C. UN PRÉLÈVEMENT LARGE, OPÉRÉ SUR DES CRITÈRES DE RICHESSE, AU NIVEAU TERRITORIAL

1. Un seul critère de ressources : le potentiel financier agrégé pour les EPCI et le potentiel financier corrigé pour les communes isolées

Les travaux du groupe de travail, menés par Pierre Jarlier, sur la définition d'un nouveau critère de richesse, ont permis de dégager la notion de potentiel financier agrégé , qui doit servir de base à la mise en oeuvre du nouveau dispositif du FPIC .

Le potentiel financier agrégé est défini au niveau de chaque territoire intercommunal, en agrégeant la richesse de l'EPCI avec celle de ses communes membres, et permet ainsi de comparer les EPCI entre eux quel que soit leur mode d'organisation.

Les prélèvements au profit du FPIC ne porteront dont directement que sur les EPCI et les communes isolées . S'agissant des communes isolées, leur potentiel financier corrigé, défini ci-dessus, pourra être comparé avec le potentiel financier agrégé des EPCI. Il conviendra de rapporter le potentiel financier agrégé de l'EPCI - ou le potentiel financier corrigé de la commune isolée - au nombre d'habitants du territoire afin de pouvoir procéder à une comparaison objective.

Au stade du prélèvement, il n'a pas semblé opportun au groupe de travail de prendre en compte des critères de charge . En effet, il est logique qu'un prélèvement soit défini uniquement en fonction de la richesse d'un territoire.

En outre, le mécanisme du FPIC devra être examiné au regard de ses effets nets , c'est-à-dire des montants reversés moins les montants prélevés, chaque collectivité pouvant être, le cas échéant, à la fois contributrice et bénéficiaire du fonds. Un tel dispositif a été appliqué pour la mise en oeuvre du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements prévu par l'article 123 de la loi de finances pour 2011 précitée. Cette possibilité pour une collectivité de cumuler prélèvements et reversements permet notamment de supprimer les effets de seuil souvent préjudiciables au bon fonctionnement des dispositifs de péréquation.

2. Un prélèvement progressif, qui doit probablement débuter en dessous de la moyenne
a) Un prélèvement progressif, plutôt que proportionnel

Le groupe de travail s'est prononcé en faveur d'un prélèvement à taux progressif , en fonction du niveau du potentiel financier par habitant de la collectivité concernée.

Un tel dispositif était appliqué dans le cadre du premier prélèvement au profit du FSRIF. En effet, trois taux de prélèvement étaient prévus, de respectivement 8 %, 9 % et 10 % selon que le potentiel financier par habitant de la commune était égal ou supérieur à respectivement 1,25 fois, 2 fois et 3 fois le potentiel financier moyen des communes de la région Ile-de-France.

Un prélèvement progressif est à la fois plus efficace en termes de montants prélevés et plus juste au regard des écarts de richesse entre les collectivités territoriales. En outre, le groupe de travail étant favorable, comme il sera indiqué ci-après, à l'élargissement du champ des collectivités contributrices, il paraît plus équitable de ne pas prévoir un même taux de prélèvement pour des communes ou des EPCI qui, par exemple, auraient un potentiel financier inférieur à la moyenne et des communes ou intercommunalités dont le potentiel financier serait plus de trois fois supérieur à la moyenne.

Le groupe de travail n'a estimé ni souhaitable ni nécessaire de prévoir a priori un plafonnement du montant du prélèvement, tel que celui que le législateur a adopté pour le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements ou celui qui existait pour le FSRIF. Ce n'est qu'au regard des éventuelles anomalies révélées par les simulations fournies par le Gouvernement que cette hypothèse devra être abordée.

b) L'extension du champ des collectivités prélevées

Il a été rappelé que le prélèvement prévu dans la loi de finances pour 2011 ne porte que sur les collectivités dont le potentiel financier par habitant est supérieur à 1,5 fois le potentiel financier moyen.

Or, d'après les informations transmises au groupe de travail par la direction générale des collectivités locales, seuls 3,6 % des 2 611 EPCI disposent d'un potentiel financier agrégé supérieur à 1,5 fois la moyenne nationale. Il résulterait donc du texte actuel une extrême concentration du prélèvement sur les collectivités les plus riches et un doute sérieux sur l'acceptabilité de ce dispositif.

En outre, le choix de ne prélever que les EPCI et les communes isolées dont le potentiel financier est supérieur à 1,5 fois la moyenne produirait des effets de seuil importants . Un EPCI qui serait, en année « n », légèrement en-dessous de ce seuil, ne ferait l'objet d'aucun prélèvement mais si son potentiel financier dépasse l'année suivante 1,5 fois le potentiel financier moyen, il subirait un prélèvement sans doute difficilement supportable en raison de son niveau élevé, résultant directement de sa concentration sur un nombre réduit de collectivités.

C'est cette double préoccupation - éviter une excessive concentration des prélèvements et supprimer les effets de seuil préjudiciables aux dispositifs de péréquation - qui a guidé le groupe de travail pour proposer un prélèvement sur un nombre moins restreint de collectivités.

c) Trois hypothèses qui doivent faire l'objet de simulations

Trois scénarios ont été dégagés par le groupe de travail, qui doivent faire l'objet de simulations pour en appréhender pleinement les conséquences :

- dans la première hypothèse, le prélèvement porterait sur l'ensemble des EPCI et des communes isolées , quel que soit le niveau de leur potentiel financier par habitant. Le taux de prélèvement serait toutefois progressif en fonction du niveau du potentiel financier par habitant ce qui garantirait aux collectivités les plus défavorisées un montant très réduit de prélèvement, qui serait en outre compensé par les reversements en provenance du fonds ;

- dans une seconde hypothèse, le prélèvement ne concernerait que les communes isolées et les EPCI dont le potentiel financier par habitant serait supérieur à environ 80 % de la moyenne . D'après les chiffres fournis par la DGCL, 43,3 % des EPCI auraient un potentiel financier agrégé supérieur à 75 % du potentiel financier moyen. Le prélèvement concernerait donc un peu moins de la moitié des EPCI ; il serait donc plus diffus et plus acceptable pour les collectivités contributrices. En outre, la progressivité du prélèvement et la compensation, le cas échéant, des prélèvements par les reversements, permettraient de neutraliser les effets de seuil ;

- enfin, dans une troisième hypothèse, ne contribueraient au FPIC que les EPCI et les communes isolées dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne . Ce dispositif permettrait de ne faire subir un prélèvement qu'aux collectivités territoriales les plus aisées. Toutefois, les simulations opérées sur la base de cette hypothèse risquent de révéler une concentration très forte de ces prélèvements, qui pourrait porter préjudice au fonctionnement du dispositif.

d) Un système de taxe par répartition

A partir des principes posés ci-avant - prélèvement sur les seuls EPCI et communes isolées, selon un barème progressif et portant sur une large part des collectivités territoriales - le groupe de travail préconise la mise en place d'un système de taxe par répartition .

Le principe de ce système est d'élaborer, chaque année, un barème de contribution à partir du produit qui devra résulter de cette contribution. Ce système permet de garantir le montant global qui sera prélevé au profit du FPIC et reversé par lui. Les taux de contribution, progressifs, seront déterminés en fonction de la base de prélèvement c'est-à-dire du nombre d'EPCI et de communes isolées prélevés et de l'écart de leur potentiel financier par rapport au potentiel financier moyen.

3. Dédramatiser l'enjeu de la stratification
a) Les enjeux du débat

Enfin, le prélèvement au profit du FPIC soulève la question de la stratification ou non du potentiel financier moyen par habitant servant de référence pour calculer les montants acquittés par chacun des EPCI et communes isolées.

Dans un dispositif non stratifié, chaque EPCI ou commune isolée du territoire verrait son potentiel financier par habitant comparé au potentiel financier par habitant moyen de l'ensemble des EPCI et communes isolées françaises. Dans un système stratifié, le prélèvement serait opéré en scindant les EPCI et communes isolées en plusieurs catégories, en fonction de leur population. Au sein de chaque strate de population, le potentiel financier par habitant d'une collectivité serait comparé au potentiel financier par habitant moyen des EPCI et communes de la seule strate à laquelle elle appartient.

La mission d'information menée par Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale a opté pour l'absence de stratification des potentiels financiers, considérant qu'il était plus objectif de comparer les collectivités entre elles sans tenir compte de leur population.

Au sein du comité des finances locales, aucun consensus ne s'est pour l'instant dégagé sur la question de la stratification, qui fait l'objet des plus vifs débats s'agissant de la mise en place du FPIC.

Pourquoi cette question est-elle au coeur des préoccupations relatives à la mise en oeuvre de la péréquation communale et intercommunale ? Comme l'indique le tableau ci-dessous, les potentiels financiers par habitant des communes croissent actuellement très fortement avec la population de la commune considérée.

Potentiel financier par habitant par strate démographique communale

(en euros)

Strates démographiques

Potentiel financier par habitant (2010)

0 à 499 habitants

538,00

500 à 999 habitants

601,29

1 000 à 1 999 habitants

662,33

2 000 à 3 499 habitants

770,43

3 500 à 4 999 habitants

842,85

5 000 à 7 499 habitants

937,19

7 500 à 9 999 habitants

988,11

10 000 à 14 999 habitants

957,92

15 000 à 19 999 habitants

1 032,49

20 000 à 34 999 habitants

1 017,43

35 000 à 49 999 habitants

1 128,38

50 000 à 74 999 habitants

1 120,60

75 000 à 99 999 habitants

1 234,79

100 000 à 199 999 habitants

1 091,31

200 000 habitants et plus

1 323,02

Potentiel financier moyen national

907,00

Source : direction générale des collectivités locales

Il résulterait donc d'un mécanisme de prélèvement non stratifié une concentration du prélèvement sur les communes les plus peuplées, c'est-à-dire sur les communes urbaines . La majorité, voire l'intégralité des communes les plus importantes seraient contributrices au FPIC, alors que la très grande majorité des communes rurales seraient exonérées de tout prélèvement.

Le groupe de travail a privilégié une approche pragmatique de la question de la stratification . L'objectif poursuivi est en effet de pouvoir mettre en place un FPIC sans que l'opposition suscitée auprès des EPCI et communes contributrices ne constitue un blocage et n'empêche la mise en oeuvre effective de ce dispositif.

La progression constatée du potentiel financier par habitant en fonction de la population des communes s'explique par la corrélation entre la taille d'une collectivité territoriale et les charges qui pèsent sur elles . Cette corrélation est en effet si manifeste qu'elle ne peut s'expliquer par une supposée moins grande rigueur des exécutifs locaux des collectivités urbaines dans la gestion des finances de leurs communes mais bien par des besoins en fonctionnement et en investissement supérieurs.

Partant de ce constat, il convient de reconnaître que stratifier le prélèvement au profit du FPIC équivaut à prendre en compte, partiellement, des critères de charge pour calculer les montants qui seront acquittés par chaque commune.

b) La préconisation du groupe de travail : un nombre de strates limité

A l'issue de ses travaux, le groupe de travail a préconisé, de manière consensuelle, une stratification des EPCI et des communes isolées avec un nombre réduit de strates, limitées à 4 ou 6 . Ce choix résulte de deux constats partagés par l'ensemble du groupe de travail.

D'une part, l'enjeu de la stratification doit être dédramatisé. En effet, contrairement à ce que présente le tableau ci-dessus, les strates ne concerneront pas les communes mais les EPCI et les communes isolées. A partir de 2014, les seules communes isolées concernées seront celles de la petite couronne francilienne, dont la taille équivaut en moyenne à celle d'importants EPCI de province. Par conséquent, la répartition des potentiels financiers par habitant des EPCI et des communes isolées entre les strates sera moins hétérogène que ne l'est actuellement celle des potentiels financiers des communes .

En outre, la nouvelle définition du potentiel financier agrégé proposée par le groupe de travail englobe une part plus large des ressources des communes et des EPCI que celle actuellement prise en compte dans la notion de potentiel financier. L'inclusion, notamment, des dotations de péréquation verticale, permet également de lisser les écarts de potentiels financiers par habitant.

Enfin, la réduction du nombre de strates proposée par la commission des finances aura également un effet de lissage des écarts par rapport aux quinze strates communales actuelles présentées dans le tableau ci-dessus.

L'écart de potentiel financier par habitant constaté entre les strates inférieure et supérieure du tableau ci-avant allait de 1 à 2,5. D'après les premières simulations fournies par la DGCL, l'écart entre les potentiels financiers agrégés des EPCI serait plus réduit, puisqu'il irait de 1 à 1,9, comme l'indique le tableau ci-dessous, si l'hypothèse de six strates était retenue. La réduction des écarts de potentiel financier par habitant, qui résulte de la territorialisation du prélèvement au profit du FPIC, doit donc apaiser les débats relatifs à la stratification ou non du prélèvement.

Potentiel financier agrégé des EPCI ou potentiel financier corrigé des communes isolées par habitant, par strate démographique intercommunale ou communale

(en euros)

Strates démographiques

Potentiel financier par habitant

0 à 9 999 habitants

737,67

10 000 à 19 999 habitants

796,41

20 000 à 49 999 habitants

942,90

50 000 à 99 999 habitants

1 099,46

100 000 à 199 999 habitants

1 175,56

200 000 habitants et plus

1 389,20

Potentiel financier moyen national

1 068,86

Source : direction générale des collectivités locales

D'autre part, l'approche pragmatique du groupe de travail l'a conduit à s'attacher à garantir l'acceptabilité du dispositif mis en oeuvre . L'objectif du FPIC n'est pas de redistribuer des richesses en provenance des EPCI et des communes isolées urbaines vers les EPCI ruraux mais, à terme, de garantir à chaque collectivité un niveau de ressources qui lui permette, dans des conditions satisfaisantes, de faire face aux charges qui pèsent sur elle. Ces charges étant corrélées à la taille des collectivités, la stratification du prélèvement est conforme à la logique du FPIC.

Or, en l'absence de toute stratification, la répartition des prélèvements entre les territoires dont la population est faible et les grandes intercommunalités ou communes urbaines ne serait pas acceptable . A titre d'exemple, dans l'hypothèse proposée par le groupe de travail d'un potentiel financier élargi par rapport au potentiel financier actuel, et en l'absence de toute stratification, 78 % des EPCI et communes isolées appartenant à la strate supérieure (200 000 habitants ou plus) subiraient un prélèvement au profit du FPIC, alors que seuls 3 % des EPCI et communes isolées de la strate inférieure (moins de 10 000 habitants) subiraient un prélèvement. Une telle distorsion des prélèvements est de nature à rendre inapplicable le dispositif du FPIC.

Enfin, le groupe de travail rappelle que ses positions ont été élaborées sans disposer de l'ensemble des simulations nécessaires. L'examen approfondi des simulations qui seront effectuées, d'ici à l'automne, par le Gouvernement, permettra d'évaluer, en pratique, les conséquences de ses choix.

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