II. UNE FORTE INERTIE EN RAISON DU POIDS DES DEUX PRINCIPALES POLITIQUES : PAC ET COHÉSION

A. PAC ET COHÉSION : TROIS QUARTS DU CADRE FINANCIER EN COURS

Alors que le budget annuel de l'UE se présente selon une nomenclature couvrant l'ensemble des recettes et des dépenses, réparties en neuf sections correspondant à chaque institution ou organisme créé par le traité 6 ( * ) , le cadre financier pluriannuel détermine une nomenclature plus politique qui répartit les dépenses selon leur destination (par rubriques) . Il s'établit aujourd'hui ainsi (exprimé en prix 2004), l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 ayant fixé à six le nombre de ses rubriques :

- rubrique 1 : « Croissance durable » pour 387,8 milliards d'euros, dont 80 % pour la politique de cohésion (1b), le reste (1a) étant constitué de dépenses de compétitivité pour la croissance (recherche-développement en augmentation de 75 %, réseaux transeuropéens) ;

- rubrique 2 : « Conservation et gestion des ressources naturelles » pour 366,6 milliards d'euros, rassemblant les deux piliers de la PAC, les dépenses en faveur de l'environnement et de la pêche ;

- rubrique 3 : « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice » pour 10,7 milliards d'euros, comprenant les sous-rubriques 3a (liberté, sécurité et justice) pour 6,6 milliards d'euros et 3b (citoyenneté) qui inclut la santé, la protection des consommateurs, la culture pour 4,1 milliards d'euros ;

- rubrique 4 : « L'UE acteur mondial » pour 49,4 milliards d'euros (excluant Fonds européen de développement (FED), non budgétisé) ;

- rubrique 5 : « Administration 7 ( * ) » pour 49,5 milliards d'euros ;

- rubrique 6 : « Compensations 8 ( * ) » pour 0,8 milliard d'euros.

Budget 2010 : structure des dépenses en crédits d'engagement (en %)

Source :
Le budget de l'Union européenne , Stéphane SAUREL, Ed. La documentation française, 2010

Plus des trois quarts des crédits européens sont donc consacrés sur la période 2007-2013 aux deux principaux postes budgétaires de l'Union que sont la PAC, qui représente, en 2010, 42 % du budget communautaire total, et la politique de cohésion (35 %). Ces deux politiques sont de fait au coeur des négociations qui s'ouvrent sur les prochaines perspectives financières de l'UE pour la période 2014-2020.

B. LA PAC SAUVÉE DES EAUX POUR 2014-2020

Concernant la PAC, une part essentielle des négociations sur le cadre financier 2007-2013 avait été préemptée par un compromis franco-allemand, endossé par le Conseil européen d'octobre 2002 et relatif à l'évolution des dépenses de la PAC au sein de l'Union élargie à 25. Aucun accord de ce type n'a cette fois-ci été passé, du moins publiquement.

Les propositions de la Commission européenne du 29 juin 2011 ont apaisé certaines inquiétudes : le budget de la PAC et de la politique commune de la pêche y est quasiment stabilisé en euros courants. Dans ce projet, la PAC reste clairement une grande politique de l'Union européenne, même si sa part relative recule encore dans le budget de l'Union et que sa stabilisation en termes nominaux signifie en réalité une capacité d'intervention en baisse, baisse dont l'ampleur dépendra de l'évolution de l'inflation et donc des conditions macroéconomiques.

La France n'a pas manqué de se féliciter : sa priorité politique, la politique agricole commune, a été sauvegardée par la Commission européenne. Elle serait complétée par deux nouveaux instruments hors du cadre financier pluriannuel : une réserve de 3,5 milliards d'euros pour réagir en urgence aux situations de crise et une nouvelle éligibilité des agriculteurs au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.

Dans le détail, la Commission confirme l'objectif essentiel de la PAC : « assurer la pérennité du secteur agricole en Europe, en renforçant sa compétitivité, en assurant un approvisionnement alimentaire sûr et adéquat, et en préservant l'environnement et le paysage tout en garantissant un niveau de vie équitable à la population agricole ». A cette fin, la Commission propose de conserver la structure de la PAC en deux piliers mais avec plus de souplesse entre eux 9 ( * ) .

Elle envisage, sans surprise, de « verdir » le premier pilier en subordonnant 30 % de l'aide directe à des exigences écologiques nouvelles. Elle entend aussi faire converger les niveaux des soutiens directs à l'hectare. Ainsi, pour les États membres dont le niveau des paiements directs est inférieur à 90 % de la moyenne, l'écart entre leur niveau actuel et ce niveau sera réduit d'un tiers. Le financement de cette convergence reposera proportionnellement sur les États dont le niveau des paiements directs dépasse aujourd'hui la moyenne. Enfin, elle compte plafonner le niveau des paiements directs : les économies ainsi dégagées seraient versées au second pilier et resteraient dans les enveloppes nationales, ce qui favorisera sans doute l'acceptation de ce plafonnement par les États membres les plus directement concernés, au premier rang desquels figure l'Allemagne.

Ce pilier « développement rural » , qui recevrait presque le quart des crédits PAC au lieu du cinquième sur la période 2007-2013, sera plus orienté vers la compétitivité, l'innovation, la lutte contre le changement climatique et l'environnement. Le fonds européen agricole de développement rural ( FEADER ) intégrera un cadre stratégique commun, applicable à tous les fonds structurels, et donc sera lui aussi soumis à la même conditionnalité liée aux performances dans le cadre d'Europe 2020.

Votre commission des affaires européennes salue ces propositions qui sont cohérentes avec les propositions qu'elle a pu faire dans son récent rapport sur l'avenir de la PAC 10 ( * ) . Elle souligne simplement que la création d'une réserve pour les crises dans le secteur agricole, qui doit être réactive, ne doit pas être exclusive des outils de régulation du premier pilier , qui sont nécessaires pour stabiliser les revenus des agriculteurs face à la volatilité ;


* 6 Parlement, Conseil européen et Conseil, Commission, Cour de justice, Cour des comptes, Comité économique et social, Comité des régions, Médiateur européen, Contrôleur européen de la protection des données. La création du SEAE conduira sans doute à créer une dixième section.

* 7 Conformément à la logique de budgétisation, par activité, cette rubrique ne regroupe que les dépenses administratives non imputables à une politique spécifique de l'UE (28,6 milliards d'euros), les autres étant rattachées à la rubrique à laquelle elles se rapportent (l'ensemble aurait représenté 57,7 milliards d'euros).

* 8 De telles compensations, prévues par les traités d'adhésion, ont pu être temporairement attribuées aux nouveaux États membres.

* 9 Elle prévoit aussi de recentrer la PAC sur ses activités fondamentales et donc de transférer le budget consacré à la sécurité alimentaire à la rubrique 3 (« Sécurité et citoyenneté ») et les fonds d'aide alimentaire aux plus démunis à la rubrique 1 (« Croissance intelligente et inclusive »).

* 10 Rapport 2010-2011 n°102 « Redonner du sens à la PAC » de MM Jean Bizet, Jean-Paul Emorine, Mmes Bernadette Bourzai, Odette Herviaux, au nom de la commission des affaires européennes et de la commission de l'économie du Sénat.

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