaque avantage financier de plus de 500 £ (environ 586 €) qui entre dans l'une de ces dix catégories doit être enregistré, de même que l'ensemble des avantages financiers provenant d'une même source lorsque le cumul annuel est supérieur à 500 £.

Les intérêts dont la valeur est inférieure à 500 £, ne sont pas à porter au registre sauf s'ils entrent dans une des catégories d'intérêts non financiers dont l'enregistrement est obligatoire ou si un membre du public qualifié de raisonnable peut considérer qu'ils sont susceptibles d'influencer la manière dont le parlementaire exerce ses fonctions. Il va de soi que le parlementaire peut choisir de les faire enregistrer alors même qu'il n'y est pas tenu par le code en vigueur.

Le registre des intérêts des Lords est imprimé et publié peu après le début de la nouvelle législature, puis chaque année.

Lors du dépôt de questions ou de résolutions, les parlementaires sont tenus d'attirer l'attention du service chargé de les collecter sur le fait qu'ils ont fait enregistrer un intérêt personnel sur le sujet qu'elles concernent.

La déclaration d'intérêts dans le débat

Le code de conduite prévoit que les Lords déclarent, quand ils prennent la parole à la chambre ou s'adressent à des ministres ou à l'administration, tout intérêt pertinent lié au sujet en discussion. Le caractère « pertinent » de l'intérêt est jugé, comme supra, en fonction de l'appréciation que peut en avoir un membre du public qualifié de raisonnable.

La déclaration doit être formulée de façon brève, en général juste avant la prise de parole. Elle doit être compréhensible, « ciblée » et sans ambiguïté. Elle ne doit pas non plus nécessiter de connaissances préalables ou faire référence à d'autres documents. Sauf pour les questions et autres procédures en temps limité, le parlementaire ne peut pas se contenter de renvoyer aux intérêts qu'il a fait inscrire au registre.

Les parlementaires qui siègent dans les commissions doivent également déclarer tout intérêt personnel en relation avec les travaux de celles-ci.

3°) Les codes de conduite

Les Lords s'engagent par écrit à respecter le code de conduite et son guide d'application lors de la cérémonie d'investiture au cours de laquelle ils prêtent serment.

Le House of Lords Commissioner for Standards, délégué de la Chambre des Lords chargé de veiller au respect de ces règles est nommé, par une résolution adoptée par cette chambre, pour enquêter sur les violations du code de manière impartiale et indépendante. Le premier délégué, nommé le 2 juin 2010, est l'ancien chef de la police du Hampshire.

Il peut être saisi par une plainte écrite d'un Lord ou d'un citoyen. La plainte indique la règle présumée violée, les preuves à l'appui de l'accusation ainsi que toutes les coordonnées du demandeur.

Le délégué qui peut également, à titre très exceptionnel, entamer une enquête motu proprio lors de laquelle il se livre à une évaluation préliminaire de toutes les plaintes et indique ensuite aux parties s'il entend y donner suite en menant une enquête approfondie. Si tel n'est pas le cas, il indique de façon sommaire au demandeur les motifs de sa décision.

Une fois l'enquête terminée, le délégué adresse son rapport au Sub - Committee on Lords' conduct, la sous-commission à la conduite des Lords composée de cinq d'entre eux qui l'adresse en l'état, accompagnée de son propre rapport et d'une recommandation, au Committee for Privileges and Conduct, la commission pour les immunités et la conduite composée de seize Lords dont deux ayant occupé des fonctions judiciaires. La sous-commission peut recommander la rédaction d'un rapport à l'attention de la Chambre des Lords et/ou proposer que le parlementaire régularise sa situation ou bien encore suggérer sa suspension temporaire. Les rapports du Committee for Privileges and Conduct font l'objet d'une publication.

Le défendeur peut faire appel devant cette commission des conclusions de l'enquête et de la sanction recommandée. Une fois l'appel instruit, cette commission adresse ses conclusions et ses recommandations à la Chambre des Lords qui statue en dernier ressort.


* 1 Le vote des parlementaires, ainsi que toute activité au sein de leur Assemblée et qui fait partie de l'exercice normal du mandat, ne peut en effet pas être retenu comme un moyen de preuve.

* 2 Article 175 de l'ancien code pénal.

* 3 Cass. Crim., 14 juin 2000.

* 4 Cour d'appel de Toulouse, 7 octobre 1999.

* 5 Cass. Crim., 19 mai 1999.

* 6 Cass. Crim., 3 mai 2001.

* 7 Cass. Crim., 14 novembre 2007.

* 8 Cass. Crim., 5 novembre 1998 et Cass. Crim., 29 septembre 1999.

* 9 Cass. Crim., 21 juin 2000.

* 10 Cass. Crim., 19 mars 2008, élargie par une décision du 22 octobre 2008.

* 11 « La participation d'un élu à la délibération d'une assemblée locale attribuant des subventions à une association qu'il préside constitue-t-elle une prise illégale d'intérêt ? », Laëtitia Janicot, Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 3/09.

* 12 Idem.

* 13 Pour les élus locaux condamnés, ces peines complémentaires recouvrent l'interdiction des droits civils, civiques et de famille ; l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; la confiscation des sommes ou des objets irrégulièrement perçus...

* 14 En raison de l'immunité liée au vote, voir infra.

* 15 Rapport n° 519 (2009-2010) fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale de Mme Anne-Marie Escoffier, sur la proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêt des élus locaux.

* 16 Proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêt des élus locaux.

* 17 Il s'agit d'une ordonnance prise sur la base de l'ancien article 92 de la Constitution.

* 18 Article L.O. 142 du code électoral. A cet égard, comme l'article L.O. 142, la loi organique du 13 décembre 1958 fait exception à la règle pour les professeurs d'université et les ministres des cultes en Alsace-Moselle.

* 19 On peut imaginer que ces peines s'appliqueraient au parlementaire lui-même s'il est dirigeant de la société pour laquelle il fait usage de sa qualité à des fins publicitaires.

* 20 Service central de prévention de la corruption, rapport annuel pour 2005. En outre, les dons de personnes morales de droit privé sont, de facto, inexistants en Suède.

* 21 Loi organique n° 88-226 du 11 mars 1988 et loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique.

* 22 Dans sa décision n° 76-3 I du 20 décembre 1976, le Conseil constitutionnel a précisé comment il convenait de comprendre cette procédure : « en ce qui concerne les questions de compatibilité des fonctions ou activités d'un parlementaire avec l'exercice de son mandat, il appartient, tout d'abord au Bureau de l'Assemblée dont il est membre d'examiner si ces fonctions ou activités sont compatibles avec l'exercice du mandat ; que, par suite, le Conseil constitutionnel ne peut être appelé à apprécier si l'intéressé se trouve dans un cas d'incompatibilité qu'après cet examen et seulement si le Bureau a exprimé un doute à ce sujet ou si la position qu'il a prise fait l'objet d'une contestation, soit par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, soit par le parlementaire lui-même ».

* 23 Cette incompatibilité connut des éclipses au cours du XIX ème siècle.

* 24 Cette SCPI était la deuxième de France tant pour son capital que pour le nombre de ses clients.

* 25 Selon la décision n° 2007-23 I du 14 février 2008, la présidence d'un groupement d'intérêt public qui résulte d'une nomination par arrêté ministériel en tant que représentant de l'État doit être regardée comme une fonction publique non élective, par conséquent incompatible.

* 26 A l'exception des professeurs d'université et, en Alsace-Moselle, des ministres des cultes. Selon la décision n° 2008-24/25/26 I du 14 février 2008, la fonction de professeur associé n'est pas assimilable à celle de professeur d'université, de sorte qu'elle est incompatible.

* 27 Selon la décision n° 96-16 I du 19 décembre 1996, les fonctions de juge au tribunal de commerce sont compatibles car elles ne relèvent pas du statut de la magistrature et sont électives, de sorte qu'il s'agit d'une fonction publique élective.

* 28 Cette incompatibilité ne s'applique pas aux parlementaires désignés dans de telles fonctions ès qualité ou du fait d'un mandat électif local.

* 29 Cette incompatibilité vise par exemple la présidence des chambres consulaires ou de leurs groupements, qui ont le statut d'établissement public national, certes avec une forme particulière de direction (décisions n° 95-12 I du 14 septembre 1995 et n° 96-16 I du 19 décembre 1996), mais ne concerne donc pas les établissements publics locaux, sous la tutelle des collectivités territoriales (décision n° 66-1 I du 8 juillet 1966).

* 30 Sont énumérées les fonctions de chef d'entreprise, gérant, président de conseil d'administration, président ou membre de directoire, président de conseil de surveillance, administrateur délégué, directeur général, directeur général adjoint, gérant.

* 31 Le fait d'être propriétaire de tout ou partie du capital de ces sociétés n'impliquant de façon nécessaire pas une fonction de direction de fait, il n'y a pas incompatibilité (décision n° 77-5 I du 18 octobre 1977).

* 32 Dans ses décisions n° 2006-20/21 I du 20 juillet 2006 et n° 2006-22 I du 26 octobre 2006, le Conseil constitutionnel a estimé qu'une association qui fournit des prestations aux collectivités territoriales, bien que n'ayant pas de but lucratif, était assimilable à une entreprise dont l'activité consiste principalement en la prestation de fournitures pour le compte d'une personne publique (cas prévu au 3° de l'article L.O. 146). Le statut associatif ne fait pas obstacle à l'application du régime des incompatibilités (décision n° 88-7 I du 6 décembre 1988).

* 33 A titre d'exception, l'article L.O. 148 du code électoral permet aux parlementaires, au titre d'un mandat électif local, de siéger dans des organismes d'intérêt régional ou local qui n'ont pas pour objet de réaliser des bénéfices. Il leur permet également, même sans mandat local, de siéger dans les conseils de sociétés d'économie mixte d'équipement régional ou local ou de sociétés ayant un objet exclusivement social. Dans les deux cas, les fonctions exercées ne doivent pas être rémunérées.

* 34 Article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

* 35 Ces dispositions ne font bien sûr pas obstacle à la création au sein des commissions de groupes d'études permanents, chargés de suivre un sujet ou un secteur économique particulier, en vue d'informer l'une des deux Chambres.

* 36 A ce jour, 75 personnes sont inscrites sur cette liste, consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/role/groupes_interet.html

* 37 A ce jour, deux invitations ont été publiées. Cette liste est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/groupes_interet/Liste_des_declarations_d_invitation_au_18_mars_2011.pdf

* 38 Arrêté des Questeurs n° 2010-1258 du 1 er décembre 2010 définissant les droits d'accès au Palais du Luxembourg des représentants des groupes d'intérêt, consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/role/groupes_interets_aq.html

* 39 Ces éléments sont consultables à l'adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/representants-interets/index.asp

* 40 « Aucune loi modifiant la rémunération des services des sénateurs et des représentants n'entrera en vigueur tant qu'une élection des représentants ne sera pas intervenue ».

* 41 Le Service central de prévention de la corruption estimait ainsi que 34 000 lobbyistes (dont la plupart exercent à Washington) intervenaient au niveau fédéral.

* 42 Service central de prévention de la corruption, rapport annuel 2009.

* 43 De la même manière, le premier paragraphe du code officiel de conduite de la Chambre des représentants des États-Unis dispose qu'« un membre, un suppléant, [...] un fonctionnaire ou une personne employée par la Chambre est tenue de se conduire, en permanence, d'une manière qui donne de la Chambre une image honorable » ( « A Member, Delegate, Resident Commissioner, officer, or employee of the House shall conduct himself at all times in a manner that shall reflect creditably on the House »).

* 44 On notera toutefois que plusieurs exclusions viennent, parallèlement, limiter le champ de l'« intérêt personnel » : l'intérêt en cause ne peut être que matériel, et doit être véritablement propre au député ou à ses proches (ce qui exclut la prise en compte des intérêts qui sont d'application générale, qui concernent le député en tant que membre d'une vaste catégorie de personnes, ou qui ont trait à la rémunération ou aux avantages accordés au député au titre d'une loi fédérale).

* 45 Rapport annuel du SCPC pour 2009.

* 46 Legislative Transparency and Accountability Act de 2006.

* 47 Plus précisément, le code de conduite prévoit que les parlementaires peuvent participer à des réceptions où seuls des rafraichissements et un buffet leur sont offerts, mais qu'il leur est interdit de se voir offrir un repas.

* 48 Littéralement, le code vise les « fiduciary relationships ».

* 49 Le code de conduite précise, à ce titre, que le parlementaire ou l'un de ses proches ne doit pas recevoir un bénéfice fiscal ou financier à cause de cette donation.

* 50 Cette dernière paraît en effet plus tolérante à l'égard de ceux qui souhaitent continuer d'exercer leur profession que le Sénat.

* 51 Les indemnités perçues chaque année par les membres de la Chambre des représentants s'élèvent, par comparaison, à environ 180 000 dollars. On notera, en outre, que le montant du plafond des rémunérations accessoires est actualisé chaque année et ne concerne que le « earned income », par opposition aux revenus tirés d'investissements financiers.

* 52 Celui-ci est assisté par un « bureau d'éthique du Congrès » (office of congressional ethics) composé d'anciens parlementaires, pouvant être saisi directement par les citoyens (ce qui n'est pas le cas du Standards Committee, mais ce qui est possible devant le Select Committee du Sénat) et qui a un rôle strictement consultatif.

* 53 Dans les deux cas, les membres de l'autorité sont, pour moitié, membres du parti républicain et, pour l'autre moitié, membres du parti démocrate : les deux partis sont ainsi dans une situation de totale égalité, si bien qu'aucune décision ne peut être prise si elle n'est pas soutenue par des représentants des deux partis.

* 54 Loi sur les conflits d'intérêts du 12 décembre 2006.

* 55 Pour une approche plus précise de la procédure de mise en oeuvre des sanctions au Canada, voir le code régissant les conflits d'intérêts des députés, dont le texte figure en annexe.

* 56 Il convient également de souligner que, si la lettre de ces règles est sévère, leur application est extrêmement souple et ne résout que très partiellement les problèmes de conflits d'intérêts (voir infra)...

* 57 Alexis de Tocqueville faisait d'ailleurs état de cette différence dans « De la démocratie en Amérique » : « Les Européens, en établissant les tribunaux politiques, ont eu pour principal objet de punir les coupables ; les Américains, de leur enlever le pouvoir. Le jugement politique, aux États-Unis, est en quelque façon une mesure préventive. »

* 58 Les codes de conduite applicables à la Chambre des Lords, à la Chambre des communes et au Bundestag font ainsi quatre pages. On notera toutefois que ces codes sont fréquemment adossés à des documents de soft law visant à préciser la portée concrète des obligations applicables aux parlementaires, mais dénués de toute portée normative.

* 59 La comparaison entre le Sénat français et le Bundesrat ne serait, en effet, pas légitime, dans la mesure où ce dernier ne dispose pas d'une pleine compétence législative.

* 60 Ces obligations résultent d'une décision de la Cour constitutionnelle fédérale de 1991.

* 61 Toutefois, l'article 5 du code de conduite interdit aux membres du Bundestag de faire référence à leur qualité dans des affaires professionnelles ou commerciales.

* 62 Pour une liste précise de ces incompatibilités, voir la note de la division de la législation comparée en annexe.

* 63 Les membres de ces deux Assemblées sont soumis à des règles identiques sur le fond. A des fins de simplification, seules les règles applicables aux membres de la Chambre des communes seront étudiées ici.

* 64 On notera que ce rôle est assumé, au sein de la Chambre des Lords, par le Sub-Committee on Lords' Conduct, qui est une formation du Committee for Priviledges and Conduct : dans les deux cas, le contrôle de la déontologie des parlementaires est donc assurée par leur Assemblée.

* 65 Celles-ci sont détaillées dans la note de la division de législation comparée, présentée en annexe.

* 66 Selon les représentants du ministère allemand de l'Intérieur, l'article 12 de la Loi fondamentale (liberté d'exercice d'une profession) crée en effet un « droit fondamental à l'autodétermination informationnelle ».

* 67 Les revenus inférieurs à 1 000 euros par mois ne sont pas soumis à déclaration.

* 68 En 2010, 111 députés sur 622 touchaient des revenus issus d'activités annexes supérieurs à 7 000 euros mensuels.

* 69 Seuls peuvent être condamnés les parlementaires qui ont été rémunérés pour leur vote, tandis que ceux qui ont tenté d'influencer les débats en séance publique, en commission ou à l'intérieur de leur groupe parlementaire ne sont pas susceptibles d'être inquiétés.

* 70 Et sous réserve que ce conflit d'intérêts ne soit pas constitutif d'une infraction pénale, auquel cas la déclaration peut être un moyen de preuve et faciliter la condamnation du parlementaire.

* 71 Et notamment par les PAC (comités d'action politique), chargés de redistribuer aux candidats les fonds collectés, pour leur campagne, auprès d'entités privées -et qui s'apparentent, selon de nombreuses organisations non-gouvernementales américaines, à de véritables « caisses noires » (telle est par exemple l'opinion de l'organisation CREW, dont la présidente, Mme Melanie Sloan, qui a été entendue par le groupe de travail lors du déplacement à Washington).

* 72 Le groupe de travail renvoie aux développements du rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, « Pour une nouvelle déontologie de la vie publique » ( http://www.conflits-interets.fr/pdf/rapport-commission-conflits-interets-vie-publique.pdf ).

* 73 La définition est la suivante : «  Un conflit d'intérêts est une situation d'interférence entre une mission de service public et l'intérêt privé d'une personne qui concourt à l'exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial ou objectif de ses fonctions.

« Au sens et pour l'application du précédent alinéa, l'intérêt privé d'une personne concourant à l'exercice d'une mission de service public s'entend d'un avantage pour elle-même, sa famille, ses proches ou des personnes ou organisations avec lesquelles elle entretient ou a entretenu des relations d'affaires ou professionnelles significative, ou avec lesquelles elle est directement liée par des participations ou des obligations financières ou civiles.

« Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d'intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale, les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes, ainsi que ceux qui touchent à la rémunération ou aux avantages sociaux d'une personne concourant à l'exercice d'une mission de service public ».

* 74 Conseil de l'Europe (Recommandation n° R (2000)10 du Comité des ministres sur les codes de conduite pour les agents publics du 11 mai 2000) : « Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l'exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles. L'intérêt personnel de l'agent public englobe tout avantage pour lui-même ou elle-même ou en faveur de sa famille, de parents, d'amis ou de personnes proches, ou de personnes ou organisations avec lesquelles il ou elle a ou a eu des relations d'affaires ou politiques. Il englobe également toute obligation financière ou civile à laquelle l'agent public est assujetti. »

* 75 Celle de l'OCDE (Lignes directrices de 2005) : « Un conflit d'intérêts implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d'un agent public, dans lequel l'agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s'acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ».

* 76 « Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle une personne employée par un organisme public ou privé possède, à titre privé, des intérêts qui pourraient influer ou paraître influer sur la manière dont elle s'acquitte de ses fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées par cet organismes ».

* 77 Voir infra, dans les développements sur le degré de publicité des déclarations d'intérêts.

* 78 Rappelons, par exemple, que les comités en charge de la déontologie au Sénat américain et à la Chambre des représentants peuvent recommander à un parlementaire de se déporter, mais non l'y forcer, et que cette recommandation est strictement confidentielle et ne peut en aucun cas être révélée au public ou aux membres de l'Assemblée.

* 79 À cet égard, on rappellera que les membres du gouvernement ne doivent déclarer les participations financières qu'ils détiennent que si ces dernières sont supérieures à 5 000 euros ou à 5 % du capital de la structure concernée (voir infra).

* 80 En effet, les participations financières détenues par les parlementaires doivent être déclarées au sein de la déclaration de situation patrimoniale, et les activités et fonctions qu'ils exercent doivent être retracées dans la déclaration d'activités.

* 81 De même, un parlementaire exerçant une profession médicale et dont les recherches sont largement financées par un laboratoire pharmaceutique devra, de même, faire état de ses liens avec le laboratoire en cause -ce qu'il n'est, actuellement, pas tenu de faire lorsqu'il souscrit une déclaration d'activités.

* 82 L'établissement d'une telle liste aurait d'ailleurs pour conséquence d'exclure des personnes qui, bien que n'ayant aucun lien familial avec un parlementaire, sont affectivement proches de ce dernier.

* 83 La déclaration de situation patrimoniale s'adosse, elle aussi, à un formulaire régulièrement envoyé aux assujettis par la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

* 84 Pour les déclarations d'activités, le premier alinéa de l'article L.O. 151-2 du code électoral prévoit qu'« en cours de mandat, [le parlementaire] doit déclarer [...] tout élément de nature à modifier sa déclaration initiale ») ; pour les déclarations de patrimoine, les parlementaires « communiquent à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, pendant l'exercice de leur mandat, toutes les modifications substantielles de leur patrimoine, chaque fois qu'ils le jugent utile » (deuxième alinéa de l'article L.O. 135-1 du code).

* 85 Elles sont accessibles sur demande aux États-Unis sur le fondement du « Freedom of information Act » (FOIA) du 4 juillet 1966.

* 86 Les membres du Sénat américain semblent d'ailleurs faire reposer cette « surveillance » des parlementaires par le peuple non seulement sur les citoyens, mais surtout sur la presse et les associations dites de citizen watch (vigilance citoyenne).

* 87 Voir supra.

* 88 L'ouverture sur l'extérieur du système de contrôle sera assurée par la composition de l'organe chargé de la prévention des conflits d'intérêts (voir infra).

* 89 On rappellera que la déclaration d'activités retrace toutes les « activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées » (article L.O. 151 du code électoral) que le parlementaire exerce.

* 90 Cette proposition a notamment été formulée par M. Daniel Lebègue (qui envisageait, plus précisément, la mise en place d'un système à deux niveaux, faisant intervenir à la fois un organe propre à l'Assemblée en cause et l'Autorité de déontologie de la vie publique), et par M. Jean-Olivier Viout.

* 91 Cette tradition, qui est le corollaire naturel du principe de séparation des pouvoirs, a notamment pour conséquence la compétence disciplinaire exclusive du Bureau (dont il ne peut pas être fait appel des décisions devant une autre autorité) ; l'exclusivité de cette compétence a d'ailleurs été récemment rappelée par le Conseil d'État (ordonnance de référé n° 347869 du 28 mars 2011).

* 92 Voir infra, dans la partie consacrée aux sanctions : le groupe de travail propose en effet que les parlementaires ayant commis certains manquements puissent être sanctionnés par une censure avec expulsion temporaire, c'est-à-dire par une interdiction de participer aux travaux de leur Assemblée pendant une certaine période de temps.

* 93 Des modalités de désignation identiques sont prévues pour le membre de la Cour de cassation siégeant à la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

* 94 Cette liste pourrait également être composée d'un nombre fixe et égal de représentants de chaque groupe politique, désignés par leur groupe ; une liste unique serait alors présentée et devrait être approuvée par le Sénat à la majorité des deux tiers.

* 95 Voir supra.

* 96 En raison de leur particularité, les droits d'auteur perçus au titre de la réalisation d'oeuvres de l'esprit pourraient ne pas être concernés.

* 97 La question de l'inscription des avocats sur le registre des lobbies a été évoquée à de multiples reprises lors des auditions organisées par votre groupe de travail. Certaines personnes entendues ont estimé en effet que les avocats peuvent parfois entreprendre des activités de lobbying, en raison de leur capacité à influencer les parlementaires sur la modification de certains aspects juridiques intéressant leurs clients. Toutefois, le statut des avocats soumet ces derniers au respect du secret professionnel, qui leur interdit de dévoiler le nom de leurs clients, ce qui rend juridiquement difficile leur inscription sur le registre des lobbies des assemblées.

* 98 Il convient de rappeler que la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au défenseur des droits rend incompatible la fonction de défenseur des droits avec un mandat électif.

* 99 Article 14 du décret n° 2002-1275 du 22 octobre 2002 relatif à l'organisation du débat public et à la Commission nationale du débat public, complété par l'arrêté du 22 décembre 2005 relatif aux frais et indemnités des membres de la Commission nationale du débat public et des commissions particulières.

* 100 Décret n° 90-437 du 28 mai 1990 modifié fixant les conditions et les modalités de règlement de frais occasionnés par les déplacements des personnels civils sur le territoire métropolitain de la France lorsqu'ils sont à la charge de l'État, des établissements publics nationaux à caractère administratif et de certains organismes subventionnés.

* 101 Décret n° 99-487 du 11 juin 1999 relatif aux indemnités susceptibles d'être allouées aux membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, complété par un arrêté du 11 juin 1999 fixant les taux des indemnités susceptibles d'être alloués aux membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

* 102 Article 24 de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

* 103 Articles 92 et suivants du Règlement.

* 104 Il convient toutefois de rappeler que, selon les dispositions de l'article L. 621-1 du Code des Marchés Financiers, l'AMF est une « autorité publique indépendante » et non une autorité administrative indépendante.

* 105 Créée par l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse.

* 106 Loi n° 98-546 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières.

* 107 Loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence des marchés financiers.

* 108 Dont la mission est la délivrance des agréments aux prestataires de services d'investissement. Cette direction a également des fonctions de conseil auprès de ces mêmes prestataires.

* 109 Cette direction s'occupe des sociétés cotées.

* 110 Il s'agit aujourd'hui d'un conseiller maître à la Cour des comptes.

* 111 On rappellera que la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a défini les grands principes régissant la profession (comptes certifiés, professionnels indépendants, incompatibilités, regroupement au sein d'une organisation professionnelle) et que son rôle a été confirmé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière et l'ordonnance n° 2005-1126 du 8 septembre 2005 relative au commissariat aux comptes.

* 112 Service Central de la Prévention de la Corruption, Rapport 2005 : « La commande publique, Le conflit d'intérêts dans le secteur privé, La contrefaçon », La documentation française.

* 113 Décret n°2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes.

* 114 Décret n°2006-469 du 24 avril 2006 modifiant le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes.

* 115 Décret n°2003-1121 du 25 novembre 2003 portant modification du décret n° 69-810 du 12 août 1969 relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes de sociétés et relatif au Haut Conseil du commissariat aux comptes.

* 116 Sergio RIZZO, « Gli onorevoli " incompatibili ". Stipendi da Eni, aeroporti e fiere » dans le

Corriere della Sera , 18 mai 2007.

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