C. LA POLITIQUE DE COHÉSION CONFORTÉE A L'AVENIR AU SERVICE D'EUROPE 2020

La politique de cohésion est en passe de devenir la première politique de l'UE : ses crédits dépassent tout juste le niveau de ceux de la PAC, si on y intègre l'enveloppe que la Commission entend dédier aux infrastructures !

Dans la future politique de cohésion, la Commission compte toujours mettre la priorité sur la solidarité en faveur des États membres et des régions les plus pauvres : ces régions de convergence mobiliseraient presque la moitié des crédits.

Mais elle confirme son intention de créer une nouvelle catégorie de régions en transition , pour toutes les régions ayant un PIB entre 75 et 90 % de la moyenne : ces régions recevraient une aide d'une intensité égale aux deux tiers de celle destinée aux régions de convergence. Conformément aux positions qu'elle avait prises dans son rapport 11 ( * ) de janvier 2011 sur la future politique de cohésion, votre commission se réjouit de la plus grande équité qui en résulterait : les régions françaises les plus en peine seraient dorénavant traitées de la même manière que des régions sortant de l'objectif convergence. Près de 39 milliards d'euros seraient alloués à ces régions, soit presque autant que l'aide consentie à l'ensemble des régions de compétitivité (53 milliards).

Par ailleurs, le rôle du fonds social européen sera renforcé pour compléter les investissements en faveur de la croissance par des mesures pour l'emploi et la formation : une part minimale en faveur du FSE sera à prélever sur les fonds structurels, qui sera de 25 % pour les régions de convergence, 40 % pour les régions en transition et 52 % pour les régions de compétitivité.

L'accent serait mis davantage sur les résultats et l'efficacité des dépenses. Le fléchage des fonds sera assuré par la signature d'un contrat de partenariat avec chaque Etat membre, qui définira des objectifs et des indicateurs et orientera le soutien financier vers quelques priorités désormais connues pour les régions de compétitivité et en transition: l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, la compétitivité et l'innovation des PME. Les régions de convergence garderaient pour leur part la possibilité de consacrer leurs crédits à un éventail plus large de priorités.

Deux types de conditionnalité sont introduites afin d'assurer la concrétisation des objectifs de la stratégie d'Europe 2020: l'une, sectorielle, sera établie ex ante dans chaque contrat, l'autre sera liée à la nouvelle gouvernance économique, ce qui, au vu des réactions négatives suscitées ces derniers mois par cette idée, ne manquera pas de donner lieu à débats.

Le projet de création d'une réserve de performance allouée à mi-parcours aux États membres et aux régions qui auront le plus progressé vers Europe 2020 est retenu. Cette réserve mobiliserait 5 % du budget, ce qui n'est pas négligeable.

Enfin, pour améliorer l'absorption des fonds, la Commission propose, de limiter à 2,5 % du PIB les transferts au titre de la cohésion : c'est une proposition opportune, que la commission des affaires européennes avait appelée de ses voeux dans son rapport précité afin d'éviter l'explosion des budgets de cohésion vers les nouveaux États membres.

Dans le même but, la Commission envisage de relever temporairement le taux de cofinancement de 5 à 10 points de pourcentage pour les États faisant l'objet d'une assistance financière : ceci doit permettre de ne pas entraver l'effort de redressement des finances publiques, tout en assurant le même niveau de financement européen pour les investissements porteurs de croissance. C'est dans le même esprit que le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, avait suggéré de faciliter l'emploi des fonds de cohésion en Grèce en diminuant la participation financière exigée des pouvoirs publics grecs. Sa proposition allait encore plus loin que celle de la Commission car elle reposait sur un taux de cofinancement de 85 %, c'est-à-dire du même niveau que celui dont bénéficient les Dom aujourd'hui : une mise de 15 euros de fonds publics grecs permettrait en ce cas d'obtenir 85 euros de fonds européens, au lieu de 50/50 aujourd'hui.

En revanche, votre commission des affaires européennes juge inquiétant le silence de la Commission européenne sur le cas des régions ultrapériphériques dans sa communication présentant le cadre financier pluriannuel. En réalité, la Commission propose de maintenir et d'intégrer, dans une ligne spécifique de la rubrique 1, le dispositif d'allocation spéciale en faveur des RUP et des régions peu peuplées de Suède et de Finlande, qui avait été instauré à l'occasion de l'actuel cadre financier. Cette allocation vient s'ajouter aux dotations auxquelles les RUP sont éligibles au titre de la politique de cohésion (FEDER, FSE). Néanmoins, la Commission propose de doter cette allocation de 926 millions d'euros (constants 2011) sur la période 2014-2020, soit près de 1,042 milliard d'euros courants sur la même période, contre environ 1,701 milliard d'euros courants sur la période 2007-2013, soit une baisse de près de 39 % en valeur nominale. Cette baisse est d'autant plus préoccupante que la France devrait bientôt compter une nouvelle RUP, en plus des quatre DOM et de Saint-Martin : Mayotte, devenu département français d'outre-mer à la fin du mois de mars 2011.

Ainsi, la proposition de la Commission acte le principe d'une allocation spécifique en faveur des régions ultrapériphériques, conformément au souhait de la France mais l'enveloppe allouée se voit cependant fortement réduite . Or ces fonds européens représentent un élément important, parfois déterminant, de financement d'infrastructures publiques ou d'investissements privés en outre-mer : il importe donc que votre commission des affaires européennes reste en alerte sur ce dossier où la France a peu d'alliés spontanés...

Si l'on peut dire que le budget de la cohésion l'emporte sur celui de la PAC, c'est en réalité parce qu'à côté de la politique de cohésion, laquelle se déploie dans les limites de chaque Etat et dont les crédits accusent en fait une légère baisse, la Commission envisage d'identifier un nouveau fonds de 40 milliards d'euros pour l'interconnexion en Europe, destiné aux investissements plurinationaux et transfrontaliers contribuant à l'unité du marché intérieur. La Commission compte ainsi rationaliser et mieux coordonner les divers financements accordés aux réseaux transeuropéens. Ce fonds représente une amorce de financement pour les « chaînons manquants » de projets paneuropéens reliant le centre à la périphérie, qu'il s'agisse des transports, des réseaux d'énergie ou de technologies de l'information, dont on estime les besoins cumulés à plus de 1000 milliards d'euros d'ici 2020 12 ( * ) ! Là encore, la Commission envisage des taux de cofinancement plus élevés lorsque les investissements seront réalisés dans les régions de convergence.

La mise en oeuvre de ce fonds se ferait en étroite coordination avec la politique de cohésion proprement dite. D'ailleurs, la Commission prévoit que 10 milliards d'euros seront prélevés sur le fonds de cohésion pour compléter les 40 milliards du fonds d'interconnexion , ce qui porterait à 50 milliards d'euros la somme dédiée aux infrastructures européennes.

Source : Commission européenne (Présentation à la presse du cadre financier pluriannuel)

Ces deux grandes politiques de l'UE, PAC et cohésion, continueront donc à concentrer 73 % des crédits d'engagement du cadre financier pluriannuel 2014-2020 que propose la Commission . C'est dire l'inertie du cadre financier européen qui, avec le quart restant, doit financer des ambitions croissantes et des engagements multiples.


* 11 Rapport du Sénat 2010-2011 n° 266, fait par MM. Yann Gaillard et Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes.

* 12 200 milliards pour l'énergie, 540 milliards pour les transports et plus de 250 milliards dans les technologies de l'information.

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